Mois : novembre 2011

  • UN MARKETING EXTERIEUR REUSSI

    par M. Saadoune
    Les islamistes «light» du PJD arrivent en tête dans des élections législatives marocaines très balisées par une révision constitutionnelle qui a permis au Roi de maintenir et de renforcer l’essentiel de ses pouvoirs. C’est, au point de vue du marketing politique, une excellente opération à destination de l’extérieur pour le Palais. La précision est de mise. 
    Depuis l’annonce des «réformes constitutionnelles», la démarche du Palais marocain –consiste à donner une impression de mouvement sans changer l’ordre des choses. L’opération a été appuyée par des médias occidentaux et précisément français qui ont forcé les lectures en présentant comme «révolutionnaires» des changements constitutionnels purement sémantiques. Et ceux qui connaissent le Maroc ne s’étonnent guère du décalage entre la manière dont les réformes sont rapportées par ces médias et la manière dont elles sont perçues par les Marocains. 
    Il en est de même pour les élections législatives. Les islamistes royalistes du Parti Justice et Développement sont bien devenus le premier parti au Maroc à l’issue des élections de vendredi dernier. On ne reviendra pas sur le fait relevé par les partisans du boycott que le taux de participation de 45%, annoncé officiellement, est fondé sur des listes électorales où des millions de Marocains en âge de voter ne figurent pas. Le discours officiel peut toujours avancer qu’il n’est pas responsable de ceux qui ne vont pas s’inscrire. Certes. Mais quand ce sont des millions d’électeurs potentiels qui manquent, il n’est pas illégitime d’en tirer la conclusion que le jeu politique balisé marocain suscite une désaffection profonde chez les Marocains. C’est ce qui donne de l’allant au Mouvement du 20 février qui, avec beaucoup de courage, refuse de cautionner une opération cosmétique. 
    C’est cela qui fait que l’opération marketing qui marche à l’extérieur n’a pas une incidence décisive au niveau interne. Cela reste une image extérieure qui se construit avec l’aide des médias occidentaux. Ainsi, défiant l’arithmétique, l’avancée des islamistes (ils obtiennent, selon des résultats encore partiels, 80 sièges sur 395 et ils pourraient aller jusqu’à 100) est présentée comme un raz de marée. Il ne sert à rien de relever que cela ne donne au mieux que 25% des sièges. Le marketing politique joue sur un autre registre, celui de la « frayeur» présumée que susciteraient les islamistes. Pourtant, le PJD devra nécessairement construire une alliance et composer avec d’autres forces qui ne sont pas censées faire de la figuration. 
    L’un des rares petits changements introduits dans la Constitution – le Roi choisit le Premier ministre au sein du parti arrivé en tête – va donc être mis en œuvre. Il est déjà présenté comme une avancée « majeure». C’est indéniablement une bonne opération de marketing. Il n’est pas sûr que cela permettra de changer la réalité, même si elle peut constituer, pour un temps, une couverture à l’accentuation de la répression de ceux qui défendent le vrai changement et ne se contentent pas d’un substitut.
  • Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout ?

