Une FrançAfrique aux méthodes plus fines

La FrançAfrique désigne les réseaux d’influence français dans les anciennes colonies africaines.
Ces réseaux secrets, cachés au public, ont tenté par tous les moyens de préserver l’accès privilégié aux ressources naturelles de ces pays pour les multinationales françaises : détournements de fonds, soutien de dictateurs, assassinats, financement occulte de partis politiques… Lors de sa campagne électorale, Nicolas SARKOZY avait promis une rupture avec cette politique africaine.
Qu’en est-il trois ans après ?
Pour y répondre, le Club de la presse Nord – Pas de Calais a organisé jeudi 24 juin 2010 un atelier réflexion sur ce thème en présence d’Armand NWATSCHOCK, membre du Collectif Afrique de Lille, de Valérie THORIN grand reporter à Afrique-Asie, et de Patrick Eric MAMPOUYA, activiste politique du Congo Brazzaville et Bloggeur.
En prémices au débat, un film de François Xavier VERSCHAVE, a été projeté par Patrick Eric MAMPOUYA afin de faire une synthèse. Selon ce spécialiste des affaires africaines, la France a cherché à garder d’une manière détournée le contrôle de ses anciennes colonies pour plusieurs raisons : garder son rang à l’ONU, empêcher que ces pays ne basculent dans le bloc communiste à l’époque de la guerre froide, conserver un accès privilégié aux matières premières et financer les partis politiques français.
Les relations entre la France et le continent noir seraient comme un iceberg : les 10% émergés, visibles, sont le discours officiel sur le co-développement et les Droits de l’Homme mais 90% des affaires restent immergées et invisibles.
« Depuis les années soixante-dix, les hommes politiques nous promettent la fin de la Françafrique, a rappelé Philippe ALLIENNE, président du Club de la presse. Qu’en est-il vraiment aujourd’hui ? » Pour Valérie THORIN, les choses ont bien changé : « Le film de VERSCHAVE date de huit ans et est réalisé par un militant. Aujourd’hui, tout n’est pas parfait mais nous n’en sommes plus au temps des barbouzes à ce point. Cela dit, il y a toujours aussi des réseaux en Afrique mais ils ne sont plus aussi politiques. Les grandes entreprises françaises comme Total, Areva, le groupe Bolloré, Bouygues y ont toujours des intérêts économiques qui sont défendus par le pouvoir politique. Ce qu’on pourrait reprocher aujourd’hui à la Françafrique est d’oublier totalement les populations locales. La nouvelle Françafrique, c’est le business avant tout ».
Pour Armand NWATSCHOCK et Patrick Eric MAMPOUYA, rien n’a changé car l’économie et la politique sont intimement liées. Selon le responsable du Collectif Afrique-Lille, seules les méthodes ont changé. Elles sont aujourd’hui plus fines. « Avant, les présidents légitimement élus étaient assassinés comme ça s’est passé plusieurs fois au Cameroun. Maintenant, la France fait tout pour qu’ils ne soient pas élus ». Pour appuyer ses dires, il cite l’argent bloqué d’Omar BONGO au Gabon, argent débloqué par la France juste avant les élections. Grâce à cela, Omar BONGO avait à sa disposition une cinquantaine d’hélicoptères pendant que les autres candidats sillonnaient la campagne à pied. « Le résultat de l’élection était joué d’avance ». Et quand cela ne suffit pas, il soupçonne aussi les observateurs internationaux envoyés par la France de truquer eux-mêmes les résultats électoraux.
Patrick Eric MAMPOUYA donne aussi l’exemple d’Idriss DEBY, président du Tchad, qui aurait été prévenu de la position des troupes rebelles par l’armée française.
« On veut faire notre révolution, comme les Français l’ont faite »
Le blogueur Franco-congolais s’élève aussi contre la gestion du franc CFA : « comment parler d’indépendance lorsqu’un pays ne gère pas lui même sa monnaie ? C’est la France qui détermine la politique économique de ces pays et à ce titre, les entreprises françaises en Afrique sont exonérées d’impôts ».
En effet, les décisions des quatorze banques centrales de la zone franc CFA doivent être validées par la Banque de France.
« On veut faire notre révolution, comme les Français l’ont faite », poursuit Patrick Eric MAMPOUYA, « mais quant on arrive devant le palais du dictateur pour le chasser, on se retrouve en face de l’armée française qui le défend. Ces pays s’en sortiront le jour où la France lâchera réellement du lest ».
Ce sentiment est partagé par Armand NWATSCHOCK : « On ne veut pas tout mettre sur le dos de la France mais il faut reconnaître que quand le peuple essaie de prendre son destin en main, la France s’élève en face ».
Valérie THORIN pense que les chefs d’états africains sont aussi responsables : « Si ils ne pensaient pas qu’à s’en mettre plein les poches, les choses pourraient avancer ».
Inversalis, 30/7/2010

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