Catégorie : Maroc

  • Maroc : « Un drame a fondé mon héritage » (Sam Touzani)

    Acteur, humoriste, auteur, metteur en scène, etc.: Sam Touzani, né il y a 45 ans, n’est plus à présenter. Ce qu’on ignore parfois, ce sont ses rapports difficiles avec le pays d’où viennent ses parents, le Maroc. Explications.

    Comment vos parents se sont-ils retrouvés en Belgique?

    C’était en 1965. Mon père vient d’un village berbère, Bni Touzine, à 30 km de Nador, dans le Rif; ma mère est de Tanger. Ils étaient de milieu modeste et analphabètes. Mon père, passé en Algérie française, avait combattu à 16 ans et demi en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale, à Monte Cassino. Quatre de leurs enfants sont nés au Maroc, trois, dont moi, à Bruxelles. J’en profite pour tirer mon chapeau: comment ils ont pu élever tant d’enfants avec si peu de moyens, un père manœuvre, une mère femme de ménage, c’est inouï!

    Pourquoi refusez-vous d’aller au Maroc?

    A cause d’un vrai drame qui a eu lieu en 1972 et qui m’a marqué à vie. Ma mère s’était rendue avec une grande sœur au consulat du Maroc à Bruxelles pour obtenir des cartes d’identité. Pour rentrer au pays, c’était l’idée initiale de tous les Marocains immigrés, celle du retour. Après, avec les enfants nés ici, ces projets se sont souvent évanouis. Là, donc, on a exigé un bakchich et ma maman, indignée, a refusé. Des gorilles ont surgi, les ont giflées devant tout le monde puis les ont traînées dans les caves pour les tabasser avant de finir par les jeter sur le trottoir. Personne n’avait levé le petit doigt pour elles. Elles ont dû aller à l’hôpital, ont porté plainte, et ensuite subi des menaces pendant des semaines de flics marocains en civil. J’avais 4 ans. C’est mon héritage.

    Votre père n’était pas un opposant?

    Non, il avait, comme beaucoup de Rifains, une grosse méfiance de ce qui venait du «makhzen» (pouvoir pyramidal autour de la personne royale). Ils ont alors tenté d’acheter mes parents pour éviter un procès, ils ont offert un million de francs belges, une somme énorme en 1972, mais ma mère a refusé, elle a dit non à l’oppression, à l’injustice, au dictateur. Tout ce que je suis devenu depuis lors, c’est à partir de cet ancrage-là. Je précise que nous avons été aidés par des opposants, Abdelrahmane Cherradi et Mohamed el-Baroudi. Ce dernier était un compagnon de Mehdi Ben Barka, le grand leader de l’opposition marocaine assassiné en 1966 en France.

    Comment le makhzen entend-il contrôler l’immigration?

    Il y a eu longtemps les «amicales», ces associations marocaines dans les divers pays d’immigration où des barbouzes faisaient la loi. Les mosquées, aussi, ou les professeurs de religion islamique. Une toile tentaculaire. Et les gens avaient peur, surtout qu’ils rentraient les étés au Maroc. Pensez que des gens disparaissaient ! Maintenant, l’omerta continue dans les familles marocaines mais c’est plus policé, c’est en costume trois-pièces. Mohammed VI n’est pas sanguinaire. Mais on continue à étouffer tout projet de résistance dans l’œuf. Depuis que les immigrés ont le droit de vote, le Maroc s’assure l’allégeance des élus d’origine marocaine, il n’y a que cinq d’entre eux qui refusent cette mascarade. Il y a des élus qui sont des agents marocains dans les trois grands partis traditionnels. Mais des Belges y participent aussi, comme Philippe Moureaux, qui a organisé naguère des soirées en faveur de la «marocanité» du Sahara occidental payées par des deniers belges !

    Et la Belgique entretient de bons rapports avec le royaume…

    Cela cache quels intérêts? Qui a peur de la démocratie au Maroc chez nos politiques? Il y a 250 militants du mouvement du 20 Février (dans le sillage des «printemps arabes» en 2011, NDLR) qui sont en prison et personne n’en parle ! Le roi est l’une des plus grosses fortunes au monde, il est plus riche que l’émir du Qatar, selon le magazine Forbes, c’est le premier assureur au Maroc, premier banquier, premier propriétaire terrien, etc. cela sur le dos du peuple, c’est honteux. Mais cela ne durera pas, on va vers la fin de la monarchie…

    BAUDOUIN LOOS

    A lire dans Le Soir version papier, ce samedi 22 février 2014, mon reportage dans la région de Nador (Rif), et aussi un article sur la volonté du Maroc de contrôler les populations de l’immigration marocaine.

    Source : Blog de Baudoin Loos, 21 fév 2014

    Tags : Maroc, Makhzen, Sam Tousani,  Rif, Hirak,

  • Claude Moniquet, candidat aux élections européennes, accusé d’avoir conspiré contre la presse libre au Maroc

    Selon le site belge lalibre.be, Claude Moniquet, co-fondateur et directeur d’un centre d’expertise stratégique et sécuritaire à Bruxelles, emmènera l’une des Listes Destexhe aux élections du 26 mai prochain en tant que tête de liste au parlement bruxellois.

    Jusqu’au début des années 2000, Claude Moniquet cumule les emplois de journaliste et d’agent de renseignement (1).

    « Il fut aussi agent clandestin pour la DGSE, le service de renseignement extérieur de la France. A l’heure de solliciter la confiance de l’électeur bruxellois, il assure que c’est au début des années 2000 qu’il a mis un terme à cette activité de renseignement pour une puissance étrangère », ajoute la même source.

    Cependant, ce que la presse belge ignore, c’est que M. Moniquet a travaillé aussi à la solde du Maroc en tant que lobbyiste et a participé dans la mise à mort du Journal Hebdomadaire, un magazine marocain indépendant qui se battait pour la liberté de presse au royaume chérifien.

    Dans le numéro du 3 décembre 2005, Le Journal Hebdomadaire publie un dossier mettant en cause l’objectivité d’une étude de l’ESISC (Centre européen de recherches, d’analyses et de conseil en matière stratégique) sur le Polisario. Claude Moniquet, directeur du centre, décide alors de porter plainte (2).

    Le 16 février 2006, le tribunal de première instance de Rabat condamne Aboubakr Jamaï, alors directeur de publication du Journal Hebdomadaire et Fahd Iraqi, journaliste du même support, à payer trois millions de dirhams conjointement à l’ESISC et à une peine maximale prévue par le Code la presse de 50 000 dirhams chacun.

    Suite à cette affaire, Aboubakr Jamaï quitte ses fonctions au sein du journal. Il ne revient, pour occuper la fonction d’éditorialiste, qu’en septembre 2009.

    Le 30 septembre 2009, la cour de cassation confirme le jugement en appel rendu contre Aboubakr Jamaï et Fahd Iraqi. Ils doivent payer 3 millions de dirhams à Claude Moniquet à titre de dommages et intérêts. Le 16 octobre, un huissier de justice se présente dans les locaux du journal afin d’annoncer la saisie des comptes bancaires de la société Trimédia, -en charge de la gestion de l’hebdomadaire- et de ses avoirs auprès de son diffuseur Sapress.

    Acculé par le Makhzen, Aboubakr Jamaï quitte le Maroc. Dans une conférence de presse organisée à Bruxelles en octobre 2013 (voir vidéo), il revient sur les détails de l’opération menée conjointement par les autorités marocaines et M. Moniquet pour donner le tir de grâce au magazine Journal Hebdo.

