Année : 2011

  • Seif el-Islam Kadhafi, vendu par son guide

    Seif el-Islam Kadhafi, capturé le week-end dernier par des partisans du nouveau pouvoir, a été trahi par un nomade libyen, guide du désert, qui dit avoir été engagé pour faire passer le fils du colonel Kadhafi au Niger voisin. Ce nomade, Youssef Saleh al-Hotmani, explique qu’on lui avait promis un million d’euros s’il réussissait à faire passer Seif elIslam de l’autre côté de la frontière. «J’ai fait croire à Seif que je lui faisais confiance», a dit mardi le nomade à Zentane, la ville où Seif el-Islam a été transféré pour y être détenu au secret. 
    La nuit de la capture de Seif elIslam, Hotmani raconte qu’il circulait en compagnie de sa garde personnelle, dans la première voiture de leur convoi.
    L’embuscade a eu lieu non loin de la petite ville pétrolière d’Obar, dans les environs de l’oasis de Sebha (centre-ouest du pays). «Il avait été convenu avec les combattants (qui ont capturé Seif el-Islam) que le meilleur endroit pour tendre l’embuscade serait dans une zone 
    du désert cernée de hauteurs», raconte-t-il. 
    Dix combattants de Zentane, ville du Djebel Nefoussa, dans le nord-ouest de la Libye, et cinq membres de la tribu de Hotmani, les al-Hotman, attendaient le passage du convoi. «Seif a tenté de s’échapper en courant». 
    «Lorsque nous sommes arrivés, en pleine obscurité, les tirs ont été très précis, il n’a fallu que trente secondes pour se rendre maîtres du premier véhicule», poursuit le nomade, qui avait demandé aux hommes de Seif el-Islam de maintenir trois kilomètres entre leurs véhicules, afin de donner aux combattants le temps d’agir. «Quand le deuxième véhicule est arrivé, nous avons commencé à tirer avec une grande précision, pour endommager le véhicule et empêcher Seif de s’échapper», relate Hotmani. 
    Seif el-Islam, vêtu d’une longue djellaba et portant un large burnous, a bondi de la voiture et tenté de s’échapper en courant, mais il a été rattrapé, explique Hotmani. «Nous l’avons traité comme un prisonnier de guerre». 
    Ce nomade du Sahara n’a pas dit quand et comment il avait pris contact avec les combattants qui ont, grâce à lui, pu capturer Seif elIslam. «Je suis sûr et certain qu’ils (Seif et ses gardiens) comptaient me liquider lorsque nous aurions atteint la frontière. Ils avaient deux fusils, deux grenades, un couteau et des menottes. Ils étaient prêts à m’exécuter, au moindre doute», assure-t-il. 
    «Ils comptaient m’exécuter» 
    Les combattants du Conseil national de transition (CNT) qui ont arrêté le fils et ancien dauphin du colonel Kadhafi voient dans le nomade un «héros». 
    À bord du convoi des deux voitures, ils n’ont guère retrouvé que cinq mille dollars et Hotmani dit ne pas avoir reçu un centime du million d’euros qui lui était promis. «Je n’avais pas demandé à être payé à l’avance. Il n’y avait pas d’argent dans la voiture, ce qui prouve qu’ils comptaient bien m’exécuter à la frontière», estime-t-il. 
    Hotmani, qui dit parler plusieurs langues et avoir dirigé une petite agence de tourisme, explique qu’il avait été recruté comme guide du désert par le groupe comprenant Seif el Islam. «Seif croyait que j’ignorais qui il était. Personne ne m’avait dit qui c’était», raconte le nomade. «Seif rêvait de fuir la Libye pour y retourner par la suite», continue-t-il. 
    L’orient-le jour 
  • «Pousse-toi que je m’y mette» ?

    L’Algérie freine l’action sécuritaire dans la bande du Sahel, nous rapporte le plus sérieusement du monde un grande agence en voie de MAPemisation. Nous servir ce genre de sottise, c’est comme nous dire que la Tour Eiffel s’est coiffée d’un croissant et chantait Kassaman chaque shabbat dans la langue d’Ahmadinedjad. La même source a réussi le tour de force de faire dire à un tas de gens – il n’y manquait que le classique chauffeur de taxi – que c’est Alger qui empêche le système de défense des pays du champ de se mettre à l’aise. N’est-il pas réconfortant de voir d’honorables correspondants s’inquiéter du cas de notre région martyre, avec le même dévouement que celui de leur demi-compatriote BHL ? Sauf que les Algériens sont le contraire de BHL ; ils répugnent à jouer à Zorro dans le voisinage. Nos djounoud ne peuvent faire, par exemple, ce que font les héritiers de Bigeard. En aucun cas ils ne violeront le territoire d’un pays réputé souverain en l’absence de son président. Le «droit à l’ingérence» n’a pas la cote chez nous. La RADP a d’autres principes, d’autres valeurs, elle dont les lois interdisent formellement à ses ressortissants de s’impliquer dans les conflits armés hors de ses frontières. Mais, sait-on jamais, peut-être que la Constitution le permettra une fois amendée comme on l’envisage dans le cadre des réformes. Bizarrement on culpabilise les Algériens parce qu’ils refusent de faire ce qu’ils ne veulent pas qu’on leur fasse ! Mais quelles sont donc les forces qui gagneraient à disqualifier l’Algérie dans la zone sahélo-saharienne lorsque l’on sait que l’action commune des gouvernements des pays du champ gagne en harmonie ? Un diplomate présenté comme nigérien, anonyme bien sûr, nous met quand même sur une piste intéressante. «Nos Etats continueront à développer leurs relations sécuritaires, d’un côté avec l’Algérie, de l’autre avec d’autres pays, également incontournables, comme le Maroc et la France», disait-il. Bizarre, les Etats-Unis qui viennent d’abriter une rencontre sur le Sahel ne figurent pas parmi les «incontournables». Ce qui est assez significatif. Mais qui douterait vraiment des immenses efforts d’Alger pour sécuriser la région du Sahel, la développer et la tenir loin de la nocivité des BHL et autres visiteurs incongrus. M. Z. mohamed_zaaf@yahoo.fr
    Le Jeune Indépendant, 24/11/2011
  • Le Polisario dénonce le vote d’une motion sur le renouvellement de l’accord UE-Maroc

