Mois : juillet 2010

  • Ould Hamza : (re) Décoré

    Ahmed Ould Hamza, président de la CUN, président de l’association des maires de Mauritanie et président des Alliances franco-mauritaniennes, vient d’être élevé, par le président français Nicolas Sarkozy, sur sa réserve personnelle de croix, au grade d’officier, dans l’ordre de la Légion d’Honneur.
    Cette prestigieuse décoration – un grand et rare privilège, convoité par de nombreux prétendants, en Afrique et ailleurs – coïncide avec l’événement annuel majeur, en France républicaine: la célébration de la Fête nationale du 14 juillet. Un événement marqué, cette année, par la présence, singulière, de plusieurs chefs d’Etats africains – dont celui de la Mauritanie – autrefois colonisés par la France et devenus indépendants, il y a une cinquantaine d’années, et par la participation, au grand défilé militaire traditionnel sur les Champs-Élysées, d’unités armées de ces pays hôtes de la France.
    Ould Hamza n’en est pas à sa première décoration, de la part des autorités françaises. On se rappelle, en effet, les prestigieuses Palmes académiques octroyées, il y a quelques années, à l’intéressé, pour son dynamisme dans le rapprochement culturel et linguistique, entre la Mauritanie et la France, avec, notamment, l’organisation, sous la houlette des Alliances franco-mauritaniennes,  de cours de français, au profit de particuliers mauritaniens et étrangers résidant dans le pays, désireux de parfaire leur niveau dans cette langue.
    Une nouvelle distinction, fort méritée par Ould Hamza pour qui la récompense morale compte bien plus que toutes les autres, matérielles ou financières. Elle vient, encore une fois, récompenser les efforts, titanesques, déployés par notre compatriote, pour promouvoir, en Afrique et partout dans le Monde, les valeurs universelles de liberté, de tolérance et de fraternité entre les peuples.
    Nous lui disons bravo et félicitations.
    LE CALAME, 28/7/2010
  • « T’as vu l’avion? »

    Saura-t-on jamais le fin mot de l’affaire qui a conduit à la mort de Michel Germaneau ?
    Entre un gouvenement, qui ne peut que se réjouir de voir l’attention nationale enfin détournée des affaires Bettencourt/Woerth, toutes deux fâcheuses dans des genres différents et qui finissent, curieusement, par se mordre la queue, et des preneurs d’otages, plus ou moins ben ladenistes, à qui cette intervention armée fournit la « une » des médias et surtout une sortie de cet enlèvement plus honorable que l’aveu piteux de la mort de maladie de leur otage, qui devons-nous croire et y a-t-il même quelque chose à croire ?
    Je voyais à midi, sur France2 me semble-t-il, une carte établie par les « journalistes » spécialisés de la chaîne ; on nous y montrait, par une flèche rouge mobile du plus bel effet, le parcours du commando qui, partant de Mauritanie, s’enfonçait jusqu’au coeur du Mali à la poursuite des supposés ravisseurs !
    Why not ? Il y a toutefois matière à réflexion, car non seulement les relations mauritano-maliennes ne sont pas des meilleures, mais, en outre, la zone nord du Mali en cause ici, dont le peuplement est tamasheq (ou touareg si vous voulez), entretient avec le pouvoir central de Bamako des rapports pour le moins tumultueux.
    On voit donc mal comment une telle opération, diplomatiquement d’une complexité qui la rend quasi impossible et logistiquement presque irréalisable, a pu être montée et même conçue. A beau mentir qui vient de loin :
    Ce monsieur Germaneau est, lui aussi, un personnage assez singulier dans son genre. Ingénieur en retraite et célibataire, il est apparemment sans famille car on a interrogé ses voisins mais nul membre de ses proches ; il oeuvrait, dit-on, dans une ONG qui se consacre à l’éducation des enfants africains. Son but précis est, en la circonstance, de construire une école en pays tamasheq, ce qui est fort louable mais aussi singulier, compliqué et irréaliste à la fois.
    En effet, les Tamasheq sont, vous l’avez déjà deviné, des nomades (« les gens du voyage » du Mali) ; l’implantation de structures administratives fixes à leur usage pose donc bien des problèmes à l’Etat malien.
    Il en est ainsi, par exemple, pour les dispensaires et les centres de protection maternelle et infantile ; Bamako ne peut guère y envoyer, vu l’éloignement, que des soignants hommes. Naturellement tous parlent le bambara, que ne connaissent pas les Tamasheq, et les femmes encore moins que les hommes alors qu’elles constituent, en général, l’essentiel de la clientèle de tels centres. Si l’on ajoute que, dans la culture tamasheq, les femmes ne peuvent être soignées par des hommes, on voit toute la complexité de la situation. La fréquentation d’un dispensaire est en outre infiniment moins suivie par ceux et celles qui y viennent que celle d’une école, ce qui pose évidemment problème à des familles nomades.