    Ca y est, Taïeb Cherqaoui, le ministre de l’Intérieur du royaume voisin a réglé l’affaire du choix sahraoui dans les territoires de la Seguia El-Hamra wa Wadhi Eddhahab que le Maroc occupe par la force depuis 1975. Taïeb Cherqaoui, qui nous confirme qu’il est loin d’être un Driss Basri, assure à qui veut l’entendre que le taux des votants sahraouis aux législatives remportées par le PJD était nettement plus fort dans les territoires spoliés que dans les provinces du royaume. Taïeb Cherqaoui qui est loin d’être un Driss, Basri annonçait un taux de participation au scrutin de 45 %. Un taux contesté au Maroc, notamment par le M20F. Une contestation qui expliquait en partie les images diffusées par la TV marocaine, de bureaux de vote quasi déserts malgré de jolies urnes flambant neuves et des poignées de dirhams pour les embellir comme l’exige la circonstance. 
    Donc à El-Ayoun, la capitale du Sahara occidental, les populations autochtones auraient voté massivement pour le…PJD. Il est vrai qu’il n’existe pas de parti politique sahraoui figurant sur les cahiers du makhzen. Rabat peine déjà assez avec le Polisario, dont l’esprit plane sur les villes sahraouies durant les douze mois de l’année parce que justement, il revendique en tant que représentant unique et légitime du peuple sahraoui, le droit à l’autodétermination et à l’indépendance. 
    De son vivant, Driss Basri, qui n’est pas un Cherqaoui, était convaincu qu’un référendum d’autodétermination était la meilleure solution pour en finir une fois pour toutes avec un conflit qui empoisonne les relations entre l’Algérie et le Maroc et gêne l’essor de l’ensemble de la région maghrébine. Driss Basri n’était pas Cherqaoui. Cherqaoui, lui, nous dit que la participation au vote était plus forte au Sahara occidental que dans le royaume. Mais si vous lui dites d’aller au bout de sa logique et d’organiser un référendum d’autodétermination au Sahara occidental puisque les résultats montrent que pour le makhzen l’affaire est dans la poche, il vous sortira l’histoire de l’intégrité territoriale. Mais peut-on parler d’intégrité territoriale marocaine alors que les gens qui peuplent le Sahara occidental depuis la nuit des temps refusent d’être marocains. Le parcours de l’héroïque Aminatou Haider n’est-il pas éloquent ? M. Z.
    mohamed_zaaf@yahoo.fr
    Le Jeune Indépendant, 28/11/2011
  • Le PJD marocain a le même handicap que celui qu’a eu Ennahda en Tunisie

    par Kharroubi Habib
    Avec probablement plus de 80 sièges dans son escarcelle quand les résultats finaux du scrutin de vendredi dernier seront officiellement promulgués, le parti islamiste «modéré» de la Justice et du Développement (PJD) devient la formation prédominante dans la nouvelle Assemblée nationale marocaine. Conformément aux dispositions de la nouvelle constitution du Royaume, c’est donc au sein du PJD que Mohammed VI choisira la personnalité à qui confier la formation et la conduite du premier gouvernement marocain post réforme. 
    Déjà à ce stade, la formation islamiste pourra peut-être mesurer que la réalité du pouvoir, réforme ou pas, reste entre les mains du monarque. Celui-ci est susceptible en effet de désigner à la primature du gouvernement une tout autre personnalité du PJD que son chef Abdelilah Benkirane, pourtant le préféré de la base et des sympathisants du parti. Des sources bien informées donnent la chose comme quasi certaine, au regard de la méfiance qu’ont le Roi et son entourage à l’égard du chef du PJD, malgré qu’il ait renoncé aux positions franchement islamistes teintées de salafisme ayant été son fonds de commerce et qu’il multiplie les manifestations d’allégeance à la monarchie et à la personne du Roi. Il restera ensuite au PJD à négocier des alliances pour pouvoir former un gouvernement et puis gouverner. 
    C’est que la formation islamiste marocaine qui arrive au pouvoir se retrouve avec le même handicap que celui que son homologue tunisienne, Ennahda, a dû surmonter. Celui d’être effectivement vainqueur des élections mais de ne pas disposer de la majorité parlementaire requise pour gouverner seul. Tout comme en Tunisie, il se trouve au Maroc des partis représentés à l’assemblée parlementaire que l’alliance avec le PJD ne rebute pas. Ceux qui forment la Koutla (Istiqlal, Union socialiste des forces populaires – USFP – et le Parti du progrès et du socialisme – PPS) et ont constitué l’ossature du gouvernement sortant. L’Istiqlal, dont le chef est le Premier ministre sortant, a déjà fait savoir qu’il ne refuse pas le principe de l’alliance avec les islamistes du PJD. Mais pour que le PJD parvienne à contracter des alliances, il va lui falloir, tout comme Ennahda, mettre en veilleuse certaines de ses promesses électorales d’inspiration islamiste que ne partagent pas ses éventuels futurs partenaires. Ce faisant, il encourt très vite le risque de décevoir une partie de sa base militante et de son électorat, aux yeux de qui ce sont justement ces promesses qui distinguent le PJD des autres partis. 
    L’obligation dans laquelle l’a mis un mode électoral savamment conçu pour rendre impossible qu’un parti accède seul à la majorité parlementaire, l’oblige par conséquent à s’allier à des partis qui, même s’ils ont encore des élus à l’Assemblée nationale, ont perdu tout crédit dans l’opinion. Ce qui n’est pas pour entretenir la dynamique de sympathie dont il a bénéficié pour le scrutin de vendredi et éloignera de lui ceux qui ont cru qu’avec son arrivée au pouvoir, c’en était fini des combines d’appareils partisans qui ont donné les gouvernements potiches s’étant succédé aux commandes du pays sans jamais honorer leurs promesses électorales.
    Le Quotidien d’Oran, 2/11/2011
  • Le Comité de l’ONU contre la torture préoccupé