    BRUXELLES – Le Front Polisario a dénoncé le vote par la commission de la pêche du Parlement européen d’une motion en faveur du renouvellement de l’accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne (UE) pour une année permettant ainsi aux Européens de pêcher illégalement dans les eaux du Sahara occidental, indique un communiqué du ministre-délégué sahraoui pour l’Europe, Mohamed Sidati publié par l’agence de presse sahraouie (SPS).
    « Obéissant aux convoitises du lobby de pêche européen, la commission de la pêche de l’UE a adopté une position qui contredit les recommandations des commissions du budget et du développement de le rejeter ». Cette attitude constitue une évolution regrettable qui remet en cause la crédibilité de l’UE en tant que défenseur du droit international et des Droits de l’homme », a souligné le ministre sahraoui.
    Le responsable sahraoui a souhaité que le Parlement européen prenne « une position juste au moment du vote de l’accord les semaines à venir et qui met un terme au pillage des ressources naturelles sahraouies ».
    APS
  • Quand tombe le mur du Sahara occidental

    De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari

    Un mur de sables empêchant de s’approcher, d’entrevoir la dune. Poussière aveuglante puis, soudain, le mur, immense barbelé de deux mille sept cents kilomètres construit par le colonisateur, le Maroc. Il coupe le Sahara occidental en deux. Souffrances du peuple des Ténèbres.

    Hier, à Bruxelles, un colloque a parlé de cette ligne de la mort, de la honte, du désespoir… L’espace Marx, centre de Bruxelles, lieu culte du rassemblement, du colloque en Belgique, a abrité, hier, un cycle de conférences sur le mur du Sahara occidental. Vincent Chapeaux, chercheur en droit international à l’université libre de Bruxelles (ULP), Willy Meyar, eurodéputé espagnol, responsable de la revue Transform, et Hilt Teuwen, secrétaire général du Comité belge de soutien au peuple sahraoui, ont longuement évoqué le mur de la honte construit par le Maroc et qui coupe le Sahara occidental en deux. La plus riche, évidemment, dans l’escarcelle du Makhzen colonisateur. A l’époque, relevons-le, Hassan II avec l’expertise d’Israël a opté pour cette formule barbare pour se prémunir du harcèlement continu du Front Polisario. Les intervenants, journalistes, représentants d’associations et d’organisations de défense des droits de l’homme ainsi que les conférenciers ont mis en exergue le caractère sauvage mais surtout illégal au regard du droit international de la construction des murs de séparation, d’exclusion, d’apartheid. Ainsi en a-t-il été du mur de Berlin, tombé, démantelé. Ainsi en sera-t-il des murs restants, ceux séparant Ghaza et la Cisjordanie d’Israël et celui coupant le territoire sahraoui en deux. A la veille du congrès du Polisario (mi-décembre-Tifariti), d’éminents représentants des consciences universelles ont fait le bon choix de rappeler que le printemps arabe, si printemps arabe il y a, passe aussi par l’autodétermination du peuple sahraoui. L’espace Marx a martelé cela.

    Le Soir d’Algérie, 24/11/2011

  • Les révoltes arabes, passées et présentes

    Les Arabes se révoltent historiquement tous les dix ans contre les régnants, et l’Occident a soutenu la plupart des contre-révolutions.

    Les défis populaires actuels aux dictatures arabes soutenues par l’Occident sont loin d’être un phénomène nouveau dans l’histoire arabe contemporaine. Nous avons connu de telles insurrections contre le colonialisme européen dans la région depuis qu’il apparu en Algérie en 1830 et en Égypte en 1882. Les révoltes en Syrie dans les années mille-neuf-cent-vingt contre le joug français et surtout en Palestine de 1936 à 1939 contre le joug colonial britannique et le colonialisme sioniste de peuplement ont été massives, comparées au reste du monde. En fait, la révolte palestinienne en inspire bien d’autres dans le monde colonisé et continue d’influencer les Arabes pendant le restant du siècle et au-delà. La résistance anticoloniale, qui s’est opposée aussi aux régimes arabes mis en place par le colonialisme, s’est étendue à la Jordanie, l’Égypte, au Bahreïn, à l’Irak, aux Yémen du Nord et du Sud, à l’Oman, au Maroc et au Soudan. La révolte anticoloniale de masse en Algérie apportera finalement au pays, en 1962, son indépendance du colonialisme français. Avec la libération de l’Algérie, c’est l’une des deux colonies d’implantation européennes dans le monde arabe qui s’incline, il n’en reste alors qu’une seule : la Palestine. Sur le front territorial colonial, une grande partie du Golfe arabique reste occupée par les Britanniques jusque dans les années soixante et le début des années soixante-dix, et elle attend sa libération.

    Après la guerre de 1967

    Au milieu de la mélancolie qui domine et frappe le monde arabe après la défaite de 1967 suite aux invasions israéliennes simultanées de trois pays arabes et à l’occupation de leurs territoires et de la totalité de la Palestine, le défi lancé par la guérilla révolutionnaire palestinienne à la puissance coloniale d’Israël à la bataille de Karamah en mars 1968 permet à des dizaines de millions d’Arabes de renouer avec l’espoir et de relancer l’inquiétude des dictatures arabes néocoloniales (nonobstant la forte exagération du rôle d’Arafat durant la bataille). La révolution palestinienne est une source d’inspiration pour beaucoup, et elle coïncide également avec les efforts révolutionnaires non seulement dans le tiers monde en général mais aussi dans les pays arabes, efforts qui en retour vont inspirer les Palestiniens.

    Les meilleures nouvelles révolutionnaires anticoloniales dans le monde arabe après la défaite de juin 1967 vont venir de la péninsule Arabique. C’est en novembre 1967 que les révolutionnaires du Yémen du Sud infligent une défaite honteuse aux Britanniques et libèrent leur pays du joug de la Grande-Bretagne coloniale, laquelle gouverne à Aden depuis 1838. Les Yéménites du Sud fondent bientôt la République démocratique populaire du Yémen, qui durera 22 ans, avant d’être dissoute définitivement par le Yémen du Nord et ses alliés saoudiens.

