Quand dignité rime avec tragédie

Ali Aijjou
Le lundi 25 juillet, une journée comme les autres pour nombre d’entre nous.
Un triste anniversaire pour Mon Ami Ali Aijjou, qui subit depuis 39 ans les affres de l’exil et de la solitude et qui paie encore aujourd’hui, sa lutte contre la dictature, de sa santé physique.
Dans un court épître, qu’il a intitulé « le 25 juillet, un drôle d’anniversaire », il décrit avec ses mots et beaucoup de pudeur, la perception qu’il a de cette date :
« Aujourd’hui, 25 juillet, est un anniversaire tragique dans mon existence, et le peu qui me reste à vivre
En effet, il y a trente neuf ans, j’ai dû quitter mon Pays, le Maroc, contraint et forcé dans des circonstances peu enviables, pour échapper à un enlèvement programmé et toutes les implications que cela supposait, en termes de périls me menaçant.
Depuis, je vis en Exil.
Mes deux parents, mes quatorze oncles, ma seule et unique tante, mes deux demi-frères et aussi mon fils aîné sont morts. J’ignore jusqu’à l’emplacement de leurs tombes.
Depuis mon exil, j’ai consacré ma vie à la défense des « damnés » de tous horizons, sans distinction aucune.
Je suis et demeure un « homme libre » …
Mon Pays, le Maroc, je lui consacre ma vie …………sans façon ni détour … ! »
Un grand moment de solitude s’empare de vous, lorsque vous devez réagir à cette interpellation des consciences.
Que répondre à çà ?
Au cours de cette journée, alors que nous plaisantions à propos de notre gourmandise et nos penchants respectifs pour les crèmes glacées, Ali a encore eu ces mots terribles:
« Je donnerai cher pour déguster une glace au Maroc ! »
Alors ôtez-moi d’un doute ! Cela fait douze ans que le Maroc serait entré dans une nouvelle ère. Mais quelle différence entre celle-ci et l’ancienne ?
Les prisonniers d’opinion continuent de croupir dans des prisons secrètes et les tribunaux de leur infliger des peines d’emprisonnement. Exil politique ou économique, tortures, molestations, bastonnades et dénis de justice sont toujours d’actualité, dans le plus beau pays du monde.
Les suppôts de la dictature qui croisent régulièrement le verbe avec nous, sur la toile, tentent de nous éclairer sur notre véritable nature. Ainsi, nous serions donc, à notre insu, des agents de l’étranger et des ennemis de l’intérieur, une sorte de cinquième colonne, préparant quelque invasion soigneusement ourdie par notre voisin algérien, dont nous serions le bras armé. Nous serions motivés par la jalousie et l’aigreur de voir nos compatriotes baigner dans le bonheur absolu, à l’ombre de la dynastie alaouite, vieille de plusieurs siècles. Ils nous invitent, pour nous convaincre de leurs écrits, à faire la comparaison avec les autres pays………africains.
Que répondre à ce tissus d’insanités d’autre, que les marocains ne sont pas plus masochistes que les autres peuples, qu’ils aspirent tous au bonheur et au droit  à une vie digne, que l’Algérie, supposée guider notre main, n’a jamais été un exemple de démocratie, et que comparer le Maroc aux pays africains, lesquels à quelques exceptions près, sont gouvernés par des potentats le plus souvent incultes, et kleptomanes, est, en soi, un aveu que le régime marocain n’a pas réussi à nous hisser plus haut que les tréfonds du classement mondial, toutes catégories confondues..
Je refuse de croire qu’un régime qui pratique toujours l’ostracisme et fabrique encore des exilés politiques, ou persiste à les maintenir dans cette condition, ait quoi que ce soit à voir avec une démocratie, fût-elle en devenir.
Je refuse de croire qu’un régime qui enlève, torture, condamne et emprisonne ceux de ses citoyens qui lui apportent la contradiction, appartienne à la catégorie des monarchies parlementaires ou constitutionnelles.
Je refuse de croire qu’un chef d’Etat qui aime son pays, pille ainsi ses richesses, brade ses ressources à ses amis et son entourage, et regarde ailleurs, quand les forces de sécurité, confiées aux soins de sa garde rapprochée, répriment sauvagement ses compatriotes qui réclament leurs droits les plus élémentaires.
Quand on sait que la monarchie marocaine, n’offre rien d’autre que le bâton ou la carotte, n’apprécie que les plébiscites et ne s’entoure que d’affranchis et de courtisans corrompus, indignes et avilis, on comprend, dès lors, un peu mieux, pourquoi elle rechigne tant à voir revenir chez eux, ceux qui ont tout perdu,hormis la lucidité, l’honneur et leur capacité à s’indigner.
Salah Elayoubi
E-plume, 28/07/2011

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