    Transcription de la déclaration d’Aboubakr Jamaï sur M. Moniquet :

    « Claude Moniquet est à la tête d’une espèce de think-tank qui s’appelle l’ESISC. Fin 2005, il a publié un rapport sur le Polisario absolument aberrant où il explique que le Polisario était une organisation terroriste. Nous, on a pris ce rapport comme étant quelque chose de grave parce que la logique de l’autonomie c’était une logique de discussion avec le Polisario et vous ne discutez pas avec quelqu’un que vous traitez de terroriste. Ça n’a pas de sens. Donc, pour nous, la signification politique de la publication de ce rapport, il ne faisait pas de doute que ce monsieur l’avait fait sur commande. D’ailleurs, ça s’est justifié plus tard puisqu’il s’occupe de la communication de l’ambassade du Maroc vis-à-vis des eurodéputés. J’ai reçu un email d’un de ses employés qui dit « nous nous occupons de la communication de l’ambassade vis-à-vis des institutions européennes ».

    On a pris ce rapport et on en a parlé à des spécialistes de l’affaire du Sahara qui nous ont dit « ce rapport est nul » et nous avons conjecturé, c’est vrai, on a dit que ça ne peut qu’être payé.

    Il a décidé de porter plainte. Il était question qu’il sorte un droit de réponse que nous avions accepté sans aucun problème. Il a refusé et il a préféré porter plainte au Maroc alors qu’il peut le faire en France puisqu’il est de nationalité française et que le journal était vendu en France. Là, sa réputation aurait été sauvegardée puisqu’il y a une justice qui est considérée comme un peu plus indépendante que la marocaine.

    Ce qui est important de rappeler ici, c’est qu’il est passé par le processus de la citation directe. Vous avez deux façons de faire lorsque vous voulez porter plainte pour diffamation. Soit, vous passez par un procureur et donc la police judiciaire, qui enquête et qui appuie votre cas, soit, vous allez directement chez un juge et ça doit être jugé. Dans ce cas-là, le procureur de la République, ou du Roi en ce qui nous concerme, peut ne pas prendre position et dire « moi je n’ai pas d’avis particulier là-dessus ». Et dans notre cas à nous, parce que M. Benabdallah qui est toujours ministre et qui, à l’époque était ministre de la communication, a fait le tour des popotes en expliquant que c’était une histoire privée, qu’il n’avait rien à voir là-dedans. Pas du tout. Le procureur du roi a totalement appuyé la demande de Moniquet à qui on a été condamnés à payer 5 millions de DH, à peu près 400.000 euros et de m’interdire l’exercice de la profession de journaliste pendant 10 ans. Et le procureur du roi a appuyé cette demande très démocratique de ce citoyen français qui vit à Bruxelles. Al’issue de cela, j’étais condamné à payer 3 millions de DH, à peu près 250.000 euros. N’ayant pas les moyens de le faire, j’ai dû démissionner de mon poste de directeur de la publication du Journal hebdomadaire et de quitter le Maroc. Je l’ai fait lorsque l’huissier se plantait chez moi. J’ai été condamné en première instance, en appel et j’ai attendu vraiment jusqu’à ce qu’on vienne saisir mes meubles. A ce moment-là, il fallait que je parte ».

    Tags : Maroc, Makhzen, Le Journal Hebdomadaire, Claude Moniquet, élections européennes, Aboubakr Jamaï, presse, répression,

    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=SZOS0LK5x58&w=560&h=315]
  • Maroc : L’histoire épouvantable d’un militant rifain malade

    Abdelhamid ACHELHI: l’histoire d’un homme du mouvement rifain

    Abdelhamid ACHELHI, ex prisonnier politique du mouvement rifain, marié et père de deux enfants en bas âge, un travailleur indépendant. il y a deux mois, il a perdu son frère à cause d’un cancer. Il est issu d’une famille qui n’a que sa dignité comme la plupart des familles rifaines. Abdelhamid fut parmi les icônes remarquables du mouvement, il a réclamé, comme ses camarades, un hôpital, une université et l’emploi et d’autres revendications justes et légitimes, il a été torturé et emprisonné.

    Lors d’un des rassemblement pacifiques exigeant la libération des détenus, à l’été 2017, il a été brutalement attaqué par un policier marocain qui lui a asséné des coups dans les parties génitales , et l’a mis à terre. Transféré à l’hôpital régional, il a subi des examens préliminaires et a eu droit à quelques secours. Cependant, les coups qu’il a reçu ont provoqué un traumatisme du scrotum ( Bourses). Il n’a pu être opéré que récemment pour soigner les ecchymoses, bien qu’il ait continué à souffrir et réclamé son droit aux soins pendant son séjour en prison et après sa sortie depuis 7 mois .

    Quelques jours après cet incident, Abdelhamid sera arrêté et condamné à 2 ans et demi de prison. Au cours de ses premières semaines à la prison civile d’Al Hoceima, il a fait une chute. Il est resté paralysé pendant environ une heure. Après l’indifférence et le retard de l’établissement pénitentiaire, un médecin a été appelé pour l’examiner, mais il lui a administré des analgésiques. Bien qu’Abdelhamid ne se soit jamais plaint de douleurs au dos et à la colonne vertébrale, il souffrait de douleurs terribles à ces deux endroits, ainsi que des douleurs au scrotum.

    Malgré son état de santé épouvantable et les douleurs terribles qu’il avait endurées, l’administration pénitentiaire lui avait dit à chaque fois qu’il n’avait pas de problème grave et refusait de l’emmener à l’hôpital pour les examens nécessaires. Après cela, il sera tarsnféré à la prison civile de Taza. Là, ses souffrances continueront d’être exacerbées par une négligence médicale jusqu’à ce qu’il soit libéré via une grâce royale.

    Dès qu’il est sorti, il a commencé à frapper à toutes les portes pour lui permettre d’avoir son dossier médical. Malgré sa correspondance avec la délégation régionale du Conseil national des droits de l’homme à Al Hoceima et les autorités concernées, et bien qu’il s’est déplacé physiquement au département pénitentiaire de Taza, alors que son état de santé ne le lui permettait pas, il n’a pas pu obtenir une copie de son dossier médical. Ce qui le fit décider de faire un sit-in devant le siège de la préfecture. Il a reçu des pressions qui l’ont poussé à arrêter le sit-in en échange d’une promesse d’intervenir pour lui permettre de disposer de son dossier médical. Après rechignement et atermoiement, il recevra finalement un simple rapport sur son état de santé sans données précises.

    Devant l’aggravation de son état de santé, qui est l’unique gagne-pain de sa famille, Abdelhamid ACHELHI a de nouveau été contraint de se rendre au siège de la préfecture et de présenter son cas au préfet qui avait promis d’intervenir. Il a eu un rendez-vous le lundi 18 mars 2019 pour un examen radiologique. Mais avant ce jour promis, la santé d’Abdelhamid s’est sérieusement détériorée et le samedi 16 mars 2019, il a fait une chute dans la rue près de l’église. Il est resté paralysé au sol, par une douleur insupportable. Son ami qui l’accompagnait a appelé l’ambulance.