    Dans l’Oman voisin, le combat en cours pour libérer le pays entre dans une nouvelle phase de guérilla sous la direction du Front populaire pour la libération d’Oman et du Golfe arabique (le PFLOAG), qui est unifié en septembre 1968 dans le cadre de l’unification plus large d’un certain nombre de groupes de guérilla omanais qui combattent le sultan Said bin Taymour, soutenu par les Britanniques. Le PFLOAG libère le territoire du Dhofar (sud du sultanat d’Oman) d’où il continue de lancer des attaques pour libérer le reste du pays. En effet, les mouvements de libération nationale sont actifs dans tout le Golfe, et il n’en va pas moins au Bahreïn où une lutte de libération nationale est en cours, avec des mouvements de travailleurs, d’étudiants et de femmes militantes unis contre la domination coloniale britannique et ses valets locaux.

    La répression

    Mais l’alliance américano-britannico-israélo-saoudienne est déterminée à écraser tous les groupes révolutionnaires qu’elle peut écraser, et à récupérer ceux qui lui résistent. Son effort se déploie d’abord dans le Golfe. Bahreïn, qui fut le foyer des travailleurs et de troubles anticoloniaux pendant des décennies, poursuit son combat contre la domination britannique et la famille régnante du Bahreïn alliée au colonialisme britannique. Mais comme les Britanniques ont été chassés hors du Yémen du Sud et que la menace contre leur client omanais se confirme, ils déplacent leur commandement militaire au Bahreïn, une étape suivie d’investissements de capitaux britanniques massifs dans le pays (de même qu’à Dubaï). Ces développements entraînent, comme on pouvait s’y attendre, plus de répressions contre le peuple bahreïnien et leur mouvement de libération nationale. En effet, c’est dans ce contexte que le Shah d’Iran affiche ses revendications territoriales sur le Bahreïn et menace de l’annexer à l’Iran comme sa « quatorzième province ». Ses ambitions territoriales ne sont tempérées par ses alliés occidentaux et les Nations-Unies qu’en 1970, une fois que le Shah aura renoncé à ses prétentions en échange de massifs investissements de capitaux iraniens dans les petits pays arabes émergeants du Golfe, notamment aux Émirats arabes unis. L’Occident est reconnaissant au Shah pour sa magnanimité, et il va continuer de le récompenser, diplomatiquement et politiquement.

    Sur le front jordanien, l’armée du roi Hussein met un coup d’arrêt aux triomphes des guérilleros palestiniens et les écrase lors d’une agression de grande envergure, en septembre 1970. Les guérilleros de l’OLP sont finalement tous expulsés du pays en juillet 1971. Cependant, ils conservent une base solide au Liban, d’où ils peuvent continuer leurs actions contre Israël et les dictatures arabes.

    Au Soudan, le parti communiste continue de se renforcer à la fin des années soixante et jusqu’à l’arrivée au pouvoir en 1969 de Ja’far al-Numeiry qui, au début, ne parvient pas à marginaliser totalement les communistes et doit attendre d’avoir renforcé son régime, en 1971, pour y réussir. Leur tentative de coup d’État contre son régime autoritaire échoue. Aussitôt, dans une rafle il arrête des milliers de communistes et fait exécuter tous les principaux dirigeants du parti, liquidant le plus grand parti communiste du monde arabe. La dictature de Numeiry dure jusqu’en 1985, où l’échec alors de l’opposition démocratique permet au candidat Omar al-Bashir, soutenu par les Saoudiens, de prendre le pouvoir en 1989 et de continuer sur la lancée de Numeiry.

    Seul, le PFLOAG continue de progresser au début des années soixante-dix, obligeant l’alliance USA-Royaume-Uni-Arabie saoudite à un effort très important pour le vaincre. Le Shah d’Iran et le roi jordanien sont mis à contribution dans cet effort. Ils dépêchent des contingents militaires à Oman et, encouragés par les conseillers britanniques, réussissent finalement à battre les guérilleros et à préserver le trône du sultan Qabus, fils du sultan Said qui avait renversé son père lors d’une révolution de palais, en 1970, organisée par les Britanniques. Après la défaite ultime des révolutionnaires omanais en 1976, l’OLP reste le seul groupe révolutionnaire survivant à l’agression, aux côtés d’un Yémen du Sud pauvre et faible qui finit lui-même par être englouti par le Yémen du Nord soutenu par les Saoudiens.

    La récupération

    L’argent des Saoudiens, et d’autres, dans le Golfe afflue dans les coffres de l’OLP pour s’assurer que le révolutionnarisme palestinien, en partie défait en Jordanie, ne retournera jamais plus ses fusils contre un autre régime arabe. Et effectivement, l’argent du Golfe transforme l’OLP en un groupe de libération financé par les régimes les plus réactionnaires du tiers monde. Le chemin d’Arafat vers Oslo commence après la guerre de 1973 et le financement massif qu’alors il reçoit de toutes les dictatures arabes riches en pétrole, de Kadhafi à Saddam Hussein en passant par toutes les monarchies du Golfe. C’est cette récupération de l’OLP qui va pousser les régimes arabes à la reconnaître en 1974, comme seul représentant légitime du peuple palestinien, et c’est la principale raison qui les amène à appuyer sa reconnaissance à l’ONU, la même année. En effet, l’alliance réactionnaire d’Arafat avec les dictateurs arabes est telle que des services de renseignements de l’OLP se mettent à partager leurs informations sur les dissidents arabes avec les dictatures arabes, notamment le service de renseignements de l’OLP dirigé par Abu Za’im qui livre le dissident saoudien Nasir Sa’id en décembre 1979 aux Renseignements saoudiens, sur requête de l’ambassadeur saoudien au Liban. On n’entendra plus parler de Said et on pense qu’il a été exécuté par les autorités saoudiennes. Sur le front diplomatique et de la solidarité, en 1976, le Front Polisario proclame l’indépendance du Sahara occidental, mais Arafat refuse de reconnaître cet État par égard à son alliance avec le roi Hassan II.

