Par APSO
L’ONG France Liberté, Fondation Danielle Mitterrand, dénonce l’accord de pêche de l’UE devant l’assemblée Générale du conseil des droits de l’Homme de l’ONU.
La présentation a été faite devant le conseil le 12 février 2010. Conseil des droits de l’homme Treizième session. Point 4 de l’ordre du jour : Situations relatives aux droits de l’homme qui requièrent l’attention du Conseil.
Exposé écrit* présenté par France Libertés : Fondation Danielle Mitterrand, organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif spécial
Le Secrétaire général a reçu l’exposé écrit suivant, qui est distribué conformément à la résolution 1996/31 du Conseil économique et social. [12 février 2010]
Le pillage des ressources halieutiques au Sahara Occidental
Figurant depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes (v. Chapitre XI de la Charte des Nations Unies), le Sahara Occidental a été envahi par le Maroc en novembre 1975, après le retrait unilatéral de l’Espagne; l’occupation se poursuit encore.
Ce territoire représente un exemple flagrant de décolonisation inachevée, ce qui comporte de nombreuses implications pour la vie ainsi que pour la souveraineté du peuple sahraoui, notamment en ce qui concerne l’exploitation de ses ressources, illégalement pillées.
Cette dépossession qui ne fait que s’accroître avec le temps, est totalement illicite au titre des normes du droit international. En fait, le Maroc n’a jamais été reconnu par les Nations unies comme puissance administrante du territoire. En affirmant que le Sahara Occidental fait partie intégrante de son territoire, le Maroc ignore intentionnellement l’avis consultatif de 1975 de la Cour Internationale de Justice, la Charte des Nations Unies, les nombreuses résolutions du Conseil de Sécurité et de l’Assemblée Générale, ainsi que l’avis juridique rendu en 2002 par l’ancien Sous-Secrétaire général aux affaires juridiques et Conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies, Hans Corell. Ces textes officiels et fondamentaux affirment non seulement le statut de territoire non autonome du Sahara Occidental, mais aussi le droit du peuple sahraoui à un référendum d’autodétermination.
Il en découle que la violation permanente des ressources naturelles constitue un corollaire inquiétant de l’occupation illégale, aggravée par l’attitude de certains pays tiers concernant la légalité aussi bien de l’exploitation que du commerce de ces ressources. Réitérons que d’un point de vue légal, le Maroc n’a pas le droit d’exploiter, vendre ou marchander par le biais de l’octroi de licences les ressources de ce territoire.
La question de la pêche mérite une analyse approfondie; elle s’effectue en violation flagrante du droit international et entrave les efforts de l’ONU visant une solution à cette occupation de plus de 30 ans. Elle représente également un exemple concret de l’implication des États tiers dans le pillage des ressources naturelles du Sahara Occidental.
Dans ce cadre, une série d’accords de pêche ont été signés entre l’Union européenne et le Maroc depuis plusieurs années. Des soucis exprimés par maints secteurs concernant le risque que ces accords puissent être appliqués aux eaux du Sahara Occidental aussi, ont été ignorés. En 2006, quand l’accord avait été initialement adopté, la Suède avait exprimé ses préoccupations soulignant que l’imprécision de l’applicabilité territoriale aurait pu permettre que l’Union européenne pêche dans les eaux appartenant au Sahara Occidental; ce qui aurait été illégal.
A cette époque, il n’était toujours pas clair si la pêche aurait concerné des côtes de ce territoire, tel que cela avait été par ailleurs le cas pour les accords précédents et finalement l’accord en question n’a pas fait exception.
L’Accord de Partenariat de Pêche (APP) de 2007, entre l’Union européenne et le Maroc – d’une durée de 4 ans – très controversé depuis ses débuts, a soulevé bien des questions non seulement quant à sa légalité, inexistante au terme du droit international, mais aussi parce que les coordonnées sud du territoire relevant de l’accord n’ont pas été stipulées; ce qui laisse au Maroc la libre interprétation de l’espace où les navires européens peuvent pêcher. Conformément à l’accord, la pêche peut avoir lieu dans « les eaux sous souveraineté ou juridiction du Royaume du Maroc». Puisque l’Union Européenne a refusé, lors de la signature, de délimiter clairement son champ d’application, l’accord a ouvert pour les pays membres européens toute possibilité de pêche dans les eaux du Sahara Occidental – une zone sur laquelle le Maroc n’a aucun droit en justice étant de facto une puissance occupante et qui par ailleurs ne figure même pas sur la liste de l’ONU des puissances administrantes.
Alors que le Maroc n’a jamais déclaré sa juridiction sur ces eaux, le gouvernement de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) a déclaré en janvier 2009 une zone économique exclusive de 200 miles nautiques (ZEE) dans le cadre de sa juridiction sur ses activités de pêche en haute mer ainsi que sur ses ressources en minéraux et gisements sous- marins de pétrole, tel que cela est prévu par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Le gouvernement de la RASD semble donc être le seul organe qui ait jamais déclaré une telle compétence.
