Le Sahara : ressources, conflits (étude de cas)

Introduction
Depuis une dizaine d’années, le Sahara revient sur la scène géopolitique et médiatique. Cette immense espace désertique aride – 8,5 millions de km2 – qui s’étend sur une dizaine d’États traverse une période agitée en raison de l’installation de groupes terroristes islamistes sur son sol, du développement de trafics en tous genres, des flux d’immigration clandestine en provenance de l’Afrique subsaharienne et de la compétition entre les pays du Nord et les pays émergents pour s’approprier ses richesses minières et pétrolières. Espace très convoité bien que situé en marge des espaces nationaux qui le composent, le Sahara est morcelé en une série de territoires et de routes contrôlés par des acteurs variés.
Les immenses ressources sahariennes sont à la fois un facteur de richesse et la cause de conflits multiples.
I Des ressources nombreuses : un espace convoité
1. Les ressources du désert saharien
• Le Sahara est un milieu très contraignant puisque les précipitations y sont inférieures à 100 mm/an – voir la limite bioclimatique nord et sud, carte p. 276. Pourtant, dès le Moyen Âge, des caravanes empruntent les routes commerciales qui le traversent, transportant de l’or, de l’ivoire, des esclaves, du sel, etc. Ce commerce se réduit à partir du XVIe siècle, parce que les Européens préfèrent les routes maritimes, et ce recul est renforcé par la colonisation de l’Afrique au XIXe siècle.
• Carte 5 p. 277 Depuis quelques décennies, le Sahara est de nouveau convoité pour ses ressources : les hydrocarbures, le pétrole en particulier, sont de plus en plus convoités par les sociétés pétrolières occidentales, du fait de l’augmentation du prix du pétrole sur les marchés internationaux. Les champs pétroliers sont particulièrement étendus dans les pays qui bordent le Nord du désert, Algérie, Tunisie, Libye, etc. L’abondance du pétrole et des minerais et le mal-développement qui caractérise l’ensemble des États de
la région expliquent que les revenus de ces pays dépendent largement d’une économie de rente.
• Car le Sahara recèle également d’autres richesses naturelles en abondance : les minerais – fer de Mauritanie, uranium du Niger – la potasse et le phosphate au Maroc et en Tunisie. Le sous-sol du désert dispose également d’immenses réservoirs d’eau souterraine, des aquifères fossiles, qui ont été découverts à l’occasion des prospections pétrolières. Ces réserves sont utilisées pour l’irrigation, mais également pour approvisionner les pôles urbains, en particulier en Afrique du Nord – carte 2 p. 276 et photo.
4 p. 277. Grâce à elles, certaines régions bordières du Sahara sont devenues des fronts pionniers agricoles. Enfin, le développement du  » tourisme d’aventure  » représente un nouvel enjeu pour les États sahariens.
2. La compétition internationale pour l’exploitation des ressources
• La compétition pour ces ressources s’effectue à plusieurs échelles : entre les grandes multinationales des pays développés et des États émergents, entre les États bordiers du Sahara, mais également entre ces acteurs et des groupes infra-étatiques – ethnies, populations nomades, groupes de trafiquants, etc. Les anciennes puissances coloniales, la France et le Royaume-Uni au premier chef, les États-Unis, mais également la Chine utilisent leur influence politique pour obtenir des conventions qui leur permettent de développer des infrastructures destinées à exploiter les richesses du sous-sol saharien.
• Avec l’appui des États, les grandes sociétés ont mis en place des stratégies pour s’accaparer la rente du pétrole ou des minerais. Ainsi, la « diplomatie du cadeau » menée par la Chine, consiste à échanger des concessions toujours plus importantes contre la construction d’infrastructures devant théoriquement bénéficier aux populations locales, mais surtout en échange de versement d’une large partie des bénéfices tirés de l’exploitation des ressources. La corruption est en effet généralisée dans tous les États de la région.
