Mois : mars 2013

  • « Une nation sans Etat, reconnue par plus de 80 pays »

    La Fédération des Associations de soutien au peuple sahraoui a organisé, vendredi, à la Faculté des sciences sociales de l´Université de Valence, le traditionnel séminaire sur la question du Sahara occidental, placé sous le signe de la commémoration du 36e anniversaire de la proclamation de la RASD.
    « Une nation sans Etat, reconnue, aujourd´hui, par plus de 80 pays ». C´est cette reconnaissance internationale que les experts politiques de la question sahraouie et des juristes de renommée mondiale ont tenu à souligner. Comme chaque année, ils étaient nombreux à assister à cette table ronde dont la réflexion a été centrée, cette fois, sur la position de l´Union européenne sur ce conflit du Sahara occidental qui dure depuis novembre 1975, date de l´occupation militaire de l´ancienne colonie espagnole par le Maroc. 
    Parmi les participants, il y avait Omar Mansour. L´invitation adressée au délégué du Front Polisario en France s´explique par l´attitude franchement pro-marocaine des gouvernements de droite de cette puissance membre permanent du Conseil de sécurité que tous les participants ont pointée du doigt. Giscard d´Estaing, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont, tour à tour, soutenu l´annexion du territoire sahraoui par le Maroc, ne laissant aucune chance à l´application des résolutions de l´ONU sur le droit inaliénable du peuple sahraoui à l´autodétermination. C´est ce qu´un membre de CEAS, une association de soutien à la cause sahraouie, a tenu à nous faire observer. 
    « La France, sous Jacques Chirac, avait tenté, en 2002, d´entraîner tous les pays de l´Union européenne vers une position commune sur le Sahara occidental, inclinée, bien sûr, sur les thèses marocaines » et à laquelle l´ex-président espagnol, José Maria Aznar, avait mis son veto. C´est la cause fondamentale du conflit de Perejil (juillet 2012) entre l´Espagne et le Maroc. Aussi, l´arrivée de la gauche au pouvoir a fait naître « beaucoup d´espoirs de voir la France aligner sa position sur la légalité internationale concernant la question sahraouie », conclut cet activiste de CEAS. 
    C´est autour de la position européenne basée sur le respect du droit du peuple sahraoui à l´autodétermination que la majorité des eurodéputés, dont Vincent M. Garcès, ont bâti leur stratégie. « L’Europe doit se prononcer clairement en faveur de la tenue d´un référendum au Sahara occidental, de la surveillance internationale des droits de l´Homme dans les territoires occupés par le Maroc et contre le pillage des richesses naturelles sahraouies », sont, entre autres, les aspects du droit international sur lesquels insistent les juristes et les experts. 
    L´action particulière des eurodéputés espagnols, dont le communiste Willy Mayer est à l´avant-garde, a conduit le Parlement européen à mettre en avant cette clause fondamentale dans la conclusion de son projet d´accord économique, de pêche ou agricole, entre la Commission européenne et le gouvernement marocain : l´absence de tout titre de souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Carlos Ruiz Miguel, professeur de droit constitutionnel de Santiago de Compostelle, est un éminent spécialiste du Sahara occidental. Ses études et ses interventions, dans tous les séminaires organisés à tour de rôle par les universités espagnoles, sont axées sur ce volet juridique de la question sahraouie : le parachèvement de la décolonisation du Sahara occidental, territoire non autonome dont l´Espagne est toujours considérée par l´ONU comme la puissance administrative. 
    C´est ce point de vue qu´un autre spécialiste de la question sahraouie, Luis Portillo, a développé, dans une analyse publiée par la presse. « Selon le droit international et l´Organisation des Nations unies, l´Espagne continue d´être la puissance administrative de son ancienne colonie jusqu’à ce que le processus de décolonisation de ce territoire non autonome soit parachevé ». Ce juriste rappelle que « l´Espagne doit assumer ses responsabilités envers son ancienne colonie et agir au plan international pour faire valoir les dispositions de la IVe Convention de Genève sur la protection des civils en temps de guerre ». Allusion de Luis Portillo, centrée sur cette question d´actualité : le sort qui est celui des 24 indépendantistes sahraouis de Gdeim Izik « arrêtés dans leur pays, le Sahara occidental, et traduits devant la justice militaire de l’occupant après avoir été torturés dans la prison de Salé ».
