Maroc : Mehdi Ben Barka… Entre barbouzes et affaire d’Etat

Le fait que le gouvernement POMPIDOU ait pu être interpellé à la veille de l’élection présidentielle de décembre 1965 après l’enlèvement de l’opposant au roi du Maroc HASSAN II, Mehdi BEN BARKA (ci-dessus), n’avait pas manqué d’étonner. Du moins jusqu’à ce que l’on apprenne que beaucoup trop de prétendus gaullistes se trouvaient « mouillés » dans une affaire assez complexe qu’on mettra quelque temps à démêler, et où l’on se trouvait en présence pour l’occasion, aussi bien de truands que de policiers voire de barbouzes. Ce sera du reste l’un des plus gros scandales de l’ère gaulliste et il nécessitera que le général en personne intervienne lors d’une conférence de presse pour répondre aux nombreuses interrogations des journalistes lesquels, notamment deux journalistes de l’Express, Jacques DEROGY et Jean-François KAHN, avaient très vite compris dans quel guêpier s’était fourré l’Etat et de ce dont il s’agissait avec ce qui est devenu l’un des plus célèbres assassinats politiques. D’autant que sur le sol français, et alors qu’il s’y croyait en parfaite sécurité, BEN BARKA, un leader politique d’envergure internationale, venait de périr assassiné.

Chef de l’opposition au Maroc et représentant de l’Union Nationale des Forces Populaires, on ne retrouvera jamais le cadavre d’un homme que l’on a longtemps cru éliminé après son enlèvement. Ce que l’on sait, c’est que Mehdi BEN BARKA condamné à mort dans son pays avait émigré ces derniers mois en Suisse où il avait trouvé refuge à Genève chez le consul d’Algérie, qu’il se rendait fréquemment au Caire où il avait un appartement et qu’il se trouvait le 29 octobre 1965 à Paris pour, sans doute, y rencontrer le cinéaste Georges FRANJU. Celui-ci avait prévu avec l’aide du producteur Georges FIGON et de l’ancien directeur des programmes de Radio Maroc, le journaliste Philippe BERNIER de réaliser avec le leader tiers-mondiste un film évoquant la décolonisation qui devait faire la une à la veille d’un sommet des pays du Tiers Monde prévu pour janvier 1966. Après plusieurs tentatives de rendez-vous infructueuses, les deux hommes avaient d’ailleurs prévu ce jour-là de se voir à Paris à la Brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain où BEN BARKA s’était rendu accompagné d’un jeune étudiant marocain. C’est ce dernier qui alertera les autorités dès le lendemain. Ancien professeur du futur roi du Maroc HASSAN II, l’agrégé de mathématiques BEN BARKA rêvait à 45 ans de construire une société nouvelle dans un pays dirigé par le roi MOHAMMED V qui venait d’accéder à l’indépendance. Mais son opposition à son fils HASSAN II dès son arrivée au pouvoir en 1961, et à un système féodal basé sur un pouvoir absolu lui vaudra sans doute d’échapper dès novembre 1962 à un premier attentat et de nombreuses inimitiés. Devenu dangereux depuis qu’il animait un courant tricontinental, nombre d’observateurs estiment d’ailleurs que s’il n’avait pas été enlevé en octobre 1965 à Paris ni probablement tué, il aurait assurément changé le cours de l’histoire du Maroc et peut-être même du monde du fait de ses responsabilités dans le Tiers Monde et que l’entourage du roi HASSAN II en était parfaitement conscient.

Mehdi Ben Barka… Entre barbouzes et affaire d’EtatAutour de cet enlèvement les questions restent nombreuses. Ce film de FRANJU, était-il vraiment à l’ordre du jour et n’était-ce pas plutôt pour faire venir Mehdi BEN BARKA à Paris que cette rencontre lui avait été proposée ? S’inquiétant de ne pouvoir le joindre le 1er novembre, son frère Abdelkader prévenu de son enlèvement apprendra qu’il n’avait pas été enlevé par des policiers français ce qui le décidera à porter plainte pour séquestration. Interpellé le 29 octobre précédent sans violence par deux hommes lors de son arrivée à la Brasserie Lipp, Louis SOUCHON et Roger VOITOT se présentant à lui comme étant des policiers français, BEN BARKA sera aussitôt emmené à Fontenay-le-Comte où l’aurait, a-t-on dit, attendu le Général OUFKIR, le Ministre de l’Intérieur du roi HASSAN II (ci-contre). Du moins selon l’une des versions connues, l’autre prêtant à un certain BOUCHESECHE d’être le responsable de sa mort. Un BOUCHESECHE qui finira sa vie d’une drôle de façon car l’entourage d’HASSAN II ne souhaitait pas laisser trop de témoins derrière lui. Il est vraisemblable qu’il avait été prévu le 29 octobre de rapatrier Mehdi BEN BARKA au Maroc et de l’y emprisonner. Selon une autre version, le Général OUFKIR ne se trouvera en France qu’un peu plus tard, sans doute pour savoir ce qu’était devenu l’opposant à son roi. Le général venu à Paris, aurait même demandé l’assistance technique à son homologue français, le ministre Roger FREY, pour effacer les traces d’un enlèvement qui aurait mal tourné. Ce qu’il est facile de deviner au vu de ce que l’on sait aujourd’hui c’est que le leader tiers-mondiste ait pu faire l’objet d’un véritable complot organisé par le ministre marocain et que celui-ci savait pouvoir compter pour cet enlèvement sur le concours de policiers et de responsables français dont le Préfet de Police Maurice PAPON. Toujours aussi zélé qu’à l’époque où il déportait des Juifs à Bordeaux, et évoquant une nouvelle fois la raison d’Etat, PAPON n’empêchera d’ailleurs pas le Général OUFKIR de regagner le Maroc. Ce qui apparaît également curieux dans cette ténébreuse affaire, c’est aussi la disparition méthodique de tous les témoins qui auraient pu assister à l’enlèvement et au probable meurtre et pas seulement du truand BOUCHESECHE. Qu’il s’agisse du producteur, l’autre truand Georges FIGON retrouvé suicidé à Paris l’année suivante ou du jeune étudiant marocain qui, à son tour, se serait curieusement « suicidé » en 1971.

Malgré le procès qui se tiendra peu après cet enlèvement et l’implication de responsables français (1967), rien ne permettra de déterminer avec exactitude qui en était l’auteur. Le Français Antoine LOPEZ dit « Savonette » l’un des responsables des services de renseignements dont les attaches avec l’entourage d’HASSAN II ont été prouvées, sera l’un des seuls condamnés pour son implication dans l’enlèvement.

Mehdi Ben Barka… Entre barbouzes et affaire d’EtatIl faudra cependant attendre de nombreuses années avant que l’affaire rebondisse. Après DEROGY et J-F. KAHN, un nouveau journaliste, Joseph TUAL (ci-contre) a entrepris en effet d’enquêter pour enfin connaître la vérité sur cette ténébreuse affaire. Comme vous le verrez dans le film qui suit, il a pu rencontrer un dénommé Ali BOUREQUAT qui a été incarcéré au Maroc avec des truands comme BOUCHESECHE et une partie de ceux qui avaient enlevé le leader et opposant marocain. Il semble même que la tête d’un Mehdi BEN BARKA décapité ait été ramenée au Maroc et qu’elle ait été enterrée avec les corps de tous ces témoins dont il convenait de se débarrasser dans les jardins du PF3, une prison secrète des quartiers chics de Rabat devenu par endroits un véritable charnier où l’on n’arrive plus depuis après que des transformations ont été apportées à faire pousser le moindre oranger, les corps ensevelis l’ayant été sous de la chaux vive. Bien que personne ne songe plus aujourd’hui à trouver la moindre explication à des investigations régulièrement contrariées, l’enquête continue. Mais saura-t-on un jour la vérité ?

Source : Certitudes, 9 jan 2020

Tags : Maroc, France, Mehdi Ben Barka, barbouzes, services secrets, Mossad, Israël, Hassan II,

Dossier: Le Maroc et le Mossad

Par Inès Bel Aiba (à PARIS) Younès Alami, Ali Amar & Aboubakr Jamaï (Journal)

Dès le début des années 60, le Maroc et les services secrets israéliens ont tissé des liens. Ils débutèrent avec la question de l’exode des juifs marocains vers Israël pour s’étendre à une coopération plus étroite.

L´histoire des relations entre l’un des services secrets les plus emblématiques du monde, le Mossad israélien, et le royaume chérifien remonte aux premières années de l’indépendance du Maroc. A l’époque, Israël, polygone territorial façonné par les grandes puissances au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, recherche à tout prix des moyens de survivance dans un environnement arabe en ébullition et forcément hostile. L’Etat hébreu est conscient que son avenir dépend avant tout de sa démographie et de sa capacité à entretenir des relations stratégiques avec nombre de jeunes nations encore non-alignées. Le Maroc correspond aux desseins des sionistes.

Selon Agnès Bensimon, auteur du célèbre « Hassan II et les Juifs », c’est parce que les services secrets israéliens ont fourni des renseignements très précis quant à un complot visant à tuer le prince héritier en février 1960 que les relations entre le Maroc et Israël ont débuté. L’historien Yigal Bin-Nun dément une telle version des faits. Pour lui, c’est en 1963 que la coopération officielle entre les deux pays a commencé.

Quel intérêt pour Hassan II ?

Les Israéliens avaient contacté Emile Benhamou, un ami d’enfance de Mohamed Oufkir, afin qu’il les fasse entrer en contact avec le chef des services de sécurité marocains. Après plusieurs tentatives, la rencontre est finalement arrangée en février 1963 chez Benhamou lui-même, rue Victor Hugo à Paris, entre l’agent Yaakov Karoz et Oufkir. Les Marocains craignent qu’un membre de l’opposition ne se fasse passer pour un représentant du Palais pour acheter des armes. Le Mossad confirmera plus tard qu’il s’agissait d’une fausse alerte. Les relations entre le Maroc et Israël deviennent dès lors officielles.

Hassan II craignait que son trône ne soit menacé par le panarabisme. Il faisait mine de sympathiser avec la vague nassérienne qui submergeait le monde arabe ; en réalité, il le faisait pour ne pas se laisser distancer par l’opposition.

Selon Yigal Bin-Nun, le Roi a peut-être voulu se rapprocher d’Israël parce qu’il était attiré par ce qu’on appelait alors le « miracle israélien ».

Beaucoup étaient fascinés par la capacité qu’avait eu ce jeune Etat à « fleurir le désert », selon l’expression consacrée. L’inexistence des relations israélo-arabes était propice à un rapprochement entre le Palais et les dirigeants israéliens, d’autant plus que Ben Gourion avait décidé d’opter pour la politique dite des Etats périphériques : il fallait développer une ceinture d’Etats lointains mais conciliants.

L’intrusion du Mossad au Maroc s’est faite par des voyages clandestins de nombreux agents du Mossad et de leur chef Isser Harel, entre 1958 et 1960. Le premier eut lieu le 1er septembre 1958. Si les autorités marocaines eurent vent de sa visite, elles n’en laissèrent rien paraître, préparant ainsi le terrain à « l’accord de compromis » conclu entre le Palais et Israël favorisant l’exode des Juifs marocains. Plus tard, les officiers Oufkir, Dlimi et bien d’autres se rendirent clandestinement en Israël et des politiques et militaires israéliens firent durant de longues années le chemin inverse.

Des liens ambivalents

Les archives nationales d’Israël regorgent de documents historiques qui retracent ces liens. Les Marocains auraient souvent demandé aux Israéliens de les renseigner sur les Etats arabes favorables à un renversement de la monarchie alaouite. Israël aurait aussi soutenu le Maroc dans sa « Guerre des Sables » avec l’Algérie en livrant des blindés .

Des officiers de Tsahal et du Mossad ont formé et encadré la jeune armée royale et les services de sécurité dont le célèbre Cab-1, l’embryon de la DST.

En retour, et malgré l’envoi de troupes au Golan jugé « anecdotique », le Maroc n’a eu de cesse de normaliser l’existence de l’Etat hébreu auprès du monde arabe, en jouant par exemple un rôle capital dans l’accord de paix avec l’Egypte qui coûta la vie à Anouar Sadate ou encore d’ouvrir à Rabat et à Tel-Aviv des antennes diplomatiques. Plus récemment, Israël aurait continué à aider « technologiquement » le Maroc au Sahara, notamment dans la sécurisation du Sud par la construction du Mur de défense, ceinture modernisée de la fameuse ligne Barleev expérimentée dans le Sinaï ou diplomatiquement via le lobby pro-israélien aux Etats-Unis.

Hassan II, Descartes et l’Etat hébreu

La longue et tumultueuse histoire des relations entre Israël et le Maroc est marquée par une émigration progressive des Juifs marocains vers la « Terre promise ». Une émigration tolérée à la veille de la création de l’Etat d’Israël dans les années 48-49, clandestine à l’orée de l’indépendance marocaine et monnayée à partir de 1961 par le gouvernement marocain néo-indépendant. Un processus ayant pour corollaire les circonvolutions inhérentes à la politique interne marocaine et à l’analyse du phénomène par un homme, le défunt Roi Hassan II.

De 1956 à 1961, le gouvernement marocain est dans une logique de durcissement quant à la liberté de circulation de ses ressortissants israélites. Des mesures restrictives accompagnées de brimades administratives (fin des relations postales entre les Etats) inquiètent fortement les gouvernements israéliens à cette période. Si les exactions commises à l’encontre de la minorité juive sont rares, Israël est dans une logique de peuplement de ses territoires, une logique dans laquelle la communauté marocaine constitue un réservoir important.

C’est dans ce climat tendu que le prince Moulay Hassan, Premier ministre de fait, accomplit une visite au Caire, où il y rencontre le raïs Gamel Abdel Nasser qui lui promet soutien et collaboration, un rapprochement qui agace fortement l’Etat hébreu. Imaginer des solutions pour exfiltrer les ressortissants juifs devient dès lors une priorité pour Israël, mais la voie diplomatique devait être maintenue coûte que coûte.

C’est dans ce cadre que l’éditeur français René Julliard organisa le 2 décembre 1959 une rencontre entre le consul d’Israël à Paris, Mordekhay Shneurson, et l’ambassadeur marocain Abdellatif Benjelloun.

Une discussion tendue s’engagea entre les deux hommes et le consul israélien, dans une lettre adressée au directeur de cabinet de la ministre des Affaires étrangères, conclut de la manière suivante : « Cet entretien prouve qu’il n’y a aucun bénéfice dans nos tractations actuelles avec les Marocains. Tous nos efforts n’aboutissent à rien, il ne reste que l’action ».

La solution politique s’éloignait, elle sera ravivée quatre mois plus tard par un canal inattendu. L’opposant marocain Mehdi Ben Barka prendra attache avec les Israéliens dans un contexte politique national extrêmement tendu. En mars 1960, Ben Barka assurera les Israéliens de sa défiance envers le régime de Nasser et de son admiration pour le modèle socialiste israélien.

Il demandera un soutien moral et financier dans sa lutte contre le régime de Hassan II. Dès lors, les officiels israéliens demeureront quatre mois durant dans une logique dubitative. Fallait-il maintenir le contact avec un gouvernement marocain fermé aux discussions ou envisager une solution alternative mais plus risquée avec l’opposition au régime ? La réponse viendra du prince Moulay Hassan qui jeta les ponts à une ouverture progressive des frontières pour les ressortissants juifs marocains.

Moulay Hassan exigea la discrétion absolue sur le sujet et rencontra à Rabat l’envoyé officieux du gouvernement israélien, le représentant du C ongrès juif mondial Alexandre Easterman. Le prince eut alors l’analyse suivante, une analyse à deux niveaux qui permettra d’amorcer les modalités définitives d’un accord entre les deux parties.

D’un côté, il craignait que si les portes de l’émigration s’ouvraient, les Juifs ne quitteraient en masse le pays et par conséquent un grave problème économique se déclenche. Même si un petit nombre seulement de Juifs quittait le Maroc, ils seraient rapidement imités par d’autres, ce qui risquait de provoquer « une force grégaire ».

Mais le futur Roi contrebalança cet argument par une analyse pragmatique sur l’avenir de la communauté juive au Maroc : « soyons réalistes, l’expérience nous a appris que dans le processus de développement de pays venant d’accéder à l’indépendance, la classe défavorisée de la population, désenchantée par les difficultés, s’attaque d’abord aux étrangers, ensuite elle s’en prend aux minorités religieuses »(1). Avec cet argument, Moulay Hassan rejoignait les thèses alarmistes du Mossad sur la précarité à long terme de la communauté.

Dès lors un accord dédommageant le pays de la perte d’une partie de ses forces vives, d’une élite productive mais qui aurait du mal à s’intégrer dans le Maroc indépendant, pouvait sérieusement être envisagé. Cette attitude permit au futur Roi de s’installer de manière pérenne dans un sillage moderniste.

Analysant la position paternaliste de son père le roi Mohammed V à Easterman, le prince décrivit à froid son futur positionnement quant à la question israélienne : « Il ne pense pas comme vous et moi.

Nous sommes des Occidentaux et lui, contrairement à nous, n’examine pas la question d’une manière cartésienne ». Une position confortable pour les deux parties. Pour Israël, elle permettait d’asseoir les relations avec un pays arabe éloigné du Proche-Orient et qui pourrait faire office d’intermédiation en cas de conflit (il en sera ainsi de même avec la Turquie et la Jordanie).

Ben Barka était dans la même logique mais l’éviction quelques mois plus tard du gouvernement socialiste d’Abdallah Ibrahim et l’arrivée officiellement aux affaires du prince comme Premier ministre sonneront le glas d’une option qui avait très peu de chances d’aboutir.

Ben Barka et Israël

« Je sais qui a tué Ben Barka, je sais pourquoi et je sais où son corps se trouve aujourd’hui ». Yigal Bin-Nun dit ce qu’il veut bien dire de « l’affaire Ben Barka ». L’historien prépare un livre sur l’icône de la gauche marocaine et dit ne pas souhaiter voir ses révélations faire la Une des journaux sans véritable appareil argumentatif. Tout ce que l’on saura, c’est que Mehdi Ben Barka a été tué par erreur et que son corps repose quelque part en France. Que la fameuse histoire de la cuve est fausse et que le livre de Boukhari est un tissu de boniments.

Qu’il n’y a rien sous la mosquée de Courcouronnes. Que Mohamed Oufkir n’a probablement rien à voir avec l’enlèvement et l’assassinat et que le seul nom récurrent est celui de Dlimi. Que tout a été organisé par Miloud Ettounsi, alias « Chtouki »…

Bien plus que « saheb lihoud »

Mais ce n’est pas tout. Yigal Bin-Nun veut bien donner quelques détails sur un autre sujet explosif : les relations de Mehdi Ben Barka avec Israël et le Mossad. Il affirme que Ben Barka était bien plus que « Saheb Lihoud » ; il aurait eu des contacts presque quotidiens avec le Mossad, notamment avec le numéro 2, Yaakov Karoz. Des relations idylliques qui commencèrent à se ternir lorsque Ben Barka parla ouvertement de prendre le pouvoir au Maroc et demanda non seulement de l’argent, mais aussi des armes à Israël. De là date la rupture supposée entre le Mossad et lui, qui explique les propos véhéments contre la présence d’Israël dans les pays d’Afrique et d’Asie lors d’un discours qu’il a tenu au Caire en 1963. Mehdi Ben Barka, tel que le décrit Yigal Bin-Nun, était également attiré par le modèle de développement israélien.

Il aurait demandé à ses interlocuteurs du Mossad des livres pour apprendre l’hébreu ainsi que des manuels concernant le développement rural et agricole en Israël afin de s’en inspirer au Maroc.

Le chercheur israélien s’est basé sur des témoignages d’acteurs de l’époque toujours en vie, mais aussi et surtout sur les archives déclassifiées de l’Etat hébreu.

La relation de Mehdi Ben Barka avec Israël, daterait de mars 1960. Deux documents des comptes rendus classés aux archives nationales du ministère israélien des Affaires étrangères Israélien, dont l’auteur est André Chouraqui, dirigeant de l’Agence juive, rapportent le contenu des rencontres entre ce même André Chouraqui et Mehdi Ben Barka à Paris en Mars 1960. Le contexte politique marocain est pour le moins tendu.
Le gouvernement Abdallah Ibrahim et Mehdi Ben Barka sont en conflit ouvert avec le prince héritier Moulay Hassan. Dans l’un des comptes rendus, Chouraqui écrit : « Au cours de son voyage en Orient, le sultan a mis Ibrahim à l’écart des conversations avec Nasser et les autres souverains du Proche-Orient ».