• Lorsque l’exploitation des ressources sahariennes est menacée, les puissances occidentales n’hésitent pas à intervenir directement. Ainsi, l’intervention récente de l’armée française au Mali peut être interprétée comme une action de la France pour secourir un pays ami envahi par des groupes djihadistes, mais également comme une intervention occidentale – ou française – pour sécuriser l’exploitation et le transfert des ressources provenant des autres États proches – le Niger en particulier – ou plus lointain : le projet de gazoduc en provenance du Nigéria passe dans la région.
3. Plusieurs conflits frontaliers déclarés ou latents
• Carte 6 p. 278, « Des conflits multiples » L’ouest du Sahara se caractérise par un conflit frontalier persistant dont l’enjeu est le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, que se sont partagés le Maroc et la Mauritanie en 1975. Les 450 000 habitants, appelés Sahraouis, se sont éparpillés dans ces deux pays ainsi qu’en Algérie. Certains se sont regroupés au sein du Front Polisario, qui revendique l’indépendance du Sahara occidental. Un cessez-le-feu a été signé en 1991 sous les auspices de l’ONU, mais ni le Maroc, ni le Front Polisario ne renoncent à leurs revendication sur ce territoire. La présence de phosphate dans la région ajoute un enjeu économique à la question territoriale.
• L’ouest et le centre de la région sahélo-saharienne sont également marqués par la rébellion des Touaregs, un peuple nomade d’environ deux millions d’habitants partagé entre l’Algérie, le Burkina Faso, la Libye, le Mali, la Mauritanie et le Niger. Plusieurs révoltes ont eu lieu depuis les années 1990 et récemment, le Mouvement nationale pour la libération de l’Azawad (MNLA) qui revendique le nord du Mali s’est allié avec le groupe touareg islamiste Ansar Dine et des djihadistes d’Al-Qaida pour tenter de déstabiliser le pouvoir malien.
• À l’Est, la longue guerre entre le Nord et le Sud du Soudan a abouti en 2011 à la création de deux États. Toutefois, les affrontements se poursuivent par milices interposées car le Soudan et le Soudan du Sud se disputent plusieurs territoires frontaliers riches en pétrole. D’autre part, le Soudan du Sud a hérité des trois-quarts de la production de pétrole, tandis que le Nord possède les infrastructures permettant de l’exporter via les oléoducs vers Port-Soudan. D’autre part, la guerre civile au qui se poursuit au Darfour – Ouest-Soudan – aurait fait au moins 300 000 victimes et entraîné le déplacement de plus d’un million de personnes, selon l’ONU.
II Le Sahara, une « zone grise » de la mondialisation
Texte 10 p. 279, « Un enjeu sécuritaire international »
1. Un espace traversé par de nombreux flux illicites
• Texte 15 p. 281, « Les activités illicites » 15 % du trafic de cocaïne transiterait actuellement par l’Afrique de l’Ouest. La drogue, en provenance de Colombie, transite par la Mauritanie et le Mali, longe les pays du Maghreb vers l’Est pour remonter vers l’Europe. La porosité des frontières et la faiblesse des polices nationales donne au Sahara un avantage comparatif important dans le choix de ces routes commerciales. Ce trafic, qui concerne aussi le hachich, est toléré par les dirigeants car il permet un apport de cash supplémentaire. Le Sahara est ainsi placé au cœur d’un commerce illicite transnational organisé par des réseaux puissants.
• Le trafic de drogue est associé avec la circulation des armes. Le nombre important de zones de guerre en Afrique, la montée en puissance du terrorisme islamique et la dispersion des arsenaux libyens après la révolution expliquent la permanence et même l’accélération de ce commerce. Il s’agit d’armes légères, mais également d’armes lourdes de plus en plus nombreuses – mortiers, obus, lance-roquettes, missiles anti-aériens, etc.
Le Sahara et le Sahel sont devenus des plaques tournantes du trafic d’arme, pour les mêmes raisons qui ont entraîné le développement du commerce de la drogue : faiblesse des États limitrophes et porosité des frontières.
• Il en va de même pour la contrebande – voitures, cigarettes, essence, etc. Les groupes qui se livrent à ce commerce sont souvent liés aux groupes djihadistes qui opèrent dans la région, qui perçoivent un tribut lors du passage des marchandises dans les régions qu’ils contrôlent. Le Sahara est donc une vaste zone de non-droit qui s’inscrit dans la mondialisation par l’augmentation des activités illicites.
