Catégorie : Maroc

  • Mohammed VI gêné par la présence de son père au Maroc

    Mohamed Mediouri a été agressé vendredi 17 mai à Marrakech. Alors que son chauffeur a été tabassé par un groupe de 7 personnes dont au moins 1 était armé, l’ancien chef de la sécurité personnel de Hassan II s’en est sorti indemne.

    Tous les commentaires sont unanimes : il s’agir d’opération qui visait à le dissuader de se rendre au Maroc, où il n’est pas apprécié par le pouvoir, le roi Mohammed VI en premier qui n’a pas apprécié d’être contrarié lorsque Mediouri a décidé d’émigrer à Paris avec Lalla Latifa, la mère du souverain marocain, où ils vivent ensemble depuis leur marié célébré en catimini et sans la présence du roi. Mohamed Mediouri et Lalla Latifa, partagent leur temps entre leurs deux appartements de la rue de Berry à Paris et du boulevard Maurice Barrès à Neuilly. On les voit parfois rue Winston à la Résidence royale.

    Le jour où Mohammed VI a appris que Mediouri fréquentait sa mère il l’a immediatement viré. Son limogeage était accompagné d’un communique laconique : «  Médiouri est déchargé de ses fonctions de directeur de la Sécurité royale ». C’était au printemps 2000.

    Pour les auteurs français du livre « Le roi prédateur », « à l’instar de Basri, il s’était intéressé de trop près aux fréquentations du prince héritier et, fait aggravant pour lui, avait convolé avec la mère de Mohammed VI, et donc l’ancienne épouse d’Hassan II, Latifa ».

    Depuis le départ de Mediouri du Palais, l’option de recruter des champions en arts martiaux avait été abandonnée par les services. Mediouri était un champion en arts martiaux et président de la Fédération royale Marocaine de Tækwondo. D’ailleurs, il est très apprécié au sein de la Fédération Royale d’Athlétisme dont les champions nationaux et internationaux avaient demandé à Hassan II son retour pour présider la fédération.

    D’après une informations largement partagée dans les réseaux sociaux et attribué au journal Le Monde, « La mère de Mohamed VI (Lalla Latifa) était bien souvent confinée au harem avec des dizaines d´autres concubines du roi. Elle ne lui jamais était permis d´avoir des rapports intimes avec ses propres enfants qui étaient confiés, surtout, à des éducateurs juifs. Par contre, elle a eu – avec le consentement secret de son mari – une longue liaison sexuelle avec le policier Mohamed Mediouri qui est, en fait, le vrai père biologique de l´actuel roi du Maroc Mohamed VI. C’est-à-dire que Hassan II était un cocu consentant ».

    Après l’incident de Marrakech, Mediouri a voulu mettre son beau-fils devant le fait accompli. Il déposé plainte auprès des services de sécurité en vue de mettre son beau-fils devant le fait accompli.

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Mohamed Mediouri, Hassan II, Lalla Latifa,

  • A propos du logiciel d’espionnage israélien que le Maroc utilise

    Actuellement, un téléphone portable peut être piraté avec un simple appel Whatsapp grâce au logiciel israélien Pegasus que le Maroc utilise pour espionner les opposants au régime. The Guardian en parle dans un article publié le 19 mai 2019

    L’histoire du logiciel espion pour WhatsApp nous dit que rien n’est sécurisé

    John Naughton

    L’attaque sur l’application de messagerie nous a montré que l’espionnage est une entreprise florissante

    Quand Edward Snowden s’est retrouvé à l’extérieur à l’été 2013 et qu’une équipe de journalistes du Guardian l’a rencontré dans son hôtel de Hong Kong, il a insisté non seulement pour qu’ils éteignent leur téléphone portable, mais aussi pour qu’ils placent les appareils dans un réfrigérateur. Cette précaution laissait supposer que Snowden avait une connaissance particulière des pouvoirs de la NSA en matière de piratage, en particulier du fait que l’agence avait développé des techniques permettant de prendre secrètement le contrôle d’un téléphone mobile et de l’utiliser comme appareil de suivi et d’enregistrement. Cela semblait plausible à quiconque connaissait les capacités d’organismes tels que la NSA ou le GCHQ. Et en fait, quelques années plus tard, de telles capacités ont été explicitement considérées comme nécessaires et autorisées (comme «interférence d’équipement») dans la loi de 2016 sur les pouvoirs d’investigation.

    Lorsque Snowden s’est entretenu avec des journalistes à Hong Kong, WhatsApp était une start-up de quatre ans avec un modèle commercial honnête (les gens payaient pour l’application), environ 200 millions d’utilisateurs actifs et une valeur de 1,5 milliard de dollars. En février 2014, Facebook a acheté l’entreprise pour 19 milliards de dollars et tout a changé. WhatsApp a connu une croissance exponentielle dans son omniprésence actuelle: elle compte plus de 1,5 milliard d’utilisateurs et s’est propagée comme une éruption cutanée sur la planète entière.

    Parmi ses avantages, il offre aux utilisateurs un cryptage de bout en bout sans effort pour leurs communications, renforçant ainsi leur vie privée. Même Facebook ne peut pas lire leurs messages. (Par coïncidence, cela fournit à Facebook une carte permettant de sortir de prison, car si les utilisateurs envoient toutes sortes de messages illégaux, peu recommandables ou manipulateurs – et certains le sont -, Facebook ne peut en être tenu responsable, ce qui coûte cher ». modération ”sont donc réduites.)

    En 2014, WhatsApp a introduit une nouvelle fonctionnalité – les appels vocaux gratuits cryptés – qui donnait à chaque utilisateur une installation jusque-là appréciée uniquement par les dirigeants politiques et militaires d’États sophistiqués. Naturellement, il est devenu très populaire, au point que la plupart des conversations téléphoniques intercontinentales entre membres de familles dispersées dans le monde sont probablement désormais acheminées via WhatsApp.

    Tout cela explique les rumeurs sur les révélations de la semaine dernière qui ont été enterrées dans la fonction d’appel vocal était une énorme faille de sécurité. Un méchant féru de technologie pourrait passer un appel WhatsApp à un téléphone cible afin de permettre l’installation secrète de logiciels espions pour transformer le téléphone en un dispositif de surveillance à distance. «Quelques minutes après l’appel manqué», rapporte le Financial Times, «le téléphone commence à révéler son contenu crypté, reflété sur un écran d’ordinateur à l’autre bout du monde. Il retransmet ensuite les détails les plus intimes, tels que les messages privés et l’emplacement, et allume même l’appareil photo et le microphone pour les réunions en direct. »Et ce qui est vraiment impressionnant, c’est que l’appel incriminé n’a même pas besoin d’être répondu: un appel manqué reste permet à l’intrus de laisser tomber sa «charge utile» – un logiciel appelé Pegasus, capable de percer les secrets les plus profonds de tout smartphone.

    Propre, hein? En l’occurrence, il s’agit d’une histoire plus ancienne que ce que suggèrent de nombreux médias. Il s’agissait de la dernière mise à niveau d’un produit vieux de dix ans créé par une société secrète israélienne appelée NSO. La technologie serait si puissante que le ministère de la Défense israélien est censé en réglementer la vente aux forces de l’ordre étrangères et aux agences de sécurité de l’État.

    Les recherches de Ron Deibart et de ses collègues de l’admirable Citizen Lab de l’Université de Toronto suggèrent toutefois que la supervision israélienne des exportations de la NSO a été, pour le moins, permissive. Le projet suit l’utilisation de Pegasus par le gouvernement mexicain et d’autres organisations depuis 2016.

    Les chercheurs ont découvert que les logiciels espions étaient utilisés pour cibler un large éventail de personnes qui ont toutes un point commun: elles sont une épine dans le pied du gouvernement au pouvoir. Parmi les victimes figurent des militants favorables à l’introduction d’une taxe sur les boissons non alcoolisées; législateurs et politiciens indépendants de haut niveau; avocats des familles des femmes assassinées; le directeur d’un groupe mexicain anti-corruption; et des journalistes enquêtant sur des cartels illégaux.

    La méthodologie de l’attaque suit un schéma prévisible. En mai 2017, par exemple, un journaliste primé, Javier Valdez Cárdenas, fondateur de RíoDoce, un journal mexicain connu pour ses enquêtes sur les cartels, a été abattu près de son bureau. Deux jours plus tard, un de ses collègues a reçu un message texte nommant les meurtriers et incluant un lien vers une preuve documentaire, qui était bien sûr le lien destiné à installer Pegasus sur son téléphone.

    La nouvelle tournure de cette histoire est que le conduit pour l’installation secrète de Pegasus est maintenant un simple appel WhatsApp plutôt qu’un texte de phishing. Après tout, même le journaliste le plus stupide sait ne pas cliquer sur un lien provenant d’une source inconnue. Selon le Financial Times, le nouveau piratage d’appel vocal est présenté par la NSO comme un nouveau « vecteur d’attaque » séduisant, ce qui, j’en suis sûr, s’adresse aux types de régimes autoritaires qui aiment ce genre de chose. Pensez à Bahreïn, au Maroc, à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Cependant, il est curieux de constater que les OSN prétendent également avoir des contrats avec 21 pays de l’UE. Par conséquent, si vous êtes préoccupé par votre sécurité ou votre vie privée, achetez un Nokia 3310 et conservez l’iPhone au réfrigérateur.

    Tags : Whatsapp, espionnage, logiciel espion, Pegasus, NSO,

  • La MINUSMA soutient le Mali dans l’informatisation de la gestion des prisons

    United Nations Multidimensional Integrated Stabilization Mission in Mali (MINUSMA)

    COMMUNIQUE DE PRESSE

    La MINUSMA soutient le Mali dans l’informatisation de la gestion des prisons

    Ce logiciel est en effet de nature à favoriser le système de responsabilité et d’efficience de la chaîne pénale

    BAMAKO, Mali, 21 mai 2019/ — Depuis deux ans, le logiciel AGIDERM (Application de Gestion Informatisée des Données administratives et de la détention, conforme aux Règles Mandela) est développé et utilisé en version pilote, dans deux maisons d’arrêt et de correction de Mopti. Ce logiciel doit permettre une meilleure gestion de la population carcérale. Pour en permettre une meilleure appropriation par les personnels des établissements pénitentiaires, il a fait l’objet d’un atelier de formation, du 13 au 17 mai dernier à Bamako. Celui-ci a concerné sept établissements pénitentiaires de Bamako et des régions du Centre et du Nord du Mali.