Le Sultan est revenu transformé au moins sur ce point. Il sait qu’on peut gouverner un Etat seul et « au besoin » en mettant en prison des milliers de personnes. Ibrahim, par contre, a vu que la politique arabe dont il était l’instigateur n’est plus payante et qu’elle se retourne actuellement contre lui ; d’où, pour lui et ses amis, la nécessité de trouver de nouvelles alliance. Il les cherche alors du côté de l’Occident, des juifs et des forces de gauche.

« Selon ce document, Mehdi Ben Barka affirmait à ses interlocuteurs que le gouvernement Ibrahim avait pris position pour le général Kassem, président de l’Irak dans le conflit qui l’opposait à Gamal Abdenasser au sein de la Ligue Arabe. Mehdi Ben Barka aurait dit lors de ces rencontres que le mouvement qu’il représentait avait fait le choix de la démocratie que pouvait représenter le général Kassem et les pays africains qui se démocratisaient, plutôt que de suivre le modèle nassérien anti-démocratique.

Rencontres soutenues

D’après le document, Ben Barka aurait proposé une solution pratique à un problème qui embarrasse Israël et la communauté juive marocaine : la rupture des rapports postaux entre Israël et le Maroc. Résultat de l’adhésion du Maroc à la Ligue Arabe, cette rupture avait suscité la mobilisation des organisations juives. Un intense travail de lobbying avait été effectué.

Pourquoi le leader du progressisme marocain fait-il autant d’efforts vis-à-vis des lobbies pro-israélien et d’Israël lui-même ? Dans ce fameux document, André Chouraqui écrit : « La deuxième chose qui résulte de ce premier entretien avec Ben Barka est que celui-ci a, avec empressement, accepté l’invitation de visiter Israël. Si cela se réalise, cela aura des conséquences lointaines non négligeables.

Ben Barka, en s’ouvrant à nous, attend de nous un appui moral auprès des Juifs marocains et, très probablement aussi, un appui matériel s’il entre en guerre ouverte contre la monarchie. Il aura besoin d’argent et d’armes. Il m’a laissé entendre cela d’une manière assez claire ». Selon les archives israéliennes, André Chouraqui organisera, le 26 mars 1960 à Paris, une rencontre entre Mehdi Ben Barka et Yacoov Karoz , numéro deux du Mossad.

Yigal Bin-Nun produit à l’appui de sa thèse un autre document d’archives provenant du Congrès mondial Juif (CMJ). Il s’agit là aussi d’un compte rendu d’une rencontre entre Mehdi Ben Barka et Alexandre Easterman du CJM, à Paris le mardi 5 avril 1960.
Selon ce document, c’est à la demande du leader marocain que la rencontre eut lieu. Easterman y rapporte l’argumentaire déployé par Ben Barka pour s’assurer l’aide du CJM dans son combat contre le pouvoir réactionnaire représenté par la monarchie marocaine.

Ben Barka aurait évoqué une fois encore, l’opposition de son mouv ement à la politique anti-démocratique de Nasser, et le soutien dont il jouit auprès de nombreux pays africains.

Alexandre Easterman écrit avoir questionné Ben Barka sur la rupture des rapports postaux entre le Maroc et Israël, le refus de permettre de délivrer des passeports aux Juifs marocains pour leur permettre d’émigrer en Israël et le refus d’Abdallah Ibrahim de le recevoir quand il s’était rendu au Maroc.

Ben Barka aurait évoqué là aussi les forces réactionnaires qui rendent toute politique d’ouverture impossible vis-à-vis d’Israël. Il aurait promis à son interlocuteur qu’il s’arrangerait pour que Abdallah Ibrahim le rencontre lors de sa prochaine visite au Maroc.

Selon ce compte rendu, Mehdi Ben Barka a réitéré sa demande d’assistance. « Il (Mehdi Ben Barka) espérait que le CJM allait se joindre aux autres éléments libéraux pour soutenir son groupe par tous les moyens, et que c’était dans l’intérêt des Juifs que le Congrès devait le faire.

Je lui ai demandé ce qu’il entendait par soutien, et il a répondu :  »Soutien moral et matériel ». Il n’a pas précisé ce qu’il entendait par là et je ne lui ai pas demandé », rapporte Easterman dans ce document. En conclusion, le dirigeant écrit très cyniquement : « J’ai appris à Paris que Ben Barka avait rencontré nombre de personnes et de délégations juives durant ces dernières semaines. Il apparaît donc qu’il ne m’a pas accordé un privilège spécial en me rencontrant si ce n’est le fait de s’être déplacé chez moi plutôt que le contraire. » Et d’ajouter : « La nouvelle, et sans précédente sollicitude de Ben Barka à l’égard des Juifs, montre indubitablement sa volonté de nous rassurer, à la lumière de ce qui s’est récemment passé au Maroc.

Ses promesses de tout arranger signale son souhait d’obtenir un soutien juif, quel que soit le sens qu’il donne au mot soutien. D’un autre côté, tout ceci suggère que sa position est bien plus faible qu’il ne veut nous le laisser croire. »

« Hoche », l’agent du réseau de la Misgeret

« Faire partir les gens ». C’est avec sobriété qu’il décrit l’émigration clandestine des juifs du Maroc vers Israël. Il ne semble pas prendre la mesure de ce qui s’est passé, ni en évaluer l’importance. Il souhaite pourtant garder l’anonymat : une peur, ou plutôt une prudence héritées des années où il a travaillé comme agent actif de la branche du Mossad qui s’occupait de « l’évacuation ». Il accepte qu’on l’appelle « Hoche », l’un des nombreux noms de code qu’il a dû porter à cette époque.

Hoche est né à Fès en 1932. Fils d’un militaire français (« nous, on n’est pas des Français du décret Crémieux ») et d’une mère marocaine, il fait son service militaire pour « voir du pays ». De retour au Maroc après être passé par l’Indochine, l’Egypte et le Liban, il est recruté, par l’intermédiaire de l’un de ses amis, pour faire partie du Mossad et aider à évacuer les juifs du Maroc vers Israël. « Je devais garder le secret absolu.

On devait jurer sur la Torah qu’on ne dévoilerait rien de nos activités ; c’était un véritable rituel, une cérémonie où l’on ne voyait pas le colonel de l’armée israélienne qui supervisait tout ça ». En 1955, il est envoyé un mois et demi en Israël pour participer à un stage de formation collectif. « On nous a mis dans des camps isolés et clandestins, dont personne ne connaissait l’existence. On nous apprenait à nous battre et à nous défendre, à mener les opérations sans jamais nous faire repérer par la police. Nous étions une cinquantaine en tout et nous ne devions pas nous parler, ni connaître nos vrais noms ».

Il se souvient que Moshé Dayan et Isser Harel sont venus les voir pour leur parler et les encourager. De retour au Maroc, il est affecté à « l’Etat-major », à Casablanca, dont les réunions se déroulent dans un appartement de l’immeuble Liberté.

C’est là qu’il reçoit les premiers ordres : superviser les opérations d’évacuation toutes les deux semaines environ, sans intervenir lui-même, sauf en cas de problème. « Nous arrivions la nuit sur une plage isolée. Nous attendions que le bateau nous envoie des signaux lumineux pour lui renvoyer un message codé. Les gens qui voulaient partir venaient de partout, de Marrakech, d’Essaouira. On en a fait des choses… ».

Mais l’événement dont il est le plus fier s’est déroulé une nuit où il a utilisé sa voiture personnelle et a refusé de la faire entrer trop avant vers la plage, de crainte que quelqu’un ne note le numéro de sa plaque d’immatriculation et ne découvre son identité. Cette nuit-là, le reste des voitures des agents du Mossad a été encerclé par des Marocains -« les Arabes », comme les appelle Hoche-qui avaient observé le va-et-vient des bateaux et des véhicules et qui pensaient qu’il s’agissait de contrebandiers. Ils avaient donc bloqué la sortie en l’obstruant à l’aide de gros rochers.

Il se trouve que cette nuit est celle qu’a choisie Isser Harel, le chef du Mossad en Israël, pour voir comment se passait l’émigration clandestine au Maroc. Sans la voiture de Hoche à l’extérieur, Harel était découvert. Hoche et le chef du Mossad se sont donc faufilés jusqu’au véhicule et ont réussi à se diriger vers l’aéroport où Harel est parti pour la France, puis pour Israël.

Mais après le démantèlement du réseau de la Misgeret, Hoche décide de s’installer en Israël après un séjour de quelques mois en France. Il effectue un stage au ministère de la Défense israélien pendant deux ans mais est très vite confronté à la réalité de la société israélienne de l’époque : « J’étais suivi par une Polonaise, alors, moi évidemment, qui venais du Maroc… Aujourd’hui, il paraît que ça a changé. Mais je peux vous dire que pour les juifs d’Afrique du Nord, ce n’était pas facile. Un jour, on m’a même dit « Ici, on n’aime pas les Noirs ». C’est comme ça qu’ils appelaient les sépharades ».

Hoche perd l’illusions d’une vie paisible en Israël et s’installe en France. Aujourd’hui, il nie avoir agi pour l’unique intérêt d’Israël : « On m’accuse d’avoir fait tout cela contre le Maroc ; mais à l’époque, on croyait vraiment qu’il était urgent de faire partir les gens parce qu’on craignait un danger futur ».

(1) rapport d’Alexandre Easterman. Archives sionistes centrales Jérusalem Z6/1763


Par Inès Bel Aiba (à PARIS) Younès Alami, Ali Amar & Aboubakr Jamaï

Le Journal hebdomadaire

Tags : Maroc, Mossad, Hassan II, Ben Barka, gauche marocaine, 

Maroc révélation : Ben Barka, Hassan II et les autres

L’avocat de la famille Ben Barka vient de publier un livre témoignage pour dire ce qu’il sait du célèbre Mehdi, mais aussi de Hassan II, De Gaulle, Castro, etc. Le résultat, dont TelQuel publie de larges extraits, vaut le détour.

“S’il vous plaît, laissez le prince gagner !”

Ma première rencontre avec le futur roi Hassan II aurait dû avoir lieu à Ifrane, au cours de l’été 1942 ou 1943. J’avais 13 ou 14 ans. Je jouais au tennis avec un ami lorsqu’un capitaine de l’armée française se présente à la porte du court et m’interpelle : “Accepteriez-vous de jouer avec le prince ?”. Je ne comprends pas sa question.

– Avec quel prince ?

– Le fils aîné de Sa Majesté
le Sultan, le prince Moulay Hassan.

– Je joue assez mal et le prince ne sera sans doute guère intéressé par nos échanges de balles, lui réponds-je étonné.

– Bien sûr que si, car le prince ne joue que depuis peu. Mais une condition s’impose. Si vous acceptez de jouer avec lui, vous devez le laisser gagner.

La condition émise par l’officier me dresse les cheveux sur la tête ! Tout mon tempérament de “Sagittaire” me porte exactement au contraire… Il m’arrivera souvent de perdre au cours de ma vie, mais jamais dans aucun jeu, dans aucun sport, dans aucun procès, je ne l’ai fait ou accepté volontairement. Ma réponse fuse : “Prince ou pas, il n’en est pas question”.

L’accident-attentat contre la Volkswagen

Novembre 1962, Mehdi Ben Barka est victime d’un “accident”, véritable attentat contre sa personne. Il a quitté Rabat pour Casablanca, accompagné d’un futur député, Mehdi Alaoui, dans une Volkswagen, conduite par un chauffeur membre du parti. Le véhicule est suivi de près par une Peugeot 403 des services de police chargés de surveiller, depuis plusieurs jours, tous ses déplacements. A bord ont pris place des agents du CAB 1. Brusquement, dans une longue courbe surplombant un ravin non loin de Bouznika, la 403 accélère, passe devant la Volkswagen et se rabat devant elle, commettant ainsi, délibérément, ce qu’on appelle une “queue-de-poisson”. Pour éviter l’accrochage et la chute dans le ravin, le chauffeur de la Volkswagen donne un coup de volant brutal à gauche, renversant son véhicule de l’autre côté de la route, dans le fossé. Le chauffeur et Mehdi Alaoui se sont évanouis sous le choc. Ben Barka, éjecté du véhicule, non. Appelant de l’aide, il est entendu par des ouvriers agricoles proches qui viennent aussitôt lui porter secours, ainsi qu’à ses compagnons. Les policiers sont descendus de la 403 et reviennent en arrière. Constatant la présence de témoins, ils prennent immédiatement le chemin inverse et disparaissent avec leur véhicule ! Une voiture de passage transporte les victimes à Rabat. Par le plus grand des hasards, elle est conduite par le procureur du roi près la Cour Suprême ! Il est donc le premier informé de ce qui vient d’arriver. Sur le coup, Ben Barka ne s’est pas plaint. Mais, dès son retour chez lui, une douleur à la nuque le terrasse. Transporté d’urgence dans une clinique de la ville, la fracture d’une vertèbre cervicale est diagnostiquée. Cet établissement est le plus réputé de Rabat, mais son directeur entretient des relations étroites avec le Palais… Le parti place donc des gardes devant la porte de la chambre de Ben Barka, qui se relayent jour et nuit. Inquiet des soins qui lui sont prodigués et des allées et venues de “particuliers douteux”, son frère décide de l’emmener en Allemagne. Le 22 novembre, ils arrivent à Cologne. Après quinze jours de soins intensifs, Ben Barka est de retour, avec une “minerve”.

“Jamais il ne remettra les pieds au Maroc !”

Le roi, selon certains, a tenu au palais royal, dès le 25 mars 1965, un conseil restreint avec Oufkir, Dlimi, Moulay Hafid et Driss M’Hammedi, le directeur général du cabinet royal, pour évoquer le “cas Ben Barka”, peut-être beaucoup plus nocif à l’étranger que s’il était au pays. Son retour au Maroc s’imposait donc, d’une manière ou d’une autre, de son plein gré – ce que le roi savait impossible – ou de force. En même temps qu’il reçoit les représentants des partis en avril, Hassan II cherche donc à prendre contact avec Mehdi Ben Barka. Espère-t-il ainsi diviser les dirigeants de l’UNFP ou songe-t-il, réellement, à lui confier une responsabilité importante dans la grave crise que vit le Maroc ? Ne va-t-il pas simplement tenter de l’appâter, de le piéger, pour le convaincre de rentrer de son plein gré servir le pays ? En fait, pour l’arrêter, voire le liquider, dès son arrivée ? Le roi n’a-t-il pas averti le 13 avril : “Tous ceux-là doivent comprendre que le temps des complots et des troubles est révolu… J’attire leur attention que notre clémence n’aura d’égal que notre fermeté” ? Simone Lacouture raconte dans L’Evénement, en octobre 1966 : “Il y a deux ans lorsque je fus reçue pour la dernière fois par le roi, on parlait du retour de Ben Barka, à la suite de la mesure royale d’amnistie des condamnés du complot de juillet. Lorsque je lui ai demandé si cette éventualité était envisageable, il bondit comme sous l’effet d’une insulte : ‘Ben Barka ? Jamais, vous entendez ! Jamais il ne remettra les pieds au Maroc. Souvenez-vous de ce jour et de ce que je vous dis : jamais Ben Barka ne rentrera ici. Je vous en donne ma parole d’honneur’”.

Quand Castro dit non

Avant le “retour de force” de Ben Barka au Maroc, Hassan II tente de lui couper ses “élans révolutionnaires”. Au moment même où, pour l’inviter à rentrer de son plein gré, il envoie le prince Moulay Ali à Francfort, il prie Fidel Castro de ne plus le recevoir à Cuba…au risque de voir abandonné par le Maroc l’important contrat signé début 1965 pour l’importation d’environ 150 000 tonnes de sucre, chaque année. Le coup est très dur pour Cuba, qui risque alors de perdre un gros client : le Maroc. Mais c’est mal connaître le “lider maximo”. Fidel Castro n’accepte pas le marchandage hassanien : “Que le Maroc cesse d’acheter son sucre à Cuba, s’il le veut, mais pas de chantage à l’égard de mon ami le président Ben Barka”. En revanche, Fidel Castro avertit fin septembre le leader marocain de la requête du gouvernement marocain à son encontre. La “démarche” de Hassan II est connue des services français. Je l’ai retrouvée dans le dossier du SDECE (contre-espionnage français). Un deuxième avertissement lui est donné, indirectement, au cours de l’été. Sa famille en résidence au Caire reçoit conseil de déménager dans un quartier plus résidentiel, plus surveillé par la police égyptienne. Ce qu’elle fait.

De Gaulle n’a pas tenu promesse

Novembre 1965, quelques jours après la disparition de Ben Barka, Hassan II reçoit, à Fès, le colonel Albert Touya, émissaire français. Celui-ci lui remet le rapport arrivé de Paris et l’informe de la requête de la France : le départ de Mohamed Oufkir ! Le souverain, qui a reçu son ministre dès son retour de Paris, le défend. Il reçoit finalement l’ambassadeur de France vers 18h. Le roi montre d’abord qu’il est très vexé : “L’affaire est grave… Donnez-moi un délai de trois jours. Lorsqu’on attaque un ministre, c’est moi-même que l’on attaque. Comment peut-on supposer vrai tout ce que vous me racontez, alors que je devais aller à Paris le 11 novembre, qu’Aherdane en revient, que votre ministre Pisani allait venir ? Et, c’est dans ces conditions qu’Oufkir et Dlimi seraient allés à Paris pour faire le coup, comme l’on dit ? Croit-on que moi-même, j’ai pu avoir participé en quelque manière à toute cette affaire ? Mon éthique est l’honneur, la tradition de ma famille… La raison d’État doit l’emporter… Qu’y a-t-il en balance dans tout cela ? D’un côté, une affaire de truands, de l’autre les rapports entre la France et le Maroc… Tout ce que je demande, c’est la vérité. Ce qu’on insinue est impossible”. En bref, Hassan II écarte toute idée de se séparer d’Oufkir. De Gaulle a été informé, dès le matin, de la position intransigeante du roi. Il n’en est que plus irrité. Est-ce la raison du message en retour qu’il a adressé à la mère de Mehdi Ben Barka ? Je suis convoqué à l’ambassade de France en fin d’après-midi. Le conseiller juridique m’apprend la réponse. Je lui demande de me remettre le texte. “Il n’en est pas question, me dit-il. Mais vous êtes autorisé à l’apprendre par cœur !” Après discussion, j’obtins le droit de le recopier, d’en faire état à ma seule cliente, mais de ne pas le communiquer à des tiers ! “Veuillez faire savoir à la mère de Mehdi Ben Barka que le général de Gaulle a bien reçu la lettre qu’elle lui a adressée et qu’il tient à l’assurer que la justice exercera son action avec la plus grande rigueur et la plus grande diligence”.

J’en fais part sur-le-champ à la mère de Mehdi Ben Barka et à Abderrahim Bouabid. L’engagement solennel du chef de l’État français leur redonne courage. La France n’est-elle pas le pays des droits de l’homme, des libertés, de la justice ? Hélas, Fatouma Bouanane décèdera le 20 octobre 1970, quelques jours après le Général, sans en savoir plus sur le sort de son fils.

Le show de Dlimi

Octobre 1967 : le directeur général de la Sûreté nationale marocaine, Ahmed Dlimi, se présente au palais de justice et se constitue prisonnier ! Une véritable comédie policière, avec même des barrages aux abords des aérodromes, a précédé son arrivée…alors qu’il dormait tranquillement dans un bon lit parisien. Il a voyagé dans la nuit du 17 au 18 sous le nom de “M. Ben Mokhtar, commerçant” ! Depuis son débarquement, la nouvelle a été soigneusement cachée par ses avocats. Suprême plaisanterie, l’audience de la Cour du 19 octobre a commencé à l’heure prévue, sans qu’aucune information ne soit donnée sur “l’arrivée de Dlimi”. A 16 h, une grande agitation se produit aux grilles du palais. Les chuchotements augmentent dans la salle d’audience… A 16 h 30, une 404 franchit les grilles. L’homme qui en descend déclare, au premier gendarme qui l’interroge, qu’il est bien Ahmed Dlimi. Pourquoi lui avoir laissé tant de temps depuis son passage à Orly ? Sans doute pour lui permettre d’organiser sa défense. On sait aujourd’hui qu’un arrangement a même été passé avec lui avant son départ de Rabat ! Dlimi, en plein accord avec Hassan II, qui lui a donné l’ordre formel de se taire, joue les innocents. Son avocat sollicite de la Cour sa mise en liberté provisoire immédiate ! Offusqués, nous décidons avec le représentant de la partie civile de quitter l’audience en signe de protestation… De l’autre côté, à Rabat, pour que la comédie soit complète, Hassan II condamne Dlimi à 120 jours d’arrêt de rigueur pour “abandon de poste”. Mais il décide, en même temps, de le nommer lieutenant-colonel, une promotion !