2. Une base arrière du terrorisme international
• Le groupe le plus connu est la brigade salafiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), mais une nébuleuse de groupes islamistes opère dans la région – doc. 8 p. 278. AQMI utilise notamment la frontière nigéro-malienne pour s’approvisionner en otages occidentaux. La multiplication de groupes  » sous-traitants  » qui capturent puis revendent des otages à l’organisation rend l’ensemble de la zone sahélo-saharienne dangereuse et instable. En 2013, la prise d’otages du site gazier d’In Amenas, en Algérie, fait 38 morts. Le groupe terroriste, composé d’une quarantaine de membres, est constitué d’algériens, de tunisiens, d’égyptiens de mauritaniens, etc.
• Le Sahara est en fait au cœur d’un « axe terroriste » qui s’étend de la Mauritanie à la Somalie en passant par le Nigeria, le Mali et le Niger. Depuis 2002, les Etats-Unis considèrent la région sahélo-saharienne comme un  » front de guerre  » contre le terrorisme, parce que la région fournit des combattants aux insurgés afghans. Les Etats-Unis sous-traitent la lutte contre le terrorisme – et le trafic de drogue – aux États bordiers du Sahara en leur fournissant des moyens financiers. Toutefois, cette aide ne semble pas suffisante pour endiguer l’extension des groupes terroristes.
• L’offensive menée en 2012 par des groupes islamistes au nord du Mali a directement menacé la capitale, Bamako. L’intervention militaire de la France, soutenue par les Etats-Unis, a empêché le pays de tomber entre les mains des djihadistes, mais elle n’a pas écarté la menace terroriste qui déborde actuellement de la région sahélo-saharienne vers d’autres pays africains, à l’Est comme à l’Ouest. Les États occidentaux doivent renforcer leur coopération avec les pays de la région pour lutter contre la menace terroriste, mais la coopération avec des gouvernements affaiblis et ne maîtrisant pas l’ensemble de leur territoire s’avère difficile.
3. Un espace traversé par des flux migratoires importants
• Le Sahara est également devenu une frontière migratoire de l’Europe – carte 6 p. 278, « Un espace majeur des migrations internationales ». Des populations de plus en plus nombreuses quittent les États bordiers du Sahel et du Sahara au Sud dans l’espoir de trouver de meilleures conditions de vie au Nord – sur les causes : lire le texte 7 p. 278.
Si l’ensemble des populations des pays du Sahara sont en marge du développement, il existe un fort différentiel entre les habitants des PMA d’Afrique subsaharienne et ceux d’Afrique du Nord – tableau 3 p. 277. Ce différentiel explique les flux migratoires Sud-Nord.
• Une majorité de ces migrants originaires de l’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale se rendent en Afrique du Nord d’où la plupart reviennent d’ailleurs, après plusieurs mois ou plusieurs années. Ils y grossissent les villes et les bourgades frontalières du Maghreb, dans lesquelles ils se regroupent par communautés. Une partie seulement d’entre eux tente la traversée vers les côtes méditerranéennes de l’Europe, mais le débat provoqué par l’arrivée de ces migrants d’Afrique subsaharienne contribue à entretenir l’amalgame entre immigration clandestine et islamisme au Nord de la Méditerranée.
• Depuis les années 1990, les pays d’Afrique et d’Europe ont mis en place des politiques concertées de gestion des flux migratoires dans le cadre d’accords formels. Mais l’immigration clandestine est une source d’enrichissement pour les passeurs et pour les autorités locales corrompues. D’autre part, le mal développement frappant une population jeune et en pleine croissance démographique rend d’autant plus difficile le contrôle de ces flux, tant par les Européens que par les États d’Afrique. Seule une politique de développement des activités économiques de ces États pourrait diminuer la pression migratoire.
François Paillat et Jean-Christophe Delmas
http://www.lyceedadultes.fr/sitepedagogique/documents/HG/HGTermL/livret_hg_TermLES/TermL_G12_T3_Q2_C1_Le_Sahara_ressources_conflits_etude_de_cas.pdf

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