La France prend pied dans le Sahel : la Françafrique a de beaux jours devant elle.

Le président français a annoncé que le crime commis contre Michel Germaneau ne restera pas impuni. Une déclaration de guerre à l’Aqmi. Des interventions plus musclées, à l’américaine, dans cette vaste et stratégique région sub-saharienne, semblent se profiler.
En annonçant l’exécution de Michel Germaneau, dans un enregistrement diffusé par la chaîne Al Djazira, l’ »émir » de l’Aqmi, la franchise maghrébo-sahélienne d’Al Qaïda a prévenu Sarkozy, qui n’a pas seulement échoué à libérer son compatriote dans cette opération manquée. Il « a ouvert l’une des portes de l’enfer pour lui, son peuple et sa nation » ! La réaction de ce dernier n’a pas attendu.
La France a renforcé son plan antiterroriste Vigipirate et annoncé haut et fort sa détermination à venger l’octogénaire cardiaque mais néanmoins humanitaire activiste et à éradiquer le Sahel du terrorisme. Les ressortissants français sont invités à ne pas se rendre dans le Sahel et à faire preuve de grande prudence dans les pays limitrophes. La guerre est également déclarée par la France. Et, dans ce contexte, plusieurs questions et non des moindres restent jusqu’à aujourd’hui sans réponses. D’abord, l’opération proprement dite conduite par la France jeudi dernier dans le nord du Mali n’a pas livré ses secrets. Les Mauritaniens qui ont servi de prétexte, de paravent, jurent que c’était pour libérer Germaneau. Faux, a violemment rétorqué Sarkozy qui nie le lien de causalité établi par Nouakchott et l’Aqmi entre l’opération contre un camp de cette dernière, qui a fait sept morts, et l’exécution de l’otage français. Le président français a déclaré que depuis le 12 juillet, ce dernier était sous le coup d’un ultimatum qui n’était en fait que « l’annonce d’un assassinat programmé ». Une explication qui n’a pas contenté les proches de Germaneau dont le maire socialiste de sa commune, proche de Paris, qui a exigé des explications. Le maire de Marcoussis a égrené des questions pertinentes : « Je souhaite qu’on me dise comment, pourquoi, dans quelles conditions et qui a décidé ces interventions militaires, avec quelle part de risque pour l’otage, avec quelles conséquences. » Pour lui, l’opération militaire française a scellé son sort. Et puis, des médias français n’ont pas manqué de s’interroger pourquoi le cas de Germaneau s’était présenté d’emblée comme différent de celui de Pierre Camatte, qui a été retenu par le même groupe terroriste et qui a pu être libéré contre la libération de prisonniers par le Mali et le versement d’une rançon. La France ne veut plus payer pour ne pas donner une prime à récidive au terrorisme.
Ou alors, c’est encore une histoire de barbouzerie qui a mal tourné. Il restera une grande part de doute, et ce ne sont pas les propos guerriers de Sarkozy relayés par son Premier ministre qui ont contribué à les lever. Bien au contraire. On relève que la France est tentée de s’incruster dans le Sahel, de prendre pied. Le ministre français des AE, qui a inventé la théorie de l’ingérence humanitaire, est dans la région du Sahel, officiellement pour examiner avec les autorités locales et les ambassadeurs français les mesures de sécurité à prendre pour les ressortissants français.
Personne n’est dupe, Bernard Kouchner a certainement dans son porte-documents des propositions une intrusion plus musclée dans la région du Sahel. Au risque d’ailleurs de compliquer la situation. Ce n’est pas un secret de dire que l’Algérie est hostile à une intervention extérieure et estime que le traitement du terrorisme relève des États de la région. Et de l’autre côté de la Méditerranée, l’Espagne, dont deux citoyens sont détenus par l’Aqmi, estime que la mort de l’otage français la conforte dans son approche « non militaire » pour les libérer. Pour mémoire, c’est Madrid qui ébruité l’opération française. Et puis, le Mali, théâtre de l’ingérence française, n’a toujours pas donné d’explication. Le président malien, exemplaire en matière de respect de la démocratie dans le continent, a le devoir, voire l’obligation, de mettre au parfum ses concitoyens et ses voisins. Sinon, qui ne dit rien consent.
Dans une première étape et ce dont est chargé Kouchner, les accords avec les gouvernements de la région et en particulier avec le gouvernement mauritanien, avec le gouvernement malien pour traquer ces terroristes et les livrer à la justice, seront mis à exécution. C’est le Premier ministre français en personne qui l’a rappelé. En attendant des développements, voici un point succinct sur la présence militaire française en Afrique. Paris avait annoncé, le 9 juin à Dakar, l’entrée de son programme de démantèlement de ses bases en Afrique en restituant aux Sénégalais les casernes et autres complexes qu’elle avait occupés. La cérémonie se voulait une illustration de la rupture que Sarkozy avait promise de mettre en œuvre avant d’occuper l’Elysée. En fait, tout cela n’a été que symbole, car la France s’est gardée une base connectée à celle de Libreville au Gabon, bien en vue sur la façade atlantique du continent et dont le potentiel répond au chapelet de bases entretenues au Tchad, au Cameroun, en Mauritanie, pour ne citer que les plus connues.
La France s’est contentée de diminuer sa présence au Sénégal en la rendant moins visible, moins agressive, d’autant que ce pays, membre de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), est aujourd’hui, avec le Nigeria, le grand fournisseur de forces de paix pour le compte de l’ONU ou de l’Union africaine. Le ministère français de la Défense gère dans le pays de Wade de multiples facilités : droits d’escale aérienne et maritime, transit, stockage… Ce n’est plus une base, mais un « pôle opérationnel de coopération à vocation régionale ». Et pour animer ce complexe logistique moderne, 300 militaires suffisent, selon un communiqué du ministère français de la Défense. Ainsi, malgré quelques fermetures de base, le dispositif militaire français en Afrique, une curiosité géopolitique, cinquante ans après les indépendances, n’a pas été profondément transformé. Dans la pratique, leur concentration a été dictée par le fait que la France n’a plus les moyens financiers d’entretenir un réseau dense, d’autant qu’elle a dû redéployer avec Sarkozy ses capacités militaires après la réintégration complète de la France au sein de l’OTAN, notamment en direction de l’Afghanistan.
Dans le précarré africain de la France, il n’y a que Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire à avoir remis en cause les accords de défense avec l’ancienne puissance coloniale. Ailleurs, la présence militaire française est mal supportée par les populations. Pour finir, au jour d’aujourd’hui, sur un plan purement technique, si pour la récente opération dans le nord du Mali, la France a eu besoin de recourir à la Mauritanie, demain, les moyens aériens de projection permettront dans une large mesure de se passer de bases à terre. L’A400 M d’Airbus Military, qui se fait cependant attendre, devrait y contribuer largement à partir de 2014 ou 2015… Pour conclure, rappelons que le dispositif français prépositionné en Afrique comprend une grande base sur la façade atlantique au Gabon, une autre de même nature à Djibouti sur la façade orientale de l’Afrique et un chapelet de petites bases sur les pays de la françafrique qui a marqué son maintien lors d’un rendez-vous familial le 14 juillet à Paris, où les détachements d’armées d’une dizaine d’anciennes colonies ont défilé sur les Champs Elysées, devant leurs présidents rassemblés pour l’occasion autour du « parrain » français.
Par : Djamel Bouatta

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