Ils avaient le même tailleur…

Hassan II raconte qu’il était très intime de Ben Barka dans sa jeunesse : “C’était un bon compagnon, un vieux copain…” Et d’ajouter : “C’est à Ben Barka que je dois de m’habiller avec élégance… Plus tard nous avions le même tailleur, M. Kamps. A l’époque le costume coûtait 150 000 anciens francs”. Or, par le plus grand des hasards, j’acquis ces dernières années un costume chez un commerçant de l’avenue Félix Faure à Paris, qui me dit être un ancien ouvrier tailleur chez M. Kamps. Et il me raconta que “le prince Moulay Hassan était venu un beau jour commander cent costumes”. Pas Ben Barka !

Maurice Buttin. Une affaire, un homme

D’origine marocaine, puisqu’il est né à Meknès en 1928, Maurice Buttin s’est inscrit au barreau de Rabat dès 1954. Onze ans plus tard, il fait son entrée dans la grande histoire en acceptant, au nom de la mère de Mehdi Ben Barka, de prendre l’affaire en main. 45 longues années de lutte acharnée, entre Rabat (où il a longtemps été interdit de séjour) et Paris, n’ont pas suffi à faire éclater tous les verrous, toute la vérité. Buttin, bon pied bon œil, n’a toujours pas renoncé et ne le fera sans doute jamais. C’est l’histoire de ce demi-siècle d’espoirs et de frustrations, mêlée à la petite histoire de la gauche marocaine, qu’il nous raconte dans son livre Hassan II, De Gaulle, Ben Barka : ce que je sais d’eux, qui vient de paraître aux éditions Karthala.

Editing TelQuel No 446, 12 nov 2010

Tags : Maroc, Makhzen, Mehdi Ben Barka, Oufkir, Hassan II, Mossad, SDECE, 

Maroc – Tintin et « Miloud »​, la Liberté de la Presse et encore et toujours l’Affaire Ben Barka…

Jean-Yves Serrand

« TINTIN ET MILOUD »… Une histoire surréaliste!

Hier la Cour d’Appel de Paris a encore passé tout l’après-midi à examiner le nouveau recours (en appel cette fois) d’un certain Miloud Tounsi, ancien commissaire des services secrets marocains, contre le journaliste Joseph Tual auteur du documentaire « Ben Barka, l’obsession » diffusé sur F3 en 2015.

Miloud Tounsi y est désigné par un de ses collègues comme étant Larbi Chtouki, condamné par contumace depuis 1965 pour l’enlèvement de Mehdi Ben Barka. Et le documentaire rappelle que suite à une longue instruction toujours en cours, la justice française a émis en 2007 un mandat d’arrêt international contre lui pour pouvoir l’entendre.

Effectivement c’est grave. Et si M. Tounsi se sent injustement accusé, il devrait accepter d’être entendu par le juge. Mais zut, depuis 12 ans la police marocaine ne le trouve pas pour exécuter le mandat d’arrêt… Pourtant M. Tounsi semble être domicilié à Rabat et jouir de tous ses droits, puis qu’il a même le culot de mobiliser la justice française qui le recherche … pour juger les journalistes qui en rendent compte! Et celle-ci, bonne fille, s’exécute!

L’an dernier la 17ème Chambre correctionnelle a déjà relaxé Joseph Tual du délit de diffamation, en notant le sérieux de son enquête. Hier le journaliste a à nouveau été soumis à un interrogatoire croisé sur chaque terme employé dans son documentaire, pendant que Miloud Tounsi devait siroter un thé à la menthe au Maroc! Enfin… s’il existe, comme l’a finement fait remarquer l’avocate de Joseph Tual à la présidente de la Cour, car après tout personne ne l’a jamais vu, ou pu vérifier l’identité de ce M. Tounsi!

Joseph Tual on le sait, tient de Tintin: il ne lâche jamais ses enquêtes, serait-il le dernier en France à vouloir connaître la vérité de cette « subalterne » (comme disait De Gaulle) affaire Ben Barka. « Tintin et Miloud » aurait donc pu être un titre amusant, et pour les plus de 77 ans, si ne se profilait derrière l’ombre terrible d’un meurtre politique, une ombre occultée par tous nos gouvernements depuis 1965. Mehdi Ben Barka était alors la cheville ouvrière de la formation de la Tricontinentale, l’union des peuples du tiers-monde contre le néocolonialisme et le néolibéralisme. On ne saura jamais comment, resté en vie, il aurait pu infléchir le cours de l’Histoire.
Le paradoxe est que si l’on parle encore de Ben Barka devant un tribunal aujourd’hui, c’est seulement grâce aux commanditaires de sa disparition, et à leur haine archaïque envers la liberté de la presse.

Egalement, Les Brûlures de l’Histoire, Patrick Rotman : https://www.youtube.com/watch?v=vrYvGmml6KU

Interpol diffuse quatre mandats d’arrêts internationaux

Par LEXPRESS.fr le 01/10/2009

Ils visent le chef de la gendarmerie marocaine et des membres des services secrets marocains, tous soupçonnés d’être impliqués dans la disparition de Ben Barka en 1965.

Quatre mandats d’arrêts internationaux émis par la France et visant notamment le chef de la gendarmerie marocaine pour la disparition de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka en 1965 à Paris, ont été diffusés par Interpol après accord du ministère de la Justice.

Ces mandats, signés par le juge parisien Patrick Ramaël le 22 octobre 2007 au premier jour d’une visite d’Etat de Nicolas Sarkozy au Maroc, ont été notifiés ces derniers jours par Interpol, selon une source proche du dossier.

Leur diffusion, via le Bureau central d’Interpol en France, fait suite à un récent feu vert du ministère français de la Justice, selon cette source.

Ils visent le général Hosni Benslimane, chef de la gendarmerie royale marocaine, le général Abdelhak Kadiri, ancien patron de la Direction générale des Etudes et de la Documentation (DGED, renseignements militaires), Miloud Tounsi, alias Larbi Chtouki, un membre présumé du commando marocain auteur de l’enlèvement, et Abdlehak Achaachi, agent du Cab 1, une unité secrète des services marocains.

« Ces mandats avaient été diffusés à l’époque sur le territoire national mais avaient été bloqués au niveau européen et mondial », a expliqué à l’AFP l’avocat de la famille Ben Barka, Me Maurice Buttin.

Leur diffusion a lieu alors que le ministre français de l’Intérieur Brice Hortefeux est revenu mardi d’une visite de trois jours au Maroc, où il s’est notamment entretenu avec son homologue Chakib Benmoussa.

Ces mandats d’arrêt ont été relayés par Interpol au niveau international sous forme d' »avis de recherche internationaux à des fins d’extradition », communément appelés « red notices ».

« Nous nous demandons qui est derrière cette annonce »

Leur conséquence immédiate est que les personnes visées risquent l’arrestation dès qu’elles quittent le territoire marocain.

Jeudi soir, le gouvernement marocain n’avait pas réagi officiellement à cette information.

« C’est une surprise mais aussi une ancienne histoire qui revient à la surface chaque fois qu’une ‘partie occulte’ veut salir les relations excellentes entre le Maroc et la France », a toutefois déclaré à l’AFP une source proche du ministère de la Justice ayant requis l’anonymat.

« Nous nous demandons qui est derrière cette annonce, qui ressemble à celle diffusée en 2007 », a ajouté une autre source, également proche du ministère de la Justice.

L’Association marocaine des Droits humains (AMDH) a pour sa part immédiatement appelé les autorités marocaines « à communiquer les informations en leur possession pour faire toute la lumière » sur cette affaire.

Le juge Ramaël avait émis au total cinq mandats d’arrêt en octobre 2007, mais le cinquième, visant un autre membre de Cab 1, n’a pas été relayé au niveau international en raison d’un problème de vérification d’identité, a confié une source proche du dossier.

« Réveiller les esprits endormis »

Leur émission en 2007, en pleine visite de Nicolas Sarkozy au Maroc, avait plongé la délégation française dans l’embarras. Le président français s’était retranché derrière le principe d’une justice « indépendante ».

Elle visait, selon Me Buttin, avocat de la famille depuis 44 ans, à « réveiller les esprits endormis » sur une affaire qui « fait partie des relations entre la France et le Maroc ».

Ben Barka, chef de file de l’opposition marocaine en exil et figure emblématique du tiers-mondisme, a disparu le 29 octobre 1965 devant la brasserie Lipp à Paris, lors d’une opération menée par les services marocains du roi Hassan II avec la complicité de policiers et de truands français.

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L’IMPOSSIBLE PROCÈS DE L’ASSASSINAT DU LEADER MAROCAIN BEN BARKA

Vendredi, 2 Septembre, 2016

Gilles Manceron

Le 5 septembre 1966, s’ouvre à Paris le procès de l’assassinat de l’opposant Mehdi Ben Barka, enlevé en plein Paris en octobre 1965. Les services du roi Hassan II sont directement mis en cause. Malgré la volonté du général de Gaulle, la vérité ne surgira pas.

L’enlèvement de l’homme politique marocain Mehdi Ben Barka, le 29 octobre 1965, en plein Paris, boulevard Saint-Germain, par deux policiers français, puis son assassinat ont suscité une vague d’indignation dans le monde entier. Le ministre de l’Intérieur marocain, le général Oufkir, aussitôt prévenu, est arrivé à Orly le 30 octobre, accompagné du directeur de la sûreté marocaine, le colonel Dlimi, et d’un homme de leurs services, et ils sont repartis une fois leur mission accomplie.

Le chef du service secret français du SDECE, le général Jacquier, le ministre de l’Intérieur, Roger Frey, et le préfet de police de Paris, Maurice Papon, étaient informés de leur présence et de leurs actes, sans qu’ils mettent au courant le chef de l’État. Le général de Gaulle devait recevoir Mehdi Ben Barka durant son séjour et, quand il a eu connaissance des faits, il en a été furieux. Il écrit aussitôt à sa veuve, le 4 novembre, que « la justice exercera son action avec la plus grande rigueur et la plus grande diligence ». Mais, après l’élection présidentielle de décembre 1965, lors de sa conférence de presse du 21 février 1966, il choisit de qualifier l’implication française de « vulgaire » et « subalterne », et de tenir le gouvernement marocain pour seul responsable de la disparition de Ben Barka. La France a lancé des mandats d’arrêt contre le général Oufkir, le colonel Dlimi et l’un de leurs agents.

La promesse de De Gaulle ne sera suivie d’aucun effet lors du procès ouvert le 5 septembre 1966. En l’absence des accusés marocains et des quatre membres de la bande du truand Georges Boucheseiche, chez qui Ben Barka a probablement été assassiné, seuls comparaissent l’agent du SDECE à Orly, Antoine Lopez, et le policier Louis Souchon. Les responsables policiers et politiques français qui étaient au courant et avaient prêté main-forte aux tueurs ne sont pas inquiétés.

L’un des avocats de la partie civile, Maurice Buttin, accuse directement le roi du Maroc, Hassan II, d’avoir voulu faire revenir de force Ben Barka dans son pays, où il avait été condamné à mort à deux reprises, et d’être responsable de son assassinat. Pour éviter une dénonciation du crime qu’il a commandité, le roi a ordonné au chef de la sûreté, le colonel Dlimi, de se rendre à Paris pour interrompre le procès en demandant la cassation de son renvoi devant les assises. Après 37 jours d’audience, l’arrivée de Dlimi à Paris, le 19 octobre, a reporté la suite du procès au mois d’avril 1967.

Dès la reprise, l’argumentaire de l’avocat de Dlimi, François Gibault, connu pour avoir défendu les hommes de l’OAS, a été clair : il a plaidé que ce n’était pas une affaire marocaine mais une affaire française, que Ben Barka avait été enlevé dans une voiture de police française, par deux policiers français en exercice et par un agent des services secrets français. Il a laissé entendre que si la justice française condamnait le chef de la sûreté marocaine, il pourrait en dire davantage sur les responsables français, le chef du SDECE, le ministre de l’Intérieur et le préfet de police, qui avaient aidé le roi du Maroc dans son projet.

Tous les témoins gênants pour le roi disparaîtront

Pour rendre l’avertissement plus clair, deux agents du SDECE envoyés par le nouveau chef de ce service pour enquêter au Maroc sur l’enlèvement de Ben Barka y ont été assassinés, le commandant Borel, le 6 février 1966, et Yves Allain, en mission pour le SDECE sous couverture de l’ORTF, le 15 octobre 1966, à Kénitra. Le message d’Hassan II a été entendu puisque le procès s’est achevé le 5 juin 1967, sur l’acquittement du colonel Dlimi, aussitôt accueilli triomphalement.

Seuls des sous-fifres, Lopez et Souchon, sont condamnés à six et huit ans de prison. Les autres accusés, tous au Maroc sous la protection des services de la monarchie, le général Oufkir, l’agent des services marocains Miloud Tounsi alias Chtouki, et les truands Boucheseiche, Le Ny, Palisse et Dubail sont condamnés pour la forme, par contumace, à la réclusion à perpétuité. Tous ces témoins gênants pour le roi disparaîtront ensuite : les quatre truands seront liquidés plus tard par ses services, Oufkir sera abattu en 1972 après sa tentative de coup d’État et Dlimi mourra à son tour en janvier 1983 dans un « accident de la circulation ».

Lors de Conseils des ministres, de Gaulle, lui, a fustigé l’implication du chef du SDECE, du préfet de police de Paris et de Roger Frey, il les a démis plus ou moins rapidement de leurs fonctions, tout en continuant à se taire en public sur leurs lourdes responsabilités. En déclarant les complicités françaises « vulgaires » et « subalternes », en ne voulant pas les mettre en cause publiquement, de Gaulle, dont la volonté de rendre justice, aussitôt exprimée à la veuve de Ben Barka quelques jours après l’assassinat, était probablement sincère, s’est trouvé dans l’impossibilité de tenir sa promesse.

Gilles Manceron historien

Publié par Laurence BRUGUIER CRESPY
Cabinet d’avocats Maître Lauren…

Source

Tags : Maroc, Ben Barka, Miloud Tounsi, Joseph Tual, Hassan II, Mossad,

Le directeur du Mossad qualifie le Qatar de «véritable problème»

Le directeur du Mossad (le service de renseignement israélien) Meir Dagan a qualifié le Qatar de «véritable problème» et son émir de quelqu’un qui «irrite tout le monde», selon un câble diplomatique américain publié vendredi par WikiLeaks.

Il a tenu ces propos lors d’une rencontre, le 12 juillet, avec l’assistant du président Obama pour la sécurité intérieure et le contre-terrorisme, Francis Fragos Townsend, selon WikiLeaks.

L’émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, tente de jouer sur tous les tableaux – la Syrie, l’Iran, le Hamas – pour assurer sa sécurité et affirmer son indépendance, fait remarquer M. Dagan.

«Je pense sérieusement que vous devriez retirer votre base du Qatar», ajoute-t-il à propos de la base Aidid utilisée par les forces américaines.

El Watan, 4 déc 2010

Tags : Proche Orient, Qatar, Etats-Unis, Mossad, Wikileaks,

Le Maroc et le Mossad (4 épisodes du Journal Hebdo)

Le Maroc et le Mossad 

Dès le début des années 60, le Maroc et les services secrets israéliens ont tissé des liens. Ils débutèrent avec la question de l’exode des juifs marocains vers Israël pour s’étendre à une coopération plus étroite.

L´histoire des relations entre l’un des services secrets les plus emblématiques du monde, le Mossad israélien, et le royaume chérifien remonte aux premières années de l’indépendance du Maroc. A l’époque, Israël, polygone territorial façonné par les grandes puissances au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, recherche à tout prix des moyens de survivance dans un environnement arabe en ébullition et forcément hostile. L’Etat hébreu est conscient que son avenir dépend avant tout de sa démographie et de sa capacité à entretenir des relations stratégiques avec nombre de jeunes nations encore non-alignées. Le Maroc correspond aux desseins des sionistes.

Selon Agnès Bensimon, auteur du célèbre « Hassan II et les Juifs », c’est parce que les services secrets israéliens ont fourni des renseignements très précis quant à un complot visant à tuer le prince héritier en février 1960 que les relations entre le Maroc et Israël ont débuté. L’historien Yigal Bin-Nun dément une telle version des faits. Pour lui, c’est en 1963 que la coopération officielle entre les deux pays a commencé.

Quel intérêt pour Hassan II ?

Les Israéliens avaient contacté Emile Benhamou, un ami d’enfance de Mohamed Oufkir, afin qu’il les fasse entrer en contact avec le chef des services de sécurité marocains. Après plusieurs tentatives, la rencontre est finalement arrangée en février 1963 chez Benhamou lui-même, rue Victor Hugo à Paris, entre l’agent Yaakov Karoz et Oufkir. Les Marocains craignent qu’un membre de l’opposition ne se fasse passer pour un représentant du Palais pour acheter des armes. Le Mossad confirmera plus tard qu’il s’agissait d’une fausse alerte. Les relations entre le Maroc et Israël deviennent dès lors officielles. Hassan II craignait que son trône ne soit menacé par le panarabisme. Il faisait mine de sympathiser avec la vague nassérienne qui submergeait le monde arabe ; en réalité, il le faisait pour ne pas se laisser distancer par l’opposition. Selon Yigal Bin-Nun, le Roi a peut-être voulu se rapprocher d’Israël parce qu’il était attiré par ce qu’on appelait alors le « miracle israélien ». Beaucoup étaient fascinés par la capacité qu’avait eu ce jeune Etat à « fleurir le désert », selon l’expression consacrée. L’inexistence des relations israélo-arabes était propice à un rapprochement entre le Palais et les dirigeants israéliens, d’autant plus que Ben Gourion avait décidé d’opter pour la politique dite des Etats périphériques : il fallait développer une ceinture d’Etats lointains mais conciliants.

L’intrusion du Mossad au Maroc s’est faite par des voyages clandestins de nombreux agents du Mossad et de leur chef Isser Harel, entre 1958 et 1960. Le premier eut lieu le 1er septembre 1958. Si les autorités marocaines eurent vent de sa visite, elles n’en laissèrent rien paraître, préparant ainsi le terrain à « l’accord de compromis » conclu entre le Palais et Israël favorisant l’exode des Juifs marocains. Plus tard, les officiers Oufkir, Dlimi et bien d’autres se rendirent clandestinement en Israël et des politiques et militaires israéliens firent durant de longues années le chemin inverse.

Des liens ambivalents

Les archives nationales d’Israël regorgent de documents historiques qui retracent ces liens. Les Marocains auraient souvent demandé aux Israéliens de les renseigner sur les Etats arabes favorables à un renversement de la monarchie alaouite. Israël aurait aussi soutenu le Maroc dans sa « Guerre des Sables » avec l’Algérie en livrant des blindés . Des officiers de Tsahal et du Mossad ont formé et encadré la jeune armée royale et les services de sécurité dont le célèbre Cab-1, l’embryon de la DST. En retour, et malgré l’envoi de troupes au Golan jugé « anecdotique », le Maroc n’a eu de cesse de normaliser l’existence de l’Etat hébreu auprès du monde arabe, en jouant par exemple un rôle capital dans l’accord de paix avec l’Egypte qui coûta la vie à Anouar Sadate ou encore d’ouvrir à Rabat et à Tel-Aviv des antennes diplomatiques. Plus récemment, Israël aurait continué à aider « technologiquement » le Maroc au Sahara, notamment dans la sécurisation du Sud par la construction du Mur de défense, ceinture modernisée de la fameuse ligne Barleev expérimentée dans le Sinaï ou diplomatiquement via le lobby pro-israélien aux Etats-Unis.

Hassan II, Descartes et l’Etat hébreu

La longue et tumultueuse histoire des relations entre Israël et le Maroc est marquée par une émigration progressive des Juifs marocains vers la « Terre promise ». Une émigration tolérée à la veille de la création de l’Etat d’Israël dans les années 48-49, clandestine à l’orée de l’indépendance marocaine et monnayée à partir de 1961 par le gouvernement marocain néo-indépendant. Un processus ayant pour corollaire les circonvolutions inhérentes à la politique interne marocaine et à l’analyse du phénomène par un homme, le défunt Roi Hassan II.

De 1956 à 1961, le gouvernement marocain est dans une logique de durcissement quant à la liberté de circulation de ses ressortissants israélites. Des mesures restrictives accompagnées de brimades administratives (fin des relations postales entre les Etats) inquiètent fortement les gouvernements israéliens à cette période. Si les exactions commises à l’encontre de la minorité juive sont rares, Israël est dans une logique de peuplement de ses territoires, une logique dans laquelle la communauté marocaine constitue un réservoir important. C’est dans ce climat tendu que le prince Moulay Hassan, Premier ministre de fait, accomplit une visite au Caire, où il y rencontre le raïs Gamel Abdel Nasser qui lui promet soutien et collaboration, un rapprochement qui agace fortement l’Etat hébreu. Imaginer des solutions pour exfiltrer les ressortissants juifs devient dès lors une priorité pour Israël, mais la voie diplomatique devait être maintenue coûte que coûte. C’est dans ce cadre que l’éditeur français René Julliard organisa le 2 décembre 1959 une rencontre entre le consul d’Israël à Paris, Mordekhay Shneurson, et l’ambassadeur marocain Abdellatif Benjelloun.