    Monsieur Germaneau, comme les experts de la Banque Mondiale et qui, comme eux, ne connaît rien à la langue et à la culture locales, ignore ou néglige sans doute ce genre de détail. Toutefois,comme un certain nombre d’« humanitaires », peut-être au fond ne cherchait-il pas aussi et peut-être même d’abord surtout dans de telles actions, si louables qu’elles soient, une solution à ses propres problèmes ! Au moins n’aura-t-il pas raté sa mort ! 
  • Editorial : Une attaque en règle

    L’armée mauritanienne a enfin frappé. Après plus de deux ans de préparatifs, de maillage du pays, d’achat d’armes et de munitions, de campagnes médiatiques sur l’impossibilité pour les terroristes d’AQMI de fouler le sol national sans être exterminés,  un commando de nos vaillantes-forces-armées-et-de-sécurité a attaqué une unité d’Al Qaida et tué six hommes sur les 10 qui la composaient. Une action d’éclat pour redorer le blason de nos militaires terni par ces militants islamistes à Lemghaity, Ghallawiya et Tourine. Un haut fait de guerre qui tombe à pic pour remonter le moral d’une troupe fatiguée par la chasse à un ennemi invisible. Seulement voilà, il y a comme un petit hic. L’attaque ne s’est pas passée en Mauritanie. Elle s’est déroulée quelque part dans le territoire malien et il est fort probable qu’elle n’ait pas été le fait de nos hommes mais d’un commando français qui tentait de libérer Michel Germaneau, aux mains d’AQMI depuis quelques mois. L’opération ayant tourné au fiasco, la France de Sarko, qui voudrait bien se passer de nouveaux déboires, a fourgué le bébé à la Mauritanie. Qui a accepté de faire sienne cette attaque. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut mettre à son actif une victoire militaire, fut-elle factice. Les journaux espagnols ne s’y sont d’ailleurs pas trompés en mettant en doute cette version servie par Ould Boilil, notre ministre va-t-en-guerre en attendant le retour de son homologue de la Défense. Plusieurs indices corroborent, selon eux, ce qui s’apparente à un cafouillage. La France a parlé d’appui logistique à l’opération qui se serait déroulée, selon l’AFP, entre Tessalit et Kidal à l’intérieur du Mali et la Mauritanie de soutien en matière de renseignements pour une attaque non loin de la frontière avec ce pays voisin. Inquiets pour la sécurité de leurs deux ressortissants aux mains de cette organisation, les ibériques craignent que cette escalade ne compromette définitivement les chances de les libérer. AQMI s’est d’ailleurs déjà vengée en annonçant avoir tué Germaneau en réprésailles. Cette opération aura en tout cas pour conséquence de nous mettre encore un peu plus dans l’œil du cyclone. Quand un pays aussi puissant que l’Algérie échoue à faire face à cette déferlante islamiste, que dire de nous ?
    L’attaque du jeudi a eu au moins un ‘’mérite’’, celui d’avoir fait passer au second plan la sortie à la TVM du vice-président de l’UPR. Mohamed Yahya Ould Horma, à qui la télévision a ouvert grandement ses portes, a parlé pendant plus de 15 minutes au journal télévisé du mercredi 21 juillet dans un long monologue. La journaliste se contentant juste de placer un ou deux mots. Petit florilège : ‘’L’opposition discute déjà avec le pouvoir’’, ‘’Ce n’est pas Ould Abdel Aziz qui a signé les Accords de Dakar mais nous en tant que pôle politique, c’est donc avec nous qu’il doit y avoir dialogue’’, ‘’l’opposition doit d’abord reconnaître la victoire du président’’. Après avoir reçu deux leaders de l’opposition pour leur faire part de sa volonté de dialoguer, Aziz serait-il en train de changer de cap ? Le moins qu’on puisse dire est que cette sortie de celui qui est considéré son homme à l’UPR n’augure pas de bons lendemains pour un dialogue que tout le monde appelle de ses vœux mais qui risque de ne jamais voir le jour. Certains soutiens du pouvoir faisant de la résistance contre l’ouverture. Et quand ils tiennent ce genre de discours, c’est d’abord  pour que la situation ne se décrispe pas.
    Question subsidiaire : pourquoi la TVM n’a pas donné à l’opposition le même temps d’antenne pour donner son point de vue sur la question ? Parce qu’elle n’arrive pas à se départir de ses vieux réflexes et parce que ceux qui la dirigent considèrent qu’elle appartient au pouvoir et à lui seul.