    Le Comité contre la torture de l’ONU a exprimé dans ses conclusions de la 47e session publiées avant-hier sa préoccupation au sujet des «allégations reçues» concernant la situation des droits de l’homme au Sahara occidental. Le Comité contre la torture de l’ONU s’est déclaré «préoccupé par les allégations reçues sur la situation au Sahara occidental, où seraient pratiquées des arrestations et détentions arbitraires, des détentions au secret (…), des tortures et mauvais traitements». Il a demandé dans ses conclusions au gouvernement marocain de rendre «imprescriptible le crime de torture», critiquant notamment le fait que «les détenus restent trop longtemps sans pouvoir communiquer avec leurs avocats».
    «Le comité regrette l’absence dans le code pénal d’une disposition rendant imprescriptible le crime de torture», a-t-il indiqué. Récemment, le président de la RASD, Mohamed Abdelaziz, avait demandé l’extension des prérogatives de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (MINURSO) à la protection et la surveillance des droits humains au Sahara occidental.
    Pour le comité onusien, le Maroc «devrait s’assurer que, conformément à ses obligations internationales, ceux qui se rendent coupables d’actes de torture, tentent de commettre de tels actes, sont complices (…) ou y participent puissent faire l’objet d’enquête et soient poursuivis et punis sans qu’ils puissent bénéficier d’aucun délai de prescription». Le comité se déclare ainsi «préoccupé par certaines dispositions existantes du cadre juridique actuel relatif à la torture», au Maroc, «en particulier la possibilité d’amnistie et de grâce pour les auteurs de torture».
    Les dix experts indépendants qui intègrent le comité déplorent ainsi que la définition de la torture dans le code pénal marocain «ne couvre pas les situations de complicité, de consentement exprès ou tacite d’un agent de la force publique ou de tout autre personne agissant à titre officiel». Ils estiment par ailleurs que la loi contre le terrorisme amplifie le risque de torture.
    Selon lui, «cette loi ne permet l’accès à un avocat qu’au bout de 6 jours» de garde à vue, «amplifiant ainsi le risque de torture pour les suspects détenus, puisque c’est pendant ces périodes durant lesquelles ils ne peuvent communiquer avec leurs familles et leurs avocats qu’ils sont les plus susceptibles d’être torturés», expliquent-ils.
    Le comité demande par ailleurs au gouvernement marocain de lui fournir avant le 25 novembre 2012 des renseignements sur, notamment, la suite donnée aux recommandations formulées «visant à sanctionner les auteurs de torture ou de mauvais traitement».
    Y. M.
    LJI, 28/11/2011
  • Maroc: Les islamistes en tête

    par Omar Brouksy Et Henri Mamarbachi 
     
    Les islamistes étaient, hier, en voie de remporter les législatives au Maroc pour la première fois de l’histoire du royaume chérifien et se sont dits prêts à former un gouvernement de coalition. Selon les résultats officiels de plus des deux tiers des circonscriptions, le Parti justice et développement (PJD) est déjà crédité de 80 sièges pour le scrutin de vendredi, et les résultats définitifs pour les 395 députés de la chambre seront connus dimanche. Fort de ce score historique, le PJD, qui était jusqu’ici le premier parti d’opposition avec 47 sièges, a annoncé qu’il était prêt à ouvrir des tractations avec d’autres formations pour former un gouvernement. «Nous sommes disposés à ouvrir des concertations avec les partis, si cela se confirme que nous sommes les premiers», a déclaré à l’AFP Abdelilah Benkirane, dirigeant du PJD, une formation qui se veut à «référence islamique» et «monarchiste». 
     