    Les nouveaux soulèvements

    Les groupes révolutionnaires palestiniens sont les seuls à ne pas être totalement récupérés, et bien qu’ils soient devenus suffisamment cooptés aux yeux des régimes arabes, pour les USA et les autres puissances impériales, c’est du peuple palestinien lui-même qui se révolte en 1987 contre son occupant israélien que va venir le nouveau défi.

    C’est cette deuxième révolte majeure palestinienne en un demi-siècle, que beaucoup voient maintenant comme la source d’inspiration des soulèvements en cours dans le monde arabe, qu’il va leur falloir écraser. Les Israéliens font tout ce qu’ils peuvent pour cela, mais ils échouent. L’OLP en prend rapidement la direction de peur qu’une nouvelle direction palestinienne ne supplante sa propre autorité dans la représentation des Palestiniens. L’OLP reprenant l’Intifada, les efforts des Israéliens et des Américains vont récupérer finalement l’OLP tout en neutralisant ses capacités à contrecarrer la politique US et israélienne dans la région. C’est dans ce contexte que sont signés les Accords d’Oslo et que l’OLP, de menace pour les dictatures arabes, pour leur commanditaire impérial américain et pour l’occupation israélienne, elle devient un agent des trois, sous le couvert d’Autorité palestinienne (AP), une autorité qui aide au renforcement de l’occupation israélienne et à une alliance impie avec les dictatures du Golfe et les États-Unis. Dès lors, les armes de l’OLP/AP ne sont plus dirigées que contre le peuple palestinien.

    L’alliance des Américains, Britanniques, Saoudiens et Israéliens dans la région relève aujourd’hui des mêmes stratégies qu’à la fin des années soixante et début des années soixante-dix, et garde la stratégie qu’ils ont adoptée avec l’OLP au début des années quatre-vingt-dix. Ils écrasent tous les soulèvements qu’ils peuvent écraser, et ceux qui leur résistent, ils les récupèrent. Leurs actions pour coopter totalement les insurrections tunisienne et égyptienne ont fait de grandes avancées au cours des derniers mois, même s’ils n’ont pas réussi à réduire les populations au silence ou à les démobiliser. D’un autre côté, le soulèvement au Bahreïn était le premier qu’il leur fallait écraser avec celui des Yéménites qui continuaient la lutte sans répit. En Libye et en Syrie, ils ont totalement détourné les orientations du soulèvement et en ont pris la direction. Même si les Syriens, comme les Libyens avant eux, continuent leur courageux soulèvement contre leur régime brutal, exigeant la démocratie et la justice sociale, leur quête est d’ores et déjà vouée à l’échec, à moins qu’ils soient en capacité de déloger l’axe US-GB-Arabie saoudite-Qatar qui a totalement récupéré leur lutte – ce qui est très peu probable.

    Les Palestiniens

    Ceci nous ramène à la scène palestinienne. Le soulèvement palestinien, ou Intifada, de 1987 est la première révolte civile massive non armée depuis des décennies. C’est à la suite de l’effondrement de l’Union soviétique et de la première invasion américaine dans le Golfe que les États-Unis décident de récupérer le soulèvement palestinien en accordant des avantages politiques et financiers à la classe de bureaucrates de l’OLP, lesquels vont saboter le combat palestinien. Ainsi à Oslo, en 1993, Arafat va neutraliser le soulèvement et se faire inviter à dîner à la table des dirigeants américains et israéliens pendant que son peuple reste sous occupation.

    Mais si les Palestiniens ont bien été une source de préoccupation pour les régimes arabes après 1968 dans la crainte de les voir aider d’autres révoltes arabes contre leurs dictatures, aujourd’hui, c’est l’Autorité palestinienne qui s’inquiète des soulèvements arabes qui peuvent influencer les Palestiniens de Cisjordanie à se révolter contre elle alors qu’elle poursuit sa collaboration intensive sur la sécurité avec l’occupant israélien et son mécène américain. En effet, si les Israéliens ont échoué à la fin des années soixante-dix dans leurs tentatives de créer un organisme politique de collaborateurs palestiniens par le biais de leurs tristement célèbres Ligues du village, l’AP est devenue, non pas une nouvelle « Ligue urbaine » comme bien des Palestiniens l’ont surnommée, mais une véritable Ligue nationale de collaborateurs au service de l’occupation israélienne. La récente candidature de l’AP pour un État et sa reconnaissance aux Nations-Unies et à l’UNESCO est une tentative de réponse à l’actuelle stagnation de son « processus de paix » inexistant et de ses négociations entêtées avec les Israéliens, avant que les Palestiniens se révoltent contre elle, surtout compte tenu des avantages qui se restreignent pour ceux qui ont profité de l’arrangement d’Oslo.

    L’AP avait en effet le choix entre deux directions, face à l’effondrement du soi-disant « processus de paix » : ou s’auto-dissoudre et cesser de jouer le rôle d’exécutant de l’occupation ; ou poursuivre sa collaboration en se retranchant davantage derrière des reconnaissances par les institutions internationales pour préserver son pouvoir et les avantages pour ses membres. Elle a choisi la seconde option sous le couvert de soutenir l’indépendance nationale palestinienne. Comment elle va réussir en restant dans son retranchement avec les candidatures, cela reste à voir, mais qu’elle réussite ou qu’elle échoue, ce sera de toute façon désastreux pour le peuple palestinien qui n’obtiendra aucune indépendance du colonialisme israélien aussi longtemps que l’AP tiendra la barre.

    Comme je l’ai déjà soutenu, le désaccord Israël/USA/Autorité palestinienne repose sur les conditions et la dimension territoriale des bantoustans déconnectés qui seront accordés à l’AP, et sur la nature et l’importance du pouvoir répressif et de l’armement qu’auront ses forces de police pour les utiliser contre le peuple palestinien, tout en s’assurant que de telles armes ne puissent être jamais utilisées contre Israël. Si Israël fait montre d’une certaine souplesse sur ces questions, c’est que les bantoustans déconnectés les uns des autres vont très vite être reconnus comme l’« État palestinien souverain » et que pas un seul colon juif illégal n’aura à abandonner la terre volée aux Palestiniens et à retourner à Brooklyn, pour ne citer qu’une seule origine de tous ces colons juifs colonisateurs. C’est cet arrangement que l’AP tente de vendre à Israël et aux États-Unis. Sans lui, l’AP craint que les Cisjordaniens ne se révoltent contre elle, ce qui serait mauvais pour Israël et les USA. Jusqu’à présent, ni les USA, ni Israël n’ont acheté.