    Ces formations, sont organisées par la DNAPES avec l’appui technique et financier de la Section des Affaires Judiciaires et Pénitentiaires de la MINUSMA (SAJP/MINUSMA). Placées sous le thème  » l’informatisation du service public favorise l’égalité d’accès à la justice », elles ont pour but de renforcer le système d’information pénitentiaire, à travers l’enregistrement des données des détenus au sein des établissements pénitentiaires ; la gestion des délais de détention, mais aussi de la santé, de la discipline des détenus et de leur alimentation. Enfin, il permet aussi une gestion plus claire des ressources humaines de l’établissement.

    Cette session, qui fait suite à une précédente, organisée deux ans plus tôt à Mopti (et financée alors par l’organisation internationale IDLO), a bénéficié à 29 participants. Parmi eux, les régisseurs et greffiers des établissements pénitentiaires de la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako (MCA), de la prison pour femme de Bollé, de Koulikoro, Mopti, Bandiagara, Gao et Tombouctou, y compris deux femmes, ainsi que de la DNAPES (Direction Nationale de l’Administration Pénitentiaire et de l’Education Surveillée). A l’issue de l’atelier, du matériel informatique, nécessaire au fonctionnement du logiciel, ont été remis aux participants.

    Remerciant la SAJP pour toutes les actions entreprises, Ibrahim Tounkara, Magistrat et Directeur de la DNAPES au Ministère de la Justice, a qualifié cette action d’« importante et vitale pour la bonne gestion des établissements pénitentiaires ». Il a de plus précisé que l’activité est prévue dans le plan de travail de la DNAPES et qu’elle constitue une demande essentielle pour sa direction., Il permettra de mettre fin au « pilotage à vue » des établissements pénitentiaires.

    Ce logiciel est en effet de nature à favoriser le système de responsabilité et d’efficience de la chaîne pénale. Un système d’archivage fonctionnel, qui inclut toutes les informations nécessaires et légales, relatives aux détenus, constitue en effet un pilier majeur du système pénitentiaire. La mise en œuvre d’une base de données harmonisée au niveau national est également susceptible de prévenir la détention arbitraire et prolongée, ce système comprenant une fonction d’alerte dès lors que les dates de la détention provisoire sont dépassées.

    Se félicitant de l’initiative de cette opération, M. Ahmed Ghanem-Ali, Chef de la SAJP/MINUSMA, a promis de continuer à accompagner la DNAPES à relever d’autres défis en faveur de l’amélioration du système pénitentiaire au Mali.

    APO

    Tasg : Mali, MINUSMA, AGIDERM, DNAPES, Ahmed Ghanem-Ali,

  • La Fédération Congolaise de Rugby poursuit la conquête des nouvelles provinces

    Ce merveilleux projet qui devait démarrer l’année passée, a été finalement repoussé cette année pour des raisons sécuritaires

    KINSHASA, République Démocratique du Congo, 20 mai 2019/ — Le Directeur technique national de la Fédération Congolaise de Rugby (FeCoRugby.org), monsieur Teddy TSHISUAKA MUTOMBO, s’est rendu à Kananga, chef-lieu de la nouvelle province du Kasaï Central en vue d’assurer l’implantation du rugby. Il s’agira spécialement d’assister techniquement le noyau des jeunes gens qui a été recruté, en insistant sur la sécurité et la santé du joueur par l’organisation des séances d’entrainement supervisé par lui.

    En outre, il doit organiser une session de formation de deux jours à l’intention d’éducateurs GIR dont une poignée de participants seront des enseignants du cycle primaire et secondaire. L’objectif est d’amener le ballon ovale dans la plupart d’écoles éparpillées dans un immense pays aux dimensions d’un sous-continent.

    Ce merveilleux projet qui devait démarrer l’année passée, a été finalement repoussé cette année pour des raisons sécuritaires.

    La province de Tshopo sera notre prochaine destination à partir du mois de juillet avec comme point de chute, la ville martyre de Kisangani.

    Distribué par APO Group pour Fédération Congolaise de Rugby (FECORUGBY).

    Tags : Congo, République Démocratique du Congo, RDC, rugby, Fédération Congolaise de Rugby, FECORUGBY,

  • Maroc : l’activiste des droits de l’homme Zine El Abidine Erradi libéré

    Le 5 avril 2019, le défenseur des droits humains Zine El Abidine Erradi a été libéré après avoir purgé une peine d’un an de prison dans la prison locale d’Agadir, à la suite d’un procès inéquitable. Zine El Abidine détient le statut de réfugié en France et avait été arrêté à son arrivée au Maroc pour rendre visite à son père. À compter du 15 mai, il pourrait éventuellement revenir en toute sécurité en France après avoir reçu ses documents de voyage.

    En avril 2018, les autorités marocaines ont arrêté Zine El Abidine Erradi à son arrivée de France, à l’aéroport d’Agadir au Maroc. Son arrestation fait suite à un mandat délivré par contumace en décembre 2014 par un tribunal d’Agadir, fondé sur des accusations forgées de toutes pièces, notamment « des actes de violence et des insultes envers des officiers publics » et des « destructions de biens publics ».

    Zine El Abidine se rendait au Maroc pour des circonstances exceptionnelles, avec un document de voyage fourni par les autorités françaises.

    Avant de quitter le Maroc pour demander l’asile en France, il avait été arrêté deux fois et poursuivi à trois reprises pour son travail en faveur des droits de l’homme à Sidi Ifni, sa ville natale, dans le sud du Maroc.

    Amnesty International demande la libération immédiate et inconditionnelle de Zine El Abidine Erradi, qui était détenu uniquement pour son action pacifique dans la défense des droits humains et pour son retour en France en toute sécurité.

    La mobilisation d’Amnesty, en particulier au Maroc et en France, a été essentielle pour accroître la visibilité de son dossier et faire pression sur les autorités pour qu’il retourne en France en toute sécurité.

    Source : Amnesty International, 17 mai 2019

    Tags : Maroc, Ifni, Zine El Abidine Erradi, droits de l’homme,

  • Maroc : Quand le peuple voit avec les yeux du Makhzen

    « Dans ce monde de traîtres, rien n’est vrai ni faux, tout dépend de la couleur du verre avec lequel on regarde”. C’est une réflexion très sage de l’écrivain y penseur espagnol Ramón de Campoamor (1817-1901).

    Tous les êtres humains sont irrémédiablement dominés par la subjectivité et cette circonstance nous rend faillibles dans toute observation. Tout critère, toute conclusion, tout verdict est toujours empreint de cette subjectivité avec laquelle nous vivons, avec laquelle nous observons, avec laquelle nous pensons.Toutes nos idées et tous nos jugements sont filtrés, conditionnés par notre perspective particulière, par la couleur du verre avec lequel nous regardons.

    Le peuple marocain est un bel exemple de cette vérité. Il ne voit ses voisins qu’avec les verres de son régime despotique. Il porte dans ses gênes la haine que son Makhzen éprouve envers l’Algérie, le Sahara Occidental, la Mauritanie…et même l’Espagne à cause de la solidarité du peuple espagnol avec la lutte du peuple sahraoui.

    Le plus étrange dans cette histoire est que même ceux qui se disent opposants au régime et démocrates s’alignent avec ceux qui ont vu le roi du Maroc sur la Lune. Dans le fond de leur pensée, ils rêvent de verser de l’acide sur les sahraouis dont le nationalisme est perçu comme une création de l’Algérie et le Front Polisario comme une marionette de leur voisin de l’Est.

    Malgré la répression sauvage qui s’abat sur eux, il n’hésite pas à soutenir leur régime dans sa politique sanguinaire pratiquée au Sahara Occidental, malgré que le Maroc n’a jamais tiré une balle pour la libération du territoire sahraoui du joug colonialiste. Le Sahara Occidental est marocain parce que la chaîne 2M le veut ainsi. Parce que la presse jaune a façonné ainsi leur pensée.

    La France soutient la monarchie marocaine contre la volonté du peuple marocain. Cela n’empêche pas ce peuple d’être de son soutien au Maroc dans le conflit du Sahara Occidental. Simplement parce que, à l’instar de leur régime sanguinaire, ils rêvent d’anéantir leurs voisins qu’ils méprisent et dont ils se sentent supérieurs alors que la grande majorité des marocains vivent dans une misère qui obligent leurs femmes à aller se prostituer partout dans le monde. Ce qui n’est pas le cas des pays voisins parce que leur niveau de vie est nettement meilleur que celui du royaume du tourisme sexuel. Cette réalité, ils sont incapables de la voir, parce qu’ils regardent avec les yeux du Makhzen.

    Au debut de la crise algérienne, elle a focalisé l’attention des marocains. Non pas par solidarité avec le peuple algérien, ni par des sentiments démocratiques. Tout simplement parce qu’ils rêvent de voir en Algérie un régime qui lâcherait les sahraouis et leur livrerait dans un plateau d’or à son boucher, un qualificati qui peut être appliqué autant au régime marocain qu’à son peuple. Ce qui, évidemment, n’est qu’un rêve. Ils peuvent toujours rêver, puisque c’est gratuit et à la portée de tout le monde. Maintenant ils sont déçus parce qu’ils voient que l’Algérie n’a pas basculé dans l’anarchie parce que, contrairement au marocain, le peuple algérien est un peuple cultivé, politisé et conscient.

    Tags : Maroc, Sahara Occidentl, Algérie, peuple sahraoui, Mauritanie,

  • Maroc : Ahmed Dlimi, « la main du roi »

    Bien qu’il soit aujourd’hui presque totalement oublié, il fut pourtant une époque où, au Maroc, on ne prononçait pas le nom du général Dlimi sans prendre auparavant d’infinies précautions, de crainte évidemment d’être entendu par des oreilles indiscrètes. Le passage de cet officier à la tête des services de sécurité du pays, entre 1972 et 1983, a effectivement coïncidé avec la phase la plus répressive de ce que l’on a appelé les « années de plomb ». Mais c’est aussi pour cette raison que l’étude de sa vie et de sa carrière revêt un si grand intérêt pour quiconque s’intéresse à cette période cruciale de l’histoire du Maroc contemporain.

    1. Les origines

    Ahmad ibn al-Hassan ad-Dalimi (Ahmed Dlimi) est né le 16 juillet 1931 à Sidi Kacem, près de Meknès, au Maroc. Il est issu de la tribu nomade des Oulad Dalim, fraction de la tribu des Banu Hassan, elle-même issue des Banu Maktil. La tribu des Oulad Dalim, lointainement originaire du Yémen, s’est installée au Sahara au 12ème siècle. Les Oulad Dalim ont souvent servi comme soldats dans l’armée des sultans marocains dans le cadre du système de recrutement tribal appelé Guich. En échange, les souverains leur ont octroyé des terres, ce qui leur a permis de se sédentariser dans le nord du pays. Et c’est ainsi qu’un certain nombre d’entre eux se sont implantés dans la plaine du Gharb et notamment à Sidi Kacem.