    Lassé d’attendre, il est allé voir les agents de sécurité en poste près de l’église pour leur dire qu’il devrait fermer la rue et bloquer le trafic, car l’ambulance n’était pas intervenue pour amener son ami à l’hôpital. C’est alors que quelqu’un a appelé l’ambulance. Abdelhamid ACHELHI sera transféré aux urgences à 14 h 30, il est resté alité, souffrant de douleurs à la tête, au dos et à la colonne vertébrale, alors que ses jambes étaient paralysées. On ne lui a fourni que des analgésiques, bien que le médecin les lui a contre-indiqués car ils ne faisaient qu’aggraver son état de santé.

    Au bout de plus de 5 heures, il a été forcé de rentrer chez lui pour faire ce qu’il ne voulait pas: revoir sa famille à moitié paralysée. Il devra retourner, une fois de plus, au service des urgences quand il a eu des douleurs insupportables, pour se faire injecter à nouveau, des analgésiques, pour retourner chez lui où il sera alité, en attendant : la bienveillance de Dieu, le soutien des braves du RIF, l’éveil de conscience des responsables à divers degrés pour qu’ils puissent s’acquitter de leur devoir juridique et humanitaire. Pour une fois: lui permettre de le soigner et de le sauver de la paralysie. Assez de cette situation !

    Nous souhaitons qu’Abdelhamid ACHELHI continue de jouir d’une bonne santé pour ses deux enfants, sa petite et grande famille et ses amis, ainsi que pour sa liberté, sa dignité et sa justice sociale. Demandons-nous l’impossible?

    Source

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, Abdelhamid Achalhi,

  • Mohamed VI : l’érosion constante de l’image du roi du Maroc

    Mohamed VI met la pédale douce sur ses voyages à l’étranger, mais les commentaires d’un acteur célèbre sur sa vie privée ou sa montre à plus d’un million d’euros continuent de nuire à sa réputation

    Assis entre son fils, le prince Moulay Hassan, et Melania Trump, le roi Mohamed VI (55 ans) s’est endormi trois fois le 11 novembre tandis que le président français Emmanuel Macron prononçait son discours à l’occasion du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Les caméras ont capté ce moment et les images du monarque dans les bras de Morphée, fulminé du regard par le président Donald Trump, ont fait le tour du monde. Des centaines de médias, de la chaîne de télévision yankee Fox News au journal péruvien El Comercio, les ont reproduites sur leurs sites ouèbe.

    La presse marocaine, en revanche, a omis de faire écho à la courte sieste qui a suscité des milliers de commentaires sur les réseaux sociaux, dont beaucoup de la part de Marocains. Les sujets du monarque plaisantent, mais dans les maisons de Casablanca ou de Rabat ils s’interrogent aussi sur la cause de ce sommeil prématuré : a-t-il eu une mauvaise nuit, est-il malade, fatigué, prend-il des médicaments qui le provoquent ? Il n’y a pas eu de réponse à ces questions, mais le ministère marocain des Affaires étrangères a fait circuler, pour compenser les dégâts, une photo dans laquelle Trump a été vu saluant cordialement le souverain alaouite.

    Alors que le Makhzen pensait avoir surmonté le faux-pas parisien, le malheur suivant s’est produit pour le monarque. Une fois de plus, la presse marocaine l’ignore, mais au Maroc on n’a parlé que de ça et la vidéo sur laquelle elle est basée a battu des records d’audience. Bachir Skiredj, Tangérois de 79 ans, est l’un des acteurs les plus populaires du Maroc : le roi Hassan II, père de Mohamed VI, lui a commandé plusieurs pièces. Il a côtoyé la famille royale pendant des années. Formé en France et en Espagne, il a travaillé avec les frères Tonetti [les 2 clowns d’Espagne les plus fameux de la seconde moitié du siècle dernier, NdT], s’est produit dans ces deux pays européens et aux USA où il possède deux chaînes de télévision locales.

    Noms d’oiseaux et bandes vidéo

    Allongé sur le canapé rouge de sa maison de Tanger, Skiredj est apparu au milieu du mois dans une vidéo répondant à des questions sur la vie privée de Mohamed VI. Ce qu’il dit du roi pourrait relever du code pénal marocain. Les propos de l’acteur sont parsemés d’insultes envers le souverain.

    La vidéo et ses insultes ont été téléchargées sur YouTube et Facebook et depuis, Skiredj n’arrête pas de s’excuser dès qu’il voit un micro. “Les mots qui m’ont été attribués sont haineux, dit-il. “Jamais dans l’histoire du Maroc les Skiredj, fidèles serviteurs de la famille royale, n’ont osé les prononcer”, ajoute-t-il. Il les a prononcées mais parce qu’il a été drogué, explique-t-il, par deux jeunes hommes, Issam et Khalid, qu’il a dénoncés et qui auraient même été arrêtés à Tétouan. Une petite poignée de médias ont repris les excuses présentées par l’acteur – la plupart omettent le sujet – mais à aucun moment ils n’expliquent quels termes il a utilisé pour outrager Mohamed VI.

    Quelles étaient les intentions des personnes qui ont enregistré le vidéo ? Probablement se venger des conditions de travail tristement célèbres que l’acteur leur a offertes pour travailler dans un spectacle. Celui qui ne pourra plus travailler au Maroc est probablement Skiredj lui-même, selon les spéculations des milieux journalistiques à Rabat et Casablanca. L’épisode de Skiredj s’ajoute aux épisodes précédents qui ont érodé l’image de la monarchie.

    Le magazine espagnol ¡Hola! a révélé en mars dernier que Mohamed VI avait divorcé de sa femme, la princesse Lalla Salma, qui n’a pas été vue en public depuis presque un an. Bien que légal, le divorce d’un chef d’Etat n’est pas entièrement bienvenu dans une société musulmane conservatrice comme le Maroc. C’est peut-être pour cela que le makhzen n’a jamais confirmé les révélations de ¡Hola!

    Début septembre, le roi est apparu sur une photo dans laquelle il montrait à son poignet, comme l’a révélé le compte Instagram Luxury Life, une montre Nautilus de l’horloger suisse Patek Philippe, d’une valeur de 1,2 million de dollars (1,05 million d’euros) en raison des diamants dont elle est sertie. A cette occasion, une partie de la presse a répercuté l’information qui a même atteint les habitants des misérables bidonvilles d’Errigui et d’Eljadid dans la banlieue de Casablanca. Alors, lorsque les forces de sécurité ont tenté de les expulser à la fin du mois, ils sont descendus dans la rue et certains manifestants ont montré avec indignation leur montre devant la caméra, déclarant qu’ils les avaient payées un prix ridicule, moins de cinq euros.

    Dans les manifestations populaires « il y a un changement de ton devant le monarque », a noté le journaliste indépendant Reda Zaireg en octobre dans le journal en ligne Yabiladi. « (…) La critique est désormais plus directe et prend des proportions sans précédent, ce qui constitue un rejet de l’État et de ses symboles », a-t-il ajouté. Il conclut par un pronostic risqué : « la monarchie n’apparaît plus inexpugnable ».

    De J’aime à Je n’aime pas

    Alifpost, petit journal en ligne destiné à un public marocain, mais dont le siège est à Grenade, est allé jusqu’à exiger le mois dernier que la famille royale Alaoui “rembourse une partie de la dette qu’elle a contractée avec le peuple (…)”. “Nous attendons de la monarchie qu’elle renonce à une partie de ses richesses au profit du peuple marocain “, a-t-il écrit. « Il ne s’agit pas de faire des dons directs aux comptes courants des citoyens, mais de prendre des initiatives concrètes dont bénéficie la nation, à commencer par les jeunes qui s’immolent par le feu ou se noient dans la Méditerranée, en la traversant pour chercher une vie meilleure ». La fortune du roi irait chercher loin. Le magazine US Forbes estime qu’elle s’élève à quelque 5,7 milliards de dollars (5 017 millions d’euros).

