France : Les opposants à la réforme tentent de maintenir la pression

PARIS (Reuters) – Les syndicats opposés au projet de réforme des retraites se sont efforcés de maintenir la pression jeudi, sixième journée d’action interprofessionnelle après 43 jours de contestation, réfutant tout baroud d’honneur face à un exécutif résolu à aller “au bout de cette démarche”.

Le taux de grévistes était en hausse par rapport aux jours précédents à la SNCF : 10,1%, selon la direction, dont 30,5% des conducteurs. Dans l’Education nationale, la mobilisation progresse également, mais loin des chiffres du début du mouvement, le 5 décembre. Le ministère recensait une moyenne de 6,72% d’enseignants en grève, dans les premier et second degrés.

A Marseille, la manifestation qui s’est déroulée jeudi matin a rassemblé 110.000 personnes, selon les organisateurs, 8.000 selon la police. A Toulouse, la police a compté 7.300 manifestants, les syndicats 80.000.

“Au bout de 43 jours d’un conflit historique, il est normal qu’un mouvement pendulaire s’effectue. Un grand nombre de secteurs importants, bloquants et visibles, sont en train de réfléchir pour partir en grève reconductible”, a dit à Reuters Franck Bergamini, secrétaire de FO des Bouches-du-Rhône.

Des salariés du port de Marseille, de la pétrochimie, des transports, des enseignants, des “gilets jaunes” mais aussi des dizaines d’avocats en robe ont défilé côte à côte.

“Les manifestations ne sont pas le seul baromètre, il faut regarder les grèves. Il n’y a pas un gramme de démobilisation même si les jambes sont lourdes”, a déclaré à Reuters Olivier Mateu, secrétaire de la CGT des Bouches-du-Rhône.

L’intersyndicale CGT-FO-FSU-CFE-CGC-Solidaires et les organisations de jeunesse UNEF-UNL-FIDL-MNL ont d’ores et déjà annoncé de nouvelles mobilisations les 22, 23 et le 24 janvier, date de la présentation du projet de loi en conseil des ministres et d’une 7e journée d’action nationale.

“Il ne m’appartient ni de décréter les débuts ni les fins de grève”, a déclaré mercredi Emmanuel Macron à des journalistes, en marge de ses vœux à la presse.

“Il y a un travail qui va se poursuivre dans chaque entreprise et au niveau des fédérations concernées par la grève parce qu’au fond, le sujet ce sont les transports principalement. La grève a beaucoup diminué à la SNCF, elle reste encore assez présente à la RATP”, a-t-il ajouté.

“ON NE VA PAS LÂCHER”

Le front syndical s’est scindé depuis que le Premier ministre, Edouard Philippe, a consenti à suspendre la mesure de “l’âge pivot” à 64 ans pour ramener le système de retraites à l’équilibre financier en 2027.

Une décision saluée par les syndicats réformistes CFDT et Unsa mais dénoncée comme un “enfumage” par la CGT et FO, qui réclament toujours le retrait du texte prévoyant la fusion des 42 régimes existants en un système “universel” par points.

“Le chantage d’Edouard Philippe concernant l’âge d’équilibre a mobilisé les salariés du privé comme du public au lieu de les décourager”, estime Cédric Caubère, secrétaire général CGT Haute-Garonne, qui manifestait à Toulouse.

Pour Philippe Martinez, “il n’est jamais trop tard pour convaincre et pour faire céder un gouvernement”.

“On voit bien qu’il y a d’autres professions qui ont décidé de généraliser, d’amplifier le mouvement. La détermination est toujours là”, a assuré le secrétaire général de la CGT au départ du cortège parisien.

“Bien évidemment que le mouvement est très long, très dur à porter” mais “on ne va pas lâcher”, a abondé le secrétaire général de Force ouvrière, Yves Veyrier.

Les syndicats tentent de diversifier leurs actions pour faire durer le mouvement. Ainsi l’intersyndicale a-t-elle lancé mardi pour trois jours une opération “ports morts”, qui perturbe l’activité des sept grands ports français.

A Marseille, les dockers et agents CGT ont cadenassé les portes d’entrée au Grand Port Maritime de Marseille (GMPP) et bloqué les accès. Ils prévoient de nouveau trois jours de grève la semaine prochaine.

“Le secteur maritime est en train d’entrer dans l’action, cela concerne les compagnies maritimes, le remorquage et les avitailleurs”, a dit à Reuters Olivier Mateu, secrétaire de la CGT des Bouches-du-Rhône.

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Retraites : 49-3 et enfumage sur l’âge pivot, le gouvernement prêt à tout pour faire passer sa réforme

La CFDT baisse son froc, comme prévu

Ce samedi, Edouard Philippe expliquait être prêt à retirer provisoirement l’âge pivot de son texte de loi, recevant les félicitations de la CFDT. Dans le même temps, on apprenait que le gouvernement pourrait passer en force grâce à l’article 49:3.

