Ce succès des islamistes modérés intervient cinq mois après une réforme constitutionnelle décidée par le roi Mohamed VI qui stipule que le chef du gouvernement est choisi au sein du parti arrivé en tête des élections. «Les élections législatives se sont déroulées dans le cadre de réformes importantes proposées par le roi», a souligné M. Cherkaoui, en référence à la nouvelle constitution qui prévoit un renforcement des prérogatives de l’exécutif et du parlement. Cette forte poussée des islamistes s’inscrit également sur fond de contestation au Maroc, surtout parmi les jeunes, qui réclament depuis le début de l’année une plus grande ouverture du système politique. Abdelilah Benkirane a indiqué dans un entretien avec à la chaîne France 24 que sa formation était prête à faire preuve de souplesse. «On est obligé de revoir le programme pour se mettre d’accord sur un programme commun», a-t-il assuré. «Mais l’essentiel de notre programme et de ceux qui vont gouverner avec nous aura deux axes: la démocratie et la bonne gouvernance», a-t-il poursuivi. «Les Marocains insistent pour garder leur monarchie, mais ils veulent qu’elle évolue avec eux», a encore commenté M. Benkirane. Le prochain gouvernement sera toutefois confronté à un climat social marqué par un taux de chômage estimé à près de 30% chez les jeunes.
Année : 2011
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Maroc: Les islamistes en tête
par Omar Brouksy Et Henri MamarbachiLes islamistes étaient, hier, en voie de remporter les législatives au Maroc pour la première fois de l’histoire du royaume chérifien et se sont dits prêts à former un gouvernement de coalition. Selon les résultats officiels de plus des deux tiers des circonscriptions, le Parti justice et développement (PJD) est déjà crédité de 80 sièges pour le scrutin de vendredi, et les résultats définitifs pour les 395 députés de la chambre seront connus dimanche. Fort de ce score historique, le PJD, qui était jusqu’ici le premier parti d’opposition avec 47 sièges, a annoncé qu’il était prêt à ouvrir des tractations avec d’autres formations pour former un gouvernement. «Nous sommes disposés à ouvrir des concertations avec les partis, si cela se confirme que nous sommes les premiers», a déclaré à l’AFP Abdelilah Benkirane, dirigeant du PJD, une formation qui se veut à «référence islamique» et «monarchiste».Le PJD est suivi de l’Istiqlal, le parti du Premier ministre actuel Abbas El Fassi, qui a obtenu 45 sièges, a annoncé le ministre de l’Intérieur Taïb Cherkaoui, qui a souligné la bonne participation avec un taux de 45,4% contre 37% en 2007. Le Rassemblement national des indépendants (RNI) et le Parti authenticité et modernité (PAM), deux formations libérales proches du palais royal et membres de l’actuelle coalition gouvernementale, ont respectivement obtenu 38 et 33 sièges, a encore indiqué le ministre dans une conférence de presse. Le chef du groupe parlementaire du PJD, Lahcen Daoudi, a tablé, dès hier matin, sur la conquête par son parti de «plus de 100 sièges». «C’est un tournant historique», a estimé Mustapha El Khelfi, le directeur de la publication d’Attajdid, le journal du PJD.Le Mouvement du 20 février, qui regroupe une partie des jeunes mécontents, avait appelé au boycott du scrutin, ainsi que trois autres partis de gauche. La France, premier partenaire commercial du royaume, a été le premier pays à se féliciter «du bon déroulement des premières élections législatives depuis la révision de la constitution» et a renouvelé son soutien à un «pays ami» et ancien protectorat, sans commenter la victoire des islamistes. Si cette victoire se confirme, le Maroc sera le troisième pays musulman du bassin méditerranéen à être dirigé par un parti islamiste, avec la Turquie et la Tunisie, dans l’attente des élections lundi et mardi en Egypte, qui pourraient amener les Frères musulmans au pouvoir.Le Quotidien d’Oran, 27/11/2011 -
Crise de l’euro-zone: La fin de l’euro ?
par Notre Bureau De Bruxelles: M’hammedi Bouzina MedLa survie de l’euro se joue sur les quelques jours qui viennent. Les marchés financiers mettent la pression ces dernières heures sur les Etats. Ultimatum : le Sommet européen du 9 décembre.La crise des dettes souveraines de l’Europe s’accélère et pèse d’un réel danger sur l’avenir de l’euro. L’alerte donnée la semaine dernière par un nombre de pays européens menés par la France, appuyée par la Commission européenne, sur le risque élevé d’une « implosion » de la zone euro, ne semble pas, jusque-là, « effrayer » l’Allemagne qui continue de refuser de laisser le droit à l’émission d’euro-obligations à la Banque centrale européenne (BCE).
