La recomposition géo-politique programmée du Moyen Orient

par Pierre Hillard

Les tensions et les violences qui secouent le Moyen-Orient depuis l’intervention israélienne au Liban, le 12 juillet 2006, ne sont que la partie visible d’un immense enjeu politique, économique, religieux et philosophique opposant l’Occident aux Etats islamiques de la région. L’occupation américaine de l’Irak en mars 2003 a permis le lancement d’un projet révolutionnaire en vue de remodeler une vaste zone géographique allant du Maroc au Pakistan: le Grand Moyen-Orient. Derrière cette appellation, c’est une recomposition profonde qui attend ces pays musulmans. Beaucoup de théories et de supputations courent sur les ambitions des Etats-Unis et d’Israël au sujet de la politique poursuivie par leurs dirigeants. Cependant, des signes avant-coureurs apparaissent et permettent d’apercevoir concrètement les plans en cours. C’est tout l’enjeu des cartes ci-jointes appelant à recomposer le Moyen-Orient.

Ces cartes (« before » : situation en 2006 (ci-dessus) et « after » : situation après recomposition (ci-dessous)) sont parues dans une revue militaire américaine, AFJ (Armed Forces Journal), en juin 2006 sous la plume d’un lieutenant-colonel américain à la retraite, Ralph Peters. Ce dernier s’est illustré dans une division d’infanterie mécanisée à partir de 1976 pour, ensuite, poursuivre ses activités dans le renseignement militaire en 1980. Auteur de nombreux ouvrages traitant de la stratégie et des relations internationales, Ralph Peters s’est retiré officiellement de l’armée en 1999. Cependant, ses contacts restent étroits avec ce milieu puisqu’il fait partie de l’équipe dirigeante d’AFJ. Cette revue n’est qu’une partie d’un véritable empire de la presse militaire américaine. Fondé en 1863, ce mensuel s’adresse aux officiers des Etats-Unis traitant de sujets aussi variés comme : la technologie militaire, la logistique, la stratégie, la doctrine ou encore la tactique. En fait, AFJ est coiffé par une maison mère, Army Times Publishing Company, dont les publications s’articulent autour de trois axes :

The Military Times Media Group qui publie: Army Times, Navy Times, Air Force Times et Marine Corps Times.
The Defense News Media Group, groupe mondial des revues de défense et qui publie: Defense News, Armed Forces Journal (AFJ), Training § Simulation Journal et C4ISR Journal (renseignement, surveillance et reconnaissance).

The Federal Times, hebdomadaire d’informations traitant des nouvelles technologies et des sujets financiers.

Depuis le 1er août 1997, Army Times Publishing Company est une filiale d’un groupe encore plus puissant, la société Gannett. Fondé en 1906 par Frank Gannett, cet empire de presse et des médias publie aux Etats-Unis près de 90 quotidiens dont les plus connus sont USA Today et USA Weekend et contrôle 22 stations de télévision. Ses activités débordent aussi au Royaume-Uni puisque 17 quotidiens sont sous son influence. L’ensemble génère des revenus financiers colossaux estimés à 7,6 milliards de dollars pour 2005.

Cette présentation permet de mieux saisir dans quel milieu la revue AFJ évolue et la signification des travaux de Ralph Peters. En effet, les propositions de ce dernier et les appels lancés à un changement radical des frontières du Moyen-Orient ne sont évidemment pas le résultat des réflexions d’un seul homme soucieux d’occuper son temps. De nombreuses études ont été lancées au sein des instances militaires américaines comme dans de nombreux think tanks appelant à revoir les limites frontalières de ces Etats. Comme le montre la carte (« after »), les modifications apportées aux frontières sont le fruit d’une lente mais sûre réflexion intellectuelle dont la publication dans une revue militaire américaine de haut rang n’est pas l’effet du hasard. Le but recherché est aussi de tester les réactions en particulier celles des musulmans de la région. Cela dit, il ne faut pas voir ce document comme définitif. En fait, c’est un prototype susceptible de connaître des changements que certains appelleraient des variables d’ajustement. En réalité, l’intérêt majeur de ces travaux est de révéler que les instances militaires et politiques des Etats-Unis se sont résolument engagées dans un domaine en n’hésitant plus à l’officialiser. En même temps, cette entreprise doit se faire en adéquation avec Israël concerné au premier chef par ces bouleversements. A l’égard de ce pays, Ralph Peters se définit comme un ami « de longue date » (New York Post, 22 juillet 2006).

L’article de ce militaire américain, intitulé « Frontières ethniques, que faire pour améliorer le Moyen-Orient », part du principe qu’il faut lever le tabou de la sacro-sainte frontière inamovible. Pour l’auteur, les nouvelles frontières doivent se modeler en fonction du critère ethnique et confessionnel. Même s’il n’est pas possible de tracer des frontières respectant la totalité des particularismes en tout genre nombreux et numériquement très variables, il faut pour Ralph Peters se rapprocher au maximum de ce concept.

Comme il le souligne : « Nous parlons de difformités énormes faites par les hommes qui n’arrêteront pas de générer la haine et la violence tant qu’elles n’auront pas été corrigées ». Dans son esprit, il s’agit de remettre radicalement en cause les frontières nées des Accords Sykes-Picot de 1916 préparant le démantèlement de l’Empire ottoman.

En observant l’ensemble de cette zone en partant de la Péninsule arabique, on constate immédiatement le démantèlement du royaume d’Arabie Saoudite. Les propos de l’auteur sont très clairs à l’égard d’un pays qui a bénéficié de la protection américaine suite aux discussions entre le président Roosevelt et le roi Ibn Saoud, le 14 février 1945, à bord du croiseur USS Quincy. Désormais, le royaume d’Arabie Saoudite passe à la trappe. Deux grandes entités territoriales échappent à l’autorité de Riyad. Sur la côte Ouest, il s’agit de créer un « Etat sacré islamique ». Comme le précise Ralph Peters dans des propos lourds de conséquences : « La cause principale de la large stagnation du monde musulman réside dans le traitement réservé à la Mecque et à Médine considérés comme leur fief par la famille royale saoudienne. Les lieux saints de l’Islam soumis au contrôle de la police d’Etat de la part d’un des plus bigots et oppressifs régimes au monde ont permis au Saoud (ndlr : la famille régnante d’Arabie Saoudite) de projeter leur croyance wahhabite à la fois intolérante et disciplinée au-delà de leurs frontières. (…) Imaginez comme le monde musulman se sentirait mieux si la Mecque et Médine étaient dirigés par un Conseil représentatif tournant issu des principales écoles et mouvements de l’Islam dans le monde au sein d’un Etat sacré islamique – une sorte de super Vatican musulman – où l’avenir de la foi serait débattu au lieu d’être arbitrairement fixé ».

Ce point est capital puisqu’il révèle la volonté de réformer l’Islam afin de l’adapter aux principes occidentaux. Une sorte « d’Islam des Lumières » élaboré au cœur de cet Etat sacré islamique permettrait de rayonner sur l’ensemble du monde musulman et de remodeler les esprits afin qu’ils épousent pleinement la philosophie mondialiste. Il est vrai que contrôler les esprits a toujours permis de contrôler les hommes. C’est d’ailleurs dans le même ordre d’idée que l’on retrouve ces mesures préconisées par la Fondation Bertelsmann, think tank allemand qui, dans ses travaux débattus dans le cadre des « Discussions de Kronberg » en 2002 et 2003 (Europe, the mediterranean and the Middle East, strengthening responsibility for stability and development et Die Zukunft der europäischen Politik im Nahen Osten nach dem Irak Krieg), relève l’inadéquation de l’Islam à l’évolution du monde moderne et prône une refonte des mentalités et la remise en cause des frontières. Ces recommandations allemandes soulignent aussi la convergence des buts à atteindre de part et d’autre de l’Atlantique pour refondre entièrement le Moyen-Orient. Il est vrai aussi que les concepts ethno-confessionnels développés par Ralph Peters cadrent parfaitement avec la vision ethniciste germanique.

Sur la côte du Golfe persique, c’est la province de Hassa dont la population est majoritairement chiite qui est détachée de l’Arabie Saoudite et intégrée à un « Etat chiite arabe », vestige d’un Irak littéralement explosé. L’application de cette mesure entraînerait la mort économique du royaume car c’est à cet endroit que se concentre l’essentiel de l’extraction des hydrocarbures autour de la triade Dammam-Dharhan-Al-Khobar. L’Etat chiite arabe verrait ses réserves pétrolières et gazières monter en flèche et deviendrait incontournable car, outre les vastes ressources de Hassa et de la production off-shore, il faudrait ajouter celles de la région de Bassora (ex-Irak) et des provinces arabes iraniennes, détachées de Téhéran, riches en hydrocarbures jouxtant le Chatt el-Arab (Arabes chiites du Khouzistan et Arabes sunnites du Bouchir). De plus, Riyad perdrait ses provinces du Sud (Jizrane, Najran et l’Assir) au profit du Yémen, territoires acquis en 1934 lors du Traité de Taëf, et qui ont conservé leur identité yéménite. Enfin, la curée sera complète avec l’octroi d’une façade maritime à la Jordanie, Etat pro-occidental, en arrachant à l’Arabie Saoudite les provinces de Tabouk et une partie du Jouf.