    La lutte continue

    S’agissant du contexte arabe plus large, ceux qui considèrent ce qui s’est passé dans le monde arabe pendant l’année écoulée comme un « réveil » arabe ne sont pas seulement des ignorants de l’histoire du siècle dernier, ils développent aussi des arguments orientalistes, représentant les Arabes comme un peuple au repos qui a supporté les dictatures pendant des décennies et qui finalement émerge de sa torpeur. Partout dans le monde arabe, les Arabes se sont révoltés contre la tyrannie, coloniale et locale, chaque décennie depuis la Première Guerre mondiale. Ce sont les puissances coloniales européennes et leurs héritiers, les Américains qui, à chaque étape, se sont mis en travers du chemin et se sont alliés avec les dictatures locales et leurs familles (et dans de nombreux cas, ont choisi de tels dictateurs pour les mettre sur le trône).

    Le parrainage US/UE des contre-révolutions en cours dans le monde arabe aujourd’hui est une continuation d’une tradition impériale de longue date, mais il prolonge aussi la résistance arabe à l’impérialisme et à la tyrannie intérieure. Les insurrections qui ont commencé en Tunisie en décembre 2010 continuent en dépit de revers importants pour tous. Cela ne veut pas dire que les choses n’ont pas changé et qu’elles ne sont pas en train de changer de façon significative, cela veut dire néanmoins que beaucoup de ces changements sont réversibles et que la contre-révolution a en déjà inversé une part importante, et qu’elle travaille dur pour en inverser davantage encore. La vigilance est un impératif pour ceux qui se battent pour un changement démocratique et la justice sociale, surtout en ces temps de bouleversements et de mobilisation impériale intense. Certaines batailles peuvent être perdues, mais la guerre des peuples arabes contre l’impérialisme et pour la démocratie continue dans tout le monde arabe.

    * Joseph Massad est professeur associé de politique arabe et d’histoire intellectuelle à l’Université de Columbia. Son dernier livre s’intitule : The Persistence of the Palestinian Question ; Essays on Zionism and the Palestinians – Version française : La persistance de la question palestinienne.

    Du même auteur :

    C’est Israël, le danger… pas l’Iran ! – 14 novembre 2011
    Les droits d’Israël – 10 mai 2011
    Le sectarisme et ses mécontentements – 13 janvier 2011
    Résister à la Nakba – 22 mai 2010
    Oslo et la fin de l’indépendance palestinienne – 1er février 2010
    Le soulèvement du Ghetto de Gaza – 6 janvier 2009
    Renverser la démocratie – 7 juillet 2007
    Le droit d’Israël d’être raciste – 18 mars 2007

    New York, le 18 novembre 2011 – Al Jazeera – traduction : JPP

    OUMMA.COM, 24/11/2011
  • La politique de la main tendue entre le Maroc et l’Algérie

    Dans ce pas de deux maghrébin esquissé sur la scène diplomatique de la décrispation, la main tendue du roi Mohammed VI a incité, moins de deux semaines après, le président Bouteflika à lui tendre la sienne, le Maroc et l’Algérie affichant leur volonté commune de consolider leurs relations, main dans la main.

    Résolument tournée vers un avenir plus radieux, sous le signe de la « coopération, de la solidarité, et du bon voisinage », la gestuelle d’ouverture qui a rapproché le monarque marocain du chef d’Etat algérien s’est traduite par d’harmonieuses déclarations, chacun se faisant écho dans le souhait de voir éclore un Maghreb renforcé et unifié.

    Faire table rase du passé pour écrire, à deux mains, une nouvelle page dans les relations entre les deux pays, telle fut la teneur des appels lancés par les protagonistes de l’apaisement, Mohammed VI évoquant, lors de son discours du 36e anniversaire de la Marche verte, la construction d’un « Maghreb nouveau », quand Abdelaziz Bouteflika réitéra, dans son message adressé au souverain marocain à l’occasion du 56e anniversaire de l’indépendance du royaume, son désir d’œuvrer au « raffermissement des relations de fraternité et de coopération entre nos deux pays et peuples frères au mieux de nos intérêts mutuels ».

    La politique de la main tendue scellera-t-elle le pacte de la coopération bilatérale, relancée depuis plusieurs mois, notamment sur le plan énergétique et agricole ? Au-delà des belles paroles, qui ont souvent une fâcheuse tendance à s’envoler, c’est une aspiration que semblent partager avec la même ardeur les deux puissances limitrophes, qui seront peut-être demain les meilleurs voisins du monde…

    Ainsi, en marge du 4e Forum turco-arabe de coopération et de la réunion extraordinaire de la Ligue arabe sur la Syrie, le 16 novembre dernier, à Rabat, les chefs de la diplomatie marocaine et algérienne ont exhorté à « la relance de la coopération maghrébine » en convoquant une réunion d’urgence du Conseil des ministres de l’Union du Maghreb arabe.

    OUMMA.COM, 23/11/2011
  • SYRIE: L’OTAN prépare une intervention limitée

    Les ministres arabes des Affaires étrangères pour arabe se retrouveront aujourd’hui au Caire, sous la présidence du Qatar, pour se prononcer sur les suites à donner à leur initiative de sortie de crise en Syrie. Notamment, leur proposition d’envoyer 500 observateurs pour superviser la protection des civils. Damas qui a accusé la Ligue arabe de créer un « prétexte » à une intervention militaire occidentale, reconsidéra t-elle sa position sous peine de sanctions économiques ?