Jusqu’à jeudi dernier, le président français Nicolas Sarkozy espérait un fléchissement du refus allemand. Le mini-sommet tenu jeudi à Strasbourg entre Sarkozy, Merkel et l’Italien Mario Monti n’a pas suffi à débloquer la situation. Immédiatement après, les taux d’obligations sur 10 ans (et aussi sur 2 ans) ont fait un grand bond : de 3,5 de moyenne, ils ont grimpé à 6,5 %. Le lendemain, vendredi, les agences de notation ont rajouté une couche en baissant les notes de la Belgique et du Portugal. Les signaux sont au rouge et, à ce rythme, quelques semaines suffiront à faire basculer l’Allemagne dans le camp du risque, tant elle est détentrice d’une majorité de dettes de ses voisins européens, en particulier la dette française. Cette dernière détenant elle-même près de 60 % de la dette italienne et ainsi de suite dans le reste des pays de la zone euro. Dans tous les cas, le rendez-vous de jeudi dernier à Strasbourg s’apparentait dans la logique des marchés financiers comme un ultimatum à la zone euro. Sans garantie de la dette par la BCE, ils allaient faire monter la pression sur les Etats. Ils ont tenu parole. Depuis vendredi soir et pour la première fois de son histoire, l’UE craint une vraie faillite financière et une désintégration de la maison UE.
Dans ce sens, la pression sera énorme, lors du prochain Sommet européen du 9 décembre, pour une dernière tentative de sortie de crise : donner, vite, très vite, l’initiative à la BCE du rachat d’au moins 60 % de la dette souveraine de la zone euro qui vient de dépasser les 9.000 milliards d’euros. Et ce ne sera pas fini, puisqu’il va falloir accepter la mutualisation de cette dette entre les 17 Etats de l’euro-zone au prorata du BIP de chacun, combiné à leurs taux de croissance. Ce n’est qu’après un possible accord sur ces principes que le Conseil peut entamer la réforme des traités de l’Union et du statut de la BCE.
Pourtant, certains analystes estiment qu’il est déjà trop tard et que l’euro ne survivra pas à la fin de cette année. D’autres tiennent le Sommet européen du 9 décembre pour la dernière chance de la survie de la monnaie unique. Dans ce climat de tension extrême, l’Allemagne est pointée du doigt comme coupable du risque de faillite de l’euro et de l’UE. En réalité, l’Allemagne n’est pas seule à défendre « l’indépendance » de la BCE au sein de l’Union (les autres pays de l’UE devaient rejoindre au fur et à mesure la zone euro). La Suède et la Finlande soutiennent le refus allemand.
La vérité est que les autres pays, à commencer par la France, ont, pour des considérations de politique nationale, laissé filer les déficits publics ces 5 dernière années et, surtout, maquillé leurs chiffres comptables et de croissance. En d’autres termes, le refus de l’Allemagne et d’autres pays est un appel à une plus grande rigueur dans la gestion des comptes publics et une transparence au-dessus de tout soupçon. En conséquence, si le Sommet du 9 décembre débouche sur un accord pour un rôle accru de la BCE dans la prise en charge des dettes souveraines, il ne s’agira pas de libeller un chèque en blanc aux Etats défaillants, mais de l’accompagner de conditions drastiques et de plans d’austérité sans précédent. Au final, les marchés financiers auront eu raison de la volonté politique des Etats. Les citoyens paieront la note sur plusieurs années.
Le Quotidien d’Oran, 27/11/2011 -
Mais où sont passés les 73% de votants au référendum marocain ?
par Kharroubi HabibLa remarquable complaisance dont bénéfice en Occident la Monarchie et le Makhzen marocains au sein des classes politiques, des intelligentsias et des médias n’a pas manqué de s’afficher à l’occasion du scrutin des élections législatives anticipées qui s’est déroulé vendredi dans le Royaume. Aussitôt les bureaux de vote fermés, ces milieux, pour qui le Maroc est pour des raisons multiples un pays de cocagne, ont entonné la scie du «test démocratique réussi» pour le roi Mohammed VI, «sage initiateur de réformes historiques».