La destruction du royaume des Al Saoud affichée par la carte (« after ») de Ralph Peters n’est que la confirmation de projets élaborés au sein de certaines instances américaines. David Rigoulet-Roze, spécialiste du Moyen-Orient, dans son ouvrage « Géopolitique de l’Arabie Saoudite » (Editions Armand Colin) le souligne clairement :

« Il y eut notamment la publication le 6 août 2002, par le Washington Post, d’un briefing qui a eu lieu le 10 juillet 2002 au Defense Policy Board (DPB, ndlr : organisme de planification stratégique créé en 1985 par Donald Rumsfeld), alors dirigé par le très influent Richard Perle, surnommé le Prince des ténèbres lorsqu’il officiait au Pentagone entre 1981 et 1987 sous l’administration Reagan. Au cours de ce briefing, l’Arabie Saoudite avait été qualifiée par Laurent Murawiec, un analyste du prestigieux centre de recherches stratégiques de la Rand Corporation, de pays ennemi. (…) Pire en core, Murawiec avait évoqué la légitimité de sanctions, dont le gel des avoirs saoudiens, voire… la scission de la province orientale du royaume renfermant ces gisements et ces réserves pétrolières qui font de l’Arabie le maître du quart des réserves d’or noir.

(…) Quelques temps seulement après l’affaire Murawiec, c’était au tour d’un think tank proche des néo-conservateurs, le Hudson Institute – dont Perle est membre, et où officie désormais Murawiec – de reprendre et de développer les idées avancées par le DPB. Etait alors ouvertement évoqué un plan de démantèlement de l’Arabie Saoudite qui, en réalité, existe depuis la fin des années 70, à l’initiative d’Henry Kissinger, alors Secrétaire d’Etat de l’Administration Nixon. (…) C’est également dans le même ordre d’idées que semble s’inscrire un rapport remontant à la fin de l’année 2002, circulant au plus haut niveau dans les milieux officiels de Washington. Il envisagerait rien moins que le démembrement pur et simple de l’Arabie Saoudite selon le scénario suivant : les Lieux saints de la Mecque et de Médine se verraient confiés aux Hachémites qui, en tant que descendants du Prophète, bénéficient d’une légitimité qui fait largement défaut à la dynastie des Al Saoud et la province du Hassa serait poussée à faire sécession dans le but de se constituer en Emirat pétrolier. »

Les révélations de ce spécialiste français continuent sur la même lancée puisqu’il affirme la volonté des Etats-Unis de favoriser une « recomposition politique radicale du Moyen-Orient qui passerait notamment en Irak même par une dévolution du pouvoir à la majorité chiite par les grâces d’une démocratie arithmétique ». C’est justement ce que révèle la carte (« after ») de Ralph Peters où l’Etat irakien a disparu au profit d’un Etat chiite arabe et d’un résidu appelé « Irak sunnite » que le militaire américain propose même d’unifier à la Syrie qui, entre-temps, a perdu sa façade maritime au profit d’un Grand Liban. Il est même évoqué sous sa plume la renaissance de l’antique Phénicie (Phoenecia reborn) tandis que l’Etat d’Israël est conservé dans ses frontières d’avant 1967. Il est étonnant de constater, en raison du véritable chambardement des frontières au Moyen-Orient, que Ralph Peters conserve le territoire de la Cisjordanie (West Bank) au rang de statut indéterminé. Peut-être que le statut définitif de Jérusalem, siège de trois grandes religions, nécessite de ne pas révéler tout de suite l’avenir d’une zone éminemment convoitée.

En tout cas, la partition de l’Irak sur la carte (« after ») commence à prendre forme sur le terrain. L’ambassadeur britannique à Bagdad, William Patey, et le général américain John Abizaid ont clairement affiché leurs craintes d’une guerre civile suivie d’une division du pays comme l’a révélé un document confidentiel publié par la BBC (Spiegelonline, 3 août 2006). Leurs affirmations ne font que confirmer les propos du journal d’Istanbul, Vatan, qui évoquait les propos tenus à des représentants turques par des responsables américains, début 2006, au sein des think tanks de Washington : « Arrêtez de vous soucier de l’intégrité territoriale de l’Irak. En réalité, ce pays est déjà divisé ! Vous [les Turcs] feriez mieux de vous préoccuper maintenant de votre Sud-Est [région à majorité kurde]. Essayez d’imaginer quelles seront les répercussions de l’autonomie du Kurdistan irakien dans votre pays » (Courrier International n°805).

C’est d’ailleurs le même son de cloche de la part des dirigeants européistes de Bruxelles qui susurrent à Ankara que « Si la Turquie se séparait de son Sud-Est, elle entrerait plus facilement dans l’Union européenne » (Courrier International n°805). L’ethno-régionalisme prôné par les instances bruxelloises ne ferait qu’accélérer le phénomène de décomposition de l’Etat turc. Finalement, les propos de Ralph Peters ne font que confirmer ces prises de position puisqu’il ajoute qu’un cinquième de la partie Est de la Turquie est un « territoire occupé » et qu’un « Kurdistan libre, s’étendant de Diyarbakir jusqu’à Tabriz deviendrait l’Etat le plus occidental entre la Bulgarie et le Japon ».

La création d’un Etat kurde (Free Kurdistan) construit à partir des territoires Sud-Est de la Turquie, du Nord de la Syrie et de l’Irak, et de l’Ouest de l’Iran aboutirait à l’émergence d’un bloc estimé à environ 30 millions d’habitants. Fort des installations pétrolières de Kirkouk, cet Etat kurde pro-américain serait avec l’Etat chiite arabe les deux grands pôles de la production d’hydrocarbures et de gaz du Moyen-Orient. L’importance de cet Etat kurde serait d’autant plus grande que l’oléoduc BTC évacue le pétrole de la Mer Caspienne à partir de Bakou (Azerbaïdjan), passe par Tbilissi (Géorgie) pour, ensuite, traverser tout le Sud-Est de la Turquie et aboutir à Ceyhan en Méditerranée. Les Kurdes seraient donc les grands maîtres de ce corridor énergétique voulu par les Américains en 1994. En plus du pétrole, il faut ajouter l’autre grande richesse, l’eau. Le « Grand projet anatolien » (GAP) poursuit l’objectif, grâce à 22 barrages, de dompter le Tigre et l’Euphrate qui prennent leurs sources dans les montagnes kurdes. L’achèvement de ce projet qui doit avoir lieu vers 2013, permettant l’irrigation de 1,7 million d’hectares et la production d’électricité, sera une arme redoutable aux mains de l’Etat kurde et pèsera lourdement sur la vie des habitants de tout le Moyen-Orient.

A l’Est des Etats kurdes et chiites, l’Iran est remodelé en fonction des critères ethniques. Après avoir cédé sa partie kurde, la zone turcophone du Nord est octroyée à l’Azerbaïdjan. En revanche, la province iranienne du Khorasân s’agrandit vers l’Est en acquérant le territoire Ouest de l’Afghanistan, la région de Hérat, en conformité avec la volonté de Ralph Peters de reconfigurer la région selon les critères ethno-linguistiques. Comme le confirme Bernard Hourcade, directeur au CNRS (équipe de recherche : monde iranien), dans son ouvrage « Iran, nouvelles identités d’une République » (Editions Belin) : « L’immense province de Khorasân, (…) les limites anciennes incluaient les régions de Hérat dans l’actuel Afghanistan et celles de Samarcande et Boukhara en Ouzbékistan ». Enfin, un « Baloutchistan libre » (Free Baluchistan) est créé à partir des deux entités iraniennes et pakistanaises tandis que l’Afghanistan se voit agrandi au dépens du Pakistan jusqu’au fleuve Indus afin d’y rattacher les populations pachtounes. L’Etat pakistanais réduit de près de la moitié de sa superficie verrait sa puissance économique fortement amoindrie au point d’être incapable de servir d’allié de revers au profit de la Chine face à l’Inde. Sur ce point, les Etats-Unis seraient gagnants. Seuls des Etats comme Oman, le Qatar, les Emirats arabes unis et le Koweït échappent à ces modifications. Cependant, cette carte (« after ») étant un prototype, rien n’interdit à leurs concepteurs de se rattraper. En tout cas, la finalité américaine est de contrôler tout ce Moyen-Orient par la parcellisation ethnique et religieuse selon le bon vieux principe « diviser pour régner ». Les Etats-Unis, cherchant à s’assurer la production d’hydrocarbures à leur profit, seraient en mesure de priver la Chine, puissance montante et rivale, de l’arme énergétique si nécessaire à son accession à la cour des grands.

L’impression générale qui se dégage du remodelage annoncé par cet auteur comme de la part de nombreux think tanks américains et allemands est celle d’un bouleversement mettant à feu et à sang ces pays du Moyen-Orient. En effet, on ne voit pas ces Etats se laisser charcuter, voire disparaître, sans se laisser faire. Comment réagira, par exemple, le Pakistan qui possède l’arme nucléaire ? En réalité, l’objectif est d’intégrer ces immenses territoires à la sphère d’influence occidentale. Le discours de Joschka Fischer à la 40è Conférence de Munich sur la politique de sécurité dans le cadre de l’OTAN, le 7 février 2004, annonçait la volonté du monde occidental de mettre ces pays du Moyen-Orient aux normes euro-atlantistes. Ces mesures furent confirmées par « l’alliance germano-américaine pour le XXIè siècle » signée, le 27 février 2004, entre le président Bush et le chancelier Schröder à Washington, annonçant la couleur : « Nous devons construire un véritable partenariat qui relie l’Europe et l’Amérique aux Etats du Proche et Moyen-Orient (…) ». Cette immense construction politique et métaphysique doit obligatoirement obéir à des règles communes qui sont politiques, économiques et civilisationnelles.