    L’information sur le monarque, et pas seulement celle de la montre de luxe, est souvent agrémentée dans les journaux en ligne de commentaires peu respectueux, parmi lesquels se faufilent d’autres commentaires élogieux, généralement écrits par une légion d’internautes à la solde du makhzen. Même les discours et les actes de Mohamed VI affichés sur YouTube suscitent maintenant plus de Je n’aime pas que de J’aime. C’est pourquoi le ministre de la Communication, Mohamed Laarej, a publié en septembre un communiqué avertissant que “le directeur de la publication est tenu de ne diffuser aucun contenu qui constitue un délit (…)”.

    Malgré ce récent discrédit de l’institution monarchique, de nombreux Marocains continuent à compter sur elle pour résoudre leurs problèmes quotidiens. La preuve en est que pour remettre une lettre avec leurs pétitions, il y a des citoyens qui n’hésitent pas à sauter sur l’entourage royal, le forçant parfois à s’arrêter pour ne pas lui marcher dessus. Le dernier procès pour ce crime a eu lieu à Salé fin septembre, et l’accusé a été condamné à pas moins de dix ans de prison parce qu’il s’est également heurté aux policiers qui l’ont arrêté.

    La bonne réputation du Commandeur des croyants, autre titre détenu par Mohamed VI, s’est détériorée non seulement dans son royaume mais aussi en France, le pays le plus proche du Maroc. Jusqu’à présent, les autorités marocaines se plaignaient fréquemment de la presse espagnole, qu’elles comparaient à la presse française, qu’elles qualifiaient de “plus responsable”. Les choses ont changé. “Mohamed VI, un roi très absent“, titrait le quotidien catholique parisien La Croix en avril dernier. “Maroc : Le roi Mohammed VI s’amuse et ça se voit sur Instagram“, titrait la couverture de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur. Les deux médias et quelques autres ont enfin raconté ses longs séjours à l’étranger, notamment en France entre Paris et le château familial de Betz.

    Mais celle qui décroche la palme de l’information irrévérencieuse est sans aucun doute la la radio publique France-Inter qui a aussi le fort taux d’audience, surtout ses informations matinales, écoutées par 3,8 millions d’auditeurs. Au cours des deux derniers mois, elle a consacré trois chroniques humoristiques matinales à Mohamed VI. Dans la première, le chroniqueur Anthony Bellanger le décrit comme “un roi virtuel pour ses sujets”, ajoutant qu’il était “tombé amoureux” d’un boxeur de 32 ans nommé Abou Azaitar. Un mois plus tard, Charline Vanhoenacker concluait sa chronique radio satirique par l’allusion suivante à l’attachement supposé du souverain pour les lieux de fête : « Bref, le roi est nu, mais debout sur le bar de la discothèque ». Enfin, l’humoriste Aymeric Lompret a reproduit, avec force blagues*, ce qui aurait pu être, le 15 novembre, la conversation entre le roi et Macron à bord du TGV marocain qu’ils ont inauguré ensemble. Ces pilules d’humour sont inimaginables sur la Radio Nacional de España, l’équivalent espagnol de France-Inter.

    La presse française est cependant quelque peu déphasée lorsqu’elle rend compte du Maroc. Depuis l’été, Mohamed VI a réduit ses voyages à l’étranger et a augmenté son activité dans son royaume dans une tentative évidente d’améliorer son image. A cause d’accrocs comme la vidéo de Skiredj, cet effort n’a peut-être pas encore eu l’effet escompté.

    *Exemple : « – M6 : des TGV , j’en prends chaque soir 4 ou 5. -Brigitte :Comment ça ? -M 6 : ben oui des cocktails TGV : Tequila-Gin-Vodka » [NdT]

    Source : Tlaxcala, 24 nov 2018

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Makhzen, TGV, Macron, France,

  • Selon un journal allemand le differend maroco-saoudien est : Mohammed contre Mohammed

    Différend entre le Maroc et l’Arabie Saoudite: Mohammed contre Mohammed

    Le Maroc et l’Arabie saoudite sont des alliés proches depuis des décennies, mais les relations se sont considérablement détériorées. Le roi Mohammed VI ne veut pas suivre les pas du prince héritier saoudien.

    Quand deux gouvernements parlent souvent d’entente, il y a quelque chose qui ne va pas. C’est le cas depuis quelques mois entre le Maroc et l’Arabie Saoudite. « Nos relations diplomatiques avec les pays du Golfe sont solides, en particulier avec l’Arabie saoudite « , a déclaré le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita en février. L’Arabie saoudite est satisfaite de ses relations de longue date avec le Maroc, a répondu mardi Abdullah bin Mohammed Al Al-Sheikh, président du Conseil de la Choura, qui conseille le roi Salman.

    Mais les déclarations amicales ne peuvent cacher le fait que les relations entre les deux monarchies se sont considérablement refroidies au cours des deux dernières années. Comme tant d’autres choses, cela a à voir avec l’ascension de Mohammed bin Salman au rang de prince héritier d’Arabie Saoudite.

    Lorsque l’héritier du trône – appelé MBS – a imposé un blocus à son voisin Qatar en mai 2017, il s’est appuyé sur son homonyme marocain, le roi Mohammed VI, pour rejoindre le boycott. Après tout, les deux monarchies sunnites ont toujours été en ligne avec les grandes questions politiques – la lutte contre le socialisme et le panarabisme, les liens étroits avec les États-Unis, la résistance à l’influence de l’Iran dans le monde arabe – pendant des décennies.

    Le roi Salman renonce aux vacances d’été au Maroc

    Il est donc d’autant plus surprenant que le Roi Mohammed ait annoncé il y a deux ans que le Maroc voulait rester neutre dans le conflit entre l’Arabie saoudite et le Qatar. De plus, en novembre 2017, le monarque a même rendu visite au Cheikh Tamim, l’Emir du Qatar. Il a également commandé des vivres à l’état nain scellé. Alors que les médias du Qatar célébraient l’invité marocain comme le « premier briseur de blocus », le mécontentement s’est manifesté à Riyadh.

    En juin 2018, l’Arabie Saoudite a battu le Maroc pour accueillir la Coupe du Monde de Football 2026 et la maison de Riyad a non seulement annoncé publiquement son soutien à la candidature conjointe du Canada, des Etats-Unis et du Mexique. Il a également été garanti que la majorité des États arabes votent contre la candidature du Maroc.

    Puis, l’année dernière, le roi Salman a renoncé à ses vacances d’été traditionnelles au Maroc. Le monarque passe en général plusieurs semaines sur le terrain de 74 hectares de son palais près de Tanger, accompagné d’un entourage d’un millier de serviteurs. Le roi Salman devrait dépenser environ cent millions d’euros par an au Maroc, ce qui représente à lui seul environ 1,5 % des recettes touristiques annuelles du pays. Mais en 2018, le roi âgé a préféré passer ses vacances d’été dans son propre pays – dans le nouveau mégaprojet Neom sur la mer Rouge.