Selon eux, le scrutin a confirmé l’adhésion du peuple marocain aux réformes royales, ce que démontrerait indubitablement la «forte» participation des électeurs à la consultation. Et de mettre en exergue la comparaison du taux de participation à ce scrutin «réussi» avec celui de 2007, dans lequel il n’avait pas atteint les 37%. Avec donc le 47% arrêté de votants officiellement déclaré, la consultation électorale de vendredi devrait être considérée comme étant un succès à mettre au compte de la confiance que susciterait la politique de réformes engagée par le monarque.
Le «hic» est qui si comparaison est à faire en termes de taux de participation, ce n’est pas entre ceux des scrutins de 2007 et de vendredi, mais entre celui de ce dernier et le taux enregistré pour le référendum constitutionnel convoqué par le Roi pour faire entériner ses réformes. Les impénitents encenseurs de la Monarchie se sont bien gardés de cette comparaison, car il leur est difficile d’expliquer pourquoi les électeurs marocains ont été officiellement plus de 73% à se rendre aux urnes au tout récent référendum et seulement 47% à celles des élections de vendredi.
S’ils s’en tiennent pour leurs analyses et commentaires sur l’enjeu de la participation à la seule première comparaison, c’est qu’elle a l’avantage de ne pas fixer un seuil très élevé de crédibilité à partir duquel ils peuvent, sans ridicule, soutenir que le scrutin de vendredi est une totale réussite. Pourtant il, il faut bien expliquer pourquoi le taux de participation à ce scrutin n’a pas connu les hauteurs de celui du tout récent référendum, qui leur avait fait clamer sans retenue à la confiance tissée et manifeste liant le peuple marocain à son Roi.
Encore une fois, la majorité des Marocains a marqué sa défiance au Trône et au Makhzen en se réfugiant dans l’abstention, démontrant ainsi qu’elle s’est faite à la conviction que les réformes octroyées par le monarque n’induiront pas de changement en termes de source et de détention du pouvoir dans le Royaume. Les 47% d’électeurs qui ont tout de même participé au scrutin ne mettront pas longtemps à se rendre compte qu’ils ont été dupés par des réformes ayant en apparence instauré de l’équilibre entre les institutions du pouvoir marocain. Même la victoire des islamistes modérés du PJD et leur participation au gouvernement ne changera en rien la donne dans le Royaume, dès lors que les dés ont été préalablement pipés par des réformes ayant maintenu intacte la primauté indiscutable du pouvoir royal, qui en a même été renforcée.
Les thuriféraires marocains et étrangers de la Monarchie se sont empressés de qualifier «d’historique» les premières élections législatives d’après les réformes royales. Concédons-leur ce qualificatif, mais pour la raison qu’elles ont fait apparaître que tout reste à faire au Maroc en termes de changement et de démocratie
Le Quotidien d’Oran, 27/11/2011
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Les otages moyen de pression contre la coalition algéro-sahélienne
Al Qaïda au Maghreb islamique détient à la fin du mois de novembre 2011 au moins douze Européens dans le Sahel. Un chiffre record depuis 2003. À cette date-là, «Abderezak El Para» avait réussi le pari insensé de kidnapper 32 touristes européens. Il en relâchera plus tard 15 sous la pression de l’ANP, avant de passer à Kidal avec le reste des otages. Aujourd’hui, quatre otages français travaillant pour Areva sont entre les mains d’Aqmi depuis plus de 400 jours, auxquels sont venus s’ajouter les trois humanitaires kidnappés à Hassi Rabouni, près de Tindouf, puis, ces derniers jours, coup sur coup, deux Français kidnappés au nord-Mali, puis trois autres Européens. Cela fait beaucoup dans un contexte où la coopération sécuritaire devait connaître un développement majeur, après les promesses des pays du champ de se doter de mécanismes militaires opérationnels.