Une logique, mais une logique folle, anime les concepteurs de ce projet. C’est le think tank German Marshall Fund (GMF) qui, indirectement, a révélé l’engagement profond des instances atlantistes. En effet, il s’est engagé sous l’égide du très influent Bruce Jackson à développer une nouvelle politique en Mer Noire intitulée « A new euro-atlantic strategy for the Black Sea region ». Il s’agit en liaison avec l’Union européenne de créer une eurorégion de la Mer Noire qui doit voir le jour pour 2007 selon les affirmations de Giovanni di Stasi, président du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux d’Europe (CPLRE). Or une « petite » phrase résume tout. Paru en 2004, le rapport du GMF dans sa préface précise que « La Mer Noire est la nouvelle interface entre la communauté euro-atlantique et le Grand Moyen-Orient ». Une « interface » géographique obéit aux lois de la physique. Pour fonctionner et jouer pleinement sa mission de charnière, cette interface doit s’articuler entre deux mondes, le bloc euro-atlantiste d’une part, et le bloc moyen-oriental d’autre part, régis par les mêmes lois et les mêmes concepts édictés par la philosophie mondialiste. Cela suppose nécessairement une refonte généralisée de cet espace arabo/perse musulman pour qu’il y ait adéquation. Pour réussir cette entreprise, les moyens mis en œuvre risquent d’aboutir à un chaos inimaginable dans cette région et, par ricochet, à l’échelle planétaire. Tout compte fait, les adeptes de cette politique ne font qu’appliquer les fameux vers du poème de Goethe, « l’apprenti sorcier », qui rappelaient : « Les esprits que j’ai réveillés ne veulent plus m’écouter ».

Pierre Hillard

Pierre Hillard est docteur en sciences politiques, B.I n°113 (*) est professeur d’histoire-géographie. Il a publié différents articles dans Le Figaro, Géostratégiques, Conflits Actuels, Intelligence et Sécurité, Balkans-Infos.

Emission « Le Dessous Des Cartes »

Source : Knowledge-TV

Tags : Moyen Orient, Proche Orient, Palestine, Syrie, Irak, Arabie Saoudite, Liban, Emirats Arabes Unis,

A quoi joue MBZ au Sahara Occidental ?

OUVERTURE D’UN CONSULAT À LÂAYOUNE OCCUPÉE, APRÉS NORMALISATION DE SES RELATIONS AVEC L’ENTITÉ SIONISTE : À quoi jouent les Emirats arabes unis ?

C’est dans le communiqué publié par le ministère marocain des Affaires étrangères annonçant, l’engagement de l’armée du Royaume chérifien, dans la coalition de guerre conduite par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, contre le Yémen, que la réponse est donnée sur les raisons à l’origine, de l’annonce par les émirats de l’ouverture d’un consulat, dans la ville Lâayoune, du Sahara occidental occupé, territoire soumis, au processus de décolonisation aux Nations unies (ONU) et à l’Union africaine (UA).

Ayant rejoint le club des monarchies du Golfe, peu d’années après le lancement du Conseil de coopération des pays du Golfe, le Maroc, qui par la suite a œuvré à son adhésion à l’organisation continentale, l’UA, qui n’a pu aboutir, qu’après avoir accepté de parapher le pacte constitutif de l’UA, lequel atteste la légitimité de l’ensemble des pays membres de cette institution africaine, dont la République arabe sahraouie démocratique (RASD), membre fondateur de l’UA, Rabat a persisté par ailleurs, à promouvoir et adopter des postures en faveur du fait accompli de sa colonisation depuis, 1975, du Sahara occidental.

La dernière en date, son annonce, sans surprise d’ailleurs, avec les Émirats arabes unis, de procéder à l’ouverture d’un consulat émirati, dans la ville sahraouie, Lâayoune, sous occupation marocaine, au moment où le Conseil de sécurité de l’ONU prorogeait le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental. Pour des monarchies qui accourent pour décrocher une place auprès de l’entité sioniste, laquelle a et continue de bafouer les droits des Palestiniens à vivre libres et indépendants sur leur terre et de piétiner la légalité internationale, qui mieux des Emirats arabes unis d’ouvrir un consulat dans les territoires occupés du Sahara occidental. À moins d’un mois, en effet, du spectacle donné, à partir de la Maison Blanche, par le Premier ministre sioniste Benyamin Netanyahu et le ministre des Affaires étrangères émirati, Cheikh Abdallah ben Zayed Al-Nahyane, sous l’égide du président américain, Donald Trump, en attendant de voir l’ouverture d’un consulat émirati en Palestine occupée, le prince Mohamed Ben Zayed annonce l’ouverture d’un autre, non dans un État indépendant, mais, au Sahara occidental, à Lâayoune, encore sous occupation marocaine, en raison de la non tenue à ce jour, du référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.

Pour revenir au communiqué précité du ministère marocain des Affaires étrangères expliquant la participation de l’armée marocaine, bien sûr sans contrepartie, dans la guerre contre le Yémen, livré par les monarchies du Golfe, il est indiqué que « le Royaume du Maroc a décidé d’apporter toutes les formes d’appui et de soutien à la coalition dans ses dimensions politique, de renseignement, logistique et militaire », lit-on. Soutien qui s’est articulé, depuis le début de la guerre contre le Yémen, dans « la mise des Royales Air Forces stationnées aux Émirats arabes unis frères à la disposition de cette coalition » de guerre féroce contre le peuple yéménite.
Ne consentant pas davantage d’efforts dans la promotion de son occupation au Sahara occidental, le Maroc suit, dans le fond, au pas, la démarche de l’entité sioniste, visant au non établissement de l’État palestinien souverain avec pour capitale El Qods.

Au moment où l’entité sioniste annonce en grande pompe l’établissement de relations avec des monarchies arabes, dont le Maroc a été cité, par des responsables israéliens et la presse de l’entité sioniste, Rabat plagie Israël, dans son annonce de l’ouverture de consulats de monarchies et de quelques pays africains, dans des villes sahraouies encore sous occupation marocaine alors que l’ensemble des pays à travers le monde, même les alliés de Rabat dans sa colonisation, ne lui reconnaissent aucune souveraineté. Pensant en empruntant ce type de procédé, relevant d’actions tactiques, sans grand impact sur la nature et les caractéristiques du conflit qui l’oppose au représentant unique et légitime du peuple sahraoui, le Front Polisario, avec lequel elle a sous les auspices de l’ONU, négocié et est appelé à négocier pour le règlement pacifique, de la dernière question de décolonisation en Afrique, inscrite à l’ONU, Rabat comme Israël persistent à ignorer les enseignements de l’Histoire, « le colonisateur peut gagner tactiquement mais pas stratégiquement », Rabat pense dur comme fer, qu’elle peut faire l’exception de se maintenir, alors que des puissances ont été forcées, par la lutte des peuples pour leur indépendance, à se soumettre à la volonté et la force du cours de l’Histoire, sonnant la fin des systèmes coloniaux.

Pour les Emirats arabes unis, qui ouvriront mercredi prochain, leur consulat, à Laâyoune occupée, son rôle dans la région nord-africaine comme sur la scène arabe n’est plus à démontrer, comme leur partenaires dans le club des Monarchies arabes. Assumant le rôle qui lui est attribué par les puissants de ce monde, notamment les Etats-Unis, étant un outil, pour traduire les politiques occidentales, bouleversés par la crise économico-financière en 2008, engendrant des conflits et des tensions dès 2011, Libye, Syrie, Yémen, Les Emirats alimentent, notamment par des financements de plans de déstabilisation de pays et de régions, d’ Afrique du Nord et Arabes. Il est à se demander ce que cherchent Abu-Dhabi et ses employeurs, à vouloir s’incruster davantage dans notre région, nord-africaine, plongée en raison de leurs ingérences et interventions militaires, dans des tensions, des guerres et le chaos, pour ne citer que la Libye, au moment où des médias font état aussi de présence de base militaire émiratie, en Mauritanie.

Karima Bennour

OUBI BOUCHRAYA BACHIR, REPRÉSENTANT DU FRONT POLISARIO EN EUROPE :

«Le Maroc ne jouit d’aucune souveraineté sur le territoire du Sahara occidental »

Le représentant du Front Polisario chargé de l’Europe et de l’Union européenne, Oubi Bouchraya Bachir, a affirmé que le Maroc «viole d’une manière flagrante» dans sa démarche à inciter des pays à ouvrir des «consulats» dans les villes sahraouies occupées. Intervenant dans une émission sur la radio britannique BBC consacrée au Maroc et de son occupation du Sahara occidental, avec l’implication de pays par l’ouverture de «consulats» dans les villes occupées du Sahara occidental, Bachir Oubi Bouchraya a fait savoir que «cette démarche est une violation flagrante de toutes les lois, y compris le droit international » lequel inscrit le Sahara occidental, « territoire non autonome, en raison de l’occupation militaire marocaine» sans manquer d’ajouter, que «la politique prônée par le Maroc constitue également une violation des accords internationaux de Vienne régissant les relations diplomatiques et consulaires internationales» a-t-il précisé.