    Ahmed Ould Cheikh 
    Le CALAME, 28/7/2010
  • La France prend pied dans le Sahel : la Françafrique a de beaux jours devant elle.

    Le président français a annoncé que le crime commis contre Michel Germaneau ne restera pas impuni. Une déclaration de guerre à l’Aqmi. Des interventions plus musclées, à l’américaine, dans cette vaste et stratégique région sub-saharienne, semblent se profiler.
    En annonçant l’exécution de Michel Germaneau, dans un enregistrement diffusé par la chaîne Al Djazira, l’ »émir » de l’Aqmi, la franchise maghrébo-sahélienne d’Al Qaïda a prévenu Sarkozy, qui n’a pas seulement échoué à libérer son compatriote dans cette opération manquée. Il « a ouvert l’une des portes de l’enfer pour lui, son peuple et sa nation » ! La réaction de ce dernier n’a pas attendu.
    La France a renforcé son plan antiterroriste Vigipirate et annoncé haut et fort sa détermination à venger l’octogénaire cardiaque mais néanmoins humanitaire activiste et à éradiquer le Sahel du terrorisme. Les ressortissants français sont invités à ne pas se rendre dans le Sahel et à faire preuve de grande prudence dans les pays limitrophes. La guerre est également déclarée par la France. Et, dans ce contexte, plusieurs questions et non des moindres restent jusqu’à aujourd’hui sans réponses. D’abord, l’opération proprement dite conduite par la France jeudi dernier dans le nord du Mali n’a pas livré ses secrets. Les Mauritaniens qui ont servi de prétexte, de paravent, jurent que c’était pour libérer Germaneau. Faux, a violemment rétorqué Sarkozy qui nie le lien de causalité établi par Nouakchott et l’Aqmi entre l’opération contre un camp de cette dernière, qui a fait sept morts, et l’exécution de l’otage français. Le président français a déclaré que depuis le 12 juillet, ce dernier était sous le coup d’un ultimatum qui n’était en fait que « l’annonce d’un assassinat programmé ». Une explication qui n’a pas contenté les proches de Germaneau dont le maire socialiste de sa commune, proche de Paris, qui a exigé des explications. Le maire de Marcoussis a égrené des questions pertinentes : « Je souhaite qu’on me dise comment, pourquoi, dans quelles conditions et qui a décidé ces interventions militaires, avec quelle part de risque pour l’otage, avec quelles conséquences. » Pour lui, l’opération militaire française a scellé son sort. Et puis, des médias français n’ont pas manqué de s’interroger pourquoi le cas de Germaneau s’était présenté d’emblée comme différent de celui de Pierre Camatte, qui a été retenu par le même groupe terroriste et qui a pu être libéré contre la libération de prisonniers par le Mali et le versement d’une rançon. La France ne veut plus payer pour ne pas donner une prime à récidive au terrorisme.
    Ou alors, c’est encore une histoire de barbouzerie qui a mal tourné. Il restera une grande part de doute, et ce ne sont pas les propos guerriers de Sarkozy relayés par son Premier ministre qui ont contribué à les lever. Bien au contraire. On relève que la France est tentée de s’incruster dans le Sahel, de prendre pied. Le ministre français des AE, qui a inventé la théorie de l’ingérence humanitaire, est dans la région du Sahel, officiellement pour examiner avec les autorités locales et les ambassadeurs français les mesures de sécurité à prendre pour les ressortissants français.
    Personne n’est dupe, Bernard Kouchner a certainement dans son porte-documents des propositions une intrusion plus musclée dans la région du Sahel. Au risque d’ailleurs de compliquer la situation. Ce n’est pas un secret de dire que l’Algérie est hostile à une intervention extérieure et estime que le traitement du terrorisme relève des États de la région. Et de l’autre côté de la Méditerranée, l’Espagne, dont deux citoyens sont détenus par l’Aqmi, estime que la mort de l’otage français la conforte dans son approche « non militaire » pour les libérer. Pour mémoire, c’est Madrid qui ébruité l’opération française. Et puis, le Mali, théâtre de l’ingérence française, n’a toujours pas donné d’explication. Le président malien, exemplaire en matière de respect de la démocratie dans le continent, a le devoir, voire l’obligation, de mettre au parfum ses concitoyens et ses voisins. Sinon, qui ne dit rien consent.