Coup sur coup, en fin de semaine, Aqmi a frappé. Ainsi, trois étrangers ont été enlevés et un autre a été tué à Tombouctou, dans le nord du Mali, au lendemain du rapt de deux Français à Hombori, à près de 250 km de Gao. Celui qui a été tué l’a été alors qu’il résistait à l’enlèvement avec trois autres personnes, et il s’agirait d’un Allemand. Ces kidnappings et ce meurtre surviennent après l’enlèvement jeudi de deux Français dans un hôtel d’Hombori, à environ à 200 km au sud de Tombouctou, par des hommes armés qui ont emmenés leurs otages vers une destination inconnue. Sarkozy, plus que jamais fragilisé par ces rapts, tentent d’investir militairement le Sahel, en rajoutant une couche à l’imbroglio qui prévaut dans la région. Ainsi, des soldats français patrouillaient depuis vendredi aux côtés de l’armée malienne dans cette région pour tenter de les retrouver.Les « accords » contractés par les pays du champ, le Mali, la Mauritanie et le Niger, interdisaient en fait toute présence étrangère, les Occidentaux étant appelé à fournir une assistance logistique et technique. L’intervention occidentale militairement sur le sol était devenue illégitime par le truchement de ces accords. Or aujourd’hui, il semble bien que le Mali, fragilisé par des pressions qui le dépassent, plie devant la France, et permet à Sarkozy une intervention directe, dont les conséquences immédiates seront une prolifération des groupes djihadistes opérant dans la région, lesquels vont en appeler d’autres à venir les appuyer, et cela mènera inéluctablement à une guerre sans fin, très coûteuse et très nuisible pour tous les pays du champ…
Fayçal OukaciLe Courrier d’Algérie, 27/11/2011 -
Accord sur le budget en Belgique : Voie ouverte à la formation d’un gouvernement
A l’issue de plus de 500 jours d’une crise record, la voie semblait ouverte à la mise sur pied d’un gouvernement en Belgique après l’accord conclu hier entre une coalition de six partis francophones et flamands sur le projet de budget fédéral 2012.« Le roi (des Belges Albert II) se réjouit qu’un accord soit intervenu. En conséquence, il a chargé le formateur (et chef des socialistes francophones, Elio Di Rupo) de former le plus rapidement possible un gouvernement », a annoncé le Palais royal dans un communiqué.M. Di Rupo, 60 ans, devrait devenir ainsi le premier chef de gouvernement francophone de Belgique depuis plus de trois décennies, en même temps que le premier socialiste à ce poste depuis 1974 à un moment où partout en Europe la gauche est à la peine. -
MOHAMMED VI A ANTICIPÉ SUR LES ÉVÉNEMENTS : Comment le roi a fait danser son monde
Bien avant d’arriver à ces élections législatives anticipées, le roi Mohammed VI a mis en place une stratégie à la limite du machiavélisme mais qui a payé pour la stabilité de son pays. Ayant pressenti l’ondede choc des soulèvements arabes, le roi a convié spécialistes, experts et centres de recherches marocains et occidentaux à prendre part au montage de ce que ses détracteurs appellent «la comédie makhzenienne».Un haut responsable américain a fait une visite au Maroc, au lendemain des fameuses manifestations du 20 février 2010, organisées à travers les grandes villes du Royaume. Le responsable américain, dont la visite a été divulguée par le magazine Jeune Afrique, s’est longuement entretenu avec nombre de conseillers de Mohammed VI, et des recommandations ont été soumises au souverain. Cela, en plus d’une centaine de centres «think tanks (laboratoires d’idées)» marocains, américains et français qui ont été appelés pour la circonstance. Ces think thanks n’ont pas perdu une seconde des changements intervenus dans le Monde arabe en général et l’effet de contagion, en particulier que ces révoltes pourraient produire au Royaume chérifien. Leur apport était considérable pour esquisser les contours d’un nouveau royaume, un «Maroc version 6» est alors conçu. Ainsi, au premier jour des manifestations initiées par le Mouvement du 20 février, Mohammed VI a donné le coup d’envoi de l’édition du grand festival musical: «Mawazzine», à travers tout le Maroc. Des grandes stars du pop, du jazz, du soul, du funk… ont été accueillies. Chaque ville du Maroc a eu grâce aux bons soins du Makhzen son chanteur préféré. Le grand chanteur algérien Idir pour les Berbères, du Reggae pour les quartiers urbains, et artistes, tout aussi connus à l’échelle internationale, à l’instar de Roger Hodgson, du célèbre groupe Supertramp, accompagné du