    Piqûres sur les médias

    Puis, en octobre, lorsque MBS a subi des pressions internationales à cause du meurtre de Jamal Khashoggi, la famille royale du Maroc, contrairement à la plupart des autres États arabes, a évité d’assurer le Prince héritier de son soutien. En novembre, MBS a fait une tournée dans le monde arabe pour recueillir des déclarations de solidarité. Il a fait des escales aux Emirats Arabes Unis, à Bahreïn, en Egypte et en Mauritanie – le roi Mohammed VI ne voulait pas le recevoir. Le monarque avait un emploi du temps serré, le ministre des Affaires étrangères Bourita l’a ensuite poussé à faire une déclaration.

    Depuis le début de l’année, les tensions entre Rabat et Riyad se sont à nouveau intensifiées. En janvier, le ministre des Affaires étrangères, M. Bourita, a annoncé que le Maroc avait pratiquement mis fin à son engagement militaire dans la guerre menée par l’Arabie saoudite au Yémen. Il l’a fait savoir dans une interview à Al Jazeera. La chaîne d’information est basée à Doha et est considérée par l’Arabie saoudite comme une chaîne ennemie. MBS a fait de la fermeture de la chaîne une condition pour mettre fin au blocus contre le Qatar.

    Encore une fois, il n’a pas fallu longtemps pour que la maison royale des Saoud lui rende la pareille, y compris par l’intermédiaire des médias. La chaîne de télévision saoudienne Al-Arabiya, financée par l’Arabie saoudite, a diffusé un documentaire mettant en cause la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Le film décrit le territoire désertique comme un « territoire occupé » et laisse la parole à l’organisation de libération du Sahara occidental, Polisario.

    Rabat a ordonné aux ambassadeurs de revenir

    Pour Rabat, c’est une aberration : le Maroc considère le Sahara Occidental comme un territoire marocain depuis 1975 – une revendication qui a jusqu’à présent été également reconnue par l’Arabie Saoudite.

    Une semaine plus tard, Rabat rappela son ambassadeur. Officiellement pour des consultations sur les relations diplomatiques entre le Maroc et l’Arabie Saoudite.

    Entre-temps, le diplomate est retourné à Riyad. Mais il faudra beaucoup de temps avant que les relations entre les deux maisons royales soient aussi bonnes qu’elles l’étaient auparavant. Les relations avec le Maroc sont ainsi devenues un exemple de la façon dont le prince héritier MBS, avec sa politique impulsive, frappe à plusieurs reprises des alliés bien intentionnés dans la tête.

    En résumé : Les relations entre les maisons royales au Maroc et en Arabie Saoudite n’ont jamais été aussi mauvaises. Le roi Mohammed VI ne participe pas au blocus du Qatar par l’Arabie saoudite et a largement mis fin à son implication militaire dans la guerre au Yémen. Entre-temps, Rabat a même ordonné à son ambassadeur de rentrer de Riyad. Le conflit est mené entre autres par les médias et dans la politique sportive.

    Spiegel Online

  • Impliqué dans une affaire de traite humaine, un diplomate marocain expulsé par Washington

    Selon le site Lakome, les autorités américaines ont expulsé jeudi le dénommé Abdeslam Jaidi, attaché la mission permanente du Maroc auprès des Nations Unies à cause de son implication dans une affaire de traite humaine.

    Son ex-épouse, Elisa Estrella Jaïdi, a été arrêtée plus tôt cette semaine accusé de traite d’êtres humains et fraude sur les visas.

    La version française de l’acte d’accusation du Ministère de la Justice des Etats-Uni a été publiée par le site Alif-Post. Voici son texte intégral :

    La justice fédérale acusse deux personnes de complot de fraude de visa impliquant un consulat marocain et une mission à New York.

    Le procureur Geoffrey S. Berman a déclaré : “Comme il est allégué, les accusés ont abusé de la procédure d’admission des fonctionnaires consulaires de notre pays afin d’amener des employés de maison dans ce pays pour leur propre gain monétaire et leur mode de vie. De plus, Maria Luisa Estrella Jaidi a exploité ces travailleurs en ne leur offrant pas les protections et les avantages auxquels ils auraient eu droit s’ils avaient été amenés dans ce pays avec les visas appropriés. Les accusations d’aujourd’hui démontrent que la fraude et les abus de ce genre ne seront pas tolérés.”

    Christian J. Schurman, directeur du DSS, a déclaré : “Le DSS a démontré son engagement à protéger l’intégrité des documents de voyage américains et les droits des ressortissants étrangers en visite aux États-Unis. Nous continuerons à poursuivre ceux qui abusent des visas de travailleurs domestiques pour manipuler et exploiter leurs employés à des fins personnelles. Les liens étroits que le MAS entretient avec ses partenaires chargés de l’application de la loi et le bureau du procureur du district sud de New York continuent d’être essentiels à la poursuite de la justice.”
    Selon les allégations contenues dans la plainte non classée par la Cour fédérale de White Plains[1] :

    Entre 2006 environ et 2016, JAIDI et ESTRELLA ont conspiré avec une personne non nommée comme défenderesse dans la plainte (“CC-1”) pour obtenir frauduleusement des visas pour au moins sept travailleurs domestiques philippins (les “travailleurs domestiques”). CC-1 est un agent diplomatique accrédité auprès de la Mission permanente du Royaume du Maroc auprès des Nations Unies (la ” Mission marocaine “) avec rang d’Ambassadeur. De 1980 environ à 2016 environ, CC-1 et JAIDI se sont mariés.

    Afin d’obtenir frauduleusement des visas pour les employées de maison, la JAIDI et le CC-1 ont obligé les employées de maison à présenter des demandes de visa contenant des déclarations matériellement fausses et à présenter des contrats de travail frauduleux à l’appui de ces demandes de visa. ESTRELLA – qui est le frère de JAIDI et qui réside aux Philippines – a aidé à recruter plusieurs employées de maison aux Philippines pour travailler pour JAIDI et CC-1 aux États-Unis et a demandé aux employées de maison de faire de fausses déclarations dans leurs demandes de visa et aux fonctionnaires de l’ambassade des États-Unis à Manille.

    En particulier, ESTRELLA, JAIDI et CC-1 ont fait en sorte que cinq des employées de maison ont faussement indiqué dans leur demande de visa qu’elles seraient employées comme secrétaires, assistantes administratives ou techniciens à la Mission marocaine ou au Consulat général du Royaume du Maroc à Manhattan. En outre, ESTRELLA, JAIDI et CC-1 ont fait en sorte que chacune des employées de maison soumette des contrats de travail frauduleux au département d’État à l’appui de leur demande de visa. Les contrats de travail frauduleux ont également surévalué les salaires des employées de maison, sous-estimé leurs heures de travail et faussement garanti les avantages sociaux, y compris, entre autres, les congés de maladie, l’assurance dentaire et l’assurance médicale.

    Une fois les employées de maison arrivées aux États-Unis, JAIDI et CC-1 les ont employées comme chauffeurs personnels, aides domestiques, ouvriers agricoles et assistants à leur résidence à Bronxville, New York, ainsi que dans leur ferme à Ancramdale, New York. La JAIDI et le CC-1 payaient les employées de maison beaucoup moins que le salaire minimum exigé par la loi et les obligeaient régulièrement à travailler beaucoup plus de 40 heures par semaine. En outre, la JAIDI et le CC-1 ont généralement refusé aux employées de maison les avantages prévus dans leurs contrats de travail, les ont obligées à travailler sept jours sur sept et leur ont demandé de remettre leur passeport.