Une discussion tendue s’engagea entre les deux hommes et le consul israélien, dans une lettre adressée au directeur de cabinet de la ministre des Affaires étrangères, conclut de la manière suivante : « Cet entretien prouve qu’il n’y a aucun bénéfice dans nos tractations actuelles avec les Marocains. Tous nos efforts n’aboutissent à rien, il ne reste que l’action ». La solution politique s’éloignait, elle sera ravivée quatre mois plus tard par un canal inattendu. L’opposant marocain Mehdi Ben Barka prendra attache avec les Israéliens dans un contexte politique national extrêmement tendu. En mars 1960, Ben Barka assurera les Israéliens de sa défiance envers le régime de Nasser et de son admiration pour le modèle socialiste israélien. Il demandera un soutien moral et financier dans sa lutte contre le régime de Hassan II. Dès lors, les officiels israéliens demeureront quatre mois durant dans une logique dubitative. Fallait-il maintenir le contact avec un gouvernement marocain fermé aux discussions ou envisager une solution alternative mais plus risquée avec l’opposition au régime ? La réponse viendra du prince Moulay Hassan qui jeta les ponts à une ouverture progressive des frontières pour les ressortissants juifs marocains. Moulay Hassan exigea la discrétion absolue sur le sujet et rencontra à Rabat l’envoyé officieux du gouvernement israélien, le représentant du Congrès juif mondial Alexandre Easterman. Le prince eut alors l’analyse suivante, une analyse à deux niveaux qui permettra d’amorcer les modalités définitives d’un accord entre les deux parties. D’un côté, il craignait que si les portes de l’émigration s’ouvraient, les Juifs ne quitteraient en masse le pays et par conséquent un grave problème économique se déclenche. Même si un petit nombre seulement de Juifs quittait le Maroc, ils seraient rapidement imités par d’autres, ce qui risquait de provoquer « une force grégaire ». Mais le futur Roi contrebalança cet argument par une analyse pragmatique sur l’avenir de la communauté juive au Maroc : « soyons réalistes, l’expérience nous a appris que dans le processus de développement de pays venant d’accéder à l’indépendance, la classe défavorisée de la population, désenchantée par les difficultés, s’attaque d’abord aux étrangers, ensuite elle s’en prend aux minorités religieuses »(1). Avec cet argument, Moulay Hassan rejoignait les thèses alarmistes du Mossad sur la précarité à long terme de la communauté. Dès lors un accord dédommageant le pays de la perte d’une partie de ses forces vives, d’une élite productive mais qui aurait du mal à s’intégrer dans le Maroc indépendant, pouvait sérieusement être envisagé. Cette attitude permit au futur Roi de s’installer de manière pérenne dans un sillage moderniste. Analysant la position paternaliste de son père le roi Mohammed V à Easterman, le prince décrivit à froid son futur positionnement quant à la question israélienne : « Il ne pense pas comme vous et moi. Nous sommes des Occidentaux et lui, contrairement à nous, n’examine pas la question d’une manière cartésienne ». Une position confortable pour les deux parties. Pour Israël, elle permettait d’asseoir les relations avec un pays arabe éloigné du Proche-Orient et qui pourrait faire office d’intermédiation en cas de conflit (il en sera ainsi de même avec la Turquie et la Jordanie).Ben Barka était dans la même logique mais l’éviction quelques mois plus tard du gouvernement socialiste d’Abdallah Ibrahim et l’arrivée officiellement aux affaires du prince comme Premier ministre sonneront le glas d’une option qui avait très peu de chances d’aboutir.

Ben Barka et Israël

« Je sais qui a tué Ben Barka, je sais pourquoi et je sais où son corps se trouve aujourd’hui ». Yigal Bin-Nun dit ce qu’il veut bien dire de « l’affaire Ben Barka ». L’historien prépare un livre sur l’icône de la gauche marocaine et dit ne pas souhaiter voir ses révélations faire la Une des journaux sans véritable appareil argumentatif. Tout ce que l’on saura, c’est que Mehdi Ben Barka a été tué par erreur et que son corps repose quelque part en France. Que la fameuse histoire de la cuve est fausse et que le livre de Boukhari est un tissu de boniments. Qu’il n’y a rien sous la mosquée de Courcouronnes. Que Mohamed Oufkir n’a probablement rien à voir avec l’enlèvement et l’assassinat et que le seul nom récurrent est celui de Dlimi. Que tout a été organisé par Miloud Ettounsi, alias « Chtouki »…

Bien plus que « saheb lihoud »

Mais ce n’est pas tout. Yigal Bin-Nun veut bien donner quelques détails sur un autre sujet explosif : les relations de Mehdi Ben Barka avec Israël et le Mossad. Il affirme que Ben Barka était bien plus que « Saheb Lihoud » ; il aurait eu des contacts presque quotidiens avec le Mossad, notamment avec le numéro 2, Yaakov Karoz. Des relations idylliques qui commencèrent à se ternir lorsque Ben Barka parla ouvertement de prendre le pouvoir au Maroc et demanda non seulement de l’argent, mais aussi des armes à Israël. De là date la rupture supposée entre le Mossad et lui, qui explique les propos véhéments contre la présence d’Israël dans les pays d’Afrique et d’Asie lors d’un discours qu’il a tenu au Caire en 1963. Mehdi Ben Barka, tel que le décrit Yigal Bin-Nun, était également attiré par le modèle de développement israélien. Il aurait demandé à ses interlocuteurs du Mossad des livres pour apprendre l’hébreu ainsi que des manuels concernant le développement rural et agricole en Israël afin de s’en inspirer au Maroc. Le chercheur israélien s’est basé sur des témoignages d’acteurs de l’époque toujours en vie, mais aussi et surtout sur les archives déclassifiées de l’Etat hébreu. La relation de Mehdi Ben Barka avec Israël, daterait de mars 1960. Deux documents des comptes rendus classés aux archives nationales du ministère israélien des Affaires étrangères Israélien, dont l’auteur est André Chouraqui, dirigeant de l’Agence juive, rapportent le contenu des rencontres entre ce même André Chouraqui et Mehdi Ben Barka à Paris en Mars 1960. Le contexte politique marocain est pour le moins tendu. Le gouvernement Abdallah Ibrahim et Mehdi Ben Barka sont en conflit ouvert avec le prince héritier Moulay Hassan. Dans l’un des comptes rendus, Chouraqui écrit : « Au cours de son voyage en Orient, le sultan a mis Ibrahim à l’écart des conversations avec Nasser et les autres souverains du Proche-Orient ».

Le Sultan est revenu transformé au moins sur ce point. Il sait qu’on peut gouverner un Etat seul et « au besoin » en mettant en prison des milliers de personnes. Ibrahim, par contre, a vu que la politique arabe dont il était l’instigateur n’est plus payante et qu’elle se retourne actuellement contre lui ; d’où, pour lui et ses amis, la nécessité de trouver de nouvelles alliance. Il les cherche alors du côté de l’Occident, des juifs et des forces de gauche.

« Selon ce document, Mehdi Ben Barka affirmait à ses interlocuteurs que le gouvernement Ibrahim avait pris position pour le général Kassem, président de l’Irak dans le conflit qui l’opposait à Gamal Abdenasser au sein de la Ligue Arabe. Mehdi Ben Barka aurait dit lors de ces rencontres que le mouvement qu’il représentait avait fait le choix de la démocratie que pouvait représenter le général Kassem et les pays africains qui se démocratisaient, plutôt que de suivre le modèle nassérien anti-démocratique.

Rencontres soutenues

D’après le document, Ben Barka aurait proposé une solution pratique à un problème qui embarrasse Israël et la communauté juive marocaine : la rupture des rapports postaux entre Israël et le Maroc. Résultat de l’adhésion du Maroc à la Ligue Arabe, cette rupture avait suscité la mobilisation des organisations juives. Un intense travail de lobbying avait été effectué.

Pourquoi le leader du progressisme marocain fait-il autant d’efforts vis-à-vis des lobbies pro-israélien et d’Israël lui-même ? Dans ce fameux document, André Chouraqui écrit : « La deuxième chose qui résulte de ce premier entretien avec Ben Barka est que celui-ci a, avec empressement, accepté l’invitation de visiter Israël. Si cela se réalise, cela aura des conséquences lointaines non négligeables. Ben Barka, en s’ouvrant à nous, attend de nous un appui moral auprès des Juifs marocains et, très probablement aussi, un appui matériel s’il entre en guerre ouverte contre la monarchie. Il aura besoin d’argent et d’armes. Il m’a laissé entendre cela d’une manière assez claire ». Selon les archives israéliennes, André Chouraqui organisera, le 26 mars 1960 à Paris, une rencontre entre Mehdi Ben Barka et Yacoov Karoz , numéro deux du Mossad. Yigal Bin-Nun produit à l’appui de sa thèse un autre document d’archives provenant du Congrès mondial Juif (CMJ). Il s’agit là aussi d’un compte rendu d’une rencontre entre Mehdi Ben Barka et Alexandre Easterman du CJM, à Paris le mardi 5 avril 1960. Selon ce document, c’est à la demande du leader marocain que la rencontre eut lieu. Easterman y rapporte l’argumentaire déployé par Ben Barka pour s’assurer l’aide du CJM dans son combat contre le pouvoir réactionnaire représenté par la monarchie marocaine. Ben Barka aurait évoqué une fois encore, l’opposition de son mouvement à la politique anti-démocratique de Nasser, et le soutien dont il jouit auprès de nombreux pays africains. Alexandre Easterman écrit avoir questionné Ben Barka sur la rupture des rapports postaux entre le Maroc et Israël, le refus de permettre de délivrer des passeports aux Juifs marocains pour leur permettre d’émigrer en Israël et le refus d’Abdallah Ibrahim de le recevoir quand il s’était rendu au Maroc. Ben Barka aurait évoqué là aussi les forces réactionnaires qui rendent toute politique d’ouverture impossible vis-à-vis d’Israël. Il aurait promis à son interlocuteur qu’il s’arrangerait pour que Abdallah Ibrahim le rencontre lors de sa prochaine visite au Maroc.

Selon ce compte rendu, Mehdi Ben Barka a réitéré sa demande d’assistance. « Il (Mehdi Ben Barka) espérait que le CJM allait se joindre aux autres éléments libéraux pour soutenir son groupe par tous les moyens, et que c’était dans l’intérêt des Juifs que le Congrès devait le faire. Je lui ai demandé ce qu’il entendait par soutien, et il a répondu :  »Soutien moral et matériel ». Il n’a pas précisé ce qu’il entendait par là et je ne lui ai pas demandé », rapporte Easterman dans ce document. En conclusion, le dirigeant écrit très cyniquement : « J’ai appris à Paris que Ben Barka avait rencontré nombre de personnes et de délégations juives durant ces dernières semaines. Il apparaît donc qu’il ne m’a pas accordé un privilège spécial en me rencontrant si ce n’est le fait de s’être déplacé chez moi plutôt que le contraire. » Et d’ajouter : « La nouvelle, et sans précédente sollicitude de Ben Barka à l’égard des Juifs, montre indubitablement sa volonté de nous rassurer, à la lumière de ce qui s’est récemment passé au Maroc. Ses promesses de tout arranger signale son souhait d’obtenir un soutien juif, quel que soit le sens qu’il donne au mot soutien. D’un autre côté, tout ceci suggère que sa position est bien plus faible qu’il ne veut nous le laisser croire. »

« Affirmations gratuites »

« Tout cela est ridicule. Ce sont des affirmations gratuites qui ne se fondent sur aucune analyse historique ou sociale correcte. Tous ceux qui connaissaient Mehdi Ben Barka savent que c’est faux. Il a été l’un des premiers à ériger le problème palestinien en problème national. Nous n’accordons aucun crédit à ces élucubrations ». Béchir Ben Barka n’a pas de mots assez durs pour qualifier les affirmations de Yigal Bin-Nun. Même réaction chez Brahim Ouchelh, l’ancien adjoint du Fkih Basri, qui refuse catégoriquement l’éventualité d’une telle relation entre Mehdi Ben Barka et les Israéliens.

« Hoche », l’agent du réseau de la Misgeret

« Faire partir les gens ». C’est avec sobriété qu’il décrit l’émigration clandestine des juifs du Maroc vers Israël. Il ne semble pas prendre la mesure de ce qui s’est passé, ni en évaluer l’importance. Il souhaite pourtant garder l’anonymat : une peur, ou plutôt une prudence héritées des années où il a travaillé comme agent actif de la branche du Mossad qui s’occupait de « l’évacuation ». Il accepte qu’on l’appelle « Hoche », l’un des nombreux noms de code qu’il a dû porter à cette époque.

Hoche est né à Fès en 1932. Fils d’un militaire français (« nous, on n’est pas des Français du décret Crémieux ») et d’une mère marocaine, il fait son service militaire pour « voir du pays ». De retour au Maroc après être passé par l’Indochine, l’Egypte et le Liban, il est recruté, par l’intermédiaire de l’un de ses amis, pour faire partie du Mossad et aider à évacuer les juifs du Maroc vers Israël. « Je devais garder le secret absolu. On devait jurer sur la Torah qu’on ne dévoilerait rien de nos activités ; c’était un véritable rituel, une cérémonie où l’on ne voyait pas le colonel de l’armée israélienne qui supervisait tout ça ». En 1955, il est envoyé un mois et demi en Israël pour participer à un stage de formation collectif. « On nous a mis dans des camps isolés et clandestins, dont personne ne connaissait l’existence. On nous apprenait à nous battre et à nous défendre, à mener les opérations sans jamais nous faire repérer par la police. Nous étions une cinquantaine en tout et nous ne devions pas nous parler, ni connaître nos vrais noms ». Il se souvient que Moshé Dayan et Isser Harel sont venus les voir pour leur parler et les encourager. De retour au Maroc, il est affecté à « l’Etat-major », à Casablanca, dont les réunions se déroulent dans un appartement de l’immeuble Liberté.

C’est là qu’il reçoit les premiers ordres : superviser les opérations d’évacuation toutes les deux semaines environ, sans intervenir lui-même, sauf en cas de problème. « Nous arrivions la nuit sur une plage isolée. Nous attendions que le bateau nous envoie des signaux lumineux pour lui renvoyer un message codé. Les gens qui voulaient partir venaient de partout, de Marrakech, d’Essaouira. On en a fait des choses… ». Mais l’événement dont il est le plus fier s’est déroulé une nuit où il a utilisé sa voiture personnelle et a refusé de la faire entrer trop avant vers la plage, de crainte que quelqu’un ne note le numéro de sa plaque d’immatriculation et ne découvre son identité. Cette nuit-là, le reste des voitures des agents du Mossad a été encerclé par des Marocains -« les Arabes », comme les appelle Hoche-qui avaient observé le va-et-vient des bateaux et des véhicules et qui pensaient qu’il s’agissait de contrebandiers. Ils avaient donc bloqué la sortie en l’obstruant à l’aide de gros rochers. Il se trouve que cette nuit est celle qu’a choisie Isser Harel, le chef du Mossad en Israël, pour voir comment se passait l’émigration clandestine au Maroc. Sans la voiture de Hoche à l’extérieur, Harel était découvert. Hoche et le chef du Mossad se sont donc faufilés jusqu’au véhicule et ont réussi à se diriger vers l’aéroport où Harel est parti pour la France, puis pour Israël.

Mais après le démantèlement du réseau de la Misgeret, Hoche décide de s’installer en Israël après un séjour de quelques mois en France. Il effectue un stage au ministère de la Défense israélien pendant deux ans mais est très vite confronté à la réalité de la société israélienne de l’époque : « J’étais suivi par une Polonaise, alors, moi évidemment, qui venais du Maroc… Aujourd’hui, il paraît que ça a changé. Mais je peux vous dire que pour les juifs d’Afrique du Nord, ce n’était pas facile. Un jour, on m’a même dit « Ici, on n’aime pas les Noirs ». C’est comme ça qu’ils appelaient les sépharades ». Hoche perd l’illusions d’une vie paisible en Israël et s’installe en France. Aujourd’hui, il nie avoir agi pour l’unique intérêt d’Israël : « On m’accuse d’avoir fait tout cela contre le Maroc ; mais à l’époque, on croyait vraiment qu’il était urgent de faire partir les gens parce qu’on craignait un danger futur ».

(1) rapport d’Alexandre Easterman. Archives sionistes centrales Jérusalem Z6/1763

Source : Le Journal Hebdomadaire, juillet 2005

Tags : Maroc, Mossad, espionnage, juifs, Israël, lobby juif, lobby sioniste,

Guerre des Six Jours : Le Maroc a-t-il fait perdre les armées arabes ?

Alors que l’UNESCO vient de voter une résolution controversée sur Jérusalem-Est, portée notamment par le M a r o c , d e s r é v é l a t i o n s d ’ u n a n c i e n g é n é r a l d e s renseignements militaires israéliens sont venues semer le doute sur la position et le rôle exacts du royaume dans la Guerre des Six jours. Yigal Bin-Nun, historien spécialiste des relations israélo-marocaines, nous livre sa version des faits.

Dans un article publié dernièrement par Yediot Aharonot, le Général Shlomo Gazit, ancien directeur du département de la recherche des services de renseignement de l’armée israélienne, révéla qu’en septembre 1965, Meir Amit, chef du Mossad à l’époque, a réussi à recevoir les enregistrements des discours des chefs d’Etats arabes, réunis au Maroc à la Conférence de Casablanca (septembre 1965) présidée par Jamal Abdennasser (juin 1956 – septembre 1970). Ces enregistrements déchiffrés et traduits par son département révélaient l’enthousiasme des pays arabes à combattre leur voisin israélien.

En Israël, ces enregistrements furent perçus comme une réussite exceptionnelle révélant l’état d’esprit belligérant de l’ennemi, qui obligeait le pays à se préparer à une guerre. Parallèlement, les renseignements israéliens savaient pertinemment que les armées arabes n’étaient pas encore équipées pour remporter une victoire. Dans cet article, le nom de Hassan II n’a pas été prononcé. Ce n’est que quand il fut repris par la presse internationale que le nom de l’ancien roi du Maroc fut ajouté, comme si Hassan II avait lui-même remis les enregistrements aux Israéliens, ce qui n’a pas été dit par Gazit.

Selon mes recherches, basées entre autres sur les témoignages des agents du Mossad responsables des relations avec le Maroc à cette époque, voici l’éclairage que l’on peut donner sur cette affaire. De 1962 jusqu’en février 1967 à la veille de la Guerre des Six Jours, tous les services israéliens étaient persuadés que l’armée égyptienne de Nasser était trop embourbée dans sa guerre au Yémen pour ouvrir un nouveau front. Si une guerre allait quand même éclater, elle n’aurait pas lieu avant 1970.

Même après le redéploiement de l’armée égyptienne au Sinaï, nul n’imaginait Nasser fermer le détroit de la mer Rouge. Cette conférence n’était pas la première occasion de la venue de Nasser au Maroc. En effet, le 3 janvier 1961, le président égyptien avait participé à une précédente conférence de la Ligue Arabe à Casablanca qui provoqua une liesse au sein de la population de la ville.

Cependant, il est important de rappeler que toute la classe dirigeante marocaine, le Palais surtout, mais aussi l’Istiqlal et l’UNFP, étaient loin d’être enthousiasmés par celui qui destituait les monarchies et haranguait les foules.

En outre, les discours diplomatiques lors de la conférence de 1965 n’avaient rien d’un mot d’ordre adressé à un Etat-major militaire interarabe en vue d’une attaque imminente. Ils ne pouvaient tout au plus qu’avertir d’une atmosphère de belligérance envers Israël et ne firent que provoquer quelques polémiques entre le Mossad et les unités de combats de Tsahal.

Je tiens à préciser que ces enregistrements de la Conférence interarabe à Casablanca n’avaient rien d’exceptionnel, pour la simple raison que les relations israélo-marocaines dans le domaine diplomatique, débutèrent déjà le 7 janvier 1963, et qu’elles étaient sans rapport avec « l’accord de compromis » pour l’émigration collective des Juifs du Maroc. C’est à cette date que par l’intermédiaire de l’officier de police français Emile Benhamou, le Colonel Oufkir rencontra Yaacov Karoz, le bras droit du chef du Mossad, à la rue Victor Hugo à Paris.