Bachir Oubi Bouchraya a indiqué que «le Maroc continue ses violations des lois de l’Union africaine (UA) et de son acte constitutif qui reconnaît la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et atteste de sa souveraineté et de son intégrité territoriale». Pour le responsable sahraoui, l’ouverture de «consulats» dans les territoires sahraouis occupés intervient, a-t-il souligné « à un moment où le droit européen était très clair » notamment dans la décision de La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), affirmant que « le Maroc ne jouit d’aucune souveraineté sur le territoire du Sahara occidental considéré comme territoire distinct et séparé du Royaume du Maroc».
K. B.

Le Courrier d’Algérie, 1 nov 2020

Tags : Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, Emirats Arabes Unis, Consulats, Israël, normalisation, Etats-Unis,



El Guergarate, a-t-elle poussé le Maroc dans les bras d’Israël?

Le Maroc entretient des relations informelles avec Israël depuis les années 1960. Notamment avec le Mossad que le roi Hassan II a utilisé pour éliminer l’un de ses opposants les plus féroces, Mehdi Ben Barka. En échange, Hassan II a livré à Tel Aviv les enregistrements des débats d’un sommet arabe célébré à Rabat sur les capacités militaires arabes.

Depuis 1975, le Maroc profite du soutien militaire israélien dans la guerre du Sahara Occidental, notamment dans la construction du mur de défense d’une longueur de plus de 2000 km pour repousser les attaques des combattants sahraouis.

Au niveau diplomatique, les lobbys sionistes sont très actifs en France et aux Etats-Unis pour défendre les thèses marocaines et faire pression sur leurs gouvernements respectifs en vue de les amener à imposer la pseudo-solution d’autonomie que Rabat a proposée aux sahraouis. André Azoulay, le doyen des conseillers des rois Hassan II et Mohammed VI assure la coordination entre Rabat, Tel Aviv et les lobbys sionistes à Paris et Washington.

Par conséquent, la reconnaissance officielle de l’Etat hébreu par le Maroc n’est qu’une question de temps. Rabat tente d’exploiter l’alignement aveugle de Donald Trump avec Israël en vue de l’amener à changer sa position sur le conflit du Sahara Occidental.

Selon le président américain Donald Trump, une dizaine de pays arabes sont prêts à emboîter les pas du Bahreïn et du Soudan. Le Maroc pourrait bien être le suivant. Seul bémol, l’opinion publique marocaine est unanime dans son soutien aux droits légitimes du peuple palestinien.

Selon une information filtrée par la presse émiratie, Dubaï a décidé d’ouvrir un consulat à El Aaiun, capitale occupée du Sahara Occidental, un territoire non autonome quadrillé par une mission onusienne chargée d’organiser un référendum d’autodétermination tel que préconisé par les différentes résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies. La dernière en date sera votée demain à un moment où la société civile sahraouie a verrouillé le passage illégal d’El Guergarate pour protester contre la spoliation des ressources naturelles sahraouies. Une fermeture qui risque de porter un coup dur à une économie marocaine déjà meurtrie par la pandémie et la fermeture des frontières terrestres et aériennes.

Tags : Sahara Occidental, Front Polisario, Maroc, Israël, lobby sioniste, normalisation, Palestine, Emirats Arabes Unis, consulat,

Mauritanie : Le retour agité de Moustapha Limam Chafai

Moustapha Limam Chaavi à Nouakchott, le retour particulier du dernier des desperados

Avec le retour de Moustapha Ould Limam Chaavi à Nouakchott, le 19 octobre 2020, le carré des ex-opposants en exil de Mohamed Abdel Aziz, est complet, après l’homme d’affaires Mohamed Bouamatou, le leader politique Ould Abeidna, les journalistes Baba Sidi Abdallah et Hanevi Daha. Mais le retour de Mohamed Limam Chaavi a une connotation très spéciale.

L’avion spécial mis à la disposition de Moustapha Limam Chaavi par l’Emir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, s’est posé dimanche 19 octobre 2020, sur le tarmac de l’aéroport de Nouakchott. Ce retour du dernier des opposants après une quinzaine d’années d’exil, est différemment apprécié par l’opinion publique nationale.

Si certains trouvent que le retour de Moustapha Limam Chaavi est une réparation envers un citoyen mauritanien injustement banni de son pays, d’autres trouvent que ce retour est un risque, tellement les relations de l’homme avec les nébuleuses terroristes opérant au Sahel est ambiguë.

Il faut souligner que ce retour était déjà annoncé en 2019. Une grande propriété avait été achetée et équipée à l’époque par la famille, en plein centre du chic quartier de Tevragh-Zeina, au bord de la route de Nouadhibou. Finalement, Ould Chaavi, n’est pas venu. Des sources avaient évoqué des garanties pas tout à fait suffisantes de la part du nouveau régime de Nouakchott.

Tout le monde veut toucher Ould Chaavi

Il a fallu attendre une année, en particulier ce dimanche 19 octobre 2020, pour que le retour de l’ancien homme fort du Burkina Faso et négociateur en chef de la libération de plusieurs otages occidentaux au Sahel, soit enfin confirmé.

Quelques heures avant l’arrivée de Ould Chaavi, les prémisses de la fête s’annonçaient déjà. Devant la superbe villa aux couleurs égayées, une demi-douzaine de tentes était déjà dressée, à côté d’un chapelet de chameaux dont le nombre augmentait au fur et à mesure que le temps s’allongeait. Ce sont les fameuses « Enhira », ces chamelles que des amis, des hommes d’affaires et d’autre, offrent en guise de cadeau. On en voit souvent devant les concessions des nouveaux ministres, ou hauts responsables fraîchement nommés, et ces dons, ne sont pas toujours innocents.

La foule parsemée en début de journée était devenue opaque, dense et envahissante à l’approche de l’arrivée de l’avion transportant Mohamed Limam Chaavi. Seul un nombre restreint de proches était autorisé à l’accueillir à l’aéroport.

L’arrivée du convoi devant la maison d’accueil fut un moment d’intense hystérie. On se bousculait devant l’immense portail de la demeure. S’entremêlèrent dans un tourbillon endiablé, boubous blancs et bleu, voiles multicolores, trémolos d’un groupe de griots, coups de coude d’’une armée de journalistes et de simples quidams. Mais tout ce beau monde en eut pour ses frais. La garde rapprochée empêcha tout contact entre ce comité d’accueil improvisé et la petite délégation qui entourait Limam Chaavi.

Costume sombre, un grand sourire partageant le visage, Ould Chaavi se contenta d’agiter la main pour saluer les badauds. Et tout le monde s’engouffra dans la maison, dont les portes furent verrouillées. Seuls quelques privilégiés et une poignée de chanceux eurent la possibilité de traverser les barrières, pour se retrouver dans un vaste salon

Des démêlés avec les pouvoirs en Mauritanie

Entre Moustapha Limam Chaavi et les pouvoirs qui se sont succédé depuis 1990 en Mauritanie, les relations n’ont jamais été tendres.

A l’époque, Moustapha Limam Chaavi, était déjà l’éminence grise de l’ancien président burkinabé, Blaise Compaoré. Presque le deuxième homme fort du pays des « hommes intègres », grâce à une connaissance approfondie de la région du Sahel, ses relations intenses avec plusieurs Chefs d’Etat, Amadou Toumani Touré du Mali, Mahamadou Issoufou du Niger, Alpha Condé de la Guinée et Alassane Ouatara de Côte d’Ivoire, dont il était conseiller occulte.

Son père, Limam Chaavi, exerçait déjà ce rôle de négociateur et de conseiller de plusieurs Chefs d’Etat du Sahel, dont l’ancien président du Niger, Hamani Diori. Il a joué aussi un rôle important dans le dialogue entre les mouvements touaregs et le pouvoir central au Mali en 1992.

Limam Chaavi avait surtout ses propres accointances avec les groupuscules qui semaient la terreur au Sahel, notamment Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI).

C’est dans ce cadre qu’il a joué un rôle déterminant dans la libération de plusieurs otages occidentaux, notamment le Canadien, Robert Fowler et son assistant, kidnappés en décembre 2008 et libérés en 2009, la libération des trois humanitaires espagnols, Alicia Gamez, Roque Pascual et Albert Vilalta, enlevés en novembre 2009 et libérés en 2010, parmi tant d’autres. Certains soutiennent qu’il percevait au passage une commission pour ses bons offices.

En 2003, le président Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya l’accuse d’être la tête pensante de la tentative du coup d’Etat mené par les « Cavaliers du Changement » et dont les membres avaient justement trouvé refuge à Ouagadougou, où il les avait accueillis et hébergés.

Après la chute de Ould Taya en 2005, Moustapha Limam Chaavi ne reviendra en Mauritanie qu’en 2007, lorsque Sidi Mohamed Cheikh Abdallahi prit les rennes du pays. Une anecdote circule à ce sujet qui explique l’inimitié né entre lui et celui qui deviendra plus tard, président de la République, Mohamed Abdel Aziz.