    Bien qu’issu d’un milieu modeste, le jeune Ahmed va pouvoir profiter des bonnes relations que son père, Lahcène Dlimi, entretient avec l’armée française, où il s’est fait engagé comme traducteur. Ces liens vont notamment permettre à l’adolescent d’intégrer le prestigieux lycée Moulay Youssef de Rabat, véritable pépinière de l’élite marocaine. En 1951, le jeune homme décide de suivre la voie paternelle et de se lancer à son tour dans la carrière des armes. En 1953, au terme de deux années de formation à l’Académie militaire Dar el-Beïda de Meknès, il sort major de sa promotion. Aux camarades qui le côtoient, il renvoie l’image d’un garçon solitaire, très travailleur et surtout extrêmement ambitieux. A l’issue de ce séjour à Meknès, il est sélectionné avec quelques autres élèves pour aller terminer ses classes à l’école d’application de Saint-Maixent en France. Encore une fois, il en sort avec les honneurs et termine à la première place. De taille élevée, d’une grande prestance, il s’exprime dans un français excellent et ses supérieurs lui prédisent tous une belle carrière. Il est vrai que cette époque troublée est pleine d’opportunités pour ceux qui savent les saisir.

    C’est vers la fin des années 1930, c’est-à-dire après la fin des dernières résistances tribales et confrériques, que le mouvement nationaliste marocain a commencé à s’organiser politiquement. D’abord circonscrit à quelques milieux urbains et élitistes, il va acquérir une nouvelle ampleur dans la foulée du fameux discours prononcé par le sultan Mohammed V à Tanger le 10 avril 1947, discours l’occasion duquel le souverain va officiellement prendre fait et cause pour l’indépendance de son pays. Au cours des sept années qui vont suivre, les Français, qui avaient installé leur protectorat sur le Maroc en 1912, vont devoir lutter pied à pied pour tenter de conserver leur autorité malgré les grèves et les manifestations qui vont se succéder à un rythme de plus en plus soutenu. Mais la répression coloniale ne fait qu’attiser la situation et, à partir de décembre 1952, des groupes de résistance armés commencent à faire leur apparition, faisant peu à peu basculer le Maroc dans véritable un climat de guerre civile. Le 20 août 1953, le sultan est finalement déposé puis exilé à Madagascar par le pouvoir colonial.

    La cinglante défaite militaire subie par les armées françaises à Dien Bien Phu en mai 1954, puis le déclenchement d’une insurrection généralisée en Algérie le 1er novembre 1954, vont finalement hâter la sortie de crise. Des négociations s’engagent bientôt à Aix-les-Bains entre les représentants de Paris et ceux du camp nationaliste. Le 16 novembre 1955, le sultan est finalement autorisé à rentrer au Maroc et, le 2 mars 1956, après quarante quatre années de protectorat français, le sultanat retrouve finalement sa pleine et entière souveraineté.

    Aux termes d’accords négociés de façon très âpre, les bases militaires françaises installées au Maroc finiront par être toutes fermées en 1960 tandis que les bases américaines seront démantelées à leur tour en 1963. Le Maroc tiendra pourtant à conserver de bonnes relations avec l’Occident, ce qui l’isolera d’ailleurs quelque peu de ses voisins à un moment où la quasi-totalité du monde arabe basculait dans le camp pro-soviétique.

    2. L’ascension d’un ambitieux

    Dirigées par le jeune prince Hassan (le futur Hassan II, 1929-1999), les Forces Armées Royales (FAR) vont officiellement prendre le relais de l’armée coloniale le 13 mai 1956. A charge pour elles désormais d’assurer l’ordre et la sécurité à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Cette jeune institution manquant alors cruellement de cadres, les carrières y sont extrêmement rapides. Le 28 février 1957, Ahmed Dlimi est ainsi officiellement versé dans les FAR avec le grade de lieutenant.

    Le jeune Etat marocain ne va pas tarder à devoir tester l’efficacité de ses nouvelles forces armées. Dès le mois de janvier 1957, une insurrection éclate en effet dans la région désertique du Tafilalet. Le gouverneur local, Addi Ou Bihi, refuse d’obéir aux ordres venus d’un gouvernement dont il conteste la politique centralisatrice et autoritaire. Sous les ordres du général Kettani, les soldats des FAR vont rapidement parvenir à mâter le rebelle, qui sera destitué et interné à Kénitra.

    A peine quelques mois plus tard, en octobre 1957, le Maroc se retrouve cette fois-ci engagé dans une courte guerre contre l’Espagne, à laquelle il dispute l’arrière-pays de Tarfaya et surtout l’enclave de Sidi Ifni, située à l’extrême sud du pays. Les forces marocaines, placées sous le commandement du caïd Ben Hammou, seront principalement constituée de contingents tribaux mais des soldats des FAR seront également présents. Mise en difficulté par les offensives chérifiennes, l’Espagne décide de faire appel à la France, qui accepte de venir à sa rescousse. C’est ainsi qu’est déclenchée l’opération Ecouvillon-Ouragan, qui parviendra effectivement à repousser les Marocains. La paix sera finalement signée le 2 avril 1958 grâce à un compromis : l’Espagne accepte de se retirer de Tarfaya mais obtient de pouvoir conserver Sidi Ifni (jusqu’en 1969).

    C’est à l’occasion de cet affrontement que Dlimi va faire la connaissance de Mohammed Oufkir (1920-1972), un personnage qui va beaucoup compter dans la suite de sa carrière. Issu d’une famille de notables du Tafilalet, Oufkir avait rejoint l’armée française en 1939. Vétéran des campagnes d’Italie (1944) et d’Indochine (1947-1949), il a travaillé pour le compte de la résidence générale à partir de 1950, avant de se voir nommé en tant qu’aide de camp du sultan Mohammed V en 1955. S’étant lié avec le prince héritier, il va rapidement devenir l’un de ses principaux conseillers. Oufkir, qui sait parfaitement juger de la valeur des hommes, a tout de suite su apprécié les qualités du jeune Dlimi.

    En octobre 1958, une nouvelle crise éclate, cette fois-ci dans le Rif central, où des rebelles se sont réunis sous la conduite du cheikh Abdessalam Haddou Améziane. Dépêché sur place, Moulay Hassan va diriger personnellement la répression avec l’aide d’Oufkir. Les combats sont durs mais les derniers insurgés doivent finalement se rendre en janvier 1959. Une dernière insurrection tribale, cette fois-ci dans le Moyen Atlas, va subir le même sort en février 1960.

    Mais ce qui sera de loin le plus grave conflit de l’époque éclate en octobre 1963, lorsque le Maroc et l’Algérie s’opposent par les armes. Le royaume chérifien assure en effet détenir des droits historiques sur une partie du territoire de l’ancienne colonie française d’Algérie, en particulier sur les régions de Tindouf et de Colomb-Béchar, droits qu’il reconnaît certes avoir mis en sommeil pendant la période coloniale, mais qu’il entend bien faire valoir à présent que l’Algérie est devenue un pays souverain.

    A plusieurs reprises, au cours de l’été 1962, des colonnes marocaines vont donc mener des raids de reconnaissance dans la région ce qui va provoquer à chaque fois des accrochages avec l’Armée Nationale Populaire. Le 2 octobre 1963, le président algérien Bella décide d’envoyer des troupes pour réoccuper les villages de Tinjoub, Ich et Hassi Beida, où des troupes marocaines se sont installées quelques jours plus tôt. Le 14 octobre, sous le commandement du général Driss Bel Omar el-Alami, l’armée marocaine entre massivement en Algérie, provoquant le début de ce que l’on appellera la « guerre des sables » (harb ar-rimal). Mise en difficulté, l’armée algérienne obtient alors l’appui de contingents cubains et égyptiens. Lees combats cessent finalement dès le 5 novembre 1963, grâce à la médiation conjointe du Mali et de l’Éthiopie. La paix, signée le 20 février 1964, imposera le retour au statu quo ante et la création d’une zone démilitarisée (le règlement définitif du conflit et la fixation du tracé frontalier n’interviendront qu’en mai 1989).

    3. L’homme du roi

    Ahmed Dlimi, issu d’un milieu modeste, sait pertinemment qu’il devra disposer de solides relais s’il veut pouvoir intégrer un jour les cercles dirigeants de l’armée et de l’Etat. L’appui d’Oufkir n’est pas suffisant. Car dans cette société encore très traditionnelle qu’est le Maroc post-colonial, les relations familiales jouent toujours un rôle déterminant. Chacun sait en effet que quelques grandes lignées (Kettani, Alaoui, Tazi, Bendjelloun, Benslimane, etc.), soutiens de longue date de la monarchie, contrôlent la quasi totalité des postes clés de l’administration et de l’économie.

    Dès lors, le jeune officier va donc faire tout ce qui lui est possible afin de pouvoir épouser la fille de Messaoud Chiguer, l’ancien ministre de l’Intérieur. Il y parviendra effectivement mais ce mariage ne durera finalement que quelques mois. Prenant prétexte que sa femme n’avait pas mené une vie convenable avant ses noces, le lieutenant Dlimi ne tardera pas en effet à la répudier. Dans la foulée, il en profitera pour se remarier avec Zahra Bousselham, fille du chef des services secrets et belle-sœur d’Abdessalam Sefriou, le futur commandant de la Garde royale. Mais le père de l’épouse bafouée compte bien ne pas en rester là. Il va donc se plaindre auprès du roi Mohammed V qui, furieux, décide de renvoyer Dlimi en garnison à Fès.

    Tandis que se déroulent ces conflits familiaux, les services de sécurité marocains connaissent eux-aussi une profonde réorganisation. Le 1er juillet 1960, le roi Mohammed V fait licencier les 300 derniers fonctionnaires français de la Sûreté Nationale et, quelques jours plus tard, il nomme le lieutenant-colonel Mohammed Oufkir à la tête de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN), en remplacement de Mohammed Laghzaoui, qui était en poste depuis 1958.

    Dans l’ombre de son père cependant, le prince Hassan a déjà commencé à constituer son propre appareil sécuritaire, qu’il a fait rattacher directement à son cabinet personnel, d’où son nom de « Cab ». Un Cab-1 a ainsi été mis en place dès le mois de janvier 1958 en tant que service de renseignement afin de surveiller les menées subversives de la gauche. Le Cab-7 sera constitué quant à lui en juillet 1958 avec pour mission de conduire directement les enquêtes et les interrogatoires.