    JAIDI, 60 ans, de Bronxville, New York, et ESTRELLA 55, de Manille, Philippines, sont tous deux accusés d’un chef de complot en vue de commettre une fraude de visa et de faire des déclarations matériellement fausses, qui est passible d’une peine maximale de cinq ans, et un chef de complot pour inciter des étrangers à entrer aux États-Unis et à y séjourner de façon illégale, qui est passible d’une peine maximale de 10 ans. Les peines maximales possibles dans cette affaire sont prescrites par le Congrès et ne sont fournies ici qu’à titre d’information, puisque toute peine imposée aux défendeurs sera déterminée par le juge.

    M. Berman a fait l’éloge du travail remarquable de la Direction des enquêtes sur les fraudes criminelles du DSS, du Bureau des résidents du DSS de Saint-Albans, du Bureau local du DSS à New York, des Enquêtes de sécurité intérieure, de la Division des salaires et des heures du Département du travail des États-Unis du Bureau de district d’Albany, du Yonkers Police Department et de la New York State Police. En outre, M. Berman a remercié le bureau du procureur du district nord de New York, le Community Development Project du Urban Justice Center et le Human Trafficking Program du Worker Justice Center of New York pour leur aide dans cette enquête.

    Cette affaire est traitée par la Division des plaines blanches du Bureau. Les procureurs adjoints Sam Adelsberg et Gillian Grossman sont chargés des poursuites.

    Les accusations contenues dans la plainte ne sont que des accusations et les accusés sont présumés innocents jusqu’à preuve du contraire.

    Tags : Maroc, Consulat du Maroc à New York, Elisa Estrella Jaidi, Abdeslam Jaidi, Ramon Estrella, traite d’êtres humains, fraude aux visas,

  • L’ONU classe la France au même rang que le Soudan et le Zimbabwe sur les violences policières

    Les policiers algériens ont refusé de brutaliser les manifestants qui sont descendus dans les rues pour protester contre le cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika . Aucun tir de flash ball ou de gaz lacrymogène. Au milieu des manifestants, ils ont été applaudis comme des héros.

    Par contre, le Haut-commissaire de l’Onu aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, a demandé mercredi à la France qui se proclame pays des droits de l’homme,  de mener une enquête sur les cas de violences policières pendant les manifestations des Gilets jaunes.
    «Nous encourageons le gouvernement [français, ndlr] à poursuivre le dialogue […] et l’exhortons à mener une enquête complète sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force», a-t-elle déclaré devant le Conseil des droits de l’Homme à Genève.

    Michelle Bachelet est même allée plus loin, comparant la situation en France à celle des répressions violentes au Venezuela,  à Haïti  et dans les pays africains dont le Soudan, le  Zimbabwe où les manifestants «réclament un dialogue respectueux et de vraies réformes».

    La France se dit étonnée de l’exigence formulée par l’Onu d’ouvrir une enquête sur «l’usage excessif de la force»,  de se retrouver sur une liste entre le Venezuela qu’elle critique  et Haïti à qui elle donne des leçons de démocratie.

    Sur fond de l’exigence des Nations unies d’ouvrir une enquête sur «l’usage excessif de la force» à l’encontre des manifestants, qui a de nouveau marqué l’acte 16 des Gilets Jaunes , le porte-parole du gouvernement français , Benjamin Griveaux, s’est exprimé sur le sujet à la sortie du conseil des ministres au Palais de l’Élysée.

    «Il faut […] s’étonner tout de même de se retrouver cité dans une liste entre le Venezuela et Haïti où il y a eu des morts […] des morts nombreux», a-t-il dit.
    Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a réagi lui aussi à la nouvelle.

    Poursuivant son allocution, Benjamin Griveaux a rappelé que des enquêtes avaient été lancées «notamment par l’Inspection générale de la police nationale» et a fait état de 162 enquêtes ouvertes à la date du 1er mars. Il a souligné dans ce contexte que «la moindre des choses» était d’écouter les Nations unies et «de les prendre en considération». Avant d’ajouter toutefois:
    «Il est bien de voir le verre à moitié vide […], mais il est de mon devoir de rappeler que parfois il peut être vu à moitié plein».

    Le Conseil d’État français  a rejeté début février la demande de suspension de l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD). Il avait été saisi par la CGT, la Ligue des droits de l’Homme, le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France, qui jugent leur usage dangereux, ainsi que des personnes blessées par des tirs à Nîmes et Montpellier.

    On comprend donc maintenant pourquoi les dictatateurs d’Afrique francophone  continuent à tirer à balles réelles  sur des manifestants sans jamais être interpellés par le gouvernement français. L’exemple vient de la France.

    Courrier des journalistes , 10 mars 2019

  • Le Maroc expulse un groupe de sympathisants espagnols du Hirak

    La police marocaine a expulsé aujourd’hui un groupe de cinq sympathisants espagnols du mouvement rifain du Hirak et a interdit l’entrée d’un sixième, David Peñafuerte, dirigeant de la section andalouse du parti Podemos, a rapporté ce derniers dans une déclaration faite depuis la ville de Mélille à l’gence EFE.

    Peñafuerte, membre du Conseil Citoyen de l’organisation régionale du parti et organisateur du voyage, a expliqué que le groupe était composé de plusieurs amis qui sont en trtain de créer une « Association Andalouse d’Amitié avec le Peuple du Rif », composée d’Espagnols et de rifains exilés en Andalousie, et avaient prévu de passer un week-end dans le Rif, officiellement pour des raisons touristiques.

    Toutefois, Peñafuerte a reconnu que le groupe prévoyait de dîner « en privé et en dehors du programme officiel » avec Ahmed Zefzafi, le père du leader du Hirak Naser Zefzafi, qui est détenu dans une prison de Casablanca.

    Dès qu’il est entré à la frontière de Beni Ensar, entre Melilla et Nador, la police des frontières a retenu le groupe pendant trois heures « dans lesquelles nous avons été traités correctement », et a finalement dit à Peñafuerte qu’il était interdit d’entrer au Maroc.

    Le reste du groupe – tous les militants ou sympathisants de groupes de gauche – ont poursuivi leur voyage jusqu’à Al Hoceima, capitale du Rif, mais ont été interceptés à un barrage routier et ont reçu l’ordre de la police de faire demi-tour, demandant à un chauffeur de taxi de les ramener à Melilla.

    Peñafuerte a reconnu que les membres du groupe ne sont pas seulement des sympathisants du Hirak, mais aussi de l’indépendance sahraouie, et il était lui-même il y a seulement deux semaines à Tindouf, siège du Front Polisario, où il était venu partager un dîner avec son président, Brahim Ghali.

    Les expulsions de militants occidentaux du territoire du Sahara occidental sont fréquentes, mais au cours de l’année écoulée, la police a également procédé à ces expulsions de la région du Rif, les concernés étant des journalistes et même des hommes politiques élus dans leurs pays respectifs.

    Jusqu’à présent, ni la police marocaine ni le gouvernement n’ont donné des explications sur les expulsions des Espagnols.

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, Podemos Andalucía, Podemos, David Peñafuerte,

  • L’histoire d’un journal qui déplaisait au roi du Maroc

    Le Journal hebdomadaire, vous connaissez? Mais oui, cette publication marocaine qui eut ses heures de gloire, entre sa naissance en 1997 et son décès en 2010… Un journal pas comme les autres, au Maroc. Indépendant et compétent. Gênant, donc. Qui devait mourir, et qui est mort.