prestigieux Orchestre symphonique royal marocain, Julian Marley, Cristina Branco, Arshad Ali Khan, Hindi Zahra…se sont produits, quant à eux, dans les quartiers huppés du Royaume. De jour comme de nuit, Sa Majesté le roi avait fait danser son monde à satiété. «La théorie du sujet et de la citoyenneté» discutée dans les rues est battue en brèche par les stratégies des gardiens du temple.Les concepteurs du festival ont su distribuer les cartes gagnantes et rafler la mise contre les appels du Mouvement du 20 février contre la politique de Mohammed VI. Une demande d’annulation de ce festival a été introduite par le Mouvement. Celle-ci est aussi motivée, selon ledit Mouvement, par la conjoncture régionale et marocaine. «L’organisation de ce festival intervient dans un environnement qui ne correspond pas à la logique du changement qui souffle sur la Nation arabe», ont déclaré les membres du Mouvement, avant de qualifier cette grande manifestation artistique largement médiatisée par des médias marocains et occidentaux, d’un «complot makhzenien pour droguer le peuple… Un crime culturel». Des millions de dollars ont été gaspillés rien que pour inhiber tout un peuple. Quelques jours après le festival, le roi Mohammed VI, bien conseillé de l’extérieur, s’est imposé et répliqué en véritable chef d’Etat. Amendement de la Constitution et organisation des élections législatives anticipées ont été concrétisés.Sur le plan institutionnel, il n’y a pas eu vraiment de changement, puisque le but n’étant pas de procéder à un changement de régime comme en Tunisie le mois dernier, mais d’éviter la vague des révoltes arabes. De fait, chaque force politique en présence au Maroc a son propre enjeu et son rôle à jouer. Pour le Palais royal, une grande partie des élites et les partenaires du Maroc, il s’agit de mettre fin au mouvement de contestation politique qui a débuté le 20 février. Alors que pour les partis politiques classiques, ces derniers cherchent à décrocher les sièges qui leur permettraient de poursuivre leurs affaires. Néanmoins, les experts soutiennent que le Maroc n’étant pas une île coupée du monde, il subira, d’une manière ou d’une autre, les conséquences de ce qui se passe chez ses voisins.L’Expression, 26/11/2011 -
Un taux de participation en berne
Si la victoire du PJD constitue la principale étincelle des élections législatives marocaines, il ne faut pas perdre de vue le taux de participation. Avec seulement un petit 45%, qui plus est sujet à caution, la mobilisation des 13 millions de Marocains laissait à désirer.C’est en effet une autre claque pour le makhzen, mais surtout pour les réformes constitutionnelles de juillet dernier qui, au bout du compte, n’ont pas attiré massivement les Marocains aux bureaux de vote. Ce constat négatif n’a pas échappé à la juriste Fatma-Zohra Kebli, qui a relevé que «55% des Marocains n’ont pas voté». Le fait est que malgré la réforme constitutionnelle du roi et la formidable machine de propagande pour «vendre» ce scrutin, «la majorité» des Marocains ont préféré rester chez eux ou profiter du soleil, le jour du vote.
Fatalement, ce taux de participation à peine supérieur à celui de 2007 (37%), renforce plus le Mouvement du 20 février et les partis boycotteurs qu’il ne rassure sur la pertinence des réformes royales.
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Changement ou régression ?
La vague islamiste continue de se propager comme une fatalité dans la région de l’Afrique du Nord. Moins d’un mois après la victoire du parti islamiste Ennahda en Tunisie aux premières élections organisées après la chute de Ben Ali, le Parti pour la justice et le développement (PJD), d’obédience islamiste, a revendiqué hier la victoire aux premières élections législatives tenue après l’annonce des réformes voulues par le roi Mohammed VI.A la veille de ce scrutin, tous les médias internationaux, d’une voix unanime, donnaient les islamistes comme gagnants, tout en tentant de minimiser le danger que cela représenterait pour la stabilité du pays, et en décrivant le PJD comme un parti «modéré», acceptant le jeu de la démocratie, voire malléable à souhait. D’aucuns ont loué l’engagement du roi pour la mise en oeuvre des réformes promises en juin dernier. Ce dernier voulait, en fait, anticiper les événements, pour parer à d’éventuels troubles dans le pays dans le sillages des révoltes qui secouaient le monde arabe depuis janvier dernier et entraîné jusque-là la chute de trois