    Une chose est sûre. Les chefs de la diplomatie arabes tireront leurs conclusions aujourd’hui des « réponses » que leur apporteront les autorités syriennes. M. Mourad Medelci qui sera dans la capitale égyptienne en tant que chef de la diplomatie algérienne et membre du comité de suivi de l’initiative arabe, reconnaît que la situation qui prévaut en Syrie, est « préoccupante ». Il presse les autorités syriennes de répondre « positivement » à l’initiative arabe qui « est bonne dans la mesure où sa mise en oeuvre diligente aura le mérite de sauver des vies humaines et de confirmer la validité du plan de sortie de crise » si elles veulent, primo, « préserver les chances d’une solution arabo-arabe » deusio, « prévenir une internationalisation de la crise » ou une guerre civile « vraiment possible ». Selon Mohamed Zaïdi, un conseiller de Nabil Al-Arabi, le secrétaire général de la Ligue, un rapport sur « le suivi de la mise en oeuvre des décisions prises dernièrement à Rabat » notamment celle portant sur l’envoi d’observateurs arabes en Syrie, sera présenté à cette réunion qui pourrait être « crucial » pour le président Bachar El-Assad dont certains arabes réclament le départ. La Ligue qui a rejeté dimanche les 18 amendements demandés par Damas sur l’envoi des 500 observateurs, reste déterminée à « résoudre » cette crise dans un cadre arabe. Comment ? Elle ne le précise pas. Les Occidentaux qui ont brandi la menace d’une intervention armée ne semblent plus savoir sur quel pied danser. Certains avancent mordicus qu’ils n’envisagent pas une action armée. « Les pays arabes ne nous l’ont pas demandé » affirme Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères qui ne cache plus sa volonté de réintroduire devant le Conseil de sécurité une résolution visant le président el Assad. D’où peut être cette résolution condamnant la répression des manifestations adoptée mardi par la commission des Droits de l’homme de l’Assemblée générale des Nations unies par 122 votes pour, 13 contre et 41 abstentions et cette information rapportée hier matin par le Canard enchaîné. Le canard français qui cite une source du Quai d’Orsay, évoque « l’utilisation de la Turquie comme base arrière d’une intervention limitée, prudente et humanitaire de l’OTAN, sans action offensive » et l’envoi déjà au Nord du Liban et de la Turquie d’officiers français de la DGSE et britanniques du MI 6 pour « constituer les premiers contingents de l’Armée syrienne libre ».

    En attendant les « décisions » de la Ligue, la Syrie qui serait disposée à limiter les prérogatives du Baâth, le parti au pouvoir, compte sur l’Irak et le Liban pour éviter l’asphyxie économique annoncée (voyages, transferts bancaires, blocage des avoirs dans les pays arabes, arrêt des projets arabes ou arabo-syriens etc…). Selon le bureau syrien des statistiques, 52,5% des exportations syriennes et 16,4% des importations sont vers ou en provenance des pays arabes. Damas compte aussi sur la Russie et la Chine pour bloquer toute résolution contraignante au Conseil de sécurité. Selon certaines sources, Damas pourrait réactiver l’organisation palestinienne Al-Saika, en sommeil depuis plusieurs années au Liban;

     
    boukrine, 24/11/2011
  • HRW appelle Rabat à cesser de « harceler » les activistes pro-boycott

    Par Thami Afailal, demainonline,23/11/2011

    Rabat.- L’organisation américaine de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch (HRW), vient d’exiger des autorités marocaines qu’elles cessent de harceler les activistes qui appellent au boycott des élections législatives du 25 novembre prochain.

    HRW a comptabilisé depuis le 20 octobre plus de 100 c/itoyens marocains convoqués par la police « pour les /interroger » sur la distribution de dépliants appelant au boycott. L’ONG américaine donne une liste exhaustive du lieu de résidence de ces militants : Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech, Taza, Beni Mellal, Benguerir, Taounate, Larache, Benslimane, Guercif , Settat, Kelaât Sraghna, Khemisset, Meknès, Biougra, Midelt, Khénifra, et même dans des villages de ce royaume heureux.

    Des activistes pro-boycott ont déclaré à HRW qu’ils avaient été interrogés pendant plusieurs heures et certains ont affirmé avoir été photographiés, comme s’ils avaient commis un délit.

    «Le droit de choisir librement (…) inclut le droit de ne pas voter, et d’exhorter les autres à faire de même« , a déclaré Sarah Leah Whitson, responsable du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au sein de Human Rights Watch. «Harceler les gens qui soutiennent un boycott est tout aussi mauvais que de harceler ceux qui soutiennent un parti ou un candidat, et jette une ombre sur le vote. »

    HRW dénonce la confiscation par la police de tracts prônant le boycott, ainsi que l’interdiction faite à une imprimerie d’imprimer des tracts du Parti de l’avant garde démocratique et socialiste (PADS).

    Bien entendu comme dans toute bonne dictature qui se respecte, les personnes convoquées l’ont été oralement. Cette fois-ci, pas de petits papiers de la police en couleur qui sont autant de preuves. « Le chef veut te parler« , lance le policier chargé de cueillir l’activiste pour l’amener au commissariat, selon l’organisation américaine. Comme si on était dans un film de gangsters des années 30.

    On ne comprend vraiment pas le pourquoi de ces harcèlements. Si comme l’a dit le souverain dans son dernier discours le Maroc est entré dans une nouvelle « ère constitutionnelle« , et si le peuple est vraiment d’accord avec ces réformes octroyées, comme l’affirme à longueur de journées la presse aux ordres, de quoi le Palais royal a-t-il peur ?