    Monté sur le trône après la mort précoce de son père, survenue le 3 mars 1961, le nouveau souverain décide rapidement d’imposer ses propres hommes à la tête des services de sécurité. En janvier 1962, il met donc un terme à la disgrâce de Dlimi et, après lui avoir fait effectuer un court stage de formation au bureau des renseignements militaires, il nomme celui-ci à la tête du Cab-1.

    Le nouveau roi se présente à ses interlocuteurs comme l’avocat de la modernisation et de la démocratisation de son pays. On le dit effectivement plein de charme, très intelligent et bon orateur, mais ceux qui le connaissent bien savent qu’il possède aussi un personnalité retorse et qu’il est très sourcilleux quant au respect de son pouvoir personnel. Il va le démontrer quelques mois plus tard, en faisant à la fois approuver par référendum la première constitution du royaume (décembre 1962), puis en manipulant habilement les élections législatives de mai 1963 pour obtenir une assemblée législative entièrement à sa dévotion. Son objectif est alors double, il cherche d’abord se débarrasser de l’Istiklal, le vieux parti nationaliste, qui voudrait pouvoir maintenir la monarchie sous sa tutelle, mais il veut aussi et surtout affaiblir l’Union Nationale des Forces Populaires du Maroc (UNFP). Née en 1959 d’une scission de l’Istiklal, l’UNFP a adopté dès sa création une ligne résolument progressiste et de tendance nettement socialiste. Portée par le charisme de son fondateur et principal dirigeant, Mehdi Ben Barka, elle réclame l’instauration d’une monarchie constitutionnelle, la mise en œuvre d’une grande réforme agraire et souhaite que le Maroc puisse rapidement rejoindre le « camp anti-impérialiste ». Autrement dit, elle représente un danger mortel pour le Trône. En quelques semaines, le ministre de l’Intérieur Ahmed Guedira (1922-1995) crée donc un nouveau parti, le FDIC, afin de rassembler tous les partisans de la politique royale. A force de trucages plus ou moins grossiers, le FIDC va effectivement remporter le scrutin du 17 mai 1963. Mais comme il n’a pas obtenu pour autant la majorité, le pouvoir se montre très insatisfait. Alors en juin 1963, prétextant avoir déjoué une tentative de coup d’État, le roi Hassan II entreprend finalement de liquider toute forme d’opposition à son autorité.

    A l’occasion de ce coup d’Etat royal de juin 1963, la police va procéder à l’arrestation de près de 5 000 opposants, dont celle de 21 députés de l’UNFP. Dix mois plus tard, 11 de ces responsables seront condamnés à mort complot et haute trahison. Dlimi participe de très près à cette épuration. Le 13 juin 1963, à la tête d’une centaine de gendarmes, il mène personnellement la capture de l’un des principaux chefs de l’opposition au roi, Moumen Diouri. Le militant sera immédiatement transféré à Dar el-Mokri, tristement surnommé le « Palais de la torture », dont il ne sortira que huit ans plus tard. Le 7 août 1964, Ahmed Agouliz, l’un des condamnés à mort par contumace du procès de mars précédent, est cerné dans un immeuble de Casablanca et préfère se suicider plutôt que de tomber aux mains des policiers.

    Mais, contrairement aux prévisions du pouvoir, cette répression ne va pas mettre fin aux tensions. Au contraire, elle ne va faire que les amplifier, notamment dans les milieux estudiantins et syndicaux. Nommé au grade de général en septembre 1963 avant d’être porté à la tête du ministère de l’Intérieur le 20 août 1964, Oufkir est fermement décidé à vaincre cette contestation. En mars 1965, lorsque de graves émeutes étudiantes se produisent à Casablanca sur fond de crise économique et de blocage politique, il envoie les chars et les hélicoptères pour mener la répression. Il y aura des centaines de morts, peut-être près d’un millier. La proclamation de l’état d’urgence le 7 juin 1965, transforme de fait le Maroc en un véritable Etat policier.

    L’objectif ultime des forces de sécurité marocaines demeure cependant l’élimination de Mehdi Ben Barka. Ancien professeur de mathématiques des princes de la famille royale, vétéran du combat pour l’indépendance, ex-président de l’Assemblée consultative et chef de l’UNFP, Ben Barka a du quitter le Maroc le 23 juin 1963, quelques mois après été victime d’un accident de la route qu’il soupçonnait avoir été réalité une tentative d’assassinat habilement maquillée (15 novembre 1962). Désormais en exil, il a noué des contact avec tout ce que le Tiers-Monde compte alors de leaders progressistes et révolutionnaires : Fidel Castro, Che Guevara, Ahmed Ben Bella, Amilcar Cabral, Malcolm X, etc. En octobre 1963, au début de la « guerre des sables », il n’a pas hésité à prendre fait et cause pour l’Algérie, ce qui lui a valu une condamnation à mort pour haute trahison.

    Depuis longtemps, Hassan II considère Ben Barka comme le point de cristallisation de la contestation. A l’occasion d’une réunion organisée le 25 mars 1965, il charge donc Dlimi et Oufkir de monter une opération audacieuse sous le nom de code Bouya Bashir (« le père de Bashir »). Il s’agira pour les deux hommes de parvenir à rencontrer Ben Barka afin de le convaincre de revenir au Maroc, où il devra faire acte d’allégeance à la monarchie en échange d’une amnistie et d’un portefeuille ministériel. Si jamais il refuse toutefois, Oufkir et Dlimi ont reçu pour consigne de l’éliminer.

    Le 25 avril 1965 le cousin du roi et son ambassadeur en France, le prince Moulay ‘Ali, parvient à nouer un premier contact avec Ben Barka, qu’il ira même rencontrer personnellement à Francfort en Allemagne. L’opposant accepte d’envisager son retour, à condition toutefois que son amnistie et celles des autres militants soit inscrite dans la loi. Quelques mois plus tard, tandis que l’opposant est de passage à Paris, il est mis en confiance par deux français, Georges Figon et Philippe Bernier, qui affirment vouloir l’impliquer dans un projet de film anticolonialiste intitulé « Basta ! ». Séduit par cette idée, Ben Barka accepte d’honorer le rendez-vous que lui ont fixé ses interlocuteurs. Mais alors qu’il vient à leur rencontre sur le trottoir du boulevard Saint-Germain dans l’après-midi du vendredi 29 octobre 1965, il est soudainement embarqué par deux policiers français de la Brigade mondaine qui le font monter à bord de leur véhicule après lui avoir présenté leurs cartes officielles. Transféré dans une villa isolée de Fontenay-le-Vicomte, il y reçoit la visite d’Oufkir, d’Ahmed Dlimi et de Larbi Chtouki, venus tout spécialement du Maroc pour terminer le travail initié par leurs complices. Le militant ayant probablement refusé les propositions qui lui étaient faites, il sera finalement abattu et son corps sans doute détruit à l’acide. L’opération s’achèvera donc sur une forme de succès pour le duo Oufkir-Dlimi, qui aura su débarrasser la couronne marocaine de son plus sérieux contradicteur.

    Mais c’était sans compter sur l’insistance des nombreux amis français de Mehdi Ben Barka, qui vont rapidement alerter des journalistes de l’Express. En pleine campagne présidentielle, l’opposition de gauche saute sur l’occasion pour tenter d’affaiblir le général de Gaulle, accusé d’être à la tête d’un régime de barbouzes sans foi ni loi. Le 10 janvier 1966, Georges Figon fait des confidences à l’hedomadaire et, dans un célèbre article intitulé « J’ai vu tuer Ben Barka », il met directement en cause Oufkir et Dlimi. Le 17 janvier 1966, l’infortuné Figon est retrouvé mort dans son appartement, ce qui va donner à l’affaire des proportions énormes. La justice ordonne immédiatement l’ouverture d’une enquête, et dès le 19 janvier, le patron du SDECE, les services secrets français, est mis à la retraite car on le soupçonne d’avoir été au courant de l’opération marocaine sans avoir cru bon d’en avertir les autorités gouvernementales. Le lendemain, des mandats d’amener sont officiellement lancés contre Oufkir et Dlimi. Le 22 février 1966, De Gaulle est finalement contraint de s’exprimer publiquement sur l’affaire Ben Barka qui va empoisonner les relations franco-marocaines durant plusieurs années. Le procès de Dlimi s’ouvre par contumace le 5 septembre 1966 devant la Cour d’Assise de la Seine, mais, en octobre 1966 l’officier marocain gagne la France et, dans un véritable coup d’éclat, se constitue prisonnier afin de « laver son honneur et celui de son pays ». Acquitté faute de preuve le 5 juin 1967, il retourne alors au Maroc où il est accueilli en héros et rapidement promu au grade de colonel.

    Devenu le nouveau directeur de cabinet d’Hassan II, Dlimi se retrouve plus que jamais placé au cœur du pouvoir marocain. Aussi discret qu’efficace, il est très apprécié de Sa Majesté. Comme souvent en pareil cas, sa famille profite également de son ascension. Son père, Hadj Lahcène, devient ainsi le président du club de football local tandis que son frère Mohammed parvient à occuper le poste de secrétaire général de la province de Kénitra. A vrai dire, c’est toute la ville de Sidi Kacem qui va profiter de l’ascension de l’enfant chéri du pays car les investissements et les projets vont s’y multiplier.

    En 1970, Dlimi devient directeur de la Sureté Nationale. Moins d’un an plus tard, le 10 juillet 1971, va produire la fameuse tentative de putsch de Skhirat. Alors que le souverain a réuni près d’un millier d’invités dans son palais de Skhirat, au sud de Rabat, pour fêter à leurs côtés son 42e anniversaire, une cohorte de mutins fait soudainement irruption parmi les convives. Ils sont dirigés par le général Mohammed Medbouh et par son complice, le capitaine M’Hamed Ababou, directeur de l’école des sous-officiers. Une fusillade éclate. Intense, elle va provoquer un massacre atroce qui fera plus de 100 morts (dont l’ancien Premier-ministre, Ahmed Bahnini) et 150 blessés. Présent aux côtés du roi, Oufkir et Dlimi font preuve d’un extraordinaire sang-froid. Ils organisent la mise à l’abri du chef de l’Etat et appellent des renforts. Finalement, la tentative échoue et la répression sera féroce. Une dizaine de félons ont déja été abattus pendant les évènements. La traque de leurs complices va se poursuivre durant plusieurs mois. Lors du procès, ils seront près d’un millier d’accusés à comparaître devant les juges. Une dizaine d’entre eux (dont 4 généraux) seront passés par les armes.