    Dans une première étape et ce dont est chargé Kouchner, les accords avec les gouvernements de la région et en particulier avec le gouvernement mauritanien, avec le gouvernement malien pour traquer ces terroristes et les livrer à la justice, seront mis à exécution. C’est le Premier ministre français en personne qui l’a rappelé. En attendant des développements, voici un point succinct sur la présence militaire française en Afrique. Paris avait annoncé, le 9 juin à Dakar, l’entrée de son programme de démantèlement de ses bases en Afrique en restituant aux Sénégalais les casernes et autres complexes qu’elle avait occupés. La cérémonie se voulait une illustration de la rupture que Sarkozy avait promise de mettre en œuvre avant d’occuper l’Elysée. En fait, tout cela n’a été que symbole, car la France s’est gardée une base connectée à celle de Libreville au Gabon, bien en vue sur la façade atlantique du continent et dont le potentiel répond au chapelet de bases entretenues au Tchad, au Cameroun, en Mauritanie, pour ne citer que les plus connues.
    La France s’est contentée de diminuer sa présence au Sénégal en la rendant moins visible, moins agressive, d’autant que ce pays, membre de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), est aujourd’hui, avec le Nigeria, le grand fournisseur de forces de paix pour le compte de l’ONU ou de l’Union africaine. Le ministère français de la Défense gère dans le pays de Wade de multiples facilités : droits d’escale aérienne et maritime, transit, stockage… Ce n’est plus une base, mais un « pôle opérationnel de coopération à vocation régionale ». Et pour animer ce complexe logistique moderne, 300 militaires suffisent, selon un communiqué du ministère français de la Défense. Ainsi, malgré quelques fermetures de base, le dispositif militaire français en Afrique, une curiosité géopolitique, cinquante ans après les indépendances, n’a pas été profondément transformé. Dans la pratique, leur concentration a été dictée par le fait que la France n’a plus les moyens financiers d’entretenir un réseau dense, d’autant qu’elle a dû redéployer avec Sarkozy ses capacités militaires après la réintégration complète de la France au sein de l’OTAN, notamment en direction de l’Afghanistan.
    Dans le précarré africain de la France, il n’y a que Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire à avoir remis en cause les accords de défense avec l’ancienne puissance coloniale. Ailleurs, la présence militaire française est mal supportée par les populations. Pour finir, au jour d’aujourd’hui, sur un plan purement technique, si pour la récente opération dans le nord du Mali, la France a eu besoin de recourir à la Mauritanie, demain, les moyens aériens de projection permettront dans une large mesure de se passer de bases à terre. L’A400 M d’Airbus Military, qui se fait cependant attendre, devrait y contribuer largement à partir de 2014 ou 2015… Pour conclure, rappelons que le dispositif français prépositionné en Afrique comprend une grande base sur la façade atlantique au Gabon, une autre de même nature à Djibouti sur la façade orientale de l’Afrique et un chapelet de petites bases sur les pays de la françafrique qui a marqué son maintien lors d’un rendez-vous familial le 14 juillet à Paris, où les détachements d’armées d’une dizaine d’anciennes colonies ont défilé sur les Champs Elysées, devant leurs présidents rassemblés pour l’occasion autour du « parrain » français.
    Par : Djamel Bouatta
  • TORA BORA SUR SAHEL

    Par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 29 juillet 2010
    Alger a fini par réagir, diplomatiquement, au raid franco-mauritanien au nord du Mali. Une réaction qui a tardé afin, semble-t-il, de ne pas trop enfoncer le gouvernement français lancé dans une opération aléatoire et très risquée.
    L’effort accompli par Paris en direction de l’opinion française pour la convaincre que l’otage français était mort depuis plusieurs semaines, démontre un embarras évident. Alger a sans doute voulu éviter de rajouter à l’embarras des décideurs parisiens. Car, en dépit d’un unanimisme national, assez surprenant dans une démocratie, l’opération française, qui n’est pas un succès militaire, est bel et bien un fiasco politique. En dramatisant le risque représenté par l’Aqmi – qui existe mais dont la présence ne fait pas du Sahel un Tora Bora délocalisé -, on ne contribue pas à clarifier la perception des réalités régionales.
    Dans ce raid au but imprécis et aux impacts incertains, faut-il voir un effet de l’évolution de la politique française vers une pure gestion de communication ? La France a des intérêts économiques dans la région, cela n’est pas contestable. Mais en d’autres temps, la préservation de ces intérêts aurait fait davantage réfléchir avant d’envisager des coups d’éclat militaro-médiatiques.
    Les Etats de la région «coordonnent» mal, c’est un fait, mais un «coordinateur» extérieur n’est pas de nature à améliorer la situation, bien au contraire. Le Mali, traité de facto comme un Etat suspect de coopérer en sous-main avec l’Aqmi, n’a pas les moyens de trop marquer son amertume. C’est Bernard Kouchner qui s’est chargé de transmettre le «souhait» du président malien de voir à l’avenir plus de «coordination» avec les pays de la région.