Cette rencontre reçut sans aucun doute l’approbation préalable du roi Hassan II. Ces rapports avec le Palais survenaient alors que des relations étroites avaient auparavant lié Mehdi Ben Barka et Israël. Relations qui prirent une mauvaise tournure lorsque l’exilé politique marocain a demandé des armes à Israël, lors de son entretien avec le numéro 2 du Mossad le 28 mars 1960.

Commença alors une coopération fructueuse entre les délégués du Mossad à Rabat – surtout David Shomron – et les chefs des services de sécurité marocains, Mohammed Oufkir et Ahmed Dlimi. Ce dernier effectua un premier voyage en Israël à la mi-février 1963, pour des pourparlers entre les deux services. Par la suite, après l’aide fournie par Israël au Maroc dans le cadre de la Guerre des Sables au mois d’octobre de la même année, les relations maroco-israéliennes prirent une ampleur considérable. Elles s’étendirent à divers domaines : formation des services secrets, communication, entrainement militaire, coopération agricole et bien d’autres aspects.

A ma question de savoir si en contrepartie Israël recevait du Maroc des renseignements sur ses voisins arabes, les agents concernés m’ont précisé que c’était plutôt Israël qui fournissait des renseignements aux Marocains, surtout par rapport à tout ce qui concernait l’Egypte nassérienne. Ceci explique comment les services de sécurité d’Oufkir ont permis aux agents du Mossad en fonction au Maroc d’installer euxmêmes du matériel d’écoute dans la salle de réunion de la Conférence de Casablanca de septembre 1965.

Ainsi, les Israéliens pouvaient savoir en temps réel ce qui se disait dans les débats entre Etats arabes contre leur pays. Cet événement n’est qu’un exemple parmi tant d’autres dans les relations entre les services d’Oufkir et Israël, avec l’accord tacite de Hassan II.

A relever que toutes ces tractations survinrent un mois à peine avant une certaine implication du Mossad dans l’enlèvement de Ben Barka à la demande de Dlimi. Juste après le début des hostilités, le 7 juin 1967, Hassan II décida d’expédier en grande pompe trois bataillons des Forces Armées Royales pour « sauver » l’armée de Nasser.

Les bataillons avaient à leur tête le commandant Bouazza Boulhimez, ancien gouverneur de Casablanca. Avec un groupe d’officiers, Boulhimez prit l’avion pour le Caire. Mais les Egyptiens ne voulaient point coopérer avec lui, il dût attendre en vain deux semaines sur place sans rien faire. Entre temps, des centaines de soldats marocains empruntèrent la voie terrestre jusqu’au désert libyen, où ils campèrent jusqu’à ce qu’ils comprirent que les Egyptiens ne voulaient pas d’eux dans cette guerre.

Apres la défaite éclair des armées arabes, les autorités marocaines voulurent rapatrier leurs troupes par voie terrestre. Mais le gouvernement algérien s’opposa fermement au passage de l’armée marocaine sur son territoire. Le Maroc dut envoyer un bateau à Tripoli pour évacuer ses soldats. Un deuxième contingent marocain arrivé plus tard en train jusqu’en Algérie se rendit compte que la guerre était déjà finie. Lorsqu’ils voulurent faire demi-tour, les Algériens ne leur permirent de se rapatrier qu’après leur avoir confisqué leurs armes et tout leur équipement.

Ces renseignements ont été fournis juste après la guerre par le colonel Boulhimez au conseiller de l’Ambassade de France, Debroise, qui les transmit à Walter Eytan, alors ambassadeur d’Israël à Paris, le 18 juin 1968. Le colonel Boulhimez trouva la mort lors de la tentative de coup d’Etat militaire du 10 juillet 1971 au palais d’été de Skhirat, imputée au lieutenant-colonel Mohamed Ababou et au général Medbouh.

* Conférence de Casablanca (septembre 1965) : du nom de l’hôtel Casablanca, actuel Hyatt Regency.

Yigal Bin-Nun

Source

Tags : Maroc, Israël, Guerre des six jours, Mossad, trahison, Hassan II, 

Maroc : Le régime, entre soumission et traîtrise

LE RÉGIME MONARCHIQUE MAROCAIN, ENTRE SOUMISSION ET TRAITRISE

Le Maroc est poursuivi par une terrible malédiction. L’image de ses dirigeants s’assombrit de jour en jour et ne révèle que soumission et trahison. Le texte qui suit est époustouflant à plus d’un titre, il révèle preuves à l’appui l’incroyable collaboration du père du roi marocain actuel avec toutes les forces ennemies des peuples arabes et musulmans. Hassan II (fils du Glaoui Haj Thami et non de Mohammed V, un vrai secret de polichinelle au Maroc) « éternellement lié à la France et à la colonie sioniste à Tel Aviv » était avant tout l’ennemi de son propre peuple, un peuple courageux et brave qui « subit » mensonge sur mensonge quant à la nature du Makhzen, système féodal par excellence, et de la « maison royale ».

Les révélations de l’article qui suit finiront par avoir, sans aucun doute, un effet dévastateur sur la continuité d’un régime illégal et illégitime à tous points de vue. Le peuple algérien montre la voie à son peuple frère marocain et très bientôt, sans le moindre doute, les frontières artificielles érigées par des dirigeants illégitimes, des deux côtés, sera abattu beaucoup plus rapidement qu’on ne pourrait le croire. Et tout cela n’a-t-il pas déjà commencé lorsque l’on observe les galeries des supporters des clubs marocains entonner des chansons de contestation politique dans les stades à la manière des supporters algériens…?

Hassan II, la grande imposture

Le Roi Hassan II du Maroc, « Président du Comité Al Qods » (Jérusalem), hôte du premier sommet islamique de l’époque contemporaine (Rabat 1969), apparaît rétrospectivement comme l‘un des grands traitres à la cause arabe et son long règne de 38 ans (Mars 1961-Juillet 1999) une vaste supercherie, si toutefois sont avérées les révélations contenues dans le livre du journaliste israélien Ronen Bergman «Rise and Kill First: The secret History of Israel’s targeted assassinations», ED. Penguin Random House.

Les dirigeants arabes placés sur écoute sur ordre de Rabat

Réputé pour son sérieux, chroniqueur militaire de Yedioth Aharonoth et du New York Times, l’auteur soutient que les dirigeants arabes ont été placés sur écoute des services israéliens grâce à la connivence marocaine lors du Sommet arabe de Casablanca de septembre 1965. Du jamais vu même dans les fictions les plus satiriques, cette trahison dénote la désinvolture du monarque chérifien à l’égard de ses pairs et de son mépris pour la cause palestinienne.

La date n’est pas anodine. Scellé par la signature d’un pacte de solidarité et de coexistence pacifique entre régimes arabes, ce sommet s’est tenu en septembre 1965, au terme d’un été particulièrement brûlant au Maroc, marqué par la terrible répression de la révolte étudiante de Casablanca (23 mars 1965) qui fit officiellement 7 morts et 168 blessés. En fait 400 morts selon l’ambassade de France à Rabat.

Sentant le vent du boulet, le jeune monarque a eu la lumineuse idée de se tourner alors vers les Israéliens, comme garde fou aux débordements de son opposition interne et externe. Autrement dit, contre la volonté de son peuple, il s’allia aux ennemis du Monde arabe pour la survie de son trône, dans la pure tradition de la servitude coloniale. Un schéma identique sera observé 70 ans plus tard par le trône wahhabite, bradant la Palestine, par une alliance ouverte avec Israël.

Dans une sorte d’échange de bons procédés, Hassan II percevra le prix de sa forfaiture au plan arabe, un mois plus tard, par l’élimination d’un des espoirs de la renaissance arabe, Mehdi Ben Barka.

Figure mythique de l’opposition démocratique marocaine, l’ancien professeur de mathématiques d’Hassan II sera enlevé en octobre 1965 à Paris avec la complicité du Mossad, et carbonisé par des sbires marocains, un mois après la tenue du sommet de Casablanca.

Principal opposant socialiste au roi Hassan II et leader du mouvement tiers-mondiste et panafricaniste, Mehdi Ben Barka a été enlevé le 29 octobre 1965 à Paris alors qu’il tentait, en sa qualité de «commis-voyageur de la révolution», de fédérer les mouvements révolutionnaires du tiers-monde en vue de la Conférence Tricontinentale devant se tenir en janvier 1966 à la Havane en vue de faire converger «les deux courants de la révolution mondiale: le courant surgi avec la révolution d’Octobre et celui de la révolution nationale libératrice». Pour l’historien René Galissot, «c’est dans cet élan révolutionnaire de la Tricontinentale que se trouve la cause profonde de l’enlèvement et de l’assassinat de Ben Barka».

La mise sur écoute des dirigeants arabes a permis aux Israéliens de prendre note de la stratégie de reconquête de la Palestine, comme des divergences inter arabes. La décision marocaine aura constitué «Le plus grand trésor stratégique d’Israël». Le journaliste israélien a estimé que cette information était «la raison principale qui a poussé Israël à prendre la décision de faire la guerre aux États arabes en Juin 1967», deux ans après le sommet de Casablanca, et qui a infligé une terrible défaite à l’Égypte, à la Syrie et à la Jordanie.

L’incendie criminel d’Al AqsaL’incendie de la Mosquée Al Aqsa par un illuminé israélien, en 1969, donne l’occasion au souverain chérifien de se refaire une virginité politique à l’occasion du sommet Islamique de Rabat, en 1969. Deux ans après la défaite de juin 1967, dont il en a été indirectement responsable, le «Commandeur des Croyants» va cumuler cette fonction spirituelle avec celle plus politique de président du «Comité Al Qods».

Le sommet islamique de Rabat a marqué, sur le plan idéologique, le début de l’instrumentalisation de l’Islam comme arme politique contre l’athéisme soviétique et le nationalisme arabe, et, sur le plan stratégique, le détournement du combat pour la libération de la Palestine, vers des contrées périphériques, à des milliers de km du champ de bataille de la Palestine, avec Al Qaida en Afghanistan et les djihadistes arabo afghans au Caucase et en Bosnie au Kosovo, avant d’être dirigé contre les pays arabes à structure républicaine (Libye, Syrie) à l’occasion du déclenchement de la séquence dite du «printemps arabe» et le surgissement de groupements terroristes islamistes Daech, Jabat An Nosra, Jaych al Islam, opérant, dans le sud de la Syrie, en coopération avec Israël.

Le Maroc figurera lors de cette séquence comme l’un des plus gros exportateurs du terrorisme islamique vers l’Europe occidentale (Attentat de Madrid 2004 qui a fait 200 morts, l’assassinat de Théo Van Gogh, les attentats de Bruxelles en 2015 et les attentats de Barcelone en 2017). Pour aller plus loin sur ce thème.

Nonobstant la coopération sécuritaire entre le Maroc et Israël, Hassan II, fait rarissime dans les annales, devra faire face à deux séditions militaires, à son palais de Skhirat, le 10 juillet 1971, jour de son anniversaire, puis l’année suivante contre son propre Boeing par un groupe d’aviateurs ; indice d’un fort ressentiment à son égard, deux ans après son sacre de Rabat.

Au delà du rôle du Mossad dans l’enlèvement de Mehdi Ben Barka, la vassalité du trône alaouite à l’égard de l’État Hébreu s’est concrétisée sous le règne de son successeur Mohammad VI avec le scandale du «Collier de la Reine» dans sa version tropicale ; un scandale qui titre son nom du bijou offert par l’épouse du Roi à Tzipi Livni, ancien ministre israélien des Affaires étrangères, dans la foulée de la destruction de la bande de Gaza (2007-2008), dont l’ancienne agent du Mossad en Europe en a été la coordonnatrice. Pour aller plus loin sur l’affaire du collier de la reine.

Le Maroc, pivot central du dispositif occidental en Afrique via le Safari Club

Alliance Safari club au KényaPivot central du dispositif occidental en Afrique, le Royaume fondera, en 1976, avec la France, l’Egypte, l’Iran et l’Arabie saoudite, le «Safari Club», se donnant ainsi l’illusion de «jouer dans la cour des grands». En pleine négociation de paix égypto-israélienne, il assumera le rôle de gendarme, non sur le champ de la confrontation israélo-arabe, mais à des milliers de kilomètres de là, non pour la récupération des Lieux Saints de l’Islam, mais pour le maintien au pouvoir d’un des dictateurs les plus corrompus de la planète le Zaïrois Mobutu, agent attitré des Américains dans la zone centrale de l’Afrique, l’assassin de Patrice Lumumba, le chef charismatique de l’Indépendance du Congo ex belge.

En soutien à Jonas Savimbi, l’agent de la CIA en Angola ; ou encore l’ivoirien Félix Houphouet Boigny, le principal pourvoyeur des djembés et des mallettes à une caste politico médiatique française vénale.

Le Maroc était représenté au sein de cette structure par le général Ahmad Dlimi, un des artisans de la liquidation de Mehdi Ben Barka, l’ancien lieutenant du général Mohamad Oufkir, l’homme des basses œuvres de la dynastie alaouite, tous les deux liquidés sans autre forme de procès sur ordre du Palais royal.

À propos du safari Club

La dynastie chérifienne a constamment justifié sa relation privilégiée avec Israël par la spécificité du judaïsme marocain. Cf sur ce point, l’analyse d’Abraham Sarfati, l’un des plus célèbres opposants marocain à Hassan II.

Il n’en demeure pas moins que le règne d’Hassan II, malgré les prosternations d’une presse française vénale, sera néanmoins qualifié de «Règne du Bagne et de la Terreur», dont le cas le plus illustre aura été le bagne de Tazmamart et l’arbitraire qui frappa notamment les Frères Bourequat.

Le Maroc, pourvoyeur de prostituées pour les pétromonarchies et refuge de la mafia israélienne

Un des principaux pourvoyeurs de la prostitution à destination du Golfe pétro monarchique, où près de vingt mille marocaines y font l’objet d’exploitations sexuelles, le Maroc passe de surcroît pour être un refuge pour la mafia israélienne. Le royaume aurait accueilli plusieurs anciens membres de la mafia israélienne, selon le quotidien israélien Haaretz, en date du vendredi 14 septembre 2012.

Gabriel Ben-Harush et Shalom Domrani, deux figures puissantes de la mafia israélienne, recherchées depuis des années par l’Interpol, figuraient parmi les noms cités par le journal. Pour aller plus loin sur ce sujet.

Ronen Bergman mentionne 2700 assassinats ciblés orchestrés par Israël ; soit en moyenne 40 opérations par an. Les Israéliens n’auront fait que reprendre les méthodes en vigueur en Palestine par les britanniques, notamment le général Orde Wingate, qui avait créé dans la décennie 1930 les «Special Night Squads», les «Escadrons Nocturnes Spéciaux» composés de combattants juifs chargés des raids contre les villages arabes en procédant à l’élimination des meneurs.

La France en a fait usage pendant la guerre d’Algérie et François Hollande a même admis que Paris y avait eu recours dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les deux derniers présidents américains ont eu également recours aux «assassinats extrajudiciaires», George W. Bush jr, après les attentats terroristes du 11 Septembre 2001, et Barack Obama a ordonné plusieurs centaines d’exécutions ciblées par drones.

La connivence israélo-marocaine s’est poursuivie en dépit de la décapitation du leadership palestinien, par les Israéliens, et le recours aux assassinats «extra judiciaires» des deux principaux dirigeants du Hamas, Cheikh Ahmad Yassine et son successeur Abdel Aziz Rantissi. Une collision qui acte une forme de forfaiture de la part du pouvoir chérifien.

Le livre suggère aussi clairement qu’Israël a utilisé un poison radioactif pour tuer Yasser Arafat, le chef historique palestinien, ce que les dirigeants israéliens ont toujours nié. Bergman écrit que la mort d’Arafat en 2004 correspondait à un modèle et avait des partisans. Mais il évite d’affirmer clairement ce qui s’est passé, expliquant que la censure militaire israélienne l’empêche de révéler ce qu’il pourrait savoir.

Deux monuments ont été édifiés au Maroc pour immortaliser l’œuvre d’Hassan II : son mausolée à Rabat et la Mosquée de Casablanca, l’une des plus grandes du monde, qui porte son nom. Mais celui que la presse occidentale, particulièrement la presse française engourdie par la diplomatie de la Mamouniya, encensait comme un «Machiavel arabe doté de la baraka», se révélera être, à la lecture des révélations du livre de Ronen Bergman, un mauvais génie, une imposture.

Et les deux monuments édifiés à la gloire posthume du Commandeur des Croyants et Président du comité Al Qods, -mais néanmoins un des principaux artisans du bradage de la Palestine, au même titre que l’Arabie saoudite-, se perçoivent, rétrospectivement, comme les stigmates du règne hideux d’un parfait sous traitant de l’impérium israélo-occidental. D’un être maléfique. D’un souverain vil et servile.

Source : frontiereblog, 20 avril 2019

Tags : Maroc, Hassan II, monarchie alaouite, Israël, Mossad, Ben Barka,

Maroc: Les vérités gênantes d’un professeur israélien sur les relations entre Hassan II et Ben Barka avec le Mossad

Le professeur Yigal Bin-Nun, un Israélien d’origine marocaine, « spécialiste des relations SECRÈTES » entre l’Etat hébreu et le royaume du Maroc, a publié récemment une rectification au travail de deux journalistes israéliens paru dans le quotidien Yediot Aharonot sur l’implication du Mossad dans l’assassinat de Mehdi Ben Barka. L’enquête de Yediot Aharonot avait été reprise par le quotidien Le Monde.

La rectification de Bin-Nun, qui est passée totalement inaperçue, fourmille pourtant d’informations non publiées par Yediot Aharonot et Le Monde. Il conclut dans ce papier, que nous publions ci-dessous, avoir rencontré, par l’intermédiaire de l’ancien ministre et ambassadeur Ahmed Ramzi (décédé en 2012), le général Hamidou Laânigri, alors patron de la DST marocaine, à Paris.

Ygal Bin-Nun explique avoir révélé à Laânigri la véritable identité du fameux Chtouki, l’un des auteurs de l’enlèvement et assassinat de Ben Barka.

Bin-Nun, qui a rencontré plusieurs agents du Mossad qui ont participé à l’opération, assure qu’il va publier prochainement un livre sur l’affaire Ben Barka. Une annonce qu’il avait déjà faite en 2004 dans Le Journal hebdomadaire.

Les agents du Mossad et la mort de Mehdi Ben Barka

Voici quelques rectifications à l’article de Yediot Aharonot sur les circonstances de la mort de Mehdi Ben Barka. Je n’ai jamais dit aux journalistes qu’Israël était impliqué dans l’assassinat de Ben Barka mais qu’il avait été sollicité par Ahmed Dlimi de la Sécurité nationale marocaine, pour faire disparaitre sa dépouille. En outre, à mon avis le roi Hassan II n’a pas donné l’ordre de tuer Ben Barka et ni Dlimi ni son patron Mohamed Oufkir n’ont dit aux Israéliens qu’ils avaient l’intention de tuer Ben Barka, qui d’ailleurs, avait d’excellentes relations avec les Israéliens.

Selon les protocoles des entretiens entre le chef du Mossad Meir Amit le premier ministre Levy Eshkol, les Israéliens n’auraient jamais accepté de collaborer à un projet de ce genre. La mort du leader marocain n’a été causée que par un excès de zèle de la part de Dlimi, et Oufkir n’était pas impliqué dans ce meurtre. Ben Barka ne constituait aucun danger pour Israël, bien au contraire, il a longtemps soutenu la diplomatie israélienne dans les pays du tiers monde et avec Abderrahim Bouabid, il œuvra pour la sauvegarde des droits des Juifs du Maroc.

Le 28 mars 1960, Golda Meir, ministre des Affaires étrangères avait même dépêché à Ben Barka un émissaire spécial, Yaacov Caroz, bras droit du chef du Mossad Isser Harel. Ben Barka demanda à cette occasion aux Israéliens une aide financière pour son parti. Durant son deuxième exil en Europe il reçut un salaire mensuel d’Israël par l’intermédiaire d’Alexandre Easterman du Congrès juif mondial. Mais les relations entre Ben Barka et Israël se détériorèrent lorsque Ben Barka osa demander à Caroz des armes qui seraient utilisées par son parti lorsqu’il déciderait de prendre le pouvoir par la force. A partir de cet entretien, Golda Meir conseilla à son ambassade à Paris de se méfier de l’exilé et de privilégier les contacts avec l’entourage financier du prince héritier Moulay Hassan. On peut comprendre le discours antiisraélien de Ben Barka au Caire par la décision d’Israël de minimiser ses relations avec lui (y compris le salaire) au profit du Palais. Sur les relations entre Ben Barka et Israël voir mon article.