Ce jour-là, Mohamed Limam Chaavi devait accompagner le président et sa délégation pour un voyage officiel. Mais arrivé à l’aéroport, il se verra renvoyer par Mohamed Abdel Aziz qui indiqua qu’il n’était pas sur la liste de la délégation. Il rebroussa alors chemin. Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui embarqua dans l’avion présidentiel, remarqua que Limam Chaavi n’était pas dans l’appareil. Il l’appela au téléphone et Limam Chaavi lui raconta ce qui lui était arrivé. L’avion resta cloué au sol jusqu’à son embarquement.

A la chute de Sidi Ould Cheikh Abdallahi en 2008 et l’arrivée de Mohamed Abdel Aziz au pouvoir, Limam Chaavi fera payer à ce dernier la monnaie de sa pièce. La visite officielle effectuée par Ould Abdel Aziz et sa délégation à Ouagadougou pour une rencontre sous-régionale fut un véritable camouflet. Aucun officiel à leur accueil, sauf de simples fonctionnaires.

Mandat d’arrêt international

Profitant de la psychose entraînée par la lutte contre le terrorisme au Sahel, Mohamed Abdel Aziz fit lancer en 2011 un mandat d’arrêt international contre Moustapha Limam Chaavi, et d’ailleurs aussi contre l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, ces deux irréductibles opposants. Ould Limam Chaavi est accusé de « financement du terrorisme » et d’appui « aux groupes terroristes », en l’occurrence AQMI.

Après la chute du régime Blaise Compaoré, Moustapha Limam Chaavi ralliera Abidjan par un vol spécial. Il rejoindra plus tard son ami Mohamed Ould Bouamatou, poussé aussi à l’exil, au Maroc, avant de rallier le Qatar. Même en exil, Moustapha Limam Chaavi, jouera d’autres rôles diplomatiques. Il aidera ainsi à l’évacuation sanitaire de l’ancien président et chef de la junte guinéenne Moussa Dadis Camara à Rabat. Tout récemment, il aurait aidé à l’évacuation médicale de Blaise Compaoré au Qatar.

Pris entre plusieurs feux

Alors qu’il savoure son retour au pays natal après plus d’une quinzaine d’années d’absence, Moustapha Ould Limam Chaavi fait les frais d’un feu nourri venu du clan de l’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz et des pays en guerre contre le Qatar, en l’occurrence l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis.

Ce retour est également un véritable revers de l’histoire. En effet, aujourd’hui, les anciens exilés sont tous rentrés au pays, à l’heure où leur ennemi politique, Mohamed Abdel Aziz, est embarqué dans une saga judiciaire aux conséquences imprévisibles, avec de fortes possibilités qu’il soit traduit et probablement emprisonné, avec confiscation de la majeure partie de son patrimoine.

En attendant, la guerre contre Ould Chaavi bat déjà son plein. Le fils de l’ancien président, Bedre Ould Abdel Aziz, qui figure sur la liste des personnes poursuivies dans le cadre de la procédure judiciaire engagée contre son père, vient de publier des vidéos montrant Ould Chaavi avec des terroristes, dont celle où il serre la main de Hamada Ould Ahmedou Khairi, ancien Mufti du MUJAO, tué il y a deux ans en Libye. D’autres vidéos montrent Ould Chaavi négociant la libération d’otages occidentaux,

Ould Chaavi fait aussi les frais de la guerre qui oppose l’Arabie Saoudite et les Emitats Arabes Unies d’une part et l’Etat de Quatar de l’autre. Des sites saoudiens et émiratis qualifient Moustapha Limam Chaavi de « serpent du Qatar » ou encore « l’homme du Qatar au Sahel ».

Pas de politique

Soucieux sans doute de tranquilliser le nouveau pouvoir de Mohamed Cheikh Ould Ghazouani, Moustapha Limam Chaavi a déclaré dès son arrivée à la presse, qu’il n’est pas venu en Mauritanie pour faire de la politique, mais retrouver sa famille et ses amis.

Une manière de se démarquer de la tension qui prévaut au Proche-Orient entre ses protecteurs qataris et le duo Arabie Saoudite- Emirats Arabes Unis. Il faut souligner que les relations entre la Mauritanie et le Qatar ne sont pas encore rétablies, depuis leur rupture sous Mohamed Abdel Aziz. L’axe Nouakchott-Djeddah et Nouakchott-Abu Dhabi prévaut pour le moment plus que la piste brouillée Nouakchott-Dubaï.

Seul rayon de soleil dans cette grisaille, le voyage de l’international camerounais, Samuel Et’O, ancien de Barça et d’Arsenal, en Mauritanie, pour partager avec l’ami Ould Chaavi, le bonheur d’un retour d’exil

Cheikh Aïdara

Source : L’Authentique, 20 oct 2020

Tags : Mauritanie, Moustapha Limam Chafai, Burkina Faso, Blaise Compaoré, Mali, Sahel, terrorisme, ôtages, Qatar, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis,

Un Emir d’Abu Dhabi accusé de tentative de viol

Associated Press
Le président du festival littéraire britannique Hay a déclaré dimanche que l’événement n’aura plus à Abu Dhabi après que l’un des curateurs du festival ait allégué qu’elle avait été agressée sexuellement par le ministre de la tolérance des Émirats arabes unis alors qu’elle travaillait avec lui. Les avocats de la ministre ont par la suite nié son récit.

Caitlin McNamara a affirmé avoir été agressée en février par le cheikh Nahyan bin Mubarak Al Nahyan, membre de la famille dirigeante d’Abou Dhabi, a rapporté le Sunday Times.

Le Times a déclaré que McNamara, qui s’était rendue aux Émirats arabes unis pour travailler au lancement du festival littéraire là-bas, a affirmé qu’elle avait été agressée par le cheikh lors de leur rencontre dans une villa isolée de l’île.

Les avocats britanniques du cheikh Nahyan ont nié le récit de McNamara, affirmant qu’il était «surpris et attristé par cette allégation».

Le ministère des Affaires étrangères des Émirats arabes unis, une fédération de sept cheikhs de la péninsule arabique qui abrite également Dubaï, a déclaré qu’il ne commentait pas les questions personnelles. Interrogée sur l’affaire, la police métropolitaine britannique a confirmé qu’une femme avait contacté la force le 3 juillet pour signaler une allégation de viol, et a déclaré qu’une déclaration initiale lui avait été enlevée.

L’Associated Press ne nomme généralement pas les victimes d’agression sexuelle, mais McNamara a accepté d’être identifiée par le Sunday Times, qui a publié sa photo en première page.

La présidente du Hay Festival, Caroline Michel, a déclaré que ses collègues étaient déterminés à soutenir McNamara dans la recherche d’une action en justice et a déclaré que le festival ne reviendrait pas à Abu Dhabi tant que le cheikh resterait à son poste.

« Ce qui est arrivé à notre amie et collègue Caitlin McNamara à Abu Dhabi en février dernier était une violation effroyable et un abus de confiance et de position hideux », a déclaré Michel dans un communiqué.

«Le cheikh Nahyan bin Moubarak Al Nahyan s’est moqué de ses responsabilités ministérielles et a tragiquement sapé la tentative de son gouvernement de travailler avec Hay Festival pour promouvoir la liberté d’expression et l’autonomisation des femmes», a-t-elle ajouté.

Le ministère du cheikh a financé le festival de quatre jours à Abu Dhabi, qui a eu lieu fin février et a présenté plusieurs auteurs célèbres.

Le cheikh Nahyan a reçu une attention internationale alors que les Émirats ont accueilli le pape François et s’orientent vers la normalisation des relations avec Israël tout en accueillant les Juifs dans cette nation gouvernée par les musulmans.

Tags : Emirats Arabes Unis, Festival de littérature britannique, cheikh Nahyan bin Moubarak Al Nahyan, harcèlement sexuel, viol, Caitlin McNamara,

Conflit en Libye – Haftar : une guerre par procuration

par Ghania Oukazi


Prises de court par la décision du maréchal Haftar de rejeter l’accord de Skhirat et de s’introniser en «chef unique du peuple libyen», l’Algérie, l’ONU et la Ligue arabe ont rappelé la nécessité de mettre fin à la guerre en Libye.

Lundi dernier, le maréchal Khalifa Haftar a annoncé son retrait de l’accord politique de Skhirat (Maroc) et s’est déclaré représentant unique du peuple libyen. «J’ai accepté la volonté populaire et son mandat pour assumer cette mission historique et dans ces circonstances exceptionnelles malgré la lourdeur de la tâche et l’ampleur de la responsabilité, nous nous soumettons aux souhaits du peuple afin de mettre un terme à l’accord politique. Désormais il fait partie du passé conformément à une décision du peuple libyen, la seule source du pouvoir(…)», a-t-il dit dans un discours diffusé sur un de ses supports médiatiques. Le président du GNA (Gouvernement d’union nationale), Fayez Essaraj, a considéré la sortie de son ennemi conjoncturel comme une «farce et un nouveau coup d’Etat qui s’ajoute à une série d’autres ayant commencé il y a des années».

Pour en être une «escalade des positions entre les parties en conflit» comme l’a dit l’Algérie, c’en est une -nouvelle- qui vient agiter encore un échiquier jusque-là maintenu précairement contre toutes les tentatives extérieures de son éclatement en faveur d’une partie ou d’une autre, le GNA de Fayez Esseraj ou l’ANL de Khalifa Haftar. Ce dernier a préféré le fait accompli en déclarant sa suprématie sur un pays fortement secoué par de dramatiques ingérences étrangères.