    Le désappointement malien s’est donc exprimé officieusement vis-à-vis de ce qu’il faut bien appeler une marque de défiance. Le droit de suite invoqué par les Mauritaniens ne recoupe pas la réalité d’une frappe préemptive squattée par les militaires français. Nul n’ignore que Paris exerce depuis longtemps une influence prépondérante sur les Etats de la région. Mais pendant longtemps, cette influence s’exerçait dans le respect des formes, afin d’éviter d’apparaître de manière préjudiciable. C’est le contraire qui se produit aujourd’hui, alors que, paradoxalement, le discours officiel évoque la rupture avec la «Françafrique». Ces intrusions externes, surtout quand elles se veulent aussi musclées que celles des Américains, produisent le résultat inverse de celui escompté.
    Il existe un problème sécuritaire dans le Sahel et il ne date pas des dernières années avec l’arrivée des djihadistes, loin d’être les plus importants acteurs dans cette zone. La déstabilisation au Sahel n’est pas seulement le résultat du transfert vers cette région de quelques dizaines de djihadistes ; elle trouve ses origines dans le désespoir de populations abandonnées et d’une jeunesse sans avenir. Les exclus forment une armée de réserve aisément mobilisable pour toutes sortes d’aventures «politiques», quand ce n’est pas pour des agissements purement criminels.
    Les réactions à l’exclusion ont, jusque-là, alimenté les trafiquants, les contrebandiers et les rebellions targuies ; elles peuvent sans difficulté être exploitées par les djihadistes. Si la coordination des Etats est un préalable, la sécurité de l’immense territoire sahélien requiert impérativement la coopération des populations locales.
    «Il revient aux pays de la région de s’occuper de la sécurité», a déclaré Mourad Medelci, en entrouvrant cependant la porte à l’intervention de pays étrangers «seulement quand cela est nécessaire». La formulation est ambiguë. Car il revient effectivement aux seuls pays concernés de gérer la sécurité de la région et celle-ci ne se limite pas à des opérations militaro-policières. Il est impérieux de s’attaquer à la misère et à l’abandon, racines du mal qui ronge la zone sahélienne depuis les indépendances. Faute de quoi, l’Aqmi, les trafiquants et les brigands auront encore un bel avenir.
  • Une FrançAfrique aux méthodes plus fines

    La FrançAfrique désigne les réseaux d’influence français dans les anciennes colonies africaines.
    Ces réseaux secrets, cachés au public, ont tenté par tous les moyens de préserver l’accès privilégié aux ressources naturelles de ces pays pour les multinationales françaises : détournements de fonds, soutien de dictateurs, assassinats, financement occulte de partis politiques… Lors de sa campagne électorale, Nicolas SARKOZY avait promis une rupture avec cette politique africaine.
    Qu’en est-il trois ans après ?
    Pour y répondre, le Club de la presse Nord – Pas de Calais a organisé jeudi 24 juin 2010 un atelier réflexion sur ce thème en présence d’Armand NWATSCHOCK, membre du Collectif Afrique de Lille, de Valérie THORIN grand reporter à Afrique-Asie, et de Patrick Eric MAMPOUYA, activiste politique du Congo Brazzaville et Bloggeur.
    En prémices au débat, un film de François Xavier VERSCHAVE, a été projeté par Patrick Eric MAMPOUYA afin de faire une synthèse. Selon ce spécialiste des affaires africaines, la France a cherché à garder d’une manière détournée le contrôle de ses anciennes colonies pour plusieurs raisons : garder son rang à l’ONU, empêcher que ces pays ne basculent dans le bloc communiste à l’époque de la guerre froide, conserver un accès privilégié aux matières premières et financer les partis politiques français.
    Les relations entre la France et le continent noir seraient comme un iceberg : les 10% émergés, visibles, sont le discours officiel sur le co-développement et les Droits de l’Homme mais 90% des affaires restent immergées et invisibles.
    « Depuis les années soixante-dix, les hommes politiques nous promettent la fin de la Françafrique, a rappelé Philippe ALLIENNE, président du Club de la presse. Qu’en est-il vraiment aujourd’hui ? » Pour Valérie THORIN, les choses ont bien changé : « Le film de VERSCHAVE date de huit ans et est réalisé par un militant. Aujourd’hui, tout n’est pas parfait mais nous n’en sommes plus au temps des barbouzes à ce point. Cela dit, il y a toujours aussi des réseaux en Afrique mais ils ne sont plus aussi politiques. Les grandes entreprises françaises comme Total, Areva, le groupe Bolloré, Bouygues y ont toujours des intérêts économiques qui sont défendus par le pouvoir politique. Ce qu’on pourrait reprocher aujourd’hui à la Françafrique est d’oublier totalement les populations locales. La nouvelle Françafrique, c’est le business avant tout ».