    Le roi peut se montrer satisfait de Dlimi et ce dernier ne tarde d’ailleurs pas à prendre du galon. Il est ainsi confirmé à la tête de la Sureté Nationale mais se voit débarrassé au passage de la tutelle pesante d’Oufkir, qui se trouve pour sa part promu à la tête du ministère de la Défense. Le bras de fer entre les deux hommes, jusque-là plutôt feutré, va devenir de plus en plus acerbe.

    4. Au sommet du pouvoir

    Le 16 août 1972, le Boeing 727 qui ramène le souverain marocain d’Europe est pris en chasse au-dessus de Tétouan par plusieurs avions F-5 venus de la base de Kénitra. Ils visent l’appareil et le mitraillent avec des balles perforantes. Treize passagers trouvent la mort et près de cinquante autres sont blessés. Trois des quatre réacteurs sont mis hors d’usage. Dans l’avion, c’est la panique. Le roi ordonne alors au pilote de diffuser un communiqué annonçant à la tour de contrôle qu’il est gravement blessé. Les avions s’éloignent aussitôt. Le Boeing 727, piloté avec maestria, réussit finalement à se poser. Les F-5 passent alors à basse altitude et reviennent ensuite pour mitrailler le palais dont le souverain vient juste d’être évacué.

    Dlimi (qui était lui-aussi dans l’appareil), prend alors les choses en mains. Son enquête est rapide et pointe la responsabilité du général Oufkir, qui se trouvait dans la tour de contrôle d’où il commandait sans aucun doute l’action des putschistes. Dans la soirée, après avoir été convoqué au Palais de Skhirat, Mohammed Oufkir est abattu de plusieurs balles dans les jardins royaux1. Le lieutenant-colonel Amekrane, qui dirigeait les putschistes, sera quant à lui fusillé le 13 janvier 1973. Afin que tous ses complices puissent recevoir un sort à la hauteur de leur trahison « sacrilège », Dlimi fait construire la prison secrète de Tazmamart, dont il va confier la direction à l’un des ses protégés, le lieutenant El-Caïd. Cette institution abritera en tout cinquante huit détenus, dont la moitié mourra de mauvais traitements. La femme d’Oufkir, Malika, et ses six enfants, seront arrêtés en décembre 1972 et resteront internés dans le sud du pays jusqu’en mars 1991.

    Ayant hérité des dossiers d’Oufkir, Dlimi crée en 1973 la Direction Générale de l’Etude et de la Documentation (DGED) afin de pouvoir centraliser entre ses mains l’ensemble de l’appareil sécuritaire sous la tutelle directe du roi. La répression, qui se fait de plus en plus dure, visera en particulier les militants de l’UNFP2, dirigée depuis la mort de Ben Barka par l’ancien président du Conseil, Abdallah Ibrahim, et par un ex-diplomate, Abderahim Bouabid. Tous les moyens seront bons pour détruire ce groupe, même les plus contestables : espionnage, harcèlement, intimidation, torture, procès truqués, etc. En janvier 1973, l’un des principaux leaders de l’USFP, l’avocat Mohammed El-Yazghi, sera même blessé dans l’explosion d’un colis piégé.

    Le pouvoir s’attaque aussi à l’extrême-gauche, très puissante dans les universités, et notamment aux membres du groupe Ilal Amam (« En avant ! ») d’Abraham Sarfaty et Abdelatif Laabi. Arrêté une première fois en 1972, puis à nouveau en 1974, Sarfaty restera finalement détenu dans les prisons marocaines jusqu’en septembre 1991. Les militants du Parti Communiste Marocain (PCM), à commencer par ses chefs, Ali Yata et Simon Lévy, vont subir un sort comparable.

    Dlimi affronte également les islamistes, dont la montée en puissance devient manifeste dès le début des années 1970. Deux groupes émergent alors. D’une part l’Association de la Jeunesse islamique (Djami’a as-shabiba al-islamiyya), fondée en 1972 par Abdelkrim Moutii, qui prône l’application de la shari’ah, y compris par la violence. L’autre groupe est celui présidé par le guide confrérique Abdessalam Yassine. Ce dernier met surtout l’accent sur l’importance de la justice sociale et évoque peu la politique stricto sensu mais, contrairement aux autres maîtres soufis, il n’hésite pas émettre des conditions avant d’accepter de reconnaître au roi son statut de « commandeur des croyants ». La répression ne se fait pas attendre. Tandis que Moutii doit s’exiler en Belgique, Yassin sera quant à lui interné dans un hôpital psychiatrique sur l’injonction du pouvoir de 1973 à 1979.

    Au besoin, Dlimi n’hésitera pas à utiliser les islamistes pour mieux lutter contre la gauche. Ainsi, l’assassinat le 18 décembre 1975 à Casablanca de l’un des principaux leaders de l’USFP, Omar Benjelloun, par un membre de l’Association de la Jeunesse islamique, sera-t-il vu par beaucoup d’observateurs comme le résultat d’une habile manipulation de la DGED.

    Dlimi fait aussi de son mieux pour diviser cette opposition et y il parviendra en grande partie en 1982, lorsque l’un des anciens partisans de Moutii, Abdelilah Benkirane, acceptera de se rallier au trône et de renoncer publiquement à l’extrémisme et à la violence. Il emmènera avec lui plusieurs dissidents et fondera avec eux la Communauté islamique (Al-Djama’a al-islamiyya). Pour essayer de réguler le problème plus en amont, le pouvoir met aussi en place en janvier 1980 un Haut Conseil des Oulémas, qui sera chargé de définir l’orthodoxie et l’orthopraxie officielles, tout en veillant à la stricte conformité des prônes avec l’idéologie monarchique.

    De facto, de 1972 à 1983, Dlimi va donc agir comme le véritable n°2 du régime marocain. Conseiller spécial du roi pour toutes les questions de sécurité, il est aussi son principal confident en matière politique. Ministre de l’Intérieur depuis la mort d’Oufkir, il dirige la gendarmerie royale par l’intermédiaire de son adjoint, le général Hosni Benslimane. Directeur des aides de camp du roi et proche du prince Abd Allah, il est devenu un intime de la famille royale. Supérieur hiérarchique de Mohammed Mediouri, chef depuis 1971 du « Département de la Protection royale » (DPR), Dlimi a ainsi un œil sur tout ce qui se déroule au Palais. Interlocuteur privilégié des services de contre-espionnage étrangers, il surveille de près les activités des Marocains de l’étranger grâce aux nombreux réseaux d’agents qu’il entretient au sein des services consulaires.

    Dans le peuple, si l’on prononce certes son nom avec crainte, on répand aussi de nombreuses rumeurs à son sujet. On le dit bon vivant, amateur de bonne chère et de belles femmes. On raconte que, dans ses villas, il anime des soirées arrosées où se succèdent danseuses et chanteuses et où la cocaïne n’est jamais absente. On l’accuse aussi de s’enrichir considérablement. Il est certes difficile de faire ici la part entre la vérité et la calomnie, mais ce qui est certain c’est qu’une grande partie de l’élite marocaine vit alors dans un luxe très ostentatoire et qu’elle jouit de mœurs qui sont bien loin des normes en vigueur dans le reste de la société.

    Le 1er septembre 1976, à l’initiative de son partenaire et ami, Alexandre de Marenche, le directeur du SDECE, service de renseignement extérieur français, le général Dlimi participe à la création du « Safari Club ». En raison du traumatisme provoqué par la fin de la guerre au Vietnam et le scandale du Watergate, la CIA s’est en effet retrouvée mise sous tutelle par le Congrès. Depuis lors, la diplomatie américaine semble en crise et incapable de contrer efficacement l’expansionnisme soviétique. En 1974 et 1975, le Mozambique, l’Angola et l’Ethiopie vont basculer coup sur coup dans le camp de Moscou. Les services secrets français, saoudiens, égyptiens, iraniens et marocains décident donc de s’unir et de créer une commission spéciale. Installée au Caire, elle sera chargée de centraliser leur travail afin de s’opposer à l’avancée russe. C’est dans la même optique que sera fondé en 1981 le « Midi Club », une structure d’échange d’informations organisée cette fois ci par les services de renseignement marocains, français, espagnols, italiens, tunisiens et palestiniens, afin de lutter contre les organisations terroristes liées à Moscou, en particulier le FPLP-COSE de « Carlos » et le « Fatah-CR » d’Abu Nidal.

    Les services marocains entretiennent par ailleurs des contacts suivis avec leurs homologues israéliens. Cette relation, tout à fait exceptionnelle pour un pays musulman, remonte en réalité au début du règne de Hassan II qui, contrairement à son père, avait décidé d’autoriser l’émigration des juifs marocains vers Israël (émigration qui sera d’ailleurs directement prise en charge par le Mossad à la faveur de l’opération Yakhin menée de 1961 à 1964). Après la mort d’Oufkir, Ahmed Dlimi va reprendre à son tour le dossier très sensible des relations israélo-marocaines, si sensible d’ailleurs que tous les contacts entre les deux pays resteront clandestins. Cela n’empêchera pourtant pas Dlimi de rencontrer à de nombreuses reprises le ministre de la Défense israélien, le célèbre Moshe Dayan, héros de la Guerre des Six Jours.

    Mais les services marocains de Dlimi ne se contentent pas d’échanger des informations avec leurs homologues Occidentaux. A plusieurs reprises, ils vont aussi mobiliser leurs propres troupes pour mettre en échec la « subversion communiste » qui menace l’Afrique subsaharienne3. En janvier 1977, Ahmed Dlimi joue ainsi un rôle clé dans la tentative de renversement orchestrée contre le régime marxiste de Matthieu Kérékou au Bénin. Les participants de cette opération, baptisée « Crevette », seront ainsi entraînés sur la base de Benguerir près de Marrakech sous la direction de l’agent français Bob Denard. A peine débarqués au Bénin, les mercenaires devront toutefois se replier devant la réaction des forces de sécurité locales.

    Si cette tentative s’est donc soldée par un échec retentissant, d’autres opérations, toujours pilotées par les services de Dlimi, fonctionneront mieux, comme celle qui permettra de renverser en août 1979 le président pro-communiste de Guinée-Équatoriale, Macias Nguema. A la fin des années 1970, des conseillers militaires marocains sont également envoyés un peu partout dans le continent noir pour servir aux côtés des Français et des Américains, qu’il s’agisse d’appuyer l’UNITA de Jonas Savimbi, le Tchad d’Hissène Habré ou le Zaïre de Mobutu. En 1977 puis en 1978, lorsque les troupes françaises vont investir la ville minière de Kolwezi pour la reprendre à des rebelles communistes, elles seront accompagnés sur leurs talons par des soldats marocains.