    N. A.
    HORIZONS, 2/03/2013
  • L’Algérie accuse le Maroc de chercher à pérenniser le statu quo au Sahara occidental

    Le conflit au Sahara occidental continue d’empoisonner les relations algéro‑marocaines. Jeudi, l’ambassadeur du Maroc auprès de l’Office des Nations unies à Genève, Omar Hilale, a lancé un « appel fraternel à l’Algérie afin de s’impliquer sincèrement dans la recherche d’une solution politique consensuelle » à ce conflit, selon l’agence marocaine MAP. Cet appel a suscité la colère d’Alger. « À travers son intransigeance, le Maroc veut pérenniser le statu quo, à défaut de faire prévaloir sa thèse de l’autonomie, au mépris de la légalité internationale », a déclaré, à TSA, un responsable au ministère des Affaires étrangères.
    Selon la MAP, M. Hilale répondait au ministre algérien des Affaires étrangères, qui a appelé, mardi dernier à Genève, à la mise en œuvre des recommandations du secrétaire général de l’ONU contenues dans son rapport présenté au Conseil de sécurité, en avril 2012, sur la protection des droits de l’Homme au Sahara occidental.
    L’ambassadeur marocain a assuré que le Maroc « assume pleinement ses engagements nationaux et internationaux pour garantir le respect des droits de l’homme pour tous ses citoyens et sur l’ensemble de son territoire national ». Mais cette assurance est contredite par la situation des droits de l’Homme au Sahara occidental. « S’agissant de la situation des droits de l’homme au Sahara occidental, il suffit de rappeler les conclusions du comité contre la torture, qui, en examinant le quatrième rapport périodique du Maroc, s’est dit préoccupé par les allégations concernant un usage excessif de la force par les forces de l’ordre et les agents de la sécurité marocains », rappelle le responsable algérien, qui cite aussi « les allégations faisant état d’arrestations et de détentions arbitraires, de détention au secret, de tortures et de mauvais traitements, d’extorsion d’aveux sous la torture et d’usage excessif de la force ».
    L’Algérie plaide pour la mise en place d’un mécanisme international de surveillance des droits de l’Homme dans les territoires sahraouis occupés par le Maroc. « S’il y a encore un doute à ne pas imposer un tel mécanisme, le procès, foncièrement injuste et politiquement motivé, contre les militants sahraouis de Gdeim Izik est là pour le balayer », affirme le même responsable.
    Le 16 février, le Tribunal militaire de Rabat avait condamné les 24 prisonniers politiques sahraouis de Gdeim Izik à des peines allant de 20 ans de prison à la réclusion à perpétuité. Mercredi, des eurodéputés ont qualifié ce procès de « véritable honte » et de « type colonial ». Des ONG de défense des droits de l’Homme ont également dénoncé un procès inéquitable.
    TSA-Algérie, 01/03/2013
  • Rapport Mendez : « la torture est encore pratiquée au Maroc »

    Le Rapporteur spécial de l’ONU détaille les pratiques de torture et encourage les autorités marocaines à prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin. Voici les grandes lignes de son rapport qui sera présenté lundi à Genève.
    La torture et les mauvais traitements n’ont pas disparu au Maroc selon le rapport de Juan Mendez, le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, qui sera publiquement présenté lundi à Genève et dont Lakome détient une copie.
    Selon ce rapport, réalisé suite à sa visite au Maroc en septembre dernier, Juan Mendez « se félicite de l’émergence, d’une manière générale, d’une culture des droits de l’homme » au Maroc mais indique par ailleurs que la pratique des traitements cruels « persiste dans les affaires pénales de droit commun » et que dans les situations de forte tension, comme par exemple en cas de menace perçue à la sécurité nationale, de terrorisme ou de manifestation de masse, « il y a un recours accru aux actes de torture et aux mauvais traitements lors de l’arrestation et pendant la détention ».