    Pour Armand NWATSCHOCK et Patrick Eric MAMPOUYA, rien n’a changé car l’économie et la politique sont intimement liées. Selon le responsable du Collectif Afrique-Lille, seules les méthodes ont changé. Elles sont aujourd’hui plus fines. « Avant, les présidents légitimement élus étaient assassinés comme ça s’est passé plusieurs fois au Cameroun. Maintenant, la France fait tout pour qu’ils ne soient pas élus ». Pour appuyer ses dires, il cite l’argent bloqué d’Omar BONGO au Gabon, argent débloqué par la France juste avant les élections. Grâce à cela, Omar BONGO avait à sa disposition une cinquantaine d’hélicoptères pendant que les autres candidats sillonnaient la campagne à pied. « Le résultat de l’élection était joué d’avance ». Et quand cela ne suffit pas, il soupçonne aussi les observateurs internationaux envoyés par la France de truquer eux-mêmes les résultats électoraux.
    Patrick Eric MAMPOUYA donne aussi l’exemple d’Idriss DEBY, président du Tchad, qui aurait été prévenu de la position des troupes rebelles par l’armée française.
    « On veut faire notre révolution, comme les Français l’ont faite »
    Le blogueur Franco-congolais s’élève aussi contre la gestion du franc CFA : « comment parler d’indépendance lorsqu’un pays ne gère pas lui même sa monnaie ? C’est la France qui détermine la politique économique de ces pays et à ce titre, les entreprises françaises en Afrique sont exonérées d’impôts ».
    En effet, les décisions des quatorze banques centrales de la zone franc CFA doivent être validées par la Banque de France.
    « On veut faire notre révolution, comme les Français l’ont faite », poursuit Patrick Eric MAMPOUYA, « mais quant on arrive devant le palais du dictateur pour le chasser, on se retrouve en face de l’armée française qui le défend. Ces pays s’en sortiront le jour où la France lâchera réellement du lest ».
    Ce sentiment est partagé par Armand NWATSCHOCK : « On ne veut pas tout mettre sur le dos de la France mais il faut reconnaître que quand le peuple essaie de prendre son destin en main, la France s’élève en face ».
    Valérie THORIN pense que les chefs d’états africains sont aussi responsables : « Si ils ne pensaient pas qu’à s’en mettre plein les poches, les choses pourraient avancer ».
    Inversalis, 30/7/2010
  • "T’as vu l’avion?"

    Saura-t-on jamais le fin mot de l’affaire qui a conduit à la mort de Michel Germaneau ?
    Entre un gouvenement, qui ne peut que se réjouir de voir l’attention nationale enfin détournée des affaires Bettencourt/Woerth, toutes deux fâcheuses dans des genres différents et qui finissent, curieusement, par se mordre la queue, et des preneurs d’otages, plus ou moins ben ladenistes, à qui cette intervention armée fournit la « une » des médias et surtout une sortie de cet enlèvement plus honorable que l’aveu piteux de la mort de maladie de leur otage, qui devons-nous croire et y a-t-il même quelque chose à croire ?
    Je voyais à midi, sur France2 me semble-t-il, une carte établie par les « journalistes » spécialisés de la chaîne ; on nous y montrait, par une flèche rouge mobile du plus bel effet, le parcours du commando qui, partant de Mauritanie, s’enfonçait jusqu’au coeur du Mali à la poursuite des supposés ravisseurs !
    Why not ? Il y a toutefois matière à réflexion, car non seulement les relations mauritano-maliennes ne sont pas des meilleures, mais, en outre, la zone nord du Mali en cause ici, dont le peuplement est tamasheq (ou touareg si vous voulez), entretient avec le pouvoir central de Bamako des rapports pour le moins tumultueux.
    On voit donc mal comment une telle opération, diplomatiquement d’une complexité qui la rend quasi impossible et logistiquement presque irréalisable, a pu être montée et même conçue. A beau mentir qui vient de loin :
    Ce monsieur Germaneau est, lui aussi, un personnage assez singulier dans son genre. Ingénieur en retraite et célibataire, il est apparemment sans famille car on a interrogé ses voisins mais nul membre de ses proches ; il oeuvrait, dit-on, dans une ONG qui se consacre à l’éducation des enfants africains. Son but précis est, en la circonstance, de construire une école en pays tamasheq, ce qui est fort louable mais aussi singulier, compliqué et irréaliste à la fois.