Alors que la mobilisation contre la réforme des retraites ne faiblit pas et que plus d’un million de Français étaient encore dans la rue ce jeudi, le gouvernement d’Emmanuel Macron a enfin joué la carte que tout le monde prévoyait, celle de la suppression de l’âge pivot. Dans une lettre ouverte adressée aux syndicats, le premier ministre a annoncé à être « disposé à retirer du projet de loi la mesure de court terme (…), consistant à converger progressivement à partir de 2022 vers un âge d’équilibre de 64 ans en 2027 ». Pour autant, le gouvernement n’ira même pas au bout de ce stratagème puisqu’il s’agit d’une mesure provisoire. Philippe ajoute ainsi que « le projet de loi prévoira que le futur système universel comporte un âge d’équilibre ». Reste à savoir à quel âge sera fixé ce point d’équilibre. En l’état, rien ne nous empêche d’imaginer un seuil fixé encore plus haut que les 64 ans prévus à l’origine. Rappelons que tous ceux qui prendront leur retraite avant ce fameux seuil seront pénalisés d’un malus.

La CFDT, toujours prompte à emboîter le pas aux réformes libérales, et qui s’était placée jusqu’ici dans l’opposition partielle à cette réforme, semble enfin rentrer dans le rang. En effet, son président, Laurent Berger, s’est félicité de cette décision et a évoqué une « victoire pour la CFDT ». Il voit même dans cette annonce « une volonté de compromis du gouvernement ». De son côté, la CGT de Philippe Martinez continue de réclamer le retrait complet du projet.

« Un stratagème grossier » cousu de fil blanc

Le déroulement de cette affaire était donc bel et bien cousu de fil blanc. On avait ainsi déjà pu entendre depuis plusieurs semaines certains intellectuels prédire le déroulement des opérations. Le politologue Thomas Guénolé, annonçait par exemple cet « enfumage » depuis près d’un mois, y voyant un « stratagème grossier ».

Du côté politique, l’opposition n’a pas manqué de se faire entendre. Florian Philippot se moquait ainsi de Laurent Berger « partenaire de jeu d’Emmanuel Macron » qui « joue parfaitement son rôle ». François Asselineau, lui, dénonçait « une grosse ficelle concoctée depuis longtemps par la CFDT » et demandait le retrait de « toute la réforme ». Même son de cloche chez le député insoumis Adrien Quatennens qui ironisait en se demandant si « le gouvernement pourrait provisoirement cesser de nous prendre pour des imbéciles » et appelait à « rester mobilisés ».

Le même jour, le projet de loi intégral a commencé à filtrer sur la toile et est devenu facilement téléchargeable. Dans ce document, on apprend notamment qu’un « Conseil d’Administration de la Caisse nationale universelle de retraites » sera mis en place par le gouvernement. Et cet organisme devrait, semble-t-il, décider d’absolument tout, passant outre le parlement, les syndicats, et bien sûr les citoyens. Comme l’explique le magazine indépendant Frustration, le conseil sera notamment en charge de la valeur du point, le fameux âge d’équilibre ou encore du niveau de valorisation des pensions. Mais le texte tient à rassurer le peuple français : ce conseil sera surveillé par un « comité d’expertise indépendant ». Et pour être sûr que ce comité soit bien indépendant, il sera nommé par … le chef de l’État, le président de l’assemblée nationale et celui du sénat ! Un vaste champ politique très représentatif allant donc des libéraux aux ultra-libéraux…

Passer en force pour éviter la déroute aux municipales

Pour couronner le tout, on apprend aujourd’hui que le gouvernement envisagerait de faire passer sa réforme via l’article 49:3 de la constitution ou bien par des ordonnances, procédure déjà utilisée par LREM en 2017. En haut lieu, on pense ainsi s’éviter de longs débats au Parlement et faire passer la loi en force, très rapidement. Un proche d’Emmanuel Macron aurait même déclaré que « Plutôt que de se payer une guérilla parlementaire majeure à quinze jours des municipales, on pourrait passer d’un coup. » L’un des ministres du gouvernement, dont le nom n’a pas filtré aurait aussi renchérit : « On entre dans les municipales, les régionales, les départementales ; on se rapproche de la présidentielle… A-t‑on vraiment envie de se taper une réforme des retraites qui dure des mois et des mois ? » Ce véritable coup de force interviendrait alors que la contestation se fait de plus en plus forte dans les rues et que le mouvement de grève qui touche la France a battu tous les records. Pour Etienne Chouard, essayiste, chantre de la démocratie « directe » la « procédure des ORDONNANCES est une procédure scélérate, une confusion des pouvoirs, un outil idéal pour un tyran. ». Elle pourrait en tout cas rappeler au bon souvenir des nostalgiques la belle époque de Manuel Valls, ou sévissait déjà en sous-main, un certain Emmanuel Macron…

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Farid Chaoui invite à penser le hirak dans le temps long

Réflexion autour des réformes

Dans le monde politique, il y a les activistes. Ceux qui participent à une marche le matin, à une assemblée générale dans l’après-midi, trouvent le temps de signer une pétition entre les deux, et se déchaînent sur les réseaux sociaux le soir.