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  • Les « Foutouhat » qataries en Afrique du Nord

    Fatma Benmosbah
    La montée en puissance du Qatar sur la scène politique arabe n’est plus à démontrer. Le minuscule émirat dont la population ne dépasse pas celle d’un quartier du Caire ou de Bombay est sur tous les fronts. Après avoir pris part à la répression de la révolte bahreïnie, il a été le seul pays arabe à apporter un soutien militaire et matériel à l’insurrection contre Kadhafi. Après avoir proposé sa médiation au Yémen, donné sa bénédiction à la Tunisie de Ghannouchi, opéré un rapprochement avec les Frères musulmans d’Egypte, le voilà qui, aujourd’hui, conduit l’orchestre dans la partition syrienne et, selon certaines sources, préparerait un changement en Algérie ?
    … l’avenir arabe dépend-il du Qatar ? Qu’en est-il des relations du Qatar avec les pays d’Afrique du Nord?
    Tunisie – Soutien et bénédiction
    Le voyage au Qatar du Cheikh Rached Ghannouchi au lendemain des élections a apporté aux Tunisiens une réponse à l’énigme de la puissance financière déployée par le parti Ennahdha lors de la campagne électorale. Le but de cette visite aurait été de remercier ses bienfaiteurs pour leur soutien logistique et financier lors de cette campagne et d’obtenir l’absolution du très influent Cheikh Youssef al Qardhaoui, bien placé pour obtenir du Cheikh Hamad ben Jassem ben Jabr Al-Thani, à la fois premier ministre, ministre des Affaires étrangères et président du QIA (fonds souverain du Qatar) un appui au nouveau gouvernement par des investissements, des dons, des prêts sans intérêts et l’ouverture de débouchés aux jeunes diplômés tunisiens au chômage. Le Qatar n’est pas une association de bienfaisance. Si la requête du Cheikh de rencontrer une réponse positive, quel sera en retour le prix à payer par la Tunisie ?
    L’annonce de M. Ghannouchi, dès son retour de Doha, relative au fait qu’il serait prêt à renvoyer l’ambassadeur syrien de Tunisie et reconnaître le Conseil national de transition syrien fournit un début de réponse. Propos pour le moins étonnants mais dans la droite ligne de la suspension de l’adhésion de la Syrie à la Ligue arabe. La Tunisie que Hamadi Jebali décrit comme le VIe Califat a approuvé cette décision ; laquelle, prise de manière arbitraire et sans respect des procédures légales par les ministres des affaires étrangères arabes, a été sans aucun doute dictée par le Qatar.
    Médias et argent, les armes de velours du Qatar en Lybie
    Si à travers la chaîne Al Jazeerah, le Qatar a joué un rôle non négligeable dans le renversement du régime libyen, les Qataris sont arrivés bien avant la chute du colonel Kadhafi avec des valises remplies d’argent, de nombreux convois d’armes pour les combattants islamistes et 5000 membres de leurs forces spéciales.
    Le 26 octobre, lors d’une réunion de pays amis de la Libye, le chef d’état-major qatari a annoncé “la formation d’une nouvelle alliance internationale de treize pays, dont les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, sous la conduite du Qatar, pour la période qui suivra la fin de la mission de l’OTAN. Son rôle sera notamment de coordonner, d’entraîner et de refonder l’armée”. Mais l’engagement qatari un peu trop marqué aux côtés des islamistes a fini par susciter des critiques parmi certains dirigeants du CNT libyen. Mahmoud Jebril, ex-Président du Bureau exécutif du CNT et Mohamed Abdel Rahman Shalgham représentant de la Libye aux Nations Unies, s’accordent pour reconnaitre qu’« aujourd’hui les pétrodollars qataris, via le soutien de certains partis en allusion au mouvement islamique, alimentent les rivalités entre les rebelles et les divers courants qui gèrent la période post-Kadhafi, et ce, en répandant la sédition entre les frères libyens. En pactisant avec les factions, le Qatar qui continue à abriter Moussa Koussa, l’ancien chef des renseignements de Kadhafi, joue un rôle, dépassant ses capacités».
    Who’s next ? L’Algérie entre soupçons et menaces
    Comme la Libye, l’Algérie est un pays riche en pétrole et en gaz dont les revenus sont très mal répartis. Il n’est pas difficile dans ce cas de se servir du peuple comme levier de changement du régime en place et le rôle grandissant du Qatar auprès de certains opposants algériens en exil, notamment les réseaux de l’ex-FIS, suscite beaucoup d’inquiétude.
    Parmi les grandes figures de cette opposition, Abassi Madani qui vit au Qatar, qui fait partie du cercle des responsables islamistes maghrébins régulièrement reçus par l’émir Madani a tissé des relations très fortes avec le CNT libyen, d’où peut-être la persistance des tensions entre Alger et le CNT. Annoncée début octobre, la visite d’une délégation libyenne à Alger n’a toujours pas eu lieu.
    Autre hôte du Qatar, Saad Djebbar, opposant et avocat personnel de l’émir du Qatar, intervient régulièrement sur la chaîne Al Jazeerah pour commenter les événements au Maghreb et en Algérie.
    Les Algériens soupçonnent aussi le Qatar de vouloir financer une chaîne de télévision qui pourrait être lancée par des opposants à l’étranger. Même si Alger tente de calmer le jeu et évite toute confrontation avec Doha, le Qatar joue clairement la révolution en Algérie. Les menaces adressées par Jassem Ben Jabr Al Thani à son homologue algérien lors du vote pour la suspension de l’adhésion de la Syrie à la Ligue arabe : «Ne défendez pas trop la Syrie, car quand votre tour arrivera, vous aurez certainement besoin de nous», ne laissent planer aucun doute à ce propos.
    « Pour l’émir, le changement en Algérie, comme dans les autres pays du Maghreb, passe par les islamistes modérés », explique un connaisseur de la politique arabe. C’est peut-être le message que Ghannouchi —qui occupe le poste de vice-président de la Ligue mondiale des ulémas musulmans et dont l’influence sur les partis islamistes dans le monde arabo-musulman est considérable— est allé passer à ses amis d’Alger. On ignore pour le moment le rôle de l’émirat qatari dans cette nouvelle initiative diplomatique, mais le leader d’Ennahdha a été reçu à Alger avec les honneurs d’un Chef d’Etat.
    Le Maroc, dans le giron des grandes sœurs du Golfe
    De tous les pays d’Afrique du Nord, le Maroc a été le seul à recevoir des dirigeants israéliens tels Shimon Peres ou Tzipi Livni. Plus, le Maroc est le seul qui, comme le Qatar, ne se cache pas d’avoir un bureau de liaison avec Israël. Le Roi Hassan II était allé jusqu’à proposer l’intégration d’Israël à la Ligue arabe. Il n’est donc pas étonnant aujourd’hui que le Maroc ait été invité à adhérer au Conseil de coopération des pays du Golfe qui regroupe les pays les plus riches et les plus engagés dans la mise en place des politiques américaines dans le monde arabe. En acceptant l’offre des maîtres du jeu politique dans la région, le Maroc pense pouvoir ainsi se mettre à l’abri de l’effet domino des soulèvements populaires arabes. En lui proposant leur soutien pour maîtriser la montée des protestations du mouvement du 20 février et trouver une issue au problème du Sahara occidental, les pays du Golfe offrent au Maroc une porte de sortie qu’il ne peut refuser.
    Sous la supervision du Qatar, désormais nouvel « Emir des Croyants » arabe, le train des démocraties islamiques semble désormais en marche. Reste que pour arriver à destination sans problèmes, les conducteurs doivent suivre le chemin tracé par les passagers. Est-ce réellement le cas ?
    L’information sur l’éventuelle présence de l’Emir du Qatar à l’ouverture de l’Assemblée constituante a provoqué la colère des Tunisiens qui multiplient les commentaires hostiles à son encontre, le décrivant comme un roitelet du Moyen Age, qui n‘a aucune leçon à leur donner tant en démocratie qu’en nationalisme arabe.
    Parlant au nom du peuple libyen, Mahmoud Jibril met en garde l’émirat : «… Qu’il s’agisse du Qatar ou d’un autre pays, tous les politologues s’accordent pour dire qu’à partir du moment où un pays cherche à élargir encore plus sa sphère d’influence, il risque de se briser du milieu…».
    Le Qatar courre- t-il ce risque ? Le soutien des États-Unis et de la France suffira-t- il à le préserver d’un éventuel retournement de situation ? A ceux qui, constatant l’impuissance de la toute puissante Arabie saoudite face aux ambitions du petit émirat rival, se demandent que peuvent faire les peuples d’Afrique du Nord pour préserver leur indépendance, on pourrait répondre que, ces peuples qui savent mieux que quiconque que sans indépendance il n’est point de liberté, n’ont peut-être pas encore dit leur dernier mot.
    Le 10 du mois de ramadan 2011, l’Emir de Qatar n’avait-il pas invité hommes politiques et religieux du monde arabe à venir prier avec lui le jour de l’Aid dans la mosquée des Omeyyades de Damas, et ce, en l’absence de Bashar el Assad. Nous attendons toujours…
    Fatma Benmosbah
    Nawaat, 23/11/2011
  • Région sahélo-saharienne : Alger déjoue les plans de Paris et de Tel-Aviv