    En effet, les Tamasheq sont, vous l’avez déjà deviné, des nomades (« les gens du voyage » du Mali) ; l’implantation de structures administratives fixes à leur usage pose donc bien des problèmes à l’Etat malien.
    Il en est ainsi, par exemple, pour les dispensaires et les centres de protection maternelle et infantile ; Bamako ne peut guère y envoyer, vu l’éloignement, que des soignants hommes. Naturellement tous parlent le bambara, que ne connaissent pas les Tamasheq, et les femmes encore moins que les hommes alors qu’elles constituent, en général, l’essentiel de la clientèle de tels centres. Si l’on ajoute que, dans la culture tamasheq, les femmes ne peuvent être soignées par des hommes, on voit toute la complexité de la situation. La fréquentation d’un dispensaire est en outre infiniment moins suivie par ceux et celles qui y viennent que celle d’une école, ce qui pose évidemment problème à des familles nomades.
    Monsieur Germaneau, comme les experts de la Banque Mondiale et qui, comme eux, ne connaît rien à la langue et à la culture locales, ignore ou néglige sans doute ce genre de détail. Toutefois,comme un certain nombre d’« humanitaires », peut-être au fond ne cherchait-il pas aussi et peut-être même d’abord surtout dans de telles actions, si louables qu’elles soient, une solution à ses propres problèmes ! Au moins n’aura-t-il pas raté sa mort ! 
  • Mohamed VI : un roi amnésique

    « Le Maroc ne cédera pas un pouce de son Sahara », répète constamment le roi Mohamed VI dans des discours qu’il lit toujours avec difficulté. A propos de ses lectures, on peut se demander s’il n’a pas un Alzheimer précoce. Non seulement, il ne sait plus lire, mais en plus il oublie beaucoup de détails qui fondent ses arguments.
    Le Maroc a déjà cédé presque la moitié du Sahara Occidental au régime de Mokhtar Ould Daddah. Mohamed VI semble oublier le cadeau que son père avait fait à la Mauritanie pour la faire sombrer dans un chaos qui lui a coûté la tête de son premier président.
    Pour rappel, les Accords Tripartites de Madrid, signés par l’Espagne, la Mauritanie et le Maroc partagent l’ex-colonie espagnole entre ses deux voisins du Nord et du Sud. Ainsi, le Rio de Oro est administré par Nouakchott, entre 1975 et 1979, sous le nom de « Tiris El Gharbiya ». Suite à la décision du gouvernement mauritanien de se retirer du conflit sahraoui, les troupes marocaines ont investi la région pour empêcher le Front Polisario de s’y installer.
    Mohamed VI a oublié aussi la lettre de bonnes intentions qu’il vient d’envoyer au président Bouteflika à l’occasion du 48ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie.
    A cause de son amnésie, le roi du Maroc n’arrive pas à trouver la bonne voie pour rétablir les relations avec TOUS ses voisins. Celle fondée sur le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale de chaque pays.
    Le langage utilisé dans son dernier discours est presque menaçant. On dirait la suite du raid franco-mauritanien en territoire malien. Les deux évènements semblent faire partie d’une offensive de la Françafrique contre l’Algérie et les sahraouis. Un coup de force pour imposer leur solution à la noix. Une dernière tentative de garder leurs intérêts dans la région, et surtout la vache laitière du Sahara Occidental.
    Le ton violent du roi marocain peut être aussi une réponse franco-marocaine aux agissements des responsables américains qui ne cachent plus leur soutien aux efforts de l’Algérie en vue d’instaurer la paix dans toute la région et contrer la menace terroriste.
    La Françafrique, résuccité par le président Mohamed Ould Abdelaziz fera encore parler d’elle. Les prochains épisodes s’annoncent pleins de mauvaises surprises auxquelles il faut se préparer.
  • Mohamed VI : un roi amnésique

    « Le Maroc ne cédera pas un pouce de son Sahara », répète constamment le roi Mohamed VI dans des discours qu’il lit toujours avec difficulté. A propos de ses lectures, on peut se demander s’il n’a pas un Alzheimer précoce. Non seulement, il ne sait plus lire, mais en plus il oublie beaucoup de détails qui fondent ses arguments.
    Le Maroc a déjà cédé presque la moitié du Sahara Occidental au régime de Mokhtar Ould Daddah. Mohamed VI semble oublier le cadeau que son père avait fait à la Mauritanie pour la faire sombrer dans un chaos qui lui a coûté la tête de son premier président.