régimes et plongé tant d’autres dans l’instabilité et le chaos. En attendant donc l’annonce des résultats définitifs, prévue pour aujourd’hui, le PJD a revendiqué vendredi soir la victoire en nombre de sièges. Sur les 395 sièges que compte la chambre des représentants, le PJD se dit parti pour obtenir 90 à 100 sièges. Une majorité relative qui lui permettrait tout de même de siéger au gouvernement Si, officiellement, le PJD, à l’instar d’Ennahda tunisien, se défend de toute idée d’imposer un ordre moral islamique stricte sur la société et défend, il est un fait que la montée de cette mouvance va changer radicalement la donne politique dans le pays, puisque pour la première fois dans l’histoire du pays, un islamiste serait à la tête de l’Exécutif. Même si le souverain garde la haute main sur les principaux leviers de pouvoir ainsi que sur les affaires religieuses, le terrain de prédilection naturel des fondamentalistes. Cela dit, cette situation va contraindre le Palais à composer avec la nouvelle réalité dans le pays, et aura désormais des difficultés à gérer toutes les contradictions et les luttes qu’engendrerait ce sentiment de puissance chez les islamistes désormais au pouvoir. Il sera aussi question de faire face à la mouvance radicale, représentée par El Adl et Ilhsan, parti interdit mais qui constitue toujours une force dans le pays. Quel impact sur l’Algérie ? Première incidence de cette victoire retentissante des islamistes au Maroc sur l’Algérie : le risque d’émulation. Tous les partis islamistes algériens se sont déjà mis à croire à leur destin, en commençant à montrer des dents – le jeu trouble de Soltani – et en s’affichant comme l’alternative au pouvoir en place, en usant des subtilités du discours modéré à la tunisienne. A quelques mois des législatives, le remue-ménage dans les appareils politiques, notamment islamistes, avec tout ce qu’on fait circuler sur une probable participation d’anciens membres du FIS, laisse croire à une offensive islamiste aux prochaines élections. Avec l’affaiblissement du parti majoritaire et l’effritement des démocrates, les MSP, Ennahda et autre Islah (en attendant l’agrément du nouveau parti de Djaballah) pourraient bien croire à leur chance de remporter le scrutin, et surtout d’être admis par l’opinion nationale et internationale. Au plan bilatéral, la montée des islamistes au Maroc risque d’accentuer les désaccords entre Alger et Rabat sur les principales questions de discorde. Parce que les dirigeants du PJD sont connus pour leur zèle sur des questions comme celle du Sahara Occidental, et seront moins favorables à la coopération entre les deux pays sur des questions stratégiques comme la lutte antiterroriste.
Mussa A.
La Nouvelle République, 27/11/2011 -
Les Sahraouis plus marocains que les Marocains eux-mêmes ?
Lors de sa conférence de presse, le ministre de l’Intérieur, Tayeb El Cherakoui, s’est fait un point d’honneur de commenter, le sourire large, le taux de participation au niveau des «régions du Sud» – comprendre au Sahara occidental. Selon ses chiffres, cette région a battu une nouvelle fois le record de la participation qui aurait atteint 70%, loin, très loin de la moyenne nationale qui, elle, ne dépasse pas les 45%.
Conclusion du ministre : «Les populations de ces régions ont prouvé leur attachement au royaume et à l’intégrité territoriale du Maroc.» Curieux pour une population frondeuse, qui a connu les sanglants événements de Gdeim Ezik il y a juste deux ans… Curieux aussi de savoir que les Sahraouis, qui luttent pour leur autodétermination, se montrent plus marocains que les Marocains eux-mêmes…
Il faut souligner que cette digression du ministre a été relayée par toutes les télévisions marocaines. Les Marocains n’ayant pas voté, le ministre se console de la participation «exceptionnelle» des Sahraouis. Même taux brejnéviens de participation aux élections depuis 2007 pour les Sahraouis qui, finalement, ne partagent pas grand-chose avec leurs «compatriotes» qui, eux, ont déserté les bureaux de vote !
El Watan, 27/11/2011 -
Le Maroc ouvre la porte aux islamistes
Le Parti justice et développement (PJD) a, comme attendu, gagné haut la main les élections législatives marocaines. Bien que les résultats communiqués hier par le ministre de l’Intérieur, Tayeb El Cherkaoui, soient partiels, il ressort tout de même que le parti islamiste cher à son créateur, Mohamed El Khatib, a pris largement les rênes du royaume chérifien.Maroc.