La coopération officielle entre le Maroc et Israël, dans le domaine politique, sans rapport avec l’émigration juive du Maroc, débuta en février 1963. Elle fut précédée par « l’accord de compromis » conclu au début août 1961. Contrairement à ce qui a été publié en mon nom, Oufkir n’avait aucun rapport avec cet accord pour le départ collectif des Juifs du Maroc moyennant une indemnisation de 50 à 250$, sous couvert de l’organisme humanitaire d’émigration HIAS (Hebrew Sheltering and Immigrant Aid Society). Il s’est même prononcé contre les conditions de cet accord. Voir mon article :

Oufkir effectua quatre visites en Israël

Les relations secrètes israélo-marocaines s’inscrivent dans le cadre de « la politique de la périphérie » préconisée par le premier ministre David Ben Gourion. Des contacts étroits furent établis surtout avec le roi Hussein de Jordanie, avec le général Qasim d’Irak, ainsi qu’une alliance spéciale (Kalil) entre Israël, l’Iran et la Turquie, et une autre alliance entre Israël, l’Éthiopie et le Soudan. Sans compter les relations avec les pays d’Afrique occidentale.

La première rencontre officielle entre les deux pays eut lieu entre le bras droit de Isser Harel – Yaacov Caroz, le général Mohamed Oufkir et le commissaire de police français, délégué à l’Interpol, Émile Benhamou, à son domicile de Paris, rue Victor Hugo, suivie d’une série de rencontres entre Oufkir et David Shomron, du Mossad, dans les hôtels genevois Beau Rivage (quai du Mont-blanc 13) et Cornavin (23 boulevard James-Fazy). Oufkir avait reçu précédemment le feu vert de Hassan II.

À la mi-février, Ahmed Dlimi, l’adjoint d’Oufkir, effectua un voyage en Israël et participa à des réunions de travail avec le Mossad. Le 12 avril 1963, l’ambassadeur d’Israël à Paris, Walter Eitan, rencontra son homologue marocain en France, Mohamed Cherkaoui. Oufkir effectua quatre visites en Israël, la première en janvier 1964 et rencontra Golda Meir et Meir Amit. À partir de ces rencontres, les agents du Mossad qui se succédèrent au Maroc s’entretinrent souvent avec le roi, Oufkir, Dlimi et avec d’autres personnalités marocaines.

Contrairement à certaines publications, le premier directeur du Mossad, Isser Harel, n’a jamais effectué de voyage officiel au Maroc et n’a jamais rencontré Hassan II. Il est arrivé au Maroc à quatre reprises, clandestinement, dans le cadre de l’émigration clandestine des juifs du Maroc. Ce n’est que son successeur, Meir Amit, qui effectua un voyage officiel au cours du mois d’avril 1963 et fut reçu par Hassan II et le général Oufkir, dans un petit pavillon du palais de Marrakech. La visite officielle du chef du Mossad le général Meir Amit et de son adjoint Yaacov Caroz au roi et à Oufkir n’était en fait que la conséquence de l’échec des négociations entre Hassan II et le président algérien Ahmed Ben Bella à Alger concernant les problèmes frontaliers entre le Maroc et l’Algérie.

Quelques mois avant la Guerre des sables qui opposa les armées marocaines et algériennes, Oufkir sollicita l’aide d’Israël pour une aide militaire, stratégique et sécuritaire. La classe dirigeante marocaine détestait Nasser et le Palais ne faisait confiance ni aux Américains ni aux Français. C’est pour cela que les Marocains préférèrent solliciter l’aide d’Israël.

Pendant le deuxième exil de Ben Barka en Europe, Israël accepta de surveiller les déplacements et rencontres de l’exilé à la demande de Dlimi, mais se retira de cette filature, le Mossad s‘étant rendu compte que d’autres services secrets surveillaient ces déplacements. Selon un protocole gouvernemental Meir Amit avait reçu le feu vert du premier ministre Levi Eshkol d’effectuer cette filature uniquement après que le chef du Mossad lui eût promis que le but était d’éviter que Ben Barka ne tombe dans le piège d’un service qui décide de l’éliminer.

Hassan II, de toute évidence, n’avait pas l’intention de tuer Ben Barka. Il avait même dépêché à Paris son ministre Réda Guedira pour proposer à l’exilé de rentrer au Maroc avant la Conférence tricontinentale qui devait se tenir à la Havane. Mais Ben Barka préféra ne retourner au pays qu’après cette conférence. On peut alors se demander, si les Marocains avaient prémédité l’élimination de Ben Barka pourquoi l’aurait-on enlevé en pleine journée à Paris au coin de la rue de Rennes et du boulevard Saint Germain ? On lui aurait plutôt tiré une balle dans le dos dans une rue déserte à Genève ou au Caire. Durant neuf mois, Ben Barka habita au domicile du couple Jacques Givet et Isabelle Vichniac, au 18 rue Beaumont à Genève.

Comment Ben Barka trouva la mort?

D’après divers témoignages que j’ai recueillis à partir de 1996, il s’avère de sources irréfutables que Ben Barka est mort noyé après qu’un groupe de marocains avec à leur tête Ahmed Dlimi et Miloud Tounsi, alias Chtouki, aient commis la bavure d’immerger sa tête dans une baignoire pleine d’eau, qui entraîna sa mort. Tout de suite après, Dlimi appela le responsable du Mossad à Paris, Emanuel Tadmor, lui raconta ce qui s’était passé et sollicita son aide dans deux domaines : débarrasser les Marocains du corps de Ben Barka et leur fournir de faux. Malgré sa consternation par la mort de Ben Barka, ami d’Israël, l’agent Emanuel Tadmor reçut l’ordre du chef du Mossad Meir Amit d’aider « nos amis marocains ».

Voici le déroulement des faits tels que me les a rapportés l’agent du Mossad Eliezer Sharon-Sudit (alias Qabtsen) l’été 1998 dans son domicile (en présence de Ami Perets, un autre agent du Mossad): Dlimi, est arrivé le 28 octobre 1965 à Paris et fut reçu à l’aéroport Orly par Naftali Keinan, chef de la section Tevel du Mossad. Après quelques propos, ils préférèrent se revoir à la Porte de Saint-Cloud. Leur rencontre fut surveillée par Eliezer Sharon et Zeev Amit (cousin du chef du Mossad Meir Amit, mort pendant la Guerre de Kippour). Dlimi demanda à Keinan de rester en état d’alerte à portée d’un téléphone dans l’appartement de service du Mossad à Paris pour lui communiquer le déroulement des faits. Deux jours après, Dlimi affolé appela Keinan et lui demanda de l’aider à faire disparaître le corps de Ben Barka. Tout de suite après Dlimi vint lui remettre les clés de l’appartement où Ben Barka trouva la mort. Keinan demanda à Tadmor d’envoyer en urgence une équipe de quatre personnes, couverts par d’autres agents, planqués dans deux voitures diplomatiques, pour s’occuper de la dépouille. Zeev Amit.

Les agents du Mossad l’ont enterré

Eliezer Sharon, Zeev Amit et Rafi Eitan se rendirent à l’étage d’un petit appartement à Paris, prirent le corps de Ben Barka de l’intérieur d’une baignoire, l’enveloppèrent, le mirent dans le coffre d’une voiture diplomatique appartenant à Shalom Barak et se dirigèrent vers le périphérique pour quitter la capitale française. Le corps de Ben Barka fut enterré la nuit dans un bois dans le nord-est de Paris, un lieu où les agents du Mossad avaient l’habitude de faire des pique-niques avec leurs familles. Ils enterrèrent le corps dans un bois et versèrent au dessus et en dessous du cadavre un produit chimique acheté par des agents du Mossad en petites quantités dans plusieurs pharmacies de Paris. Ils versèrent de la chaux sur la dépouille puis recouvrirent le corps. Quelques heures plus tard, il plut et au contact de l’eau les produits chimiques le corps fut dissous.

Contrairement à ce que prétend un des deux journalistes de Yediot Aharonot, Ben Barka n’a pas été enterré dans un jardin public, traversé par une route. Avant sa mort, Eliezer Sharon ne m’a pas dit que le lieu de l’enterrement était la forêt de Saint-Germain. Ce n’est qu’une de mes déductions personnelles, suite à une série de questions que je lui avais posées sur le lieu de l’enterrement. Sharon a répondu à toutes mes suggestions par la négative en indiquant seulement une forêt au nordouest de Paris. J’en ai déduit que probablement ça pouvait être la forêt de Saint-Germain.

Les détails de ce témoignage m’ont été confirmés plus tard par Emanuel Tadmor. Le témoignage de David Shomron, premier chef de la station du Mossad au Maroc, que j’ai recueillis le 28 juillet 1998 et le 15 septembre 2003 dans son domicile à Ra’anana, confirment ceux de Sharon et de Tadmor. Quelques mois après les faits, Dlimi avoua à Shomron que Ben Barka était mort dans ses bras. Selon Shomron : « Dlimi immergeait la tête de sa victime dans l’eau d’une baignoire et pour voir s’il respirait encore, il lui pinçait les fesses. Si ses muscles raidissaient, il fallait sortir sa tête de l’eau. Au bout d’un moment, la tête de Ben Barka resta trop longtemps dans l’eau sans respirer et il mourut asphyxié ». Selon Shomron, Dlimi n’a utilisé ni les revolvers ni d’autres objets que lui avait fournis le Mossad à sa demande. Il précise que la mort de Ben Barka n’est que le résultat d’un excès de zèle de la part de Dlimi et que Oufkir n’avait eu aucun rôle dans cette affaire. Après la débâcle de l’opération, Hassan II demanda à Oufkir de se rendre à Paris pour s’informer du comportement de Dlimi.

En fait le roi voulait « impliquer » Oufkir dans cette affaire devant la justice française. A la fin, Dlimi qui était le responsable du meurtre de l’opposant a été acquitté par la justice française et Oufkir, qui n’était impliqué ni dans l’enlèvement ni dans la mort de Ben Barka, a été jugé et condamné par contumace à la prison à vie par cette même cour de justice. Oufkir fut éliminé par le palais après une tentative de coup d’état en 1973 et Dlimi trouva la mort en 1984, dans un probable accident de voiture.

Peu d’officiels marocains étaient au courant de la présence du Mossad au Maroc. A part Oufkir et Dlimi, on peut noter les noms de Hosni Benslimane, et les ministres Abdelkader Benjelloun, Bensalem Guessous, Mohammed Laghzaoui et quelques autres. Dans les stages militaires à la base militaire de Dar El Baïda à Meknès, les Israéliens étaient présentés comme des Américains ou des Allemands.

J’ai transmis l’essentiel de ces révélations à Bachir Ben Barka et à son frère à Paris en octobre 1998. A Zakya Daoud en juillet 1997 et septembre 1998, ainsi qu’à l’avocat Maurice Buttin le 30 mars 2004. Plus tard, Me Buttin m’a demandé par courrier si j’étais prêt à témoigner sur l’affaire devant le juge Patrick Ramaël. J’ai posé deux conditions : que ce ne soit pas un témoignage mais l’avis d’un expert et que cet avis soit recueilli en Israël et non pas à Paris. On ne m’a plus recontacté.

Le 27 décembre 2014 Me Buttin a renouvelé sa requête de témoigner devant le nouveau juge d’instruction Cyril Percaux.

Par l’intermédiaire de l’ancien ministre Ahmed Ramzi, le chef des services de sécurité marocains Hamidou Laânigri accepta de me rencontrer. L’entretien a eu lieu en septembre 1998 à Paris au Drugstore des Champs Elysées, et je l’ai averti que j’allais publier le résultat de mes travaux sur l’affaire Ben Barka. A sa demande, je lui ai révélé le vrai nom de Chtouki. Le reste sera publié dans mon prochain livre.

Yigal Bin-Nun est historien et spécialiste des relations SECRÈTES israélo-marocaines.

Source : Academia.edu

Tags : Maroc, Mehdi Ben Barka, Hassan II, Oufkir, Israël, Mossad,

El asesinato de Ben Barka y la frustración de otro Marruecos posible

Desde su independencia en 1956 de España y Francia, las potencias que ejercían de protectoras, Marruecos se ha caracterizado, como otras sociedades del mundo árabe, por su carácter dual. Cuenta con un alto porcentaje de población joven, muchos de ellos altamente cualificados, formados en universidades y centros de estudios del país, pero las oportunidades para su promoción se encuentran cerradas dentro de las fronteras nacionales, lo que les ha obligado a hacer las maletas buscando la “prosperidad” del mundo europeo o afrontando las estrecheces del día a día a través de empleos de baja cualificación y bajos salarios y la hoy denominada “economía informal”. Esa generación joven, formada (e informada gracias a los canales por satélite, como Al Jazeera, e internet) y urbana con ansias de independencia y libertad, como mostró no hace mucho tiempo el movimiento 20 de febrero, contrasta con las costumbres aún arraigadas en un país donde el peso de la ley religiosa y la costumbre, especialmente en el mundo rural, siguen presentes en la vida cotidiana, con represalias familiares y policiales hacia homosexuales y muchachas que se salen del redil patriarcal. Asimismo, cuenta con una constitución que establece al modo occidental el parlamentarismo, las elecciones, los partidos políticos, los sindicatos y las organizaciones de la sociedad civil como mecanismos de participación democrática y pluralista de los ciudadanos en la vida política de la nación, con una monarquía constitucional que no pocas veces se nos presenta equiparable a la de los Países Bajos, Noruega, Gran Bretaña o Dinamarca. En la realidad, sin embargo, el poder del rey es casi absoluto, el parlamento no pasa de ser un mero cuerpo consultivo al modo de la Duma zarista de 1905, la red clientelar del Majzén es tupida y omnipresente (convirtiéndose en el verdadero motor de la cosa pública) y los abusos policiales y judiciales están a la orden del día en un estado caracterizado por el cambio exasperantemente lento y siempre controlado por Palacio.

Todas estas características (con sus diferencias y matices) pueden también aplicarse a muchos estados del mal llamado Primer Mundo, que parecen seguir la estrategia de avanzar hacia atrás o al menos de guardar en sus alcantarillas realidades superpuestas a una superficie donde sólo puede brillar la perfección, mientras se acusa al resto o se mira por encima del hombro a los demás -ayer el “salvaje e incivilizado”, hoy “nación subdesarrollada” o “del Tercer Mundo”-, es cierto (como muy bien ejemplifica Donald Trump, la xenofobia rampante en la Europa rica o la corrupción y descrédito que se van descubriendo de los sucesivos gobiernos españoles de la restauración democrática). Sin embargo, como en otros casos aquí descritos, la supuesta incapacidad de estas últimas naciones para alcanzar el nivel de modernidad, “cultura” y “civilización” del mundo desarrollado no se deben a factores innatos, a la supuesta incapacidad para gobernarse adecuadamente por parte de los estados africanos, latinoamericanos o asiáticos.

Al contrario que en Europa o Estados Unidos, donde desde Washington o Bruselas se elogia la madurez del electorado y de la democracia del país X incluso cuando la democracia y el electorado han sido capaces. por razones diversas entre las que cabe contar la desesperanza, la propaganda o la manipulación mediática, de colocar a soberanos idiotas y peligros públicos al frente del mismo (e incluso se elogia al país Y incluso sin que exista sistema democrático y las violaciones de los derechos humanos sean constantes y a la orden del día siempre que Y tenga un gobierno amigo -o incluso “hermano”, como se refería Juan Carlos I al antiguo rey de Marruecos Hassan II-), la democracia no resulta un valor para el Tercer Mundo si quien se elige no responde a los intereses de Europa, Norteamérica, el FMI o la OMC, por mucho que signifique una esperanza o una realidad palpable de cambio para su propio pueblo. No fue la incapacidad para gobernarse, el manido “odio africano” o las querellas intestinas -que muchas veces aparecen espoleadas desde fuera- lo que acabó con los proyectos, cuando no la vida, de Lumumba, Arbenz, Allende, Sankara, Cabral o João Goulart, al igual que tampoco fue un mero asunto interno la asfixia lenta de proyectos incómodos desarrollados en la periferia europea, hasta ayer mismo, como quien dice, también parte del “Tercer Mundo”: la República en España, la Revolución de los Claveles en Portugal o el apoyo al restaurado e impopular gobierno monárquico de Grecia, plagado de antiguos nazis y colaboracionistas, en la guerra civil frente al ELAS, una de las guerrillas antifascistas más eficaces contra el III Reich.

En Marruecos también se dio el caso. La independencia dio lugar a dos proyectos paralelos: uno, dontancredista, basado en la permanencia de las instituciones locales -el rey absoluto, las redes clientelares, la tradición mal entendida- más reaccionarias con un mero cambio de fachada, sustituyendo la presencia colonial por la de los gobiernos cien por cien marroquíes -aunque la sombra del neocolonialismo fuera y es alargada- y otro de independencia radical, autónomo y con claros aires socializantes, no-alineados y solidarios con el mundo emergente, sumido en plena lucha por la independencia. Este último fue obra de Mehdi Ben Barka y la facción izquierdista del partido Istiqlal (Independencia), luego reconstituido en Unión Nacional de Fuerzas Populares. Su tragedia, sin resolver del todo y la enésima vivida por el Tercer Mundo (entonces desprovisto de significados peyorativos referidos a su desarrollo económico), se inscribe no sólo en turbias maniobras de servicios secretos y de inteligencia. Está metida de lleno dentro de los años negros de la represión y la sangre en el país magrebí: los largos “años de plomo”.

LA SOMBRA DE LOS AÑOS DE PLOMO: UN CAPÍTULO SIN CIERRE

Antes de comenzar a hablar de Ben Barka, refirámonos a ese episodio especialmente sangriento de la historia del reino alauí. Los “años de plomo” marroquíes han tendido a verse como una coincidencia temporal con otros denominados de la misma forma aunque en zonas geográficamente distintas, como Italia o Argentina. Pero al contrario que en estos dos países, en Marruecos los años 1970 no vieron nacer la violencia armada, sino que ésta ya venía de lejos. Desde la independencia política del sultanato, bajo el reinado de Mohammed V, ya se habían registrado acontecimientos de violencia física, asesinatos y torturas contra oponentes políticos al régimen, sindicalistas y activistas, siendo especialmente célebre la prisión de Tazmamart como centro de detención ilegal, tortura y asesinato cuya existencia el estado marroquí ha venido negando sistemáticamente. Además, otra diferencia fundamental es que, si en la Italia de mayor actividad del Gladio o en la Argentina de María Estela Martínez de Perón la violencia no era patrimonio exclusivo del aparato estatal (aunque existieran implicaciones directas -policías, militares… que pertenecían a grupos terroristas de ultraderecha- o conexiones entre los servicios secretos y cuerpos paramilitares y organizaciones de extrema derecha), en Marruecos la actuación violenta implicó a sectores de las fuerzas de seguridad, del ejército y de los servicios secretos, de tal suerte que una implicación (por descubrir) de grupos armados ajenos siquiera nominalmente al control del Estado en estos hechos debe ser considerada muy por excepción.

Aunque en el ámbito de los “años de plomo” marroquíes la mayor escalada de violencia coincide temporalmente con la década de los setenta – agitada en todo el mundo, pero especialmente en el ámbito no europeo y anglosajón, con revoluciones, guerras de liberación y golpes de estado en Argentina, Nicaragua, Irán, Chile, Angola, Mozambique, Vietnam o Afganistán-, a raíz de los intentos de golpe de derrocamiento y asesinato de Hassan II en 1971 y 1972 y las repercusiones de la ocupación marroquí del Sáhara Occidental en noviembre de 1975 y la lucha entre el ejército del reino y la fuerza de liberación anticolonial -entonces enfrentada a España y desde ese momento a Marruecos-, el Frente Popular de Liberación de Saguia-el-Hamra y Río de Oro o Frente Polisario. Sin embargo, otros especialistas consideran que ya desde el reinado del anterior monarca, Mohammed V, con la violenta represión de la revuelta del Rif en 1958-1959 -en la que se llevaron a cabo bombardeos indiscriminados con bombas de fragmentación napalm y fósforo blanco contra las poblaciones rifeñas, calculándose en tres mil las muertes, (desconociéndose el número exacto correspondiente a la represión), entre la población bereber de esta región norteña- y hasta el fallecimiento de Hassan II en 1999 y la asunción del trono por su hijo Mohammed VI pueden considerarse un continuo temporal, que si bien no ha tenido la misma intensidad en todo el período, sí se ha visto presidido por unas características comunes: el mantenimiento del status quo político, el silencio de la disidencia mediante el uso del terror y la omnipresencia y omnipotencia en la vida pública de las fuerzas de seguridad, como la gendarmería, el ejército o los servicios de inteligencia. El asesinato de Ben Barka, acontecido en mitad de la década de los sesenta, es un caso inscrito en medio de lo que habría que considerar más que los años las “décadas de plomo” del país magrebí.