    Pour rappel, les Accords Tripartites de Madrid, signés par l’Espagne, la Mauritanie et le Maroc partagent l’ex-colonie espagnole entre ses deux voisins du Nord et du Sud. Ainsi, le Rio de Oro est administré par Nouakchott, entre 1975 et 1979, sous le nom de « Tiris El Gharbiya ». Suite à la décision du gouvernement mauritanien de se retirer du conflit sahraoui, les troupes marocaines ont investi la région pour empêcher le Front Polisario de s’y installer.
    Mohamed VI a oublié aussi la lettre de bonnes intentions qu’il vient d’envoyer au président Bouteflika à l’occasion du 48ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie.
    A cause de son amnésie, le roi du Maroc n’arrive pas à trouver la bonne voie pour rétablir les relations avec TOUS ses voisins. Celle fondée sur le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale de chaque pays.
    Le langage utilisé dans son dernier discours est presque menaçant. On dirait la suite du raid franco-mauritanien en territoire malien. Les deux évènements semblent faire partie d’une offensive de la Françafrique contre l’Algérie et les sahraouis. Un coup de force pour imposer leur solution à la noix. Une dernière tentative de garder leurs intérêts dans la région, et surtout la vache laitière du Sahara Occidental.
    Le ton violent du roi marocain peut être aussi une réponse franco-marocaine aux agissements des responsables américains qui ne cachent plus leur soutien aux efforts de l’Algérie en vue d’instaurer la paix dans toute la région et contrer la menace terroriste.
    La Françafrique, résuccité par le président Mohamed Ould Abdelaziz fera encore parler d’elle. Les prochains épisodes s’annoncent pleins de mauvaises surprises auxquelles il faut se préparer.
  • Le Roi du Maroc accuse l’Algérie de torpiller le projet d’ « autonomie » qu’il propose pour la Sahara occidental

    Le Roi du Maroc, Mohamed VI, a vivement critiqué l’Algérie qu’il accuse de vouloir torpiller le projet d’autonomie que son pays propose pour le Sahara occidental. Dans un discours prononcé vendredi 30 juillet à l’occasion du 11èm anniversaire de son accession au trône, le souverain Maroc s’en pris violemment aux autorités algériennes. Depuis la fermeture des frontières entre les deux pays en 1994, le Maroc et l’Algérie entretiennent des relations tendues.
    Le roi de Maroc, Mohamed VI,  a accusé l’Algérie de « manœuvrer » et de « torpiller » l’initiative de l’autonomie que prose le Maroc pour le règlement du conflit sahraoui. » Dans son discours prononcé, vendredi 30 juillet, à l’occasion du 11èm anniversaire de son accession au trône,  le souverain alaouite a déclaré : « Nous entendons poursuivre les efforts de concertation et de coordination nécessaires pour approfondir nos relations bilatérales avec les Etats maghrébins frères. Ceci, en attendant que l’Algérie cesse de contrarier la logique de l’Histoire, de la géographie, de la légitimité et de la légalité au sujet du Sahara marocain, et qu’elle renonce à ses manœuvres désespérées visant vainement à torpiller la dynamique enclenchée par notre initiative d’autonomie pour nos provinces du sud». Mohamed VI a ajouté que son pays «continuera à défendre sa souveraineté, son unité nationale et son intégrité territoriale, avec la détermination de ne pas renoncer au moindre pouce de son Sahara ». Paradoxalement, il a assuré que le Maroc « réitère sa disposition  à continuer à soutenir les efforts de l’Organisation onusienne, de son Secrétaire général et son envoyé personnel».
    Les deux parties en conflit, le Maroc et le Front Polisario, se sont engagées dans un processus de négociation sans condition sous l’égide de l’ONU depuis 2007, processus devant aboutir au  règlement du conflit sahraoui. Mohamed VI s’est montré très menaçant à l’égard de l’Algérie lorsqu’il a évoqué les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf. « Nous déploierons des efforts accrus pour la levée du blocus imposé à nos citoyens dans les camps de Tindouf, et pour leur permettre d’exercer leur droit légitime au retour à la mère patrie pour y retrouver leurs familles et leurs proches, conformément aux conventions internationales pertinentes», a-t-il averti. Le discours du Sultan alaouite n’est pas pour apaiser des relations tendues entre Alger et Rabat. Bien au contraire, il est de nature à envenimer des rapports déjà marqués par des années d’hostilités et du coup retarder la construction d’un Maghreb commun. Depuis la fermeture des frontières en 1994, mais les deux pays voisins n’ont pratiquement jamais connu une période d’entente.
    DNA Algérie, 31/7/2010