    Une conférence originale s’est tenue à Bruxelles, à l’Espace Magh, le samedi 16 février dernier. De nombreux acteurs de cette expérience originale se sont en effet retrouvés pour l’évoquer, à l’initiative de Radouane Baroudi(1).

    Pourquoi donc des hommes et des femmes ont-ils un jour lancé un organe que Hassan Bousetta, admiratif, a appelé « une voix critique dans un contexte d’unanimisme imposé, un travail de transgression de l’ordre politique balisé par des lignes rouges »? Les anciens du Journal en conviennent: c’est Hassan II qui, dans un souci d’ouverture, a permis en fin de règne que l’expérience prenne son envol. Quitte à le regretter? En tout cas, a avancé Aboubakr Jamaï, directeur du Journal, «c’était une des premières fois qu’une entreprise privée marocaine appuyait un projet éditorial respectant la déontologie d’une presse libre tout en ayant le souci de faire du bénéfice. C’est original car, au Maroc, c’est l’un ou l’autre… ».

    De quoi une presse libre devrait-elle donc parler? « Nous avons assumé notre « naïveté », a .expliqué Jamaï. Nous considérions que si la Constitution dit que le pouvoir c’est le roi, notre contrat était de parler de celui ou de ceux qui ont un impact sur la vie des gens, de là où le pouvoir se trouve. On nous a accusés de « vendre » en mettant le roi en scène (il est vrai qu’un quart des couvertures lui était consacrée), mais pourquoi les Marocains achètent-ils un journal qui fait de l’investigation à propos du roi? Les gens s’intéressent à la politique quand on les prend pour des adultes. »

    « On a cru que c’était le dernier numéro! »

    Ali Lmrabet, rédacteur en chef peu après la période initiale, en 98-99, raconte: « On a essayé de faire “autre chose”, sous Hassan II. En se demandant comment asticoter le régime. On a écrit des dossiers. Sur Ben Barka (assassiné à Paris en 1965), sur Abraham Serfaty (juif marocain d’extrême gauche longtemps exilé). A l’époque, ces choses-là étaient en principe impossibles! On essayait des sujets que les autres n’osaient pas traiter. Comme les droits de l’homme. Lorsque nous avons publié l’interview que j’avais faite à Paris de Malika Oufkir (fille aînée du général qui avait tenté un coup d’Etat contre Hassan II en 1972, le roi se vengeant ensuite sur toute sa famille), on a cru que c’était le dernier numéro! »

    Fadel Iraki, assureur de son état et, surtout, principal actionnaire du Journal hebdomadaire, confirme l’anecdote. « Je ne me suis jamais mêlé du contenu éditorial, c’était même une condition que j’avais posée pour mettre de l’argent dans cette expérience. La seule fois que Aboubakr Jamaï m’a appelé, c’était pour la une sur Malika Oufkir. Il m’a dit qu’on risquait de se faire interdire une fois pour toutes. J’ai lui ai dit, vas-y si c’est ce que tu veux. »

    Ces péripéties funestes qui datent de Hassan II auraient pu – dû – s’arrêter avec Mohammed VI, qui a succédé à son père en juillet 1999. Mais c’est tout le contraire qui s’est produit! « Nos vrais ennuis ont commencé avec « M6 » en 2000, a souligné Aboubakr Jamaï. Avec notre interview de Mohamed Abdelaziz, chef du Polisario (les indépendantistes du Sahara occidental, pestiférés au Maroc), et un dossier sur la connivence entre une partie de la classe politique et les putschistes des années 70. On a été interdit deux fois, puis on a subi une répression judiciaire basée sur des dossiers fabriqués de diffamation. Mon exil est dû à un Français de Bruxelles qui nous a fait un procès. Je suis parti quand un huissier est venu frapper à ma porte, je devais 250.000 euros… Et je ne parle pas du boycott économique (la pub…) pratiqué par les entreprises publiques mais aussi par la plupart des privées qui craignaient pour leurs contrats. Finalement, notre modèle économique a vécu car le roi l’a souhaité »…

    « On m’a dit: ”Aboubakr doit partir” »

    Mais le combat a été plutôt long car le Journal a fait de la résistance. Ali Lmrabet quittait certes l’hebdo en 1999 car il estimait, contrairement à Jamaï, que le « makhzen » (le système de pouvoir pyramidal à partir du roi) ne se réformerait pas avec le nouveau roi. L’histoire lui donna raison. « On m’a dit: ”Aboubakr doit partir”, a raconté Fadel Irak; c’était mon seul pouvoir, celui de décider qui était directeur; j’ai refusé. Il y a ensuite eu la censure à propos du Sahraoui Abdelaziz: on a publié des pages blanches et atteint un record de 70.000 exemplaires vendus au lieu de 25.000, on a dû refuser de la pub! Mais cela a vite changé: l’interdiction de décembre 2000 dura cinq à six semaines en raison du papier sur la gauche des années 70 en phase avec les putschistes. En fait, personne ne voulait qu’il soit su que la gauche et les militaires avaient pactisé contre Hassan II ! Il a fallu une brève grève de la faim d’Aboubakr à Paris pour qu’on puisse reparaître mais la pub s’est réduite comme peau de chagrin et on a commencé des procès en cascade. Jusqu’au moment où cela ne fut plus possible, et que survienne une décision de justice de liquidation. »

    Omar Brouksy, qui participa à l’aventure entre 2001 et 2010, n’a pas donné une explication très différente, au contraire. « Aboubakr misait sur le lectorat: on allait parler du vrai pouvoir; ce qui était ressenti comme une menace par le régime car on était vraiment indépendant, ce qui suffisait pour déranger. Notre second point fort: nous n’étions pas un tract antirégime; on partait de l’info, on donnait la parole à toutes les sensibilités, surtout les minorités. Car le Maroc n’est pas une démocratie, l’accès aux infos fiables n’est guère aisé, c’était notre force avec aussi des infos recoupées, démontrées. »

    Et d’ailleurs, conclura-t-il, rien n’a vraiment changé. « Actuellement, les thématiques restent les mêmes, malgré la nouvelle constitution, malgré le printemps arabe: l’autoritarisme, la prééminence de la monarchie, la non-indépendance de la justice, les détentions politiques (plus de cent militants du 20 février sont encore en prison), les atteintes à la liberté d’expression, les pressions économiques qui continuent, tout est toujours là. »

    « On en a pris plein la gueule »

    Que deviennent les journalistes courageux? (2) Ils ont le loisir de méditer: après un séjour en prison, Lmrabet a été condamné en 2005 à une peine inconnue au code pénal, une interdiction d’exercer le métier de journaliste pour dix ans; Aboubakr Jamaï doit toujours payer des centaines de milliers d’euros d’amendes et vit en Espagne; Omar Brouksy, reconverti à l’Agence France Presse, s’est vu retirer son accréditation il y a quelques mois pour avoir écrit dans un reportage que les candidats du PAM (Parti authenticité et modernité) étaient « proches du palais royal », ce qui est pourtant une banalité bien connue au Maroc; quant à l’assureur Fadel Iraki, il a subi un redressement fiscal énorme pour prix de son engagement dans le Journal hebdomadaire.