Así, el abogado Abderrahim Barrada escribe con meridiana claridad que “desde la recuperación de su independencia en 1956 y hasta mediados de los años noventa, Marruecos ha conocido violaciones más o menos graves de los derechos humanos de las cuales buena parte pueden ser calificadas de crímenes contra la humanidad según las definiciones establecidas para este tipo de actos por el derecho humanitario internacional […] Estas violaciones, que han jalonado la historia de Marruecos durante casi cuarenta años, han sido, excepto raras excepciones, crímenes de Estado”. Tales crímenes de Estado perpetrados por el aparato gubernamental marroquí incluirían tanto la desaparición forzada, la tortura, el genocidio y los crímenes de guerra -tal y como pueden recogerse de testimonios realizados no sólo por los bereberes del Rif, sino también por los saharauis, dando comienzo con la propia “Marcha Verde” en 1975, pues a la marcha pacífica de civiles por el oeste del territorio del Sáhara se le unieron soldados a pie y aviación en el este que bombardearon con las mismas técnicas empleadas quince años atrás en ciudades como Tifariti o Smara- o las ejecuciones extrajudiciales. Además de esto, hay que sumar la represión extremadamente violenta realizada por las fuerzas policiales, pero también militares, de las protestas populares, como las que se han ido sucediendo a lo largo del tiempo, como la revuelta de marzo de 1965, los disturbios de Casablanca (1981), las protestas de Tetuán o Nador (1984), así como las que han tenido lugar en lo que Marruecos denomina las “provincias del Sur” contra la ocupación del territorio saharaui.

Hasta el momento no es posible saber el número exacto de víctimas causada por esta política criminal, porque las asociaciones civiles de derechos humanos en Marruecos no disponen de información completa y desde la Instancia Equidad y Reconciliación, el organismo oficial creado tras la subida al trono de Mohammed VI, no se facilitan cifras -al mismo tiempo que los criterios defendidos por este organismo para la consideración de víctima pueden distar mucho de lo universalmente aceptado-. Ni siquiera Amnistía Internacional en su informe de 1993 “Marruecos: Rompiendo el silencio” podía dar una cifra exacta, dado que muchos desaparecidos permanecían en cárceles secretas, mientras que otros no han vuelto a dar señales de vida tras la liberación decretada por el nuevo monarca, por lo que la horquilla -descontando las muertes ocasionadas por la ocupación del Sáhara o la represión violenta del Rif- podría oscilar entre varios centenares y más de un millar de personas.

Además de mucha gente anónima, no han sido pocos los que han tenido puestos de responsabilidad política, policial o militar que han pasado por las cárceles del régimen alauí o han acabado siendo asesinados. Desde dirigentes de la izquierda como Ben Barka o Mohammed Larizi (asesinado en 1963 junto a su esposa, de nacionalidad suiza, y la hija de ambos, de sólo tres años de edad) a militares implicados en intentonas golpistas fracasadas, como Mohammed Ufqir (uno de los antiguos responsables de la represión de los bereberes, quien fue secuestrado y encarcelado durante décadas junto con varios miembros masculinos de su familia, incluyendo niños de corta edad, hasta 1991) o los responsables de la intentona militar de 1972, quienes fueron encerrados en Tamazmart al año siguiente, pereciendo la mitad de ellos. Además, Marruecos tiene en su haber el penoso récord de haber mantenido en prisión al preso político más antiguo de África después de Nelson Mandela, Abraham Serfaty, antiguo militante del Partido Comunista y judío marroquí que abogaba por la solución de “dos Estados” en Palestina.

Durante décadas, Marruecos ha logrado mantener la escala represiva sin escándalo de la comunidad internacional gracias a la lógica de la “guerra fría”, en la que se convirtió en un aliado esencial de Estados Unidos en la lucha contra la penetración de la izquierda comunista y del alineamiento prosoviético de otros regímenes árabes del Magreb como la Argelia del FLN, el Egipto de Nasser o, con posterioridad, la Libia del coronel Gadaffi. Además del apoyo estadounidense, Francia, como antigua metrópoli, consideraba a Marruecos una pieza esencial dentro de su política de la “Françafrique”, especialmente tras el fracaso de la guerra de Argelia y la política independiente del nuevo gobierno de socialismo árabe instalado en Argel, así como para contar con una posición avanzada de cara a controlar Mauritania, la zona del Sahel y los estados de la antigua África Occidental Francesa. Esta consideración de régimen amigo es considerada clave para la implicación, a juicio de varios testimonios, de los servicios de inteligencia franceses y norteamericanos en la muerte de un líder tan peligroso para el gobierno de Rabat como Mehdi Ben Barka, quien ostentaba en ese momento la presidencia de la Conferencia Tricontinental, de gran influencia en el mundo no alineado.

En la actualidad, el papel de Marruecos, finalizada la política de bloques, se ha mantenido como “gendarme” en la vigilancia de la frontera sur del Mediterráneo tanto en lo que se refiere al control de las migraciones procedentes del África subsahariana con destino a Europa como en el terrorismo de corte islamista radical. Esto ha hecho que, en los últimos años del reinado de Hassan II y estos primeros años de Mohammed VI, la política de las potencias occidentales no haya variado esencialmente respecto al vecino alauí, como puede observarse en temas como el respeto a los derechos humanos -que básicamente pasan por la consideración de Marruecos como un país garantista en este aspecto- o el referéndum por la autodeterminación del Sáhara Occidental, pospuesto prácticamente “sine die”. Y aún cuando se producen protestas en este o en otro sentido que pueden irritar a Palacio, al gobierno o a los intereses que rodean a la monarquía, la respuesta de Rabat, retórica pero poderosa, suele derivar en amenazas chantajistas sobre las pretensiones anexionistas sobre Ceuta y Melilla o el cese de las “obligaciones contraídas” con la Unión Europea en la vigilancia de la frontera, ocasionando las consabidas molestias y enojos para España y para las instituciones de Bruselas, pero zanjándose rápidamente la cuestión y olvidando la que dio lugar a la controversia.

Por este motivo, ante la ausencia de una presión exterior que acabe obligando a Marruecos a llevar a la práctica su retórica o a acelerar sus reformas en lugar de usar la clásica vara de la represión (que denuncian no ha desaparecido del mapa) y la estrategia de la “apertura cerrada”, muchos son los que emiten críticas hacia la labor del Consejo Consultivo de Derechos Humanos y la Instancia Equidad y Reconciliación y la posibilidad de que realmente sea eficaz para saldar las cuentas de la sociedad marroquí con su pasado. En primer lugar, se establece una indemnización a las víctimas, pero no existe un verdadero derecho a saber y por supuesto no hay posibilidad alguna de un derecho a la justicia, los tres pilares fundamentales sobre los que se asienta la doctrina de Naciones Unidas a este respecto. Las instituciones estatales no establecen castigo alguno a los culpables, porque ello supondría cuestionar la estructura misma del estado y de la monarquía marroquí (¿cómo condenar al anterior monarca, expresar públicamente que Hassan II fue un genocida?), dado que muchos siguen al frente de los asuntos públicos o han sido sucedidos en sus puestos con normalidad institucional, siendo legitimados en cierto modo -un problema que nos suena por estas latitudes-. Además, existen sospechas de que el impulso de estas organizaciones por parte del Estado se ha hecho para frenar el empuje, mucho mayor y menos controlable, de las asociaciones cívicas.

Por otro lado, en muchas ocasiones la víctima de violaciones de derechos humanos -caso de los golpistas- acaban siendo culpadas de su situación (de ahí lo que se mencionaba anteriormente: la posibilidad de que el Estado considere discrecionalmente quién es y quién no es víctima) porque despertaron una reacción (léase, tortura, asesinato, desaparición forzada…) de las fuerzas de seguridad. De ahí que el abogado Abdelrrahim Barrada se escandalice de ello del siguiente modo: “¡Las víctimas son, a sus ojos, los primeros culpables! ¡El Estado no ha hecho sino defenderse! Por ello el CCDH pide la gracia real [tal y como aparece en el memorándum del Consejo Consultivo] para estos “malhechores”…” De hecho, denuncia, aquellos que no sean “culpables” de provocar los hechos serán indemnizados.

Para terminar, el hecho de que se lleven a cabo estas medidas, con un alcance limitado en el tiempo, no garantiza realmente que situaciones de esta índole no vuelvan a repetirse. De hecho, desde Nuremberg se ha venido afirmando la necesidad del castigo a los crímenes contra la Humanidad para evitar que cunda el ejemplo y que salga “gratis” para el genocida o el criminal de guerra llevar sus planes a cabo. Lejos de ello, no son pocas las voces que advierten que Marruecos podrían haber tomado apenas un respiro con la apertura de los primeros tiempos del reinado de Mohammed VI y la puesta en marcha de la IER, para después volver por las andadas, como muestra el desmantelamiento del campamento saharaui de Gdeim Izik, el maltrato a los migrantes subsaharianos en el monte Gurugú o la represión al colectivo LGTBI.

MEHDI BEN BARKA: DE LA INDEPENDENCIA A LA DISIDENCIA

Ben Barka es una de esas figuras indispensables para entender lo que ha significado el camino de las independencias frustradas en el Tercer Mundo y la exploración de vías de desarrollo políticas, económicas y sociales autónomas surgidas de la Conferencia de Bandung y del movimiento de los No Alineados. De un lado, un sentimiento nacionalista plasmado en la necesidad de buscar un destino propio, libre de injerencias políticas de corte neocolonialista (de las anteriores metrópolis o de las grandes potencias); de otro, un sentimiento de solidaridad internacionalista con las naciones recién independizadas y/o por su especial vulnerabilidad de cara a las presiones exteriores, que llevó a la creación de instituciones como el Movimiento de Países No-Alineados o la Conferencia Tricontinental. En los inicios de este movimiento (de la Conferencia de Bandung, 1955 a la I Conferencia de No-Alineados, Belgrado,1961) destacaron Nasser, Tito, Nehru, los líderes Sukarno de Indonesia, Kwame Nkrumah de Ghana o inclusive Fidel Castro y Ernesto “Che” Guevara de Cuba, aunque la revolución en la isla tuvo que decantarse cada vez más hacia el sistema socialista, dejando en segundo plano su carácter inicial de revolución nacionalista y antiimperialista, debido a la hostilidad y bloqueo estadounidenses a la misma y la falta de aliados estratégicos más allá del bloque soviético. En el MPNAL el caso cubano no fue el único: si en América Latina (Argentina, Chile, Colombia, Granada), Asia (Laos, Indonesia, Camboya) o el África francófona (Gabón, República Democrática del Congo, Mali, Camerún, Togo, Costa de Marfil o Alto Volta), la intervención a través de golpes de estado o del dominio poscolonial de Estados Unidos, Francia o Bélgica les colocó como estados “clientes” del bloque occidental, para quien el neutralismo -como muestran documentos elaborados por la administración en los primeros años de la guerra fría- no era una opción, la lucha anticolonial se fue revistiendo (en buena parte, producto de lo anterior) de un trasfondo antiimperialista y anticapitalista que dio origen a movimientos revolucionarios marxistas que tomaron el poder en países miembros del movimientos o que adquirieron luego esa condición, decantándose como aliados soviéticos: Yemen del Sur, Etiopía, Somalia (cuyo líder, Siad Barré, primero fue aliado soviético y a raíz del conflicto de Ogadén con Etiopía pasó a aliarse con Estados Unidos), las antiguas colonias portuguesas en África, Vietnam, la República Popular del Congo o Afganistán. Resultaba difícil la supervivencia en un mundo bipolar (y cuánto más en uno unipolar…)

Mehdi Ben barka nació en Rabat, la hoy capital del país y entonces parte del protectorado francés, en 1920, donde formó parte de una familia humilde. Su padre era recitador del Corán en la mezquita y vendedor de té y azúcar. Ben Barka acudió a la escuela coránica hasta los nueve años, pero la familia no tenía recursos para mandar a más de uno de los dos hijos a la escuela más allá de esa edad, de modo que acompañaba a su hermano mayor al colegio francés, pero se quedaba fuera. La maestra le invitó a entrar como oyente, y eso cambió la historia del muchacho, dado que se reveló como un excepcional estudiante. Mehdi Ben Barka acabó convirtiéndose en el primer licenciado en Matemáticas de Marruecos (realizó sus estudios superiores en la universidad de Argel, pues en el momento de hacerlos no existía la posibilidad de realizarlos en su país natal y Francia, la otra opción, se encontraba ocupada por la Alemania de Hitler).

En su juventud y durante sus etapa universitaria, frecuentó amistades y círculos nacionalistas -también de otros países del Mageb, como Argelia y Túnez- y fue uno de los fundadores del partido del Istiqlal en 1943, convirtiéndose en uno de los principales dirigentes del mismo dos años más tarde -de hecho, eso le llevó a ser desterrado en 1944 a las montañas del Atlas por las autoridades francesas, donde permanecerá siete años-. Sin embargo, su pensamiento estaba dirigido no sólo hacia la consecución de la independencia plena del país y la salida de las potencias dominadoras, España y Francia. Interesado por la economía, la modernización de la sociedad marroquí desde sus estructuras feudales, la reforma agraria y la no discriminación de la mujer, “deviene en combatiente por la independencia de las personas corrientes y del campesinado…” (Omar Benjelloun, abogado, colaborador de Le Monde Diplomatique y descendiente de militantes históricos de la izquierda marroquí). Por ese motivo, y aunque su actividad es esencial para el regreso del rey Mohammed V en 1955, exiliado por las autoridades francesas en Madagascar -para lo que pusieron en su lugar a un familiar más manejable-, conseguida la independencia en 1956, “se negó a sentarse en el gobierno y se opone a un régimen aristocrático desde su puesto en la presidencia de la Asamblea Consultiva”, escribe Benjelloun. La crítica se dirige hacia el clientelismo, el absolutismo del monarca y el conformismo del que hacen gala partidos políticos como el suyo propio, donde el impulso cobrado para lograr la independencia parece haberse quedado ahí, juzgándolo de este modo Ben Barka como muy conservador y un instrumento del régimen.

LA UNFP Y EL EXILIO

Bachir Ben Barka, hijo del líder marroquí, afirmó en una entrevista en octubre de 2016 cómo las puertas a cualquier apertura política en el país se cerraron casi de inmediato a la independencia, y el desarrollo de un proyecto alternativo al defendido desde los ambientes palaciegos no llegó siquiera a poderse plantear. “tras la independencia, con la euforia que esta generó, había una dinámica alimentada por esta joven generación de militantes que eran Mehdi Ben Barka, Bouabid, Basri […] Esta generación emprendió esa lucha para que la independencia tuviera un contenido social y progresista […] Pero poco a poco la relación de fuerza se invirtió y a finales de la década de 1950 se debilitó esta nueva fuerza emergente y Palacio retomó totalmente las riendas gracias a las alianzas políticas y estratégicas entre el feudalismo marroquí y los intereses neocoloniales e imperialistas, más particularmente franceses.” La subida al trono en 1961 de Hassan II de un lado, con una política mucho menos favorable hacia el aperturismo político de lo que hubiera podido demostrar su padre y antecesor en el trono -y, como demostró Mohammed V en la represión del Rif, igualmente dispuesto al uso de los mecanismos represivos que éste había utilizado-, y del otro la división mostrada en el campo político que, con partidos como el Istiqlal cooptados por la élite dominante (y que, en el caso de la antigua organización de Ben Barka, a partir de entonces pasará a formar parte del aparato del régimen) y una izquierda atomizada y fuertemente reprimida, marcará los años venideros y dará comienzo a una fructífera relación del reino con las potencias occidentales para la represión del nacionalismo árabe socialista y los movimientos de izquierda en el área (alianza frente a la Argelia revolucionaria, apoyo tácito a la ocupación del Sáhara Occidental, etc.)

Cuando Hassan II llega al trono, Ben Barka es una figura de elevado prestigio, a pesar de no tener ningún cargo ejecutivo. Sus reuniones con líderes de movimientos independentistas y antiimperialistas del Tercer Mundo de reconocido carisma en aquellos momentos (Mao, Ho Chi Minh, otros más aún en el mundo árabe como Gamal Abdel Nasser); sus críticas a la situación política y su negativa a las componendas; sus proyectos de rescatar al país del feudalismo, acabar con el analfabetismo, las desigualdades sociales y otras lacras que arrastraba y el éxito de proyectos como la formación de jóvenes a través de proyectos de infraestructuras como la de la carretera de la Unidad (la carretera que unía las zonas de los antiguos protectorados español y francés) le convirtieron en una figura de masas, aun cuando entonces todavía formaba parte de un Istiqlal ya abiertamente empeñado en el mantenimiento del status quo.

La situación entre el sector conservador y el izquierdista del Istiqlal, encabezado por Ben Barka, Basri y Bouabid y al que se encontraban adheridos los jóvenes del partido y los sindicatos, estalló finalmente en 1959, cuando esta última corriente propuso que se convocara una Asamblea Constituyente que elaborara una carta magna que, entre otras cosas, delimitara claramente las funciones del monarca y sustituyera las estructuras clientelares de poder (el Majzén) que entonces regían la vida política en el país por unas instituciones genuinamente democráticas. Los dirigentes del partido -pertenecientes al ala derechista- interpretaron que Ben Barka y los suyos asumían una postura republicana y de ruptura, por lo que acabaron expulsándolos del partido. Este fue el pistoletazo de salida para la creación de la Union Nationale des Forces Populaires (Unión Nacional de Fuerzas Populares, UNFP).

La UNFP sigue los principios reflejados por el ala izquierda en la ruptura del Istiqlal: revolución democrática, reforma agraria, alfabetización, fin de la discriminación a las mujeres, reforma social en favor de las clases trabajadoras urbanas y campesinas, transformación de las estructuras del poder vigentes para poner fin al dominio social y político de unos pocos privilegiados y del dominio neocolonial y solidaridad con y entre los pueblos del Tercer Mundo. Ben Barka -que se convertirá en pocos años en uno de los dirigentes internacionales más importantes del movimiento no-alineado- entiende que la lucha de las naciones colonizadas y sometidas al yugo de la injerencia externa debe ser una lucha conjunta en la que en intercambio de experiencias y la unidad entre ellas debe ser central para el éxito final.

Por supuesto, la presencia de un partido regido por principios que ponen en cuestión el régimen vigente con una claridad harto meridiana no es en absoluto del gusto de ningún sector poderoso de la sociedad marroquí, de tal modo que en poco tiempo la UNFP es ilegalizada y su órgano de prensa clausurado. Ben Barka partió al exilio en París, aunque regresó en 1962 tras una primera tímida apertura de Hassan II, coincidente con la redacción de una constitución “a medida”, rechazada por las fuerzas de izquierda, entre ellas la UNFP. Tras sufrir un primer intento de asesinato -un accidente de tráfico provocado que se saldó con una fractura leve-, se presentó como candidato a las elecciones generales del año siguiente, que se saldaron con la victoria de un partido “cortesano” creado ad hoc, pese a la enorme movilización conseguida por la UNFP (que quedó en tercer lugar). Las denuncias y protestas populares por fraude se saldaron con una violenta represión y la condena a prisión de los dirigentes de la UNFP -algunos de ellos encarcelados y torturados- por planear un complot contra la vida del monarca. Ben Barka consiguió huir y regresó a su exilio parisino, del que ya no regresaría.

Sin embargo, no sería la última vez que el régimen marroquí desencadenaría una campaña de infamias -previa a su asesinato- contra el dirigente opositor. En 1963, como consecuencia de la “guerra de las Arenas” que Marruecos desencadenó contra Argelia a consecuencia de una disputa fronteriza que ambos países mantenían, Palacio mantuvo que Ben Barka apoyaba a Argelia en contra de su país natal, asimilando su postura con una traición. “Ahora bien”, relata su hijo Bachir, “lo que hizo fue condenar la guerra. Estaba en contra de esta guerra, que él calificó de agresión contra la joven Revolución argelina, la cual se había convertido en una referencia para los movimientos de liberación africanos y latinoamericanos. Es cierto que era un apoyo a Argelia y una condena, no de su país, sino del régimen que llevaba a cabo esta agresión para debilitar Argelia”. Hemos de observar que, como militante de la causa del Tercer Mundo, Ben Barka no podía estar más en contra con el hecho de que dos países recientemente independizados, que debían dedicar sus esfuerzos en el desarrollo de sus países y el bienestar de sus pueblos tras largos años de colonización y sujeción a los intereses de una potencia extranjera, malgastaran sus recursos en enfrentarse entre ellos en una guerra a la que se sospechaba, además, Marruecos había sido empujado por los intereses de la ex metrópoli Francia.