    Terrorisme et sécurité nationale
    Juan Mendez se dit « vivement préoccupé » par des témoignages de torture et de mauvais traitements dans des cas présumés de terrorisme ou de menace contre la sécurité nationale. « Il semble qu’actuellement la torture soit utilisée sur une large échelle pour obtenir des aveux dans les affaires touchant la sûreté nationale. Les tortures infligées consistent à frapper les personnes concernées avec un bâton et un tuyau, à les suspendre pendant de longues périodes, à les frapper sur la plante des pieds (falaqa), à les frapper de la paume de la main sur le visage et, en particulier, sur les oreilles, à leur donner des coups de pied, à les exposer à des températures extrêmes, à les agresser sexuellement ou à les menacer d’agressions sexuelles. »
    Le Rapporteur spécial revient aussi sur les conditions d’arrestation et les « détentions secrètes » (incommunicado) de suspects dans ces cas qui touchent à la sécurité nationale. « Dans de telles situations, il semble que souvent les suspects ne sont pas officiellement enregistrés, qu’ils sont détenus pendant des semaines sans être présentés à un juge et sans contrôle judiciaire, et que leurs familles ne sont informées de leur détention que lorsqu’ils sont transférés dans les locaux de la police pour signer des aveux. Selon les informations reçues, dans de nombreux cas, les victimes sont alors conduites à un poste de police, où une enquête préliminaire, datée du jour du transfert au poste, pour éviter le dépassement des délais de garde à vue, est ouverte. »
    Concernant les personnes reconnues coupables d’infractions liées au terrorisme, le Rapporteur spécial a constaté que ces derniers « continuaient d’être soumis à la torture et à des mauvais traitements pendant l’exécution de leur peine. ».
    Usage excessif de la force pendant les manifestations
    Juan Mendez revient sur les manifestations populaires de février et mars 2011 « pour la réforme de la constitution et de la démocratie ». Il note que « les forces de sécurité auraient plusieurs fois agressé les manifestants, faisant au moins un mort et de nombreux blessés ». Le Rapporteur spécial fait état de témoignages similaires concernant les manifestations de mai 2012 à Rabat, à Fez, à Tanger et à Témara. Le gouvernement s’est justifié en parlant de manifestations non-autorisées et donc « légitimement dispersées » mais Juan Mendez rétorque que l’usage excessif de la force est interdit par le droit international.
    Impunité des responsables de torture
    Le Rapporteur spécial note « avec préoccupation » qu’aucun fonctionnaire ne semble avoir été poursuivi pour des actes de torture. Suite à sa demande, le gouvernement marocain a indiqué que 220 agents de la force publique ont fait l’objet d’enquêtes. Juan Mendez indique que ces agents sont poursuivis pour coups et blessures et non pour actes de torture et que la plupart « sont encore en examen ou ont été déclarés non coupables. Les rares policiers qui ont été reconnus coupables ont été condamnés à des peines légères telles qu’une amende ou une suspension. »
    A propos des travaux de l’IER et de la question de l’impunité, Juan Mendez craint d’ailleurs « que les activités de l’Instance n’aient pas brisé le cycle de l’impunité de facto des auteurs des violations de la Convention commises pendant cette période, dans la mesure où, à ce jour, aucun d’entre eux n’a été poursuivi. ». Par ailleurs, le Rapporteur spécial « regrette que des hautes autorités refusent d’admettre que la torture est encore pratiquée.»
    Preuves obtenues sous la torture
    Juan Mendez indique que les juges « semblent disposés à accepter des aveux sans essayer de les étayer par d’autres éléments de preuve même si la personne se rétracte au tribunal et affirme avoir été torturée. En outre, les témoignages reçus indiquent que de nombreuses affaires soumises aux tribunaux reposent entièrement sur les aveux de l’accusé, en l’absence de toute preuve matérielle ».