    Il fallait que ces choses soient dites. Comme l’a précisé mi-figue mi-raisin Aboubakr Jamaï, « on a été utilisé comme punching-ball, pour faire un exemple, et on en a pris plein la gueule. La presse marocaine fonctionne avec le bâton et la carotte, on a subi le bâton, d’autres profitent de très grosses carottes, il y a beaucoup de directeurs de publication qui en profitent bien ». Il n’est pas étonnant, dès lors, que le même homme lâche ce jugement amer: « Maintenant, on peut dire que l’état de la presse marocaine est pire que dans les années 90 ». BAUDOUIN LOOS

    (1) Il est symptomatique que la rencontre ait eu lieu en Belgique et non au Maroc, mais il est vrai qu’elle n’a pu se tenir qu’en raison de la volonté et de la ténacité du réalisateur Radouane Baroudi, fils de l’exilé politique Mohamed el-Baroudi, qui avait quitté son pays en 1963 et est mort en Belgique en 2007 sans avoir jamais revu son pays. Les efforts de Radouane Baroudi ont été récompensés: le public, plus d’une centaine de personnes, a répondu présent, ainsi que la plupart de ses invités, passionnants. Mais parmi les plus de cent vingt élus belges d’origine marocaine de tous niveaux politiques, seuls trois ont assisté aux travaux: les sénateurs PS Hassan Bousetta (qui a même présidé une partie de la conférence) et Ahmed Laaouej, président de l’Espace Magh, ainsi que le député Ecolo Fouad Lahssaini.

    (2) Ali Lmrabet dirige un journal en ligne: www.demainonline.com et Aboubakr Jamaï participe à l’expérience journalistique de fr.lakome.com/

    Tags : Maroc, Makhzen, Mohammed VI, Le Journal Hebdomadaire, Aboubakr Jamaï, Radouane Baroudi, Ali Lmrabet, Fadel Iraki, presse, Demain Online,
  • Liberté de la presse : Mohammed VI pire que le Hassan II des années 90

    Lakome, 19 octobre 2013

    La vision d’un kiosque à journaux marocains est trompeuse. À contempler cette variété de journaux et de magazines, on serait excusé de penser que les médias marocains sont libres. Mais ce pluralisme formel cache un unanimisme éditorial sur les questions politiques les plus importantes digne d’un régime autoritaire.

    On appelle cela les lignes rouges. Selon la Doxa du régime marocain et des élites qui le soutiennent, ces lignes rouges sont l’Islam, l’intégrité territoriale et la monarchie. En réalité, l’une de ses lignes est plus rouge que les autres: La monarchie.

    Lorsqu’on affirme que l’Islam est une ligne rouge, ce qui est vraiment dit est que la version de l’Islam voulue par la monarchie ne doit pas être critiquée. Lorsqu’on dit que l’intégrité territoriale du pays est sacrée, on veut dire que la gestion de la question du Sahara par la monarchie ne doit être remise en question.

    En fait, il n’est pas permis de remettre en cause les prérogatives de la monarchie ou de critiquer sa façon de gouverner le pays. Cette limite rend l’exercice d’un journalisme de service public impossible puisque sa fonction première et la plus noble est d’informer les citoyens sur la gestion des affaires publiques, donc de porter un regard critique sur les détenteurs du pouvoir et leur façon d’exercer ce pouvoir.

    Pour retrouver une certaine liberté de ton sur ces sujets sensibles, c’est sur Internet et les nouveaux médias online qu’il faut chercher. Il n’en a pas toujours été ainsi. Les réseaux sociaux et la presse numérique sont des phénomènes nouveaux. et surtout la presse dite traditionnelle à connu vers la fin des années 90 et le début des années 2000 une période faste qui a permis l’éclosion de nouvelles publications indépendantes.

    L’évolution de l’indice de liberté de la presse publiée par l’organisation américaine Freedom House est à cet égard édifiante. De 1994 à l’année 2000, l’indice évolue positivement indiquant une libéralisation croissante des médias. Après une petite stagnation, l’indice se dégrade au point de passer en deçà de son niveau de 1994. En d’autres termes, sous Mohammed VI les gains enregistrées dans le domaine de la liberté de la presse lors des dernières années de règne de son père ont été, au mieux, effacés.

    Muselage de la presse

    Comment le régime de Mohammed VI s’y est il pris pour museler une nouvelle vague de médias indépendants? En commençant par utiliser les bonnes vieilles méthodes. L’article 77 du code de la presse en vigueur jusqu’en 2003 permettait l’interdiction de journaux sur simple décision administrative du premier ministre. C’est l’application de cet article 77 qui permettra les premières interdictions survenues dès l’année 2000. Sauf que cette méthode trop manifestement répressive gênerait une mauvaise publicité pour un régime soucieux de préserver une façade de libéralisme et de modernité. Viendront alors les procès en diffamation en cascade à l’issue desquelles les journalistes poursuivis n’avaient aucune chance d’être innocentés à cause d’une justice notoirement contrôlée par le régime. Les condamnations à payer des dommages et intérêts astronomiques vont se multiplier, mettant en faillite les journaux visés et renforceront la tendance à l’auto-censure chez les autres. Mais l’arme létal utilisée pour faire les voix dissonantes aura été le boycott publicitaire massif dont seront victime les journaux indépendants.

    L’éclosion d’une nouvelle presse indépendante vers la fin des années 90 était directement liée à la naissance d’un modèle économique qui en permettait la survie économique. La diversité croissante du capitalisme marocain se traduisait par un marché publicitaire assez large et diversifié pour fournir les revenus nécessaire à des entreprises de presse éditorialement et économiquement indépendantes. Des entreprises de presse qui cherchaient à enclencher ce cercle vertueux qui fait que le bon journalisme attire les lecteurs, lesquels lecteurs attirent l’argent des annonceurs, lequel argent permet de financer le bon journalisme.

    Cette dynamique a duré tant que le pouvoir politique, et donc, la monarchie laissait faire. Mais dés que celle ci a décidé que cette nouvelle presse était décidément trop irrévérencieuse et même subversive dans le sens ou elle remettait en cause la nature autoritaire du régime, instructions furent données aux grands groupes économiques, et annonceurs principaux de la presse écrite, de cesser de travailler avec ces nouveaux médias. Le roi étant lui même a titre privé l’homme d’affaires le plus important du pays, le boycott des ses seules entreprises constituaient un manque à gagner substantiel pour cette nouvelle presse.

    Les journaux revêches seront asphyxiés financièrement et là aussi serviront d’exemple à ne pas suivre pour les autres médias qui se garderont de mécontenter le régime. D’autant plus que si le régime sait manier le bâton, il manie encore mieux la carotte. Les entreprises de presse qui jouent le jeu sont grassement payées en retour, d’une manne publicitaire qui n’obéit plus aux règles de marchés. On passe la pub chez les médias favoris du régime même si leur lectorat est inexistant. Les grandes entreprises du pays passent leurs annonces publicitaires moins pour attirer des clients que pour s’assurer les faveurs du régime.

    L’avènement de la presse numérique indépendante est une réponse a ces contraintes économiques. Grâce a ses coûts de fonctionnement relativement modiques, elle peut survivre avec un minimum de revenus. Les poursuites entamées contre Ali Anouzla co-fondateur du site d’information Lakome sont d’ailleurs une tentative du régime de mettre sous le boisseau ce journalisme naissant qu’il a viré par la porte de la presse traditionnelle et qui lui revient par la fenêtre de la presse numérique.

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Hassan II, presse, liberté de presse, répression,