De notre envoyé spécialAvec ses 80 sièges, le PJD est très loin de son dauphin, l’historique Istiqlal (indépendance) du chef du gouvernement sortant Abbas Al Fassi, qui n’a récolté que 45 sièges. La performance est d’autant plus importante que ces résultats ne concernent que 188 circonscriptions, en attendant celles qui ont accusé des retards, et les deux listes nationales des jeunes et des femmes. C’est dire que la vague verte du PJD pourrait couvrir les trois quarts du Parlement marocain. Son secrétaire général, Abdelilah Benkirane, ne cachait pas sa satisfaction, hier, après ce triomphe : «Nous remercions Dieu et les Marocains pour cette victoire. J’espère que notre participation à la vie politique sera positive.
Cette victoire aura un impact psychologique positif sur les Marocains. Le Maroc a choisi de faire sa révolution à sa manière à travers ces résultats.» Le chef du PJD a promis de «renforcer le processus démocratique et la bonne gouvernance» et exclu de s’allier avec le Parti de l’authenticité et la modernité (PAM) de l’ami du roi, Ali El Himma, pour former un gouvernement. «Tout sauf le PAM», a-t-il tranché.
Cela dit, au-delà de cette première éruption du volcan islamiste au royaume, il faut noter l’échec cuisant des partis adoubés par Sa Majesté. Bien que certains d’entre eux aient grappillé quelques sièges supplémentaires, les premiers résultats les envoient tout droit vers… l’opposition.La vague verte
Pourtant, ces huit partis, organisés au sein d’une «alliance pour la démocratie» appelée aussi «G8» n’ont pas lésiné sur les moyens durant la campagne, voire même en plein vote. Ainsi, le chef du Rassemblement national des indépendants – de leur volonté ! – Salah Eddine Mezouar a été pris la main dans le sac, à Meknès, alors qu’il distribuait de l’argent aux électeurs, d’après les responsables du PJD. Passons sur les transports collectifs auxquels ont eu recours les «huit» pour ramener les montagnards aux bureaux de vote non sans leur verser un petit pécule au sortir de l’isoloir. Un journaliste marocain raconte qu’un parti remettait 500 DH à chaque électeur devant le bureau et 500 autres une fois le vote accompli. Pour ce faire, l’électeur devait montrer une photo de son vote, prise avec un téléphone portable ! On racontera à l’envi ce genre de méthodes de corruption des électeurs utilisés par les partis «friqués», notamment en milieu rural. Mais au final, l’argent n’a pas suffi pour contenir la déferlante du PJD, décidé cette fois à prendre le pouvoir par les urnes, histoire de renvoyer l’écho à Ennahda en Tunisie.
L’échec cuisant des partis du makhzen
Les partis makhzeniens sont donc classés loin derrière, à l’image du RNI de Salah Eddine Mezouar qui arrive en 3e position avec 38 sièges, devant son alter ego au sein de l’Alliance pour la démocratie, le PAM de Ali El Himma, avec 33 sièges. Signe du déclin des partis taxés, à juste titre, de proches du palais, le RNI et le PAM réunis sont battus à plate couture par le PJD. Il est désormais presque sûr que le prochain chef du gouvernement marocain sera islamiste, car le titulaire de ce poste sera puisé des rangs du parti vainqueur, conformément à la réforme constitutionnelle de juillet dernier. Mais le dernier mot revient tout de même au roi, qui choisira la personne. Au quartier général du PJD, dans la cité résidentielle des Orangers, à Rabat, on pense que c’est l’ex-chef du parti, Saâd Eddine El Othmani, qui aura les faveurs du roi en raison de sa modération dans le discours. En revanche, l’actuel SG du PJD, Abdelilah Benkirane, est réputé être un dur, voire un radical aux entournures.
Lui-même avait déclaré, il y a quelques jours, qu’il ne verrait pas d’un mauvais œil qu’un de ses lieutenants soit appelé à diriger le gouvernement. Mais en attendant, cap désormais sur les alliances. Et à ce jeu, le PJD ne fait pas mystère de ses préférences. Fidèle à Al Koutla dont il est proche, le parti islamiste a déjà tranché au profit de ce groupe politique dirigé par la formation de Abbas Al Fassi qui arrive en 2e position et les autres formations de gauche comme le Parti progressiste et social (PPS) et l’Union des forces populaire (USFP) cher à Abderahmane El Youssoufi. Pour autant, le PJD entend brasser très large en n’excluant aucune alliance, «sauf avec le PAM». Le Maroc se dirigerait alors vers un gouvernement d’union nationale, mais sous l’étendard islamiste du PJD.
Eh oui, le drapeau rouge marocain a désormais viré au vert…El Watan, 26/112011