    Il tient à souligner que le système médico-légal marocain « devrait être revu d’urgence et réformé, dans la mesure où il ne garantit pas actuellement la détection, la documentation et une évaluation médico-légale correcte de tout cas présumé de torture et de mauvais traitements; selon le Rapporteur spécial, c’est peut-être là une des raisons de la non-application de la règle d’exclusion des éléments de preuve obtenus sous la torture ».
    http://fr.lakome.com/index.php/societe/459
  • Maroc : Rapport accablant du Rapporteur Spécial de l’ONU sur la torture

    (…)
    72. Dans les affaires touchant la sûreté de l’État (terrorisme, appartenance à des mouvements islamistes ou appui à l’indépendance du Sahara occidental) il y a une pratique ancrée de la torture au moment de l’arrestation et pendant la détention de la part de policiers, notamment d’agents de la Direction de la surveillance du territoire (DST). De nombreuses personnes ont été contraintes à faire des aveux et condamnées à des peines d’emprisonnement sur la foi de ces aveux. Souvent, ces personnes continuent d’être victimes de violations pendant l’exécution de leur peine.
    73. Lorsque la police ou d’autres autorités réagissent à des incidents survenant pendant des manifestations ou des réunions, elles font un usage excessif de la force. Que des manifestations soient autorisées ou non, les autorités doivent se conformer aux normes internationales de nécessité et de proportionnalité et respecter le droit à la vie et à l’intégrité physique.
    84. En ce qui concerne Laâyoune au Sahara occidental, le Rapporteur spécial est arrivé à la conclusion que des tortures ou des mauvais traitements ont été infligés au moment de l’arrestation, dans les postes de police et à la prison de Laâyoune. Il est également arrivé à la conclusion qu’il y avait un recours excessif à la force pendant les manifestations pour l’indépendance du Sahara occidental, ainsi que des enlèvements et des abandons dans le désert de manifestants présumés pour les intimider.
    85. Le Rapporteur spécial a en outre entendu des témoignages selon lesquels des violations seraient commises par des éléments non étatiques œuvrant pour l’indépendance du Sahara occidental. Tout en exprimant sa sympathie aux victimes, il note que de telles allégations ne sont pas couvertes par son mandat. Enfin, le Rapporteur spécial regrette que les réunions avec la société civile aient été surveillées par les autorités et les médias et que les caméras étaient présentes à son arrivée dans tous les lieux où il s’est rendu. À Laâyoune en particulier cela a créé un climat d’intimidation ressenti par bon nombre de personnes qu’il a interrogées pendant sa visite.
    97. En ce qui concerne Laâyoune, au Sahara occidental, le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement: 
    a) D’enquêter rapidement sur toutes les allégations faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements pendant et après les manifestations et à la prison de Laâyoune; de tenir les auteurs responsables de ces actes et d’accorder une indemnisation aux victimes;
    b) De reconsidérer la compétence du tribunal militaire pour connaître d’affaires concernant des civils dans le cas des 23 Sahraouis en détention à la prison 1 de Salé et de veiller à ce qu’en principe, les civils ne soient pas condamnés par des tribunaux militaires; d’ouvrir des enquêtes sérieuses et impartiales pour établir les faits exacts dans cette affaire et déterminer quelle est la responsabilité des membres de la police ou des forces de sécurité; et d’enquêter sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements;
    c) De trouver des moyens pour renforcer encore plus la protection des droits de l’homme internationalement reconnus, notamment en invitant les mécanismes des procédures spéciales de l’Organisation des Nations Unies; en renforçant l’engagement avec la société civile et les institutions nationales des droits de l’homme; et en facilitant la présence des organisations internationales non gouvernementales;
    d) La région tout entière tirerait profit de l’établissement d’un mécanisme régional intergouvernementales de surveillance des droits de l’homme, robuste, comme une mesure importante visant à instaurer la confiance et qui peut contribuer à améliorer la situation en ce qui concerne le respect des droits de l’homme et, en particulier, l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.