«L’Algérie suit avec une grande préoccupation les derniers développements (…)», rapportait jeudi un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Le même jour, dans une conférence de presse tenue à distance par le porte-parole de son secrétaire général, l’ONU s’est dit «très inquiète et préoccupée par la situation en Libye» et note que «l’accord politique libyen est l’unique cadre international reconnaissant la situation actuelle dans le pays».

Ces ingérences qui alimentent les conflits

Mercredi dernier, c’est le secrétaire général de la Ligue arabe qui a rejeté «toute action militaire visant à ramener la paix et la stabilité dans ce pays en proie à la guerre depuis neuf ans» et a appelé à une trêve humanitaire «notamment pendant le mois sacré du Ramadan». Et la considérant comme «source qui alimente les conflits», Aboul-Gheit a dénoncé «toute intervention militaire étrangère violant les lois internationales».

Des rappels s’imposent. L’accord de Skhirat a été conclu le 17 décembre 2015 sous l’égide de l’ONU après plusieurs rounds de négociations entre les différentes parties libyennes et a porté sur la mise en place d’un gouvernement d’union nationale (GNA) libyen basé à Tripoli. Reconnu par la communauté internationale comme seul représentant légitime du peuple libyen mais pas par le parlement de Tobrouk (Est du pays), le GNA que préside Fayez Essaraj repousse depuis le 5 avril 2019 une offensive guerrière menée par le maréchal Haftar pour prendre la capitale et les régions qu’il n’a pas encore conquises. Il est vrai que Haftar essuie depuis de longs mois des revers cinglants notamment depuis que les forces militaires turques ont pris position en Libye. Mais faut-il rappeler surtout que ce sont certains pays issus de la communauté internationale et d’autres arabes qui depuis quelques années font en sorte d’opposer Haftar. C’est depuis l’assassinat du colonel Maamar Kadhafi en 2011 par les services français sous les pressions de Sarkozy alors président de la République, que la Libye vit les plus dures années de déchirement de son histoire.

En septembre 2018, Haftar a lâché, sous prétexte qu’il y a eu des incursions militaires algériennes en Libye, que «lorsque nous avons découvert cela, j’ai envoyé le général Abdelkrim en Algérie pour expliquer que ce qui avait été fait n’était pas fraternel. Nous pouvons transférer la guerre de l’est à l’ouest en peu de temps».

Des enjeux complexes et compliqués pour l’Algérie

Bien que préoccupés par la pandémie du Covid-19, les pays aux ingérences interminables en Libye continuent ainsi d’attiser le feu entre les antagonistes libyens aux fins de préserver leurs intérêts et de perturber toute une région où l’Algérie trône sur deux millions de m2 et protège militairement ses frontières avec la Libye longues de près de 1000 km. Les enjeux, complexes et compliqués qu’ils sont, devraient pourtant l’obliger à revoir un grand nombre de ses principes entre autres fondamentaux sur lesquels elle a tenté de construire son Etat social conformément à la lettre de Novembre. Il ne devrait plus être question pour elle de se contenter de condamner, dénoncer ou rappeler des résolutions onusiennes ignorées par ceux-là mêmes des membres du Conseil de sécurité qui lui votent. La Palestine occupée en est un exemple frappant de l’impuissance de l’ONU à préserver le monde de la folie de va-t-en-guerre à la tête d’Etats voyous et criminels. C’est une guerre de position dans laquelle l’Algérie se doit de se mettre en faction effective pour se protéger contre toute tentative de déstabilisation de ses territoires.

En décembre 2019, Tebboune réunissait le Haut Conseil de sécurité pour, entre autres, «examiner la situation au Mali et en Libye». A cette occasion, il a évoqué «une batterie de mesures à prendre pour la protection de nos frontières et notre territoire national et la redynamisation du rôle de l’Algérie au plan international, particulièrement en ce qui concerne ces deux dossiers, et de manière générale dans le Sahel, la région saharienne et l’Afrique». Le président de la République a eu aussi à affirmer que «rien ne se fera en Libye sans l’Algérie ni contre l’Algérie». Qualifiés de «fermes», les propos du chef de l’Etat devraient augurer d’une redéfinition de la stratégie nationale militaire en fonction des lourdes menaces qui pèsent sur la région. Menaces qui devraient pousser Tebboune jusqu’à même reformuler des principes constitutionnels jusque-là considérés comme immuables pour que l’Algérie puisse se défendre. Ceci, parce que le monde de l’après Covid-19 ne sera pas moins provocateur ni moins destructeur de ce qu’il en a été à ce jour, régenté qu’il est par ceux qui se sont érigés en «communauté internationale» et dont les intérêts ne s’accommodent ni de stabilité ni de paix.

Le Quotidien d’Oran, 2 mai 2020

Tags : Libye, Haftar, Egypte, Emirats Arabes Unis, Algérie, Turquie,

Le Maroc impliqué dans une affaire de blanchiment d’argent aux Emirats Arabes Unis

En vue d’éviter les restrictions à l’importation, la société Ernst & Young (EY) a importé du Maroc de l’or déguisé en argent dans ce qui était un stratagème international de blanchiment d’argent élaboré à travers l’Europe – avec au moins 27 membres du gang depuis la prison en France, a rapporté lundi le site Consultancy-me.com.

La succursale de Dubaï de la société mondiale de services professionnels Ernst & Young a été condamnée à verser plus de 10 millions de dollars de dommages et intérêts à un ancien partenaire à la suite d’une longue saga impliquant une escroquerie d’importation d’or et des demandes de dissimulation. L’ex-partenaire avait allégué qu’il avait été contraint de quitter son emploi lorsqu’il avait révélé une faute lors d’un audit de Kaloti Jewellery International, basé à Dubaï, qui avait expédié de l’or recouvert d’argent pour éviter les restrictions à l’importation.

À la suite de longues procédures judiciaires remontant à 2014, lorsque les plaintes ont été rendues publiques pour la première fois, le juge Kerr, statuant devant la Haute Cour de Londres, a constaté qu’EY n’avait pas achevé l’audit de Kaloti de manière éthique et professionnelle et avait négligé son devoir soin de protéger son employé, accordant au demandeur Amjad Rihan un total de 10.843.941 $ en dommages-intérêts ainsi que 117.950 £ en livres sterling pour perte de revenus et avantages sociaux passés et futurs.

«J’accepte comme un fait que les accusés étaient responsables d’avoir suggéré à Kaloti de rédiger son rapport de conformité d’une manière qui masquait la réalité du problème de l’or au Maroc, en supprimant la référence au Maroc et en changeant le revêtement des lingots d’or avec de l’argent en irrégularités documentaires. Je considère cela comme une faute professionnelle. » Le juge Kerr a déclaré dans sa décision, notant que l’or faisait partie des «minéraux de conflit» attrayants pour les criminels et les terroristes.

La succursale de Dubaï de la société mondiale de services professionnels Ernst & Young a été condamnée à verser plus de 10 millions de dollars de dommages et intérêts à un ancien partenaire à la suite d’une longue saga impliquant une escroquerie d’importation d’or et des demandes de dissimulation. L’ex-partenaire avait allégué qu’il avait été contraint de quitter son emploi lorsqu’il avait révélé une faute lors d’un audit de Kaloti Jewellery International, basé à Dubaï, qui avait expédié de l’or recouvert d’argent pour éviter les restrictions à l’importation.

À la suite de longues procédures judiciaires remontant à 2014, lorsque les plaintes ont été rendues publiques pour la première fois, le juge Kerr, statuant devant la Haute Cour de Londres, a constaté qu’EY n’avait pas achevé l’audit de Kaloti de manière éthique et professionnelle et avait négligé son devoir soin de protéger son employé, accordant au demandeur Amjad Rihan un total de 10.843.941 $ en dommages-intérêts ainsi que 117.950 £ en livres sterling pour perte de revenus et avantages sociaux passés et futurs.

«J’accepte comme un fait que les accusés étaient responsables d’avoir suggéré à Kaloti de rédiger son rapport de conformité d’une manière qui masquait la réalité du problème de l’or au Maroc, en supprimant la référence au Maroc et en changeant le revêtement des lingots d’or avec de l’argent en irrégularités documentaires. Je considère cela comme une faute professionnelle. » Le juge Kerr a déclaré dans sa décision, notant que l’or faisait partie des «minéraux de conflit» attrayants pour les criminels et les terroristes.

Tags : Maroc, Ernst & Young, Amjad Rihan, Kaloti Jewellery International, Emirats Arabes Unis, blanchiement d’argent,

La justice britannique se prononce en faveur de la princesse Haya de Jordanie

La princesse Haya de Jordanie a gagné la bataille judiciaire contre son époux le Cheikh Mohamed bin Rashid Al Maktum, Emir de Dubaï et chef de gouvernement des Emirats Arabes Unis.

Selon El Confidencial, le juge McFarlane a prononcé la peine en décembre et l’a communiquée aux parties, mais n’a pas pu la rendre publique. L’émir a demandé à la Cour supérieure de Grande-Bretagne de garder le secret en affirmant que, comme dans d’autres cas de divorce, la vie privée des enfants du mariage devait être préservée. Son appel a été rejeté parce que la décision est « d’intérêt public » et le cheikh « n’avait pas été transparent ou honnête » avec la cour devant laquelle il a plaidé.