    En contact permanent avec les milieux diplomatiques et militaires occidentaux, Dlimi négocie personnellement les grands contrats d’armement passés par l’armée chérifienne. Diplomate habile, il participe en compagnie du roi aux grands sommets internationaux de la Ligue Arabe comme à ceux des Nations Unies. En avril 1974, il accompagne très officiellement le jeune prince Mohammed (futur Mohammed VI) lors des funérailles du président français Georges Pompidou. Au début du septennat de François Mitterrand, Dlimi sera régulièrement reçu par son conseiller occulte, François de Grossouvre, avec lequel il ira souvent chasser dans les marais de Sologne.

    Il nous parait utile de citer ici l’épisode narré dans ses mémoires par Pierre Marion, alors directeur général du SDECE, car il met en scène le personnage de Dlimi dans une situation cocasse et à vrai dire assez symbolique de son statut, alors proche et en même temps subalterne :

    « Au Maghreb, nous sommes en contact étroit avec les Marocains et les Tunisiens. Chez les premiers, mes interlocuteurs sont le roi lui-même et le général Dlimi, chef des services secrets, qui j’ai rencontrés dès septembre 1981. Mes rapports avec Hassan II sont faciles et sympathiques ; je le vois pratiquement un mois sur deux. Nous échangeons des renseignements et des analyses sur la situation en Afrique du Nord, notamment en Algérie. En Afrique noire, il est proche de plusieurs chefs d’Etat et, au Proche-Orient, il suit les évènements de près […]. Une fois, en septembre 1981, il me fait demander de venir le voir en urgence. Je le rencontre dans son palais en altitude situé à Ifrane […]. Une fois la discussion terminée, il propose de me ramener lui-même à Fez. Sortant du palais, il s’installe au volant d’une Aston Martin dernier modèle et nous faisons le trajet de cent cinquante kilomètres à toute allure, accompagnés par deux hélicoptères de sécurité volant à base altitude de chaque côté de la route. Dlimi est assis à l’arrière sur un strapontin, les genoux dans la bouche […]. Nous conversation se termine dans les beaux jardins du palais de Fez […]. Je suis surpris par ce curieux régime de pouvoir personnel, mariant modernisme et archaïsme, comme l’illustrent notre course folle au volant d’une voiture occidentale et ces jardins où s’agenouillent à chaque coin d’arbre des courtisans. Moi-même suis honoré d’accolades très travaillées » (Marion, Pierre : Mémoires de l’ombre, Flammarion, 1999, p. 198-199).

    5. La bataille du Sahara

    A partir de 1974, Ahmed Dlimi va également prendre en main le dossier jugé ultra prioritaire du Sahara espagnol. Depuis qu’il a obtenu son indépendance, le royaume du Maroc revendique en effet la souveraineté sur ce territoire dont il se considère comme le légitime propriétaire en vertu de droits historiques qui remontent à l’époque médiévale.

    En novembre 1975, afin de manifester sa volonté d’annexer cette région riche en minerais, le roi Hassan II organise une grande démonstration, la « Marche Verte », qui va réunir près de 500 000 civils « volontaires » (bien encadrés il est vrai par près de 20 000 soldats). Le 14 novembre 1975, le gouvernement espagnol co-signe finalement les accords de Madrid, qui vont partager leur ancienne possession en deux, un tiers de la zone revenant à la Mauritanie et les deux autres au Maroc. Immédiatement, et tandis que les derniers soldats espagnols quittent le pays avec armes et bagages, l’armée marocaine se met en ordre de marche et franchit la frontière, occupant Laayoune le 11 décembre puis Lagouira neuf jours plus tard. Alors que la monarchie était au plus bas, la bataille du Sahara, promue au rang de grande cause nationale, lui permet de redorer son blason auprès d’une opinion chauffée à blanc.

    Mais cette occupation ne va pas sans rencontrer des résistances. Fondé en 1973 et fortement soutenu par l’Algérie, le Front Polisario, l’organisation armée de la résistance sahraouie, s’oppose en effet fortement à la politique marocaine. Au motif que les populations locales n’ont pas été consultées après les accords de Madrid, il réclame la création d’une République sahraouie indépendante. A partir de janvier 1976, cette organisation se lance dans une véritable guerre de guérilla contre les armées marocaines et mauritaniennes. Bien armés et connaissant très bien le terrain, ses militants vont se révéler de redoutables adversaires. En janvier 1979, à la surprise générale, ils parviendront même à occuper brièvement la ville de Tan-Tan. Quelques mois plus tard, leurs attaques vont contraindre la Mauritanie à se retirer de la partie du Sahara espagnol qu’elle occupait jusque-là, mais le Maroc va immédiatement intervenir pour récupérer le contrôle de la zone ainsi évacuée.

    C’est dans ces conditions difficiles que Dlimi est nommé commandant de la zone militaire Sud avec le grade de général. Après quelques années d’une lutte indécise, il finit par comprendre que la défense statique n’a aucune chance d’aboutir à des résultats durables face à une guérilla toujours très mobile comme celle qu’entretient le Polisario. Il organise alors la création de trois colonnes mobiles composées de 7 000 hommes chacune. Baptisées Uhud (1979), Zellaga (1980) et Al-Arak (1981), ces trois unités vont sillonner le Sahara à la recherche des éléments ennemis tout en utilisant en appui des Mirage 3 français et des F-15 américains. L’autre arme de Dlimi sera le fameux « mur des sables », une gigantesque ligne de fortifications destinée à isoler le « Sahara utile » des attaques de la rébellion. Débutée en août 1980, l’édification de ce « mur », long de plusieurs milliers de kilomètres, va s’étaler en six étapes jusqu’en 1987. Il ne tardera pas à prouver son efficacité, forçant finalement le Polisario à signer un cessez-le-feu en septembre 1991.

    En juin 1981, alors qu’éclatent les émeutes de Casablanca, provoquées par la dégradation des conditions de vie de la population dues à l’envolée du prix des denrées alimentaires, le général Dlimi est à Laayoun au Sahara. Il ne participera donc qu’indirectement aux dures opérations de répression qui feront encore une fois plus d’une centaine de morts.

    6. Une fin brutale

    Alors que débute l’année 1983, le général Dlimi semble parvenu au fait de sa puissance. N’est-il pas entré au conseil de régence en décembre 1981 ? Peut-être s’estime-t-il devenu invulnérable ? On dit en tout cas qu’il lui arrive même de ne plus répondre à certains coups de téléphone royaux !

    Dans la soirée du mardi 25 janvier 1983, tandis qu’il sort d’une entrevue avec le roi à Marrakech, et alors qu’il regagne sa villa de Rabat, son véhicule est brutalement percuté par un camion lancé à peine vitesse. Le général Dlimi meurt sur le coup. Le choc est grand dans l’opinion publique, qui soupçonne évidemment un règlement de compte. Toujours est-il que le défunt aura droit à des funérailles officielles célébrées à la grande mosquée de Rabat en présence du prince-héritier Moulay Mohammed et de son oncle Moulay Abd Allah (traditionnellement, le roi du Maroc n’assiste pas aux funérailles).

    Dans les jours qui suivent, Hassan II va organiser de main de maître la succession de Dlimi, dont les prérogatives vont être soigneusement partagées entre plusieurs responsables. Le général Hosni Benslimane (1935), commandant de la Gendarmerie royale, conservera son poste mais passera sous l’autorité directe du roi. Le général Abdelaziz Bennani (1931) deviendra pour sa part le nouveau commandant de la zone Sud avec pour mission de poursuivre la lutte contre le Polisario. Enfin, Driss Basri (1938-2007), secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur depuis 1974, prendra la tête du ministère. Moins flamboyant et plus technocratique que son mentor, il saura cependant se montrer tout aussi efficace que lui. D’ailleurs, à peine six mois plus tard, il organisera sans pitié la chute du clan Dlimi dont tous les membres se retrouveront déchus de leurs fonctions officielles.

    Depuis lors, c’est un voile pudique qui a recouvert l’épopée de ce sémillant général qui aura pourtant été l’homme fort du pays pendant près de onze ans.

    Bibliographie :

    . Arboit, Gérard : L’Affaire Ben Barka, le point de vue des services de renseignement, Note historique n°43, Centre français de recherche sur le renseignement, 2015.

    . Burgat, François : L’islamisme au Maghreb, Payot, 1995.

    . Leveau, Rémy : Le Fellah marocain défenseur du trône, Presses de la Cité, 1985.

    . Marzouki, Ahmed : Tazmamart, cellule 10, Editions Paris-Méditerranée, 2001.

    . Perrault, Gilles : Notre ami le roi, Folio, Gallimard, 1990.

    . Smith, Stephen : Oufkir, un destin marocain, Pluriel, Hachette, 2002.

    . Tobji, Mahdjoub : Les Officiers de Sa Majesté, les dérives des généraux marocains, Fayard, 2006.

    Notes :

    1 D’après les dires de sa veuve Malika, le général Oufkir aurait été abattu par Ahmed Dlimi en personne.

    2 L’UNFP était née en 1959 d’une scission d’avec l’Istiklal. En 1972, une nouvelle scission, cette fois-ci en son sein, donnera naissance à l’USFP.

    3 Parmi les principaux représentants des services français au Maroc on trouvait notamment Raymond Sasia. Ancien garde du corps du président de Gaulle et directeur du centre de tirs de Rabat, il fut l’un des principaux responsables de la sécurité personnelle du roi Hassan II entre 1972 et 1999.

    Crédit photographique : Carte de l’Afrique du Nord datée du milieu du 19ème siècle, cartotecadigital.icc.cat, Institut Cartogràfic de Catalunya [via Wiki Commons]. Comme on peut le voir, elle attribue une large partie du Sahara au sultanat du Maroc.

    Source: devirisillustribusblog

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  • Maroc : La nomination de Haj Mediouri comme président de la Fédération Royale Marocaine d’Athlétisme était à la demande des 10 athlètes les plus en vue de l’époque

    La nomination de Haj Mediouri comme président de la Fédération Royale Marocaine d’Athlétisme était à la demande des 10 athlètes les plus en vue de l’époque

    Selon Aziz Daouda, directeur technique à la Fédération royale marocaine d’athlétisme à trois reprises, notamment de 1994 à 2006, Haj Mohamed Mediouri, l’ancien chef de la sécurité de Hassan II et beau-père du roi Mohammed VI n’a pas été imposé par le palais royal comme président de la Fédération Royale Marocaine d’Athlétisme. Un groupe des meilleurs athlètes du Maroc l’avait demandé à Hassan II en 1993.