Le 9 avril 2008, soit un an après l’accord, 7 différentes questions écrites ont été transmises à la Commission européenne et il a été confirmé par le Commissaire européen pour la pêche qu’au cours de l’année 2007, celle-ci avait bien eu lieu également dans le Sahara Occidental, en vertu de l’accord de partenariat de pêche conclu entre l’Union européenne et le Maroc.
L’Union européenne prétend que l’accord est parfaitement légal et clame à tort cette légalité en se référant à l’avis de l’ancien Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques, Ambassadeur Hans Corell. L’auteur de l’avis, a pourtant vivement réagi contre l’utilisation abusive de son analyse déclarant qu’il n’y a pas de place pour une telle interprétation de son avis juridique.
Dans une conférence tenue à Pretoria en 2008, l’Ambassadeur Corell a déclaré: « Il m’a été indiqué que l’avis que j’ai rendu en 2002 avait été invoqué par la Commission européenne pour appuyer juridiquement l’Accord de Partenariat de Pêche. Je ne sais pas si cela est vrai. Mais si tel est le cas, je trouve incompréhensible que la Commission ait pu trouver un quelconque soutien dans cet avis juridique, sauf évidemment si la Commission s’était assurée que le peuple du Sahara Occidental avait été consulté, avait accepté l’accord et la manière dont les profits de l’activité lui auraient bénéficié. Toutefois, un examen de l’accord aboutit à une conclusion différente.»
En fait, le protocole à l’accord fait référence aux « ressources du Maroc » (art. 4) ainsi qu à la contribution financière indiquant que «Sous réserve des dispositions de l’article 6 du présent protocole, l’affectation de cette contrepartie relève de la compétence exclusive des autorités du Maroc» (art. 2, par. 6). Le même article 6 prévoit une longue énumération sur la façon dont la contribution doit être allouée (art. 6, par. 3), mais « il serait très difficile d’identifier les Sahraouis dans cette énumération. Par ailleurs, nulle part dans l’accord n’est mentionné le fait que la juridiction du Maroc est limitée par les règles internationales de l’autodétermination».
L’Ambassadeur Corell conclut en disant: «Dans les circonstances, j’aurais pensé qu’il était évident qu’un accord de ce genre qui ne fait pas de distinction entre les eaux adjacentes au Sahara Occidental et les eaux adjacentes au territoire du Maroc, violerait le droit international ». A cet égard, l’Ambassadeur Corell fait également référence à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. « Dans une lettre du 2 avril 2005, adressée au Ministère des Finances par le Norwegian Petroleum Fund’s Council on Ethics, celui-ci déclare que tant l’annexe III que l’article 77 par. 1 de la Convention stipulent « que les droits relatifs au plateau continental, qui dans ce cas semblent appartenir au peuple du
Sahara Occidental, englobent à la fois l’exploration et l’exploitation ».
Au-delà de la légitimité douteuse des intérêts économiques et politiques qui ont abouti à cet accord, il ne peut y avoir aucun doute sur son caractère illégal. Le stock de poissons au large des côtes du Sahara Occidental n’appartiennent pas au Maroc; lorsque l’Union européenne verse au Maroc 144 millions d’euros pour l’activité de pêche au Sahara Occidental, elle donne de l’argent à une puissance occupante qui soustrait les ressources du territoire au mépris de la volonté des ses propriétaires légitimes. Tout simplement, l’Union européenne ne verse pas l’argent au bon gouvernement.
Depuis juillet 2009, un avis a été rédigé par le service juridique du Parlement européen sur la demande de sa commission pour le développement. Ce texte – non divulgué publiquement – conclut que, contrairement à la position de la Commission européenne, la pêche au Sahara Occidental, sous sa forme actuelle, doit cesser.
L’avis juridique était censé être examiné le 28 janvier 2010, par la Commission Pêche du Parlement européen. Inscrit à la fin de son ordre du jour bien chargé, le débat sur l’avis juridique a finalement été annulé à la dernière minute et a été ajourné à la réunion suivante du 23 de février 2010. Une décision qui n’a pas été bien accueillie par plusieurs autres membres du Parlement, appelant à un débat ouvert avant la prochaine réunion conjointe entre l’Union Européenne et le Maroc, qui se tiendra à Rabat la première semaine de février 2010.
Il est décevant que cette opinion critique n’ait pas été discutée. Il aurait été à la fois important et intéressant d’entendre la réponse de la Commission sur le texte. France- Libertés partage totalement la question adressée à la Commission par le membre suédois du Parlement: « Quelles preuves la Commission a-t-elle que le peuple sahraoui ait bénéficié de l’Accord de Partenariat de Pêche, et juge-t-elle que cette preuve soit satisfaisante ?
Source : Solidmar
Soyez le premier à commenter