Dès que le verdict a été rendu public, le Premier ministre des Emirats a publié une déclaration pour se plaindre que, n’ayant pas pu participer pleinement au procès, en raison de ses responsabilités gouvernementales, la peine «ne conte inévitablement qu’un côté de l’histoire. « 

Il y a lieu d’espérer que le dénouement de l’histoire de la princesse contribuera à jeter la lumière sur le sort de la princesse Lalla Salma du Maroc, disparu depuis décembre 2018.

Tags : Emirats Arabes Unis, Dubaï, princesse Haya de Jordanie, Cheikh Mohamed bin Rashid Al Maktum, Maroc,

The New York Times : « A coups d’armes, d’argent et de terrorisme, les états du Golfe se déchirent pour le pouvoir en Somalie. »

Ronen Bergman & David D. Kirkpatrick

Traduction : DKE

« Le port de Bosaso est dirigé par une compagnie émiratie. Une récente attaque qui y a eu lieu pourrait avoir été diligentée afin de faire progresser les intérêts qataris et de mettre dehors les émiratis.

A la suite de l’explosion d’une voiture piégée dans la rue du tribunal très fréquentée de la ville portuaire de Bosaso au nord de la Somalie, les chaînes locales ont attribué cet attentat à un groupe de militants islamistes agissant en représailles aux frappes américaines. Au moins 8 personnes ont été blessées et une branche locale du groupe État Islamique [Daesh] a revendiqué l’attentat.

Quoiqu’il en soit, cet attentat pourrait être aussi un élément dans un autre conflit bien différent : celui qui oppose les richissimes monarchies du golfe dans leur course à la mainmise et aux profits sur la région de la corne de l’Afrique.

Durant ces deux dernières années, la Somalie déchirée par la guerre est devenue l’enjeu d’un champ de batailles central avec à la fois les EAU et le Qatar qui déversent des armes et des conseillers militaires et mènent une course aux contrats afin de prendre possession des ports et de l’exploitation des ressources minières.

Dans un enregistrement audio que le New York Times s’est procuré, on peut y entendre un riche homme d’affaires proche de l’émir du Qatar dire à l’ambassadeur du Qatar en Somalie, que les jihadistes ont commis cet attentat afin d’avancer les pions qataris au détriment des intérêts des EAU.

«Nous savons qui se cache derrière les meurtres et les attaques à la bombe» dit Khalifa Kayed al-Muhanadi (خليفة كايد المهندي) dans son coup de fil du 18 mai, soit une semaine après l’attentat.

Cette violence est faite pour que «les larbins de Dubaï se sauvent de là et ne renouvellent pas leurs contrats et ça me permettra de récupérer les contrats pour Doha».

Si cela est avéré, ces preuves offrent un regard nouveau sur le potentiel destructeur de la compétition entre les états du Golfe qui attisent les luttes intérieures en Afrique de l’Est.

«La Somalie est l’exemple le plus frappant du potentiel de déstabilisation orchestré par cette rivalité entre les royaumes du Golfe» déclare Zach Vertin universitaire à la Brookings Institution et ex-diplomate dans la région. «Le Golfe voit tous ces pays comme des clients. Tout repose pour eux sur le contrôle de l’espace : planter son drapeau, verrouiller le territoire et toutes les relations avant qu’un rival le fasse».

La ruée pour le pouvoir en Somalie et sur la corne de l’Afrique, est d’une certaine façon une extension de la Guerre Froide qui s’exacerbe dans la région depuis le début des printemps arabes il y a 8 ans environ. Les EAU et la Turquie se sont opposés aux soulèvements et aux partis islamistes qui en prenaient la tête et ont accusé le Qatar de soutenir les manifestants.

Il y a deux ans, les EAU, l’Arabie Saoudite, l’Égypte et d’autres états alliés ont rompu toute relations commerciales ou diplomatiques avec le Qatar dans l’espoir de mettre la pression sur ce royaume et de décrédibiliser sa politique.

La Somalie est un pays à la pauvreté endémique, mais ses immenses territoires côtiers offrent un accès à un marché grandissant et une zone d’influence sur les couloirs maritimes qui vont vers le Golfe Persique. C’est un émirati qui est à la tête du port de Bosaso.

Interrogés sur l’enregistrement téléphonique, l’ambassadeur et le gouvernement du Qatar n’ont pas réfuté son authenticité mais ont déclaré qu’il s’agissait d’une conversation privée entre un ambassadeur et un homme d’affaires et pas avec un membre du gouvernement.

«La politique extérieure du Qatar a toujours reposé sur le désir de créer des relations prospères et stables, nous n’intervenons pas dans les affaires internes des états souverains», telle est la déclaration officielle du bureau des Communications qataries dans un communiqué officiel au Times. «Ceux qui font ce genre d’actions, ne le font pas au nom de notre gouvernement».

Cependant, après la révélation de l’enregistrement de la conversation par un service secret étranger, l’ambassadeur n’a pas nié ni démenti que le Qatar ait pu jouer un rôle dans l’attentat.

«Nos amis étaient derrière cette attaque» a affirmé M. Al Muhanadi, homme d’affaires à l’ambassadeur.

L’ambassadeur Hassan bin Hamza a répondu à cela : «c’est pour cela qu’il y a des attentats dans cette régions, pour les faire partir».

M. Al Muhanadi est connu pour sa proximité avec l’émir Hamad al-Thani. Il existe des photos d’eux ensemble et de nouveaux rapports provenant de services secrets font état d’échanges de textos et de mails ainsi que de voyages effectués ensemble.

Dans une courte interview au NY Times, l’ambassadeur a nié connaître M. Al Muhanadi et a raccroché.

Tandis que lors d’une autre interview M Al Muhanadi avait déclaré qu’il était un «camarade de classe de l’ambassadeur». Rajoutant «je suis un homme d’affaires à la retraite, je ne représente plus mon gouvernement».

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait parlé «d’amis» derrière les attentats, il a répondu «tous les somaliens sont nos amis».

Si l’attentat de Bosaso était fait pour faire déguerpir les émiratis, ça n’était pas la première attaque dirigée contre eux.

En février, deux assaillants déguisés en pécheurs avaient tué le directeur d’une entreprise émirati travaillant à la gestion du port. La compagnie P&O avait déclaré que trois autres employés avaient été blessés dans l’attaque. Cette attentat avait été revendiqué par Al Shababs et dans leur revendication ils avaient déclaré que c’était «parce qu’un émirati occupait le port de Bosaso. Nous l’avions averti, mais il ne nous a pas écoutés, il occupe illégalement la Somalie» a déclaré un porte-parole d’Al Shababs à l’agence Reuters.

Dans l’enregistrement téléphonique, M. Al Muhanadi fait référence aux contrats gouvernementaux avec DP World, la principale entreprise affrétée pour gérer le port de Bosaso ainsi qu’une ville d’une province de Somaliland. Il dit «un des membres de la famille du président est avec moi» et rajoute que les contrats seront transférés au Qatar.

Les Shababs affiliés à Al-Qaïda et au Groupe EI en Somalie, sont considérés comme des ennemis de premiers plans par le gouvernement somalien. Les EAU ont exercé des opérations contre ces deux groupes et il n’est pas clair encore de comprendre pourquoi ces groupes seraient affiliés au Qatar qui a également apporté son soutien au gouvernement somalien.

Le Qatar a nié soutenir les Shababs ou tout autre groupe terroriste. Le président Trump a déjà accusé le Qatar de financer le terrorisme mais a qualifié «d’ami» l’émir al Thani et le ministre du budget et l’a remercié de son investissement financier dans le contre-terrorisme.

Les officiels américains, déclarent que les accusations contre le Qatar sont à géométrie variables, et reconnaissent que les monarchies du Golfe ont lancé des alliances tactiques avec des groupes terroristes et en même temps luttent pour faire cesser les dons d’argent d’individus riches à des associations terroristes.

De nombreux états du Golfe sont des partenaires militaires étroits des USA et le Qatar est une base arrière précieuse.

De tous les états du Golfe, c’est les EAU qui ont montré le plus d’agressivité afin d’accroître leur influence sur la corne de l’Afrique. Les émiratis ont envoyé des troupes de mercenaires et des commandos en Somalie et ce, depuis 2012 déjà afin de combattre la piraterie côtière et ont étendu leurs opérations aériennes afin de combattre les Shababs et d’autres groupes terroristes. Avec le temps, les émiratis ont établi une douzaine de ports commerciaux et de bases militaires autour d’un golfe d’Aden et de la corne de l’Afrique, avec notamment l’énorme base située à Assab en Erythrée qui est une base arrière pour les lancements d’attaques vers le Yémen.

En 2011, durant la famine qui a touché la Somalie, la Turquie et d’autres alliés du Qatar ont apporté une importante aide humanitaire et ont ensuite investi commercialement dans la région. Ils ont également établi une base militaire et un camp d’entraînement à Mogadiscio en 2017.

Dans un premier temps, le gouvernement somalien a tenté de garder une neutralité dans cette guerre intra arabes.

Mais en avril 2018, les autorités somaliennes ont saisi 9.6 millions de dollars en cash dans l’avion privé d’un émirati à l’aéroport de Mogadiscio. Les émiratis ont déclaré que cet argent était destiné à payer le salaire de soldats et policiers privés somaliens qu’ils entraînaient. Les somaliens les ont accusés en revanche d’utiliser cet argent afin d’accroître leur influence pour déstabiliser le pays.