    Daouda a publié une copie de cette carte dans son blog. Voici le texte intégral de l’article à ce sujet :

    Un document Historique pour notre athlétisme et un acte fondateur.

    Mes amies et amis, je ne sais pas ce qui m’a pris ce soir. et triste. Sans doute en réaction aux propos de Mr Hayatou à l’encontre de notre pays. Des propos on ne peut plus méchants et revanchards.

    Je suis nostalgique, alors j’ai décidé de vous livrer un document historique:
    La lettre adressée à feu Sa Majesté Hassan II pour qu’il nous donne Haj Mediouri comme président de la Fédération Royale Marocaine d’Athlétisme.

    Cette lettre est signée par les 10 athlètes les plus en vue de l’époque.
    Said Aouita. Nawal El Moutawakel. Khalid Skah. Fatima Aouam. Moulay Brahim Boutayeb.Fatima El Faquir. Rachid ElBsir.Hassania Darami. Abdelaziz Sahere. Nezha Bidouane.

    Je pense être le seul à détenir encore une copie de ce document historique, remis au secrétariat particulier de Sa Majesté.
    Quelques jours après le dépot Sa Majesté donna son approbation.

    Un mois après Haj Mediouri se présenta à la présidence et fut élu en assemblée générale le plus normalement du monde.

    Certains ont écrit et dit que Mr Mediouri avait été imposé par le palais royal, cela est archi-faux. Ce sont les athlètes de l’époque qui courageux s’étaient rebellés contre la présidence de Mr Moumine Mohamed et avaient réagit à la débâcle de Stuttgart, édition des championnats du monde de laquelle le Maroc était revenu bredouille et avec le scandale dit alors l’affaire Taki en prime.

    Taki est un jeune athlète de Benguerire qui payera de sa carrière la bêtise et l’imbécillité d’autres personnes que le temps va certainement débusquer…

    Voici le document dont je considère la signature comme un acte fondateur. Un acte qui va permettre d’assoir un athlétisme marocain mondialement performant.

    Excuser la qualité du document, la technologie de 1993 n’était pas celle d’aujourd’hui.

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Mohamed Mediouri, FRMA, Fédération royale marocaine d’athlétisme, Aziz Daouda,

  • Le PTB répond au Comité Free Ali Aarrass concernant les 3lois ciblant les binationaux

    Le PTB répond à la lettre du Comité Free Ali Aarrass

    Le Comité Free Ali Aarrass a interpellé des têtes de liste des partis pour les élections fédérales à Bruxelles concernant les 3 lois votées ces dernières années ciblant les citoyens binationaux.

    Deux questions ont été posées aux candidats Didier Reynders (MR); Georges Dallemagne (CDH); François De Smet (Défi); Ahmed Laaouej (PS); Zakia Khattabi Abtoy (Ecolo); Maria Vindevoghel Merlier (PTB), Dyab Abou Jahjah (Be.One)

    1) Quelle est la position de votre parti sur ces trois lois ; 2) Votre parti compte-t-il demander leur abrogation s’il participe au prochain gouvernement fédéral ? «

    Voici la réponse du PTB

    Notre position de base est la suivante : nous sommes pour l’égalité des droits et nous nous battons pour protéger la citoyenneté des enfants nés en Belgique ou ayant grandi en Belgique, ainsi que pour tous les citoyens ayant la double nationalité.

    Nous ne voulons pas qu’il y ait des citoyens de première et de seconde zone.
    Et c’est au quotidien que nous nous battons dans les entreprises, dans les quartiers, contre le racisme et les discriminations structurelles qui touchent nos compatriotes. Il est inacceptable qu’en 2019, en Belgique, une partie importante de la population porte un double fardeau, exclusion sociale et racisme, et n’a pas les mêmes chances de décrocher un emploi correct, une bonne école, un logement abordable, etc.

    Ces 3 lois (déchéance nationalité, déportation, assistance consulaire) ciblant les citoyens binationaux renforcent un statut de sous-citoyens et instituent une double (et même triple) peine. Il faut que cela cesse. Ce combat concerne d’ailleurs l’ensemble du monde du travail. Où va s’arrêter la logique de créer des citoyens de seconde zone ? Ces mesures peuvent toucher à terme tous les travailleurs, tous les activistes, etc. On commence par attaquer les droits des minorités nationales comme banc d’essai pour réduire ensuite les droits de la population tout entière.

    Nous exprimons notre solidarité avec le combat du Comité et avec Ali Aarrass, devenu l’une des victimes et symbole vivant des dérives de la lutte anti-terroriste.

    Le PTB demande l’abrogation de ces lois. Il serait impossible pour le PTB de participer à un gouvernement alors que de telles lois sont en vigueur.

    Solidarité Maroc

    Tags : Maroc, Belgique, Ali Aarrass, répression, torture, double nationalité, PTB,

  • Maroc – Les secrets du cabinet royal

    Par Souleïman Bencheikh

    Conseillers, analystes, stratèges : ils forment un gouvernement de l’ombre au service exclusif de Mohammed VI. Qui sont-ils ? à quoi servent-ils ? TelQuel perce le secret.

    Le cabinet royal alimente les rumeurs. On sait depuis toujours que la proximité du roi, entourée de mystère, fait des bavards. Elle alimente aussi les passions. A mesure que l’équipe de choc de Mohammed VI grossit, à mesure qu’elle vole la vedette au gouvernement, les mécontentements affleurent. Le sens commun met dans le même sac un Fouad Ali El Himma, dépêché au chevet de la scène politique, et des conseillers royaux mis à contribution pour la formation du gouvernement. Le résultat est le même : c’est l’oreille du roi qui fait droit. Les proches de Mohammed VI sont ainsi crédités d’un pouvoir immense, celui de faire et défaire les carrières, de lancer ou bloquer des réformes, au gré de leur influence. Mais derrière les quelques conseillers du roi, c’est toute une équipe qui travaille dans l’ombre, recrutée avec soin.

    Chasseur de têtes

    Avril 2007, dans les couloirs des grandes écoles parisiennes, la rumeur bruisse. Le petit monde des étudiants marocains est en ébullition, mais seuls quelques rares initiés se passent le mot : “Tu sais que le cabinet royal recrute ? ça t’intéresse ?” Profil recherché : un jeune bardé de diplômes, à la discrétion éprouvée et, bien entendu, monarchiste convaincu. Finalement, l’heureuse élue est une jeune femme de 25 ans, diplômée d’une prestigieuse école de commerce parisienne, riche d’une expérience de quelques mois en banque d’affaires. Pour son premier job au Maroc, Zineb a ainsi rejoint au cabinet royal une équipe permanente de 25 chargés de mission. Autour d’elle, des profils un peu plus traditionnels : beaucoup d’hommes, 45-50 ans en moyenne, qui ont souvent bourlingué avant d’atterrir dans le saint des saints.

    Yassine, la cinquantaine bien trempée, était chargé du recrutement de la perle rare. Il ne cache pas sa satisfaction : “J’avais un cahier des charges très clair. Au cabinet, nous avons besoin de profils d’excellence, des jeunes gens capables de sacrifier pour un temps leur vie de famille”. A l’entendre, travailler au cabinet royal serait un sacerdoce : “Beaucoup d’entre nous pourraient gagner bien plus dans le privé. Ce qui est intéressant dans ce boulot, c’est le sentiment de travailler sur des dossiers essentiels pour le pays”. Il ne compte plus les heures passées au bureau, les coups de fil tardifs, les déplacements de dernière minute… Mais en quelques années passées au cabinet, ce travailleur de l’ombre, sans doute une des têtes les mieux faites du royaume, a gagné en assurance : poignées de main par-ci, sourires par-là, Yassine est exactement à sa place. Même s’il n’a pas toujours le temps pour savourer : dans l’entourage du roi, nous explique-t-on, il n’y aurait guère de place pour l’autosatisfaction mal placée, on ne cherche que des profils discrets, souvent rbatis ou fassis, rarement casablancais.

    Petite berline (noire de préférence), costume sombre et ton mesuré, les membres du cabinet évitent de trop s’afficher. L’un d’eux confirme : “Nous évitons les profils hauts en couleur. En fait, nous avons deux mots d’ordre : retenue et sobriété. D’ailleurs, le cabinet royal ne fait rêver que parce qu’il est mystérieux. A l’intérieur, il n’y a rien de vraiment épatant”.Il n’empêche que, pour le commun des mortels, le cabinet, toujours associé au palais et à la cour, reste fascinant. Nombreux sont les petits ambitieux qui font courir le bruit qu’ils ont leurs entrées dans le cercle des collaborateurs du roi. Yassine sourit et concède : “Cette fascination m’amuse, oui, j’avoue”.

    Dans l’antre du loup

    La liste des membres du cabinet royal est pourtant connue, puisqu’ils sont nommés par dahir. Outre les six conseillers directement rattachés à Mohammed VI, on compte une grosse vingtaine de chargés de mission dont la hiérarchie est fixée par le roi. Restent les collaborateurs à temps partiel, qui sont souvent détachés auprès du cabinet par d’autres ministères. Ils seraient ainsi 100 à 150 cabinards à être concernés.

    A leur tête, Mohamed Rochdi Chraïbi, ami d’enfance du roi, joue le rôle officieux de directeur. Mais dans les faits, chaque conseiller a son équipe, plus ou moins étoffée.Abdelaziz Meziane Belfkih et Zoulikha Nasri sont les mieux lotis, peut-être parce qu’ils sont aussi les plus actifs ou, du moins, les plus visibles. Le premier a en charge des dossiers essentiels, avec plus ou moins de réussite. Il est par exemple fier d’avoir planché sur la réalisation du port de Tanger Med. Mais, concernant la question amazighe ou la réforme de l’enseignement, Meziane Belfkih n’a pas encore tiré son épingle du jeu. Zoulikha Nasri, venue du monde de l’assurance, s’occupe quant à elle des questions sociales. Elle chapeaute pour le compte du roi la fondation Mohammed V pour la solidarité.