LA TRICONTINENTAL

Las experiencias del exilio, tanto la primera como la segunda y definitiva, contribuyeron a forjar una extraordinaria imagen exterior del líder marroquí, en particular como líder del Tercer Mundo. Su comprensión de los problemas que acuciaban a los países de África, Asia y Latinoamérica, muchos de ellos estados recién independizados del dominio colonial, y el eco que se hizo como voz autorizada a la hora de hablar de los mismos y de sus soluciones le auparon a ser una de las principales figuras de lo que hoy llamaríamos el “Sur global”.

A lo largo de ese exilio sin residencia fija (vivió a caballo entre Argel, El Cairo y París), de 1962 a 1965, y partiendo de sus experiencias y charlas con líderes como Nasser, Ho Chi Minh, Nkrumah, Jomo Kenyatta, o Julius Nyerere, su pensamiento se enriquece, hacia una perspectiva más global acerca de la exploración de las características y las múltiples facetas que adquiere el dominio colonial e imperialista (neocolonial) y una convergencia sobre cómo emprender la lucha contra él -la necesidad de unidad de lucha y de compartir experiencias, antes mencionada-. “Su inspiración proviene de Frantz Fanon, así como de “Discurso sobre el colonialismo” de Aimé Césaire, de “Retrato del colonizador” (1957) y “Retrato del colonizado” de Albert Memmi” (Rebellyon.info).

La capital argelina será un lugar donde encontrará enormes estímulos intelectuales para desarrollar su pensamiento antiimperialista. Al calor de los primeros años de la revolución en el país, comandada por Ahmed Ben Bella, y del estímulo que ésta supone para muchos movimientos de liberación nacional en otras partes del continente e incluso más allá de las propias fronteras africanas, Argel se convierte en una suerte de “melting pot” en la que se dan cita exiliados y líderes guerrilleros y tienen lugar interesantes intercambios de ideas. “La capital de Argelia se había convertido en el centro intelectual de la contestación revolucionaria internacional. Se encontraron allí, en primer lugar, los líderes exiliados de los movimientos de liberación de las colonias portuguesas, después de los problemas en Angola (1961), en Guinea Bissau (1963) y Mozambique (1964). Mestizos y minoritarios, los intelectuales de Cabo Verde, incluyendo a Amílcar Cabral, se hicieron eco de las corrientes libertadoras del continente americano.

Una de las figuras más poderosas del movimiento negro en Estados Unidos, Malcolm X, estaba alojado en Argel en 1964; Ernesto Che Guevara, antes de contactar con los guerrilleros [lumumbistas] del Congo, también pasa por allí en la primavera de 1965” (ídem).

El líder disidente marroquí es un auténtico “trotamundos” de la causa “altermundista”. Su presencia en el exilio, lejos de alejarle de la actividad política, le confiere un nuevo papel a su manera de entenderla, alejándola del marco exclusivamente nacional e incluyéndola dentro de un proyecto mucho más amplio, atendiendo a lo que Omar Benjelloun llama el tríptico “movilización, unidad, liberación”: “Ben Barka quiere salir fuera del marco nacionalista y ampliar la batalla de Marruecos mediante su inclusión en una visión universal. Viajando por el mundo como un viajante incansable de la revolución, que pasa de un continente a otro, escapando de varios intentos de asesinato. Un día está en El Cairo para dar un discurso
defintorio y fustigante del neocolonialismo. Al día siguiente se va a Moscú y luego a Beijing para idear para aliviar la disputa chino-soviética, antes de regresar a Damasco a fin de conciliar al Egipto nasserista y la Siria baazista”.

Su hijo Bachir comenta algunos aspectos que contribuyeron a la popularidad de Ben Barka. En primer lugar, remontándose a los inicios de la independencia de Marruecos, recuerda el proyecto de integración magrebí que partidos como el Istiqlal -liderado entonces por Ben Barka, el FLN argelino o el Nèo-Destour tunecino expusieron en la Conferencia de Tánger de 1958. Allí se expuso claramente, en ese contexto norteafricano, la necesidad de una solidaridad entre los pueblos desde una postura de respeto a la especificidad, a las circunstancias particulares de cada uno de los países y a la necesidad de que cada uno de ellos explore sus particulares vías de desarrollo. “Cada país tiene que llevar a cabo su propia evolución, pero gracias a la solidaridad entre ellos los pueblos van a poder progresar juntos” Esa postura es la que con posterioridad desarrollará en un contexto global, y que es muy diferente, si comparamos, con las recetas globales de la democracia parlamentaria al modo capitalista-occidental (que no contempla o desprecia otros modos de democracia como la participativa o la comunitaria, desarrolladas en constituciones de América del Sur como las de Ecuador o Bolivia) o con las prescritas por las autoridades financieras mundiales como el FMI o el Banco Mundial, con independencia del contexto económico nacional. “Tenían -prosigue Bachir Ben Barka- una visión magrebí, actuaban en esa perspectiva, eran conscientes del problema del neocolonialismo y estaban en una perspectiva de construcción de un Magreb de los pueblos. Esta perspectiva ya no está a la orden del día. Desde finales de la década de 1960 lo que se impone es el Magreb de los Estados, el Magreb de las policías con una serie de operaciones en las que había mucha más solidaridad policial y de seguridad entre los tres, cuatro o cinco Estados del Magreb que voluntad política de liberación y de progreso”.

En segundo lugar, dado que el enemigo -el colonialismo, neocolonialismo o imperialismo; múltiples nombres para una forma de dominación de los países ricos y fuertes sobre los pobres y débiles- es común, la unidad de acción debe ejercerse también, y esto debe significar establecer una organización que, al igual que las que representan a los estados ricos (sea la ONU con un consejo de seguridad antidemocrático y con poder de veto, el G7, el GATT -hoy Organización Mundial del Comercio-), permita abrir numerosos frentes comunes que dispersen sus fuerzas y dificulten su estrategia de dominio. “Crear una organización de solidaridad de los tres continentes quiere decir organizar en todas partes luchas para debilitar al adversario principal. Lo que él hizo fue movilizar a la juventud pero, al mismo tiempo, poner en común las potencialidades de cada país para modificar a su favor la relación de fuerzas”. Ése era el objetivo de la OSPAAAL y de la Conferencia Tricontinental.

No es por tanto casual que la presidencia de la Conferencia Tricontinental, que iba a celebrarse en La Habana en enero de 1966, recayera sobre Ben Barka. Esta conferencia nació a raíz de las reuniones mantenidas en años previos por la Organización de Solidaridad de los Pueblos de Asia y África en Accra, la capital ghanesa, en 1957 (debemos recordar que el presidente Nkrumah fue uno de los principales impulsores del movimiento de los no alineados y del movimiento panafricano, por lo que trató de convertir Ghana en uno de los principales centros del Sur global, de ese otro fiel de la balanza del poder mundial), y El Cairo en 1961, a la que los pueblos y organizaciones de liberación del Caribe y Latinoamérica se sumaron, dando lugar a la ampliación de las siglas de la organización -de OSPAA a OSPAAAL- y a la celebración de la histórica conferencia en la capital cubana. Según escribe Omar Benjelloun, Ben Barka fue uno de los principales impulsores de la ampliación del marco de la OSPAA al continente americano, convenciendo a sus interlocutores africanos y asiáticos -había estado presente en las reuniones de Accra y El Cairo- de ampliar a Latinoamérica su labor de solidaridad, y a raíz de sus conversaciones con “Che” Guevara en Argel, la mediación del guerrillero argentino y ex vicepresidente de la Cuba revolucionaria le hará ocupar la presidencia del encuentro habanero.

La celebración de la conferencia fue un motivo de orgullo para Mehdi Ben Barka, quien se refirió a ella en los siguientes términos: “Es un acontecimiento histórico la reunión de organizaciones antiimperialistas de África, Asia y América Latina, por su composición y por estar representadas las dos grandes corrientes contemporáneas de la Revolución Mundial: la revolución socialista y la revolución de liberación nacional. Lo hace histórico también su celebración en Cuba, donde tienen lugar ambas revoluciones” (cita Reinaldo Morales Campos), lo que hizo que, por insistencia de Ben Barka, la intervención inaugural y final de la misma fueran realizadas por Fidel Castro. Sin embargo, en el momento de celebrarse, su presidente ya había sido secuestrado en París y asesinado. Este hecho produjo la más absoluta condena por parte de la organización de la Tricontinental -entre ellos el líder cubano Osmany Cienfuegos, hermano del revolucionario Camilo Cienfuegos, quien realizó un alegato contra la intervención de la CIA en los hechos- y los miembros de la OSPAAAL.

Aunque la Conferencia Tricontinental no volvió a celebrarse, la OSPAAAL y la revista Tricontinental, fundada a raíz de su celebración, sigue presente como movimiento de promoción de la solidaridad, el desarrollo autónomo de los países del Sur, la paz y los derechos humanos, teniendo en la actualidad su secretariado permanente en Cuba y perteneciendo a ella doce países y con participantes de diversas partes del globo. La OSPAAAL es desde 1998 una organización con estatus consultivo especial del Consejo Económico y Social de Naciones Unidas o ECOSOC . La organización impone a personalidades relevantes -entre otros, por ejemplo, Nelson Mandela- que han destacado por la promoción de la solidaridad entre los pueblos la medalla de la Orden de Ben Barka, lo que demuestra que el legado en pro de la liberación de los pueblos del Tercer Mundo del líder marroquí sigue vigente.

UN CRIMEN SIN RESOLVER

El 29 de octubre de 1965 Ben Barka se había citado con el cineasta francés Georges Franju en la Brasserie Lipp de París. Allí llegó acompañado del estudiante marroquí Thami Azemmuri, a eso de las doce y cuarto del mediodía.

La cita entre ambos formaba parte de una colaboración que el líder opositor marroquí iba a hacer con el realizador para el film anticolonialista “Basta!”, con guión de Marguerite Duras, en el que Ben Barka sería asesor histórico. Sin embargo, al parecer tanto Ben Barka como Duras y Franju fueron engañados por George Figon, supuesto productor de la película, que en realidad no existía, siendo en realidad un cebo para poder dar caza al líder del Tercer Mundo.

La llegada de Ben Barka a París había sido vigilada por los servicios secretos del gobierno del general De Gaulle, de tal suerte que Antoine Lopez, jefe de escala de Air France en el aeropuerto de Orly y colaborador habitual del SDECE (Servicio de Documentación Exterior y Contraespionaje) informó a su superior Marcel Le Roy Finville para la preparación del operativo en cuanto Ben Barka pisó suelo francés.

A la puerta de la brasserie, dos policías franceses, Louis Souchon y Roger Voitot, de la brigada de estupefacientes, se encargaron de interceptar a Ben Barka e introducirlo en un Peugeot 403, mientras individuos marroquíes espantaron a Azemmuri, quien corrió a avisar al hermano del infortunado opositor, anunciándole el suceso. Ese fue el último momento en que se vio con vida a Mehdi Ben Barka. Poco después Azzemuri también moriría, supuestamente suicidándose.

Ben Barka subió al automóvil sin oponer resistencia debido a que Souchon y Voitot le habían comunicado que una autoridad francesa deseaba verle, por lo que pensó que éste debía ser De Gaulle, quien había mostrado interés en verle y seguía una política de cierta independencia respecto de Washington, lo que podía evidenciar un cierto acercamiento entre el presidente francés y los líderes nacionalistas del Tercer Mundo. Sin embargo, con lo que se encontró fue con la muerte tras una larga sesión de torturas en una casa de Fontenay-le-Vicomte, en la región de Ille-de-France (la misma donde se ubica París). La residencia pertenecía a Georges Boucheseiche, antiguo colaborador de la Gestapo convenientemente reconvertido en colaborador de las cloacas de la Francia democrática.

¿Quiénes fueron los torturadores y qué pretendían? Sobre este asunto hay mucha especulación y la investigación judicial en Francia, que con más de cincuenta años es el proceso que más tiempo lleva abierto en el Tribunal Supremo de París, no avanza como para poder determinar a ciencia cierta quiénes son sospechosos. Se alude a la existencia de un equipo formado por hombres de confianza de Boucheseiche a los que se unió posteriormente George Figon, lo que determinaría la complicidad de los servicios secretos franceses, así como a la de los agentes marroquíes que ya antes se habían encargado de “espantar” a Thami Azzemuri y todo ello además con el conocimiento -y en algunos casos la presencia- de los máximos directores de la seguridad del reino alauí: Ahmed Dlimi, responsable de la seguridad nacional; el agente Chtouki y el ministro del Interior magrebí Mohammed Oufkir, quien llegó con posterioridad a la casa y finalmente asesinó a Ben Barka de una puñalada en el pecho. George Figon, que posteriormente se convertiría en un prófugo de la justicia, hizo unas declaraciones al periódico Le Monde en enero de 1966 –tituladas de forma sensacionalista “Yo he visto matar a Ben Barka”, aunque no es cierto que estuviera presente en el momento del asesinato- en las que incriminaba a Dlimi y Oufkir en la tortura y muerte del líder, aunque es posible que se trate de una treta con la que tratar de librar de la prisión a los franceses implicados, entre ellos los hombres de Boucheseiche.

Se especula con que la intención de quienes acabaron con la vida de Ben Barka no fue la de acabar con su vida, sino la de forzarle a firmar un poder en su favor para poder sacar los archivos que tenía depositados en un banco de Ginebra. También con que tan sólo se le quería amenazar para que cesara en su actividad de denuncia contra el régimen de Hassan II. Sin embargo, el asesinato también tenía para Marruecos y para las potencias coloniales y neocoloniales las ventajas de privar de un extraordinario portavoz a la causa de la democracia y el progreso en el país magrebí y a la causa de los pueblos sometidos a dominio extranjero, apenas unos meses antes de la celebración de la Conferencia Tricontinental.

¿Qué ocurrió con el cadáver? Dado que el cuerpo del líder africano no ha aparecido, el destino del mismo sigue siendo un misterio a día de hoy, surgiendo varias hipótesis al respecto. La más repetida es la apuntada por el antiguo agente de los servicios de seguridad marroquíes Ahmed Bujari, participante en el operativo de tortura y posterior asesinato, que expone que el cadáver fue trasladado a Marruecos, al centro de detención de la policía en Rabat, y sumergido en una cuba de ácido para que se disolviera sin dejar rastro. Bujari apunta que la operación fue filmada para que el propio monarca marroquí Hassan II tuviera constancia de la desaparición de Ben Barka.

Otra hipótesis apunta a que su cuerpo fue enterrado en Francia, en un sarcófago de cemento, en un lugar próximo al sitio donde tuvo lugar el asesinato, excepto la cabeza, que fue llevada al rey de Marruecos como prueba del cumplimiento de la misión.

Durante un tiempo se especuló con la posibilidad de que el cadáver de Ben Barka hubiera sido enterrado -arrojado más bien- en el interior de un mausoleo del cementerio de Ituren, una pequeña localidad del Pirineo navarro, y descubierto junto al cadáver de su secretaria cuando iba a ser enterrada una anciana del lugar, en septiembre de 1966. Sin embargo, estos hechos -que dieron pie a portadas de la prensa de sucesos española como “El Caso” y a espacios en programas televisivos actualmente como “Cuarto Milenio”- no parecen obedecer a la realidad, dado que en ningún caso se habló de que Ben Barka estuviera acompañado por una mujer cuando fue conducido al chalé de Fontenay-le-Vicomte ni existe referencia a secretaria alguna.

¿Hubo responsabilidad de los gobiernos de Francia y de otros estados? Las relaciones de alianza estratégica de Francia y Estados Unidos con la monarquía marroquí hacen muy plausibles la hipótesis de que existe una corresponsabilidad de ambos estados con Marruecos en el asesinato. Sobre los Estados Unidos, Ahmed Bujari afirma que la Agencia Central de Inteligencia (CIA) dio su apoyo al asesinato y que en el transcurso de la operación de desaparición del cadáver hubo un norteamericano, un oficial llamado coronel Martin, realizando labores de supervisión, añadiendo que Martin había aprendido ese método de hacer desaparecer cuerpos durante el golpe de estado de 1953 en Irán que depuso al primer ministro nacionalista Muhammad Mossadegh. Los norteamericanos podrían tener interés en hacer desaparecer al “alma” de la Tricontinental y asestar un golpe cuasi mortal a una conferencia y una organización como la OSPAAAL que tan duramente se oponía a los intereses de las grandes potencias. En la actualidad, la CIA posee 1800 documentos relativos a Ben Barka, pero aún no han sido desclasificados.

Por parte francesa, De Gaulle negó en su día la implicación de los servicios secretos en su conjunto, bien llevándola a cabo o bien como encubridores. No obstante, aunque las altas instancias de la República no dieran su visto bueno a la operación y los servicios secretos actuaran de forma autónoma, los sucesivos gobiernos franceses, tanto socialistas como conservadores, han contribuido a tapar las responsabilidades de los agentes galos en la operación, de tal suerte que una de las quejas de la familia consiste en la escasa colaboración que las autoridades francesas tienen con la justicia para el esclarecimiento de los hechos, no sólo en lo que respecta a este extremo, sino incluso para dar curso a Interpol de las órdenes de detención de marroquíes implicados en la operación. “La razón de Estado se mofa de nuestro derecho a la verdad”, declara su hijo Bachir.

EPÍLOGO

Tras la muerte de Ben Barka, la historia fue repitiéndose sucesivamente en diversas partes del globo. La revolución argelina terminó por descarrilar; tenía lugar el golpe de estado contra Sukarno en Indonesia y el comienzo de una terrible matanza, apoyadas ambas por Estados Unidos, de Ahmed Suharto; el Che moría abatido por el ejército boliviano; ascendía al poder el hombre de la CIA en Congo-Léopoldville y artífice del golpe contra Lumumba, Joseph Mobutu; la lista iría poco a poco ampliándose con más nombres, como los de Amílcar Cabral, Eduardo Mondlane, Salvador Allende… El universo tricontinental apareció cada vez más dominado por los intereses de las antiguas potencias coloniales y las nuevas potencias neocoloniales y la lógica de la “guerra fría”, por lo que la necesidad de unión y fuerza que Ben Barka propugnaba fue vencida por la fuerza de una realidad más contundente. La herida dejada por el crimen cometido en la persona del líder marroquí fue demasiado grande para sanar.

En el caso de Marruecos, no sólo fue grave el hecho de la consolidación de las estructuras de poder tradicionales que tantas veces habían sido denunciadas por Ben Barka como medievales y causantes del retardo, las desigualdades y la falta de democracia en las que estaba sumido el país. También resulta de igual gravedad el hecho de que las fuerzas de izquierda, causa por la que él tanto había luchado dentro y fuera de las fronteras del Magreb, acabaran formando parte del mismo entramado de poder. Primero el Istiqlal, como el mismo denunció en vida, y más adelante la Unión Socialista de Fuerzas Populares, reclamada como heredera de la UNFP que fundó, son hoy parte del sistema político de la “apertura cerrada” cuyo epicentro, hoy como ayer, sigue siendo el palacio real.

Ben Barka sigue, de todos modos, presente en el recuerdo de la OSPAAAL que impulsó y en el espíritu de quienes aún hoy desean una transformación mucho más profunda de Marruecos que aquella que incluso Mohammed VI, a pesar de las esperanzas depositadas en él al principio de su reinado, y su corte están dispuestos a aceptar. La reclamación de justicia -y su sucesiva obstaculización- en este y en otros casos demuestra lo escaso que es el impulso que la monarquía quiere dar al cambio en el país. La movilización e inquietud de los jóvenes, demostrada recientemente al calor de la “primavera árabe” puede suponer un cambio en la correlación de fuerzas, aunque todo dependerá de si el rey y su gobierno pueden seguir contando con la represión y el apoyo exterior para seguir sosteniéndose.

FUENTES:

Mehdi Ben Barka

Asunto Ben Barka

Años de plomo (Marruecos)”

El caso Ben Barka: 51 años después de los hechos todavía se teme a la verdad”, 29/10/2016, Entrevista de Alex Anfruns a Bachir Ben Barka.

A los 45 años del asesinato de Ben Barka. Su imagen y pensamiento tricontinental.” Reinaldo Morales Campos. 09/02/2011.

“Ben Barka, un mort à la vie longue”. Omar Benjelloun. Le Monde Diplomatique. Octubre 2015.

“Mehdi Ben Barka et la Tricontinentale”. René Gallissot. Le Monde Diplomatique. Octubre 2005.

Caso Ben Barka”. Blog “Entretanto, Entretente”. 23/01/2010

La defensa de la impunidad. Crímenes de Estado y derechos humanos en Marruecos” Abderrahim Berrada y Manuel Lorenzo Villar, Nación Árabe, Nº 45, Año XV, Verano 2001.

Mehdi Ben Barka assassiné le 29 octobre 1965 avec l’aide du gouvernement français”, Rebellyon.info, 29/10/2016,

Fuente : Historias de la otra historia

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