    En un peu plus d’un mois, l’Algérie s’est redéployée sur tous les fronts, avec en prime, une meilleure gestion des conflits régionaux et la mise en échec des tentatives de l’isoler au plan arabe, maghrébin et international. Le président de la République a fait travailler sa diplomatie en continu, avec «un plan de charge et des obligations de résultats». Les projets qui la visaient étaient par trop dangereux pour les ignorer : Israël, en premier, avait clairement souhaité voir l’Algérie isolée au Maghreb et coupée de ses voisins. Le conflit libyen est venu à point nommé pour raffermir les plans de Tel-Aviv, et les rebelles, tout comme le CNT, n’avaient pas encore les visions assez claires, ni les articulations nécessaires pour évaluer le danger, et tombaient chaque jour dans le jeu qui se faisait ailleurs, et dont ils n’étaient que les instruments. 
     
    Début octobre 2011. À cette date-là, Alger paraissait coupée de son environnement géopolitique immédiat. Les querelles avec le Maroc continuaient, quand elles n’augmentaient pas en volume, les islamistes tunisiens s’apprêtaient à prendre le pouvoir et menaçaient l’Algérie de contagion, Tripoli tombait entre les mains de Abdelhakim Belhaj, l’ancien émir du Groupe islamique combattant libyen, proche du GIA, et les armes volées dans les casernes des loyalistes de Kadhafi et acheminées vers le Sud, pour terminer entre les mains d’Aqmi, créaient de nouvelles menaces dans tout le Sahara et le Sahel. 
     
    Dès lors, Alger commence à faire jouer sa diplomatie, ses coulisses, son pétrole, ses marchés et ses cartes pour, d’abord, déjouer les plans sournois qui tentaient de l’isoler, pour, ensuite, reprendre son rôle de leadership dans la triple région maghrébo-saharo-sahélienne, et pour, enfin, faire en sorte d’évoluer à l’aise dans son environnement naturel et immédiat, en compagnie de voisins avec lesquels il fallait trouver le compromis. Les rencontres Mourad Medelci- Mahmoud Jibril, puis Abdelaziz Bouteflika-Mustafa Abdeljalil ont lissé un tant soit peu les aspérités. Les humeurs de certains chefs rebelles se dissiperont avec le temps. Les ultras de ces chefs seront confrontés d’abord à un peuple libyen qui n’a pas vocation à devenir une base de radicaux. 
     
    Les contacts soutenus avec Bamako et Niamey ont définitivement amarré le Niger et le Mali à l’Algérie dans des projets politiques, sécuritaires et de développement qui s’inscrivent dans la durée. La Mauritanie aussi, est revenue à son environnement immédiat, composé principalement de l’Algérie, et entretient avec Alger des relations privilégiées. La main tendue entre Bouteflika et le souverain chérifien semble apaiser les tensions, et fait entrer les relations entre les deux pays dans sa « phase favorable ». 
     
    Bien que les relations entre Alger et Tunis ont toujours été excellentes, la récente visite du président du mouvement tunisien Ennahda, Rached Ghannouchi, et l’accueil qui lui a été réservé en Algérie promet aussi de dépasser le «noeud islamiste». Il y a moins de deux mois, en pleine liesse de « sa » victoire en Libye, le président français Nicolas Sarkozy chuchotait dans l’oreille de Mahmoud Jibril que l’Algérie « allait suivre ». L’axe Paris-Tel-Aviv-CNT fonctionnait alors à plein régime. Mais, le monde va vite, et les choses ont changé depuis lors, et les zones de turbulence ont largement changé de camp…

    Fayçal Oukaci 

     
    Le Courrier d’Algérie, 23/11/2011