La Somalie a exigé des excuses auxquelles les EAU ont répondu en cessant toute coopération avec la Somalie qu’ils ont accusée de se rapprocher de la Turquie et du Qatar. Les émiratis accordant alors leur soutien à deux provinces indépendantistes du Somaliland et à la province semi autonome du Puntland où se situe Bosaso.

La compagnie émiratie DP World a annoncé en 2017, qu’elle venait d’investir 336 M$ dans un contrat de 30 ans qui lui donnait la gestion et l’extension du port de Bosaso et s’est engagé à investir 440 M$ l’an dernier afin de développer un port au Somaliland.

La Qatar s’est rapidement placé pour capitaliser sur la rupture de relations entre les EAU et le gouvernement somalien et pour consolider de nouveaux liens. Le mois qui a suivi la rupture diplomatique les officiels qataris ont annoncé qu’ils investissaient 385m$ dans des infrastructures et dans l’éducation en Somalie, de même qu’ils ont déclaré apporter une assistance humanitaire. En janvier, ils ont également dit qu’ils fournissaient 68 véhicules blindés afin de soutenir la lutte contre les Shababs et autres groupes terroristes.

Les Shababs quant à eux ont combattu contre les deux camps dans la guerre intra-arabes. Ils ont attaqué la Turquie qui a apporté un soutien militaire au gouvernement somalien. En mai, ils ont lancé une attaque à la voiture piégée contre un chantier turc déclarant qu’il s’agissait d’un camp d’entraînement militaire à Mogadiscio. Ils ont attaqué en 2013, l’ambassade de Turquie faisant 3 morts et 9 blessés.

Si cela est confirmé, la conversation de l’homme d’affaires qatari M. Al Muhanadi signifierait que le Qatar a pour le moins tactiquement toléré les attentats à Bosaso même si les groupes terroristes sont combattus par le gouvernement somalien. Un ex officiel du Département de la Défense a déclaré qu’il ne serait pas surpris que le Qatar joue sur deux tableaux tirant un avantage des deux situations.

Tricia bacon, une spécialiste de la Somalie à l’Université de Washington et une analyste du contre-terrorisme a suggéré l’idée que le Qatar n’a pas besoin de nouer des relations très étroites avec les Shababs afin d’enrôler des extrémistes locaux pour des actions limitées, «en tant qu’agents locaux pour mener des actions et déjouer les plans des émirats».

Le gouvernement du Qatar a déclaré qu’il enquêterait sur la conversation téléphonique de M. Al Muhanadi avec l’ambassadeur. «Nous ferons tout notre possible mais nous réitérons l’idée que ces propos ne représentent nos principes. La Somalie représente un partenaire important mais nous n’intervenons pas dans ses affaires internes».

Lors de l’entretien téléphonique Al Muhanadi accuse également les émiratis d’être responsables de désordres en Somalie : «j’ai parlé de nos amis au petit peuple de Somalie, ils savent que les émiratis sont responsables de toutes ces destructions.» »

Lire l’article en anglais, ici 

Source : Ecrire sans censures

L’Algérie : puissance régionale incontournable dans la crise libyenne

El-Serraj reçu par Tebboune: La crise libyenne s’invite à Alger

La détérioration de la situation générale en Libye était hier au centre d’entretiens à Alger qui plaide pour une solution pacifique au conflit, exclusivement inter-libyenne.

Le président du Conseil présidentiel du Gouvernement d’union nationale (GNA) libyen, Fayez El-Serraj, accompagné du ministre des Affaires étrangères, Mohamed Taher Siala, et du ministre de l’Intérieur, Fathi Bachagha, a effectué hier une visite d’une journée à Alger. Il a été reçu par le président Tebboune au siège de la présidence de la République. Le responsable libyen a été accueilli à son arrivée à l’aéroport international Houari-Boumediene par le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum et le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du Territoire, Kamel Beldjoud. Selon un communiqué de la présidence de la République, la rencontre entre Tebboune et El-Serraj «s’inscrit dans le cadre des concertations permanentes entretenues avec les frères libyens et permettra d’échanger les vues sur l’aggravation de la situation en Libye et d’explorer les voies susceptibles de surpasser cette conjoncture difficile».

Dans le même contexte, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, dont le pays a décidé d’envoyer des troupes en Libye pour soutenir le GNA, était attendu hier à Alger pour une visite officielle de deux jours, selon un communiqué du ministère turc des Affaires étrangères.

Initiatives algériennes

Jeudi dernier, le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, avait indiqué que l’Algérie prendra «dans les prochains jours» plusieurs initiatives en faveur d’une solution pacifique à la crise Libyenne, réitérant le rejet de l’Algérie de la présence de toute force étrangère, quelle qu’elle soit, dans ce pays voisin. «L’Algérie prendra dans les prochaines jours plusieurs initiatives en faveur d’une solution pacifique à la crise libyenne, une solution exclusivement inter-libyenne», avait-il déclaré en marge de l’envoi d’aides humanitaires en Libye, ajoutant que l’Algérie «n’accepte la présence d’aucune force étrangère, quelle qu’elle soit, dans ce pays». Après avoir rappelé la position de l’Algérie concernant la non-ingérence dans les affaires internes des Etats, le chef de la diplomatie algérienne a réaffirmé que «la voie des armes ne peut guère être la solution, laquelle réside dans la concertation entre tous les Libyens, avec l’aide de l’ensemble des pays voisins et en particulier l’Algérie».

Début du déploiement de soldats turcs en Libye

Dimanche soir, le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé le début du déploiement de soldats turcs en Libye. «La mission de nos soldats là-bas est la coordination (…) Nos soldats sont en train d’être déployés progressivement», a-t-il déclaré sur la chaîne CNN Turk. Ce déploiement intervient après le vote par les députés turcs d’une motion permettant à Erdogan d’envoyer des militaires en Libye pour soutenir le GNA, basé à Tripoli, contre les forces de Khalifa Haftar soutenu par les Emirats arabes unis et l’Egypte, alliés des Saoudiens. Le président turc a affirmé que l’objectif de son pays n’est «pas de combattre» mais de «soutenir le gouvernement légitime et d’éviter une tragédie humanitaire». Et d’expliquer que «la Turquie n’engagera pas ses propres soldats dans des combats mais des officiers supérieurs turcs seront chargés de la coordination au sein de la force combattante, la faisant bénéficier de leur expérience et de leurs informations, en soutien au GNA». Cette «force combattante» sera composée de «différentes unités», a-t-il indiqué sans préciser qui seront les combattants ni d’où ils viendront.

Hier, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a appelé à une solution politique en Libye. «Les derniers événements en Libye indiquent qu’une escalade de la violence autour de Tripoli pourrait être imminente», a déclaré le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères dans un communiqué. «Aujourd’hui il est plus urgent que jamais de travailler véritablement à une solution politique à la crise en Libye. L’Union européenne appelle toutes les parties à s’engager dans un processus politique sous l’égide des Nations unies», a ajouté M. Borrell, alors qu’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU devait se tenir hier sur la Libye à la demande de la Russie.

Dans un appel téléphonique à Tebboune: Merkel invite l’Algérie à la conférence de Berlin sur la Libye

Le Président de la République M. Abdelmadjid Tebboune a reçu hier un appel téléphonique de la chancelière allemande Angela Merkel, a indiqué un communiqué de la présidence de la République. «Le Président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune a reçu, lundi 6 janvier, un appel téléphonique de la chancelière allemande, Angela Merkel qui a duré près d’une demi heure», lit-on dans le communiqué. «A l’entame de leur entretien téléphonique, Mme Merkel a adressé ses chaleureuses félicitations au Président de la République suite à son élection à la magistrature suprême», indique-t-on de même source, ajoutant que «la chancelière allemande a également présenté, suite au décès du Général de Corps d’Armée Ahmed Gaïd Salah, ses condoléances au Président de la République, au peuple algérien ainsi qu’à la famille du défunt». Les deux parties ont, ensuite, «passé en revue le développement des relations bilatérales convenant de leur donner un nouveau souffle dans divers domaines, particulièrement le domaine économique», selon le communiqué, soulignant qu’au «plan extérieur, le Président et la Chancelière allemande ont procédé à un échange d’analyses sur la situation en Libye et les perspectives d’instauration de la paix dans ce pays frère». Le Président Tebboune et la chancelière allemande Angela Merkel ont noté, à ce titre, «une convergence des vues concernant l’impératif de trouver une solution politique à la crise libyenne, cesser le conflit armé et mettre un terme aux ingérences militaires étrangères».

A ce propos, «Mme Merkel a adressé officiellement une invitation à l’Algérie en vue d’assister à la Conférence internationale sur la Libye prévue à Berlin», ajoute le communiqué de la présidence de la République. La Chancelière allemande a également adressé une invitation au Président de la République, M. Tebboune, pour effectuer une visite officielle en Allemagne, a noté la même source, relevant que cette invitation a été acceptée par le Président de la République, la date de cette visite devant être arrêtée ultérieurement d’un commun accord.

Le Quotidien d’Oran, 7 jan 2020

Tags : Algérie, Libye, Turquie, Haftar, Emirats Arabes Unis, EAU, Qatar, Egypte, Tripoli,