Il y a ensuite ceux qui sont dans des organisations politiques. Leur activité est rythmée par celle de leur parti, auquel ils consacrent une partie de leur temps, selon leurs moyens, leurs responsabilités et leurs disponibilités.

Et il y a une troisième catégorie, ceux qui tentent de comprendre l’évolution de leur temps, de décoder les évènements et de leur donner une orientation sur le long terme. Farid Chaoui fait indéniablement partie de cette catégorie. Leur souci n’est pas d’écumer les plateaux de télévision, ni de squatter les tribunes ou de monopoliser le débat. Ils essaient de créer des opportunités pour lancer des débats sur les grands thèmes politiques et de société de leur temps, et de rappeler les grands enjeux que le pays doit affronter. Ils s’inscrivent résolument dans le temps long, et refusent d’être entrainés dans l’immédiateté.

La réflexion de Farid Chaoui relève de ce souci permanent de ne pas plier aux modes du moment. Sa contribution sur le hirak porte clairement cette marque. Il revient sur de grands mouvements sociaux qui ont marqué l’époque contemporaine, comme l’opposition à la guerre du Vietnam aux Etats-Unis dans les années 1960 e 1970, ou mai 1968. Il relève que ces mouvements, malgré leur ampleur exceptionnelle, n’ont pas débouché sur des bouleversements politiques ou institutionnels immédiats, mais qu’ils ont durablement marqué l’évolution des sociétés sur des décennies.

Il rapporte cette réflexion au hirak, ce formidable mouvement populaire né en Algérie le 22 février 2019, et qui se poursuit encore avec la promesse de boucler une année dans un mois et demi. La vocation du hirak n’est pas de prendre le pouvoir en Algérie, mais d’opérer une sorte de reformatage de la vie politique sur le long terme. C’est dans la durée que ce mouvement portera ses fruits, en ouvrant des perspectives pour une nouvelle vision de la vie politique et institutionnelle, de la gouvernance et de l’organisation des rapports sociaux. C’est un texte qui mérite d’être lu et diffusé.

Abed Charef

La Nation, 5 jan 2020

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Algérie : Les sept axes de propositions et recommandations du Président de la République

Renforcement des droits et libertés des citoyens, moralisation de la vie publique et lutte contre la corruption, consolidation de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, renforcement du pouvoir de contrôle du Parlement, consolidation de l’indépendance du pouvoir judiciaire, consolidation de l’égalité des citoyens devant la loi et consécration constitutionnelle des mécanismes d’organisation des élections.

Les sept axes de propositions et recommandations du Président de la République autour desquels le comité, choisi pour cette mission, doit mener sa réflexion sont ambitieux. A la mesure de la situation cruciale que vit le pays. Il s’agit de revoir les principaux thèmes pour la construction d’un Etat de droit. Ces recommandations s’inscrivent en droite ligne avec les engagements du chef de l’Etat pendant sa campagne pour une Algérie nouvelle, basée sur un Etat de droit et des règles du jeu démocratique comme le souhaite une majeure partie de l’opinion nationale.

Les Algériens, sortis dans la rue pour rejeter un cinquième mandat, exigent depuis ces mêmes changements contenus aujourd’hui dans ces propositions. L’amendement de l’actuelle Constitution qui devrait constituer le projet politique qui va animer prochainement la vie sociale et probablement un passage nécessaire, afin d’entamer un nouveau départ. Sauf qu’il faudrait faire en sorte que la Constitution amendée soit désormais celle qui prescrira des règles immuables. Qui ne seront pas vite remises en cause à chaque nouvelle présidence.

L’Algérie a toujours eu du mal à respecter les textes mis en place par le législateur pour réguler la vie publique. Souvent, le politique s’incruste et impose ses règles, même aux dépens de l’Etat et de son image. Celle par exemple de changer le fameux verrou du nombre de mandats présidentiels et de l’alternance au pouvoir. Une «liberté» qui aura énormément fait mal à l’Algérie et à ses lois.

La situation que vit actuellement le pays pourrait bien être idoine pour décider, une bonne fois pour toutes, un véritable changement. Et instituer des règles du jeu immuable qui consolideront l’Etat et, partant, le citoyen dans son rapport avec son Etat.

Reporters.dz, 9 jan 2020

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