Sahara Occidental: la paix trahie?

Le peuple sahraoui a déposé les armes en 1991 contre la promesse, par la communauté internationale, de l’organisation d’un référendum populaire pour son avenir. La présence marocaine au Sahara Occidental, autrement dit, sa colonisation du Sahara n’est pas due à sa supériorité militaire. Elle n’est pas non plus le résultat d’une «abdication» du peuple sahraoui et de son armée de libération pour le combat pour la liberté engagé depuis 1969 contre l’occupant espagnol, soit bien avant l’invasion marocaine. L’occupation graduelle du Sahara Occidental par les forces armées marocaines est l’exemple même de la trahison par le palais royal marocain du pacte pour la paix que le gouvernement provisoire du Sahara et son bras politique le POLISARIO ont signé, en 1991, avec le pouvoir marocain, sous le témoignage et les garanties de la communauté internationale pour une solution politique qui préserve les droits légitimes du peuple sahraoui, dont celui d’un référendum populaire sur son avenir. 

Le cessez-le-feu signé entre le Maroc et le POLISARIO en 1991 devait ouvrir le dialogue politique entre les deux belligérants pour mettre en place les conditions de l’organisation d’un référendum populaire d’autodétermination pour le peuple sahraoui. C’était cette garantie légitime confortée par le sceau officiel du Conseil de sécurité de l’ONU qui a convaincu les Sahraouis à déposer les armes. S’en est suivi un nombre de résolutions des Nations unies qui ont, toutes, conforté les Sahraouis dans leurs droits à s’exprimer sur leur avenir, y compris l’option d’un Etat indépendant s’ils le choisissaient. La dernière résolution du Conseil de sécurité de l’ONU datant d’avril 2007, portant le n°1754, appelle clairement les parties – Maroc et POLISARIO – à trouver «une solution juste et durable qui permette l’autodétermination du peuple sahraoui». Cette résolution a été confortée et confirmée par les résolutions 1783 (2007) et 1813 (2008). Après les quatre rounds de négociations entre le Maroc et le POLISARIO qui se sont déroulés à Manhasset (New York), l’Assemblé générale de l’ONU a encouragé et réaffirmé la tenue du référendum pour l’autodétermination des Sahraouis. Cette résolution a été adoptée à la quasi-unanimité par 177 voix. Seuls les USA (de George Bush), l’Angleterre et Israël ont voté contre, alors que la France s’est abstenue. Quant à la célèbre déclaration du 21 avril 2008 de l’ex-envoyé spécial du SG de l’ONU pour le Sahara Occidental, Peter Van Walsum, par laquelle il «ne croyait pas, pour l’heure, à l’organisation d’un référendum pour l’indépendance au Sahara réaliste», il faut signaler ce qu’il a déclaré juste avant cette phrase. Il a précisé et reconnu «qu’en l’absence de pressions de la communauté internationale sur le Maroc; une organisation du référendum n’est pas réaliste». Peter Van Walsum a, en réalité, reconnu que la communauté internationale a manqué à ses engagements par lesquels elle a demandé aux Sahraouis de déposer les armes en 1991, en contrepartie de la garantie de leur droit à l’organisation d’un référendum d’autodétermination. «En l’absence de pressions», a-t-il précisé, avant de constater «l’irréalisme» d’un référendum populaire avec, entre autres propositions, l’option pour un Etat indépendant. 
En somme, le palais royal marocain profite, depuis 1991 et le cessez-le-feu, de la confiance que la communauté internationale lui tient pour l’organisation de ce référendum, pour occuper civilement, administrativement et militairement le Sahara Occidental. 
Le peuple sahraoui a plus perdu, et beaucoup perdu, dans sa quête de liberté en faisant confiance aux engagements, justes, de la communauté internationale. Le pouvoir marocain pratique, en vérité, la politique de «la terre brûlée». Par une occupation tous azimuts du Sahara Occidental, le palais royal marocain vise à mettre devant le fait accompli la communauté internationale. C’est une vieille recette des régimes politiques expansionnistes avec en sus, et sur le plan interne, une plus-value politique: interdire toute revendication sociale, politique ou d’alternance du pouvoir tant que la question du Sahara élevée au stade du sacré n’a pas été résolue à son profit, bien sûr. «L’absence de pression» de la communauté internationale pour une solution juste de la question sahraouie peut s’expliquer par le bouleversement de l’ordre mondial intervenu, justement, dès les années 1990-91 (année du cessez-le-feu au Sahara) qui a vu la fin de la guerre froide. De nouvelles alliances et stratégies régionales se mettent, depuis, en place en fonction de nouveaux intérêts et perspectives sur le long terme. Les puissances mondiales, notamment occidentales, ont été (et continuent) confrontées dès la chute de l’empire soviétique à de nouvelles urgences politiques et géostratégiques (dissuasion nucléaire, avenir énergétique, flux migratoires, foyers de guerres, apparition du terrorisme international, etc.)

C’est cette période exceptionnelle de 10 ans (1990-2000) marquée par de violents conflits et guerres (Rwanda, ex-Yougoslavie, Irak, Palestine) qui a mis la question sahraouie en marge des préoccupations de la communauté internationale et qui, du coup, ne lui a pas permis de faire face à ses obligations et son engagement à « presser » le Maroc pour accepter l’organisation d’un référendum populaire au Sahara. C’est cette période de 10 ans qui a été mise à profit par le pouvoir marocain pour occuper graduellement les 80% du territoire sahraoui. C’est pourquoi, la responsabilité de la communauté internationale dans la perpétuation du drame du peuple sahraoui est entière. Elle doit assumer concrètement la promesse et les garanties qu’elle a sanctifiées par les accords du cessez-le-feu de 1991 et les innombrables résolutions des Nations unies.

Le Quotidien d’Oran

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