    Dans une moindre mesure, Mohamed Moâtassim a aussi son domaine d’influence, lié à la politique. Réputé proche de Fouad Ali El Himma, il a participé à la formation du dernier gouvernement avant d’être épaulé par Meziane Belfkih. André Azoulay occupe une place à part. Conseiller depuis 1991, il a longtemps été très proche de Hassan II et du prince héritier, avant de perdre du terrain sous Mohammed VI. Il garde la haute main sur le festival gnawa d’Essaouira, ville dont il est natif, et reste indispensable pour son réseau international et ses amitiés américaines. Il est aujourd’hui le VRP du régime, constamment en déplacement, mais peu souvent aux côtés du roi. Les deux autres conseillers, Omar Kabbaj et Abbès Jirari, occupent pour le moment une place marginale dans l’entourage du roi. Car, dans l’antre du loup, les places sont chères. “Tout est question de positionnement. Il faut savoir ficeler un dossier car rien ne nous échoit par hasard. Avant qu’un conseiller prenne la charge d’un dossier, il doit se battre en amont”, explique ce proche du sérail. Tout serait ainsi question de forme plus que de fond, d’approche et de calcul plus que de courage et de sincérité.

    Déjà, Hassan II, en son temps, avait prévenu : “Les conseillers sont des collaborateurs dévoués qui me sont proches et me tiennent compagnie (…) ceux que je peux sans gêne recevoir même dans ma chambre à coucher, quand je suis encore au lit”. Le conseiller doit ainsi avoir toutes les qualités du bon courtisan (avoir de la conversation, savoir plaire au roi) sans forcément avoir un domaine de compétence spécifique. Sous Mohammed VI, le rôle et la place des conseillers au sein de la cour ont sans aucun doute évolué, ne serait-ce que parce que la plupart sont entrés au cabinet du temps de Hassan II et, à ce titre, ne font pas partie du cercle resserré des amis du roi, composé pour l’essentiel de ses camarades du Collège royal. Mohammed VI a ainsi changé quelques unes des habitudes du cabinet. Alors que Hassan II lisait ses discours dans leur première version, arabophone, les collaborateurs de son fils lui préparent un texte en français qui est ensuite traduit. L’intérêt est de dégager des idées fortes, des slogans qui se veulent fédérateurs, comme “monarchie exécutive” et “monarchie citoyenne”. “Les arabophones du cabinet royal ne peuvent pas penser à ce type de mots d’ordre”, s’amuse, un brin cynique, un chargé de mission.

    Gouvernement de l’ombre

    “C’est avec Hassan II que le cabinet royal a pris l’allure d’un shadow cabinet surveillant étroitement les activités du gouvernement, mais au début, il n’avait qu’un rôle réduit et officieux qui se limitait aux conseils et aux informations donnés par une poignée de collaborateurs discrets à un roi encore mal assuré dans ses nouvelles fonctions de chef de l’Etat”, écrit John Waterbury dans Le commandeur des croyants, la monarchie marocaine et son élite. (PUF, 1975). Historiquement, ce “shadow cabinet” est créé en 1950, sous la dénomination “cabinet impérial”. Le 7 décembre 1955, un dahir fixe sa composition : un directeur général, un directeur, un chef de cabinet, un conseiller et huit attachés. Soit 12 personnes, loin de la trentaine de membres permanents actuels. La chaîne des responsabilités est alors presque cartésienne, très hiérarchisée et le cabinet a alors toujours un animateur principal, un leader avéré.

    Dans les années 1960, le conseiller royal Ahmed Reda Guédira a ainsi cristallisé la rancœur des politiques, notamment parce qu’il était omniprésent sur la scène politique et médiatique. Même ses confrères au cabinet royal, à l’image de Abdelhadi Boutaleb, ne se sont pas privés de dénoncer (post mortem) sa propension à marcher sur les terres d’autrui.Mais sous Hassan II, le cabinet n’était pas encore ce qu’il est devenu. “Baptisé par les Rbatis le “garage”, ou la “pépinière”, le cabinet royal est une gare de transit entre deux ministères, pour les personnalités du régime”, écrivait Cubertafond en 1975. Mais depuis les années 1990, il n’est plus un point de chute, il est au contraire devenu l’aboutissement d’une carrière ministérielle, une sorte de cooptation makhzénienne des élites technocrates. Les gouvernements de Karim Lamrani et Abdellatif Filali ont ainsi permis à certains ministres de s’illustrer aux yeux du roi et d’être ensuite cooptés, à l’instar de Meziane Belfkih ou Omar Kabbaj. Cette évolution vers le recrutement de profils plutôt technocratiques au sein du cabinet royal a de quoi effrayer les milieux politiques. Etudiée à la lumière de la faible attractivité des partis, elle traduit aussi le peu d’estime dans lequel ils sont tenus.Les technocrates devenus conseillers ne constituent pas pour autant la première garde rapprochée du roi. Mohammed VI a un cercle d’amis dont ne font pas forcément partie les conseillers. Au premier rang desquels Mustapha Mansouri, patron de la DGED, Fouad Ali El Himma, et Mounir Majidi, secrétaire particulier. Rochdi Chraïbi peut, lui, être considéré comme la tête de pont du “groupe des amis” au sein du cabinet royal.

    L’Etat, c’est le roi

    La confusion entre ce qui relève des aspects privés de la monarchie (les amitiés et les affaires du roi) et ce qui a trait à l’intérêt commun (réformes, investissements) est une constante historique. Les va-et-vient sont ainsi incessants entre le secrétariat particulier (qui gère la fortune de Mohammed VI) et le cabinet (qui s’occupe des dossiers du roi), y compris des flux de numéraire. Le budget du cabinet royal est de ce point de vue intéressant : il n’est tout simplement pas du domaine public, noyé dans les 2,5 milliards de dirhams qu’engloutit chaque année la monarchie. Ceux qui évoquent le démembrement de l’Etat par le roi ont notamment à l’esprit la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), le Conseil supérieur de l’enseignement (CSE), et le Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH). Toutes ces administrations, auxquelles il faut ajouter trois fondations, sont rattachées au roi par le biais de ses conseillers et échappent au contrôle du gouvernement. Décision louable, en 2008, les budgets de la HACA et du CCDH sont, pour la première fois, passés sous le contrôle de la primature. Autres preuves de bonnes intentions, le consultant Hicham Chbihi a été chargé jusqu’en 2004 d’une mission de réorganisation du cabinet. Selon une source proche du dossier, les audits effectués à cette occasion n’auraient révélé aucun dysfonctionnement majeur. Les signes annonciateurs d’une plus grande transparence sont bel et bien là, même si l’oreille du roi ne se partagera jamais.

    3 questions à Mohamed Tozy (politologue)

    “Demain la transparence”On parle beaucoup du rôle et de la place des conseillers du roi dans le paysage politique marocain. Empiètent-ils sur les prérogatives du gouvernement ?Aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’il y a une administration directe des conseillers royaux sur le gouvernement. Il n’y a pas de substitution formalisée. Par contre, on peut certainement parler d’influence, notamment dans les nominations, car les conseillers maîtrisent les voies de passage vers le roi.Est-ce une nouveauté ?C’est un débat ancien. De 1965 à 1967 par exemple, cabinet royal et gouvernement se confondaient : Hassan II administrait directement le pays. Sous Mohammed VI, la nouveauté, c’est que le rôle des conseillers est plus visible. Ils prennent la parole en public plus souvent et sont donc aussi plus exposés.L’influence des conseillers reste très obscure et le flou règne quant au budget alloué au cabinet royal. Dans ce cadre, peut-on parler de transparence ? Il est vrai qu’à la cour, les cotes montent et descendent très vite, un peu comme à la Bourse. Malgré tout, il y a un début de rationalisation, une forme de permanence qui assure aux conseillers un véritable pouvoir et les protège aussi quelque peu d’une éventuelle disgrâce. Quant au budget du cabinet royal, on ne peut que souhaiter que les dépenses publiques soient soumises aux mêmes contrôles, notamment celui de la Cour des comptes. Ce qui n’est pas encore le cas.

    Plus loin. Sésame, ouvre-toi

    Vitrine de la monarchie ou tombeau de ses secrets, le cabinet royal vit une transition difficile. Il subit de plein fouet la schizophrénie dont souffre le régime. Les conseillers en communication de Mohammed VI vantent les mérites de la transparence et de la bonne gouvernance, semblant rompre avec les pratiques d’un autre règne. Autoritarisme et dirigisme seraient désormais remisés au placard. Mais, dans le même temps, jamais le cabinet royal n’a semblé aussi omniprésent. Ses succès, les dossiers qu’il a ficelés et le crédit qu’il a engrangé auprès du roi mettent en relief les défaillances de l’administration marocaine, abandonnée aux luttes partisanes. Face à des ministres dépassés ou à la recherche de parachutes dorés, les conseillers du roi, dûment financés, avancent leurs pions : nominations, grands investissements et même réformes politiques, peu de choses leur échappent. Mais, pendant qu’on prône la méritocratie, ce sont les mêmes mécanismes de cooptation qui s’affinent et se développent, reposant toujours sur l’allégeance au trône. Alors qu’on loue les mérites de la gouvernance, les circuits décisionnels sont toujours aussi informels, et contournent encore les mécanismes ministériels. La transparence est érigée en dogme, mais le culte du secret perdure : “Le mystère est un attribut du pouvoir”, susurrent les éminences grises du régime. Que valent alors ces mots martelés comme des slogans : gouvernance, transparence, méritocratie, citoyenneté ?Fier des réalisations de son cabinet, mais fidèle à sa longue tradition d’omerta, le régime semble en fait osciller entre désir de montrer et culture du secret. Flash-back. Il y a un an, quelques semaines après la formation du gouvernement El Fassi, les conseillers Mohamed Moâtassim et Abdelaziz Meziane Belfkih montaient au créneau dans la presse pour expliquer leur rôle dans les nominations. Quelques mois plus tard, au moment de la parution du rapport annuel du CSE (Conseil supérieur de l’enseignement), le même Meziane Belfkih endossait sa casquette de président délégué du Conseil pour évaluer l’état de notre système éducatif. Mais, lors de ces deux seuls rendez-vous en un an, la communication des Moustacharine a été désastreuse : interviews de commande dans le premier cas et, dans le deuxième, mauvaise synchronisation médiatique avec le ministère de l’Education. Pour autant, les conseillers ne sont pas inaccessibles : désireux souvent d’apparaître sous leur meilleur jour, les Moustacharine peinent à se départir d’un silence que seul le roi a le pouvoir de briser. Jusqu’à présent bras armé de la “monarchie exécutive”, le cabinet royal ne pourra opérer le virage de la “monarchie citoyenne” sans entrouvrir ses portes.

    Souleïman Bencheikh

    Source: Tel Quel Articles, 18 nov 2008

    Tags : Maroc, Mohammed VI, cabinet royal, Fouad Ali El Himma, Mounir El Majidi,