    Le PJD est suivi de l’Istiqlal, le parti du Premier ministre actuel Abbas El Fassi, qui a obtenu 45 sièges, a annoncé le ministre de l’Intérieur Taïb Cherkaoui, qui a souligné la bonne participation avec un taux de 45,4% contre 37% en 2007. Le Rassemblement national des indépendants (RNI) et le Parti authenticité et modernité (PAM), deux formations libérales proches du palais royal et membres de l’actuelle coalition gouvernementale, ont respectivement obtenu 38 et 33 sièges, a encore indiqué le ministre dans une conférence de presse. Le chef du groupe parlementaire du PJD, Lahcen Daoudi, a tablé, dès hier matin, sur la conquête par son parti de «plus de 100 sièges». «C’est un tournant historique», a estimé Mustapha El Khelfi, le directeur de la publication d’Attajdid, le journal du PJD.

    Ce succès des islamistes modérés intervient cinq mois après une réforme constitutionnelle décidée par le roi Mohamed VI qui stipule que le chef du gouvernement est choisi au sein du parti arrivé en tête des élections. «Les élections législatives se sont déroulées dans le cadre de réformes importantes proposées par le roi», a souligné M. Cherkaoui, en référence à la nouvelle constitution qui prévoit un renforcement des prérogatives de l’exécutif et du parlement. Cette forte poussée des islamistes s’inscrit également sur fond de contestation au Maroc, surtout parmi les jeunes, qui réclament depuis le début de l’année une plus grande ouverture du système politique. Abdelilah Benkirane a indiqué dans un entretien avec à la chaîne France 24 que sa formation était prête à faire preuve de souplesse. «On est obligé de revoir le programme pour se mettre d’accord sur un programme commun», a-t-il assuré. «Mais l’essentiel de notre programme et de ceux qui vont gouverner avec nous aura deux axes: la démocratie et la bonne gouvernance», a-t-il poursuivi. «Les Marocains insistent pour garder leur monarchie, mais ils veulent qu’elle évolue avec eux», a encore commenté M. Benkirane. Le prochain gouvernement sera toutefois confronté à un climat social marqué par un taux de chômage estimé à près de 30% chez les jeunes. 

     
    Le Mouvement du 20 février, qui regroupe une partie des jeunes mécontents, avait appelé au boycott du scrutin, ainsi que trois autres partis de gauche. La France, premier partenaire commercial du royaume, a été le premier pays à se féliciter «du bon déroulement des premières élections législatives depuis la révision de la constitution» et a renouvelé son soutien à un «pays ami» et ancien protectorat, sans commenter la victoire des islamistes. Si cette victoire se confirme, le Maroc sera le troisième pays musulman du bassin méditerranéen à être dirigé par un parti islamiste, avec la Turquie et la Tunisie, dans l’attente des élections lundi et mardi en Egypte, qui pourraient amener les Frères musulmans au pouvoir. 
     
  • Crise de l’euro-zone: La fin de l’euro ?

    par Notre Bureau De Bruxelles: M’hammedi Bouzina Med 
     
    La survie de l’euro se joue sur les quelques jours qui viennent. Les marchés financiers mettent la pression ces dernières heures sur les Etats. Ultimatum : le Sommet européen du 9 décembre.

    La crise des dettes souveraines de l’Europe s’accélère et pèse d’un réel danger sur l’avenir de l’euro. L’alerte donnée la semaine dernière par un nombre de pays européens menés par la France, appuyée par la Commission européenne, sur le risque élevé d’une « implosion » de la zone euro, ne semble pas, jusque-là, « effrayer » l’Allemagne qui continue de refuser de laisser le droit à l’émission d’euro-obligations à la Banque centrale européenne (BCE).

    Jusqu’à jeudi dernier, le président français Nicolas Sarkozy espérait un fléchissement du refus allemand. Le mini-sommet tenu jeudi à Strasbourg entre Sarkozy, Merkel et l’Italien Mario Monti n’a pas suffi à débloquer la situation. Immédiatement après, les taux d’obligations sur 10 ans (et aussi sur 2 ans) ont fait un grand bond : de 3,5 de moyenne, ils ont grimpé à 6,5 %. Le lendemain, vendredi, les agences de notation ont rajouté une couche en baissant les notes de la Belgique et du Portugal. Les signaux sont au rouge et, à ce rythme, quelques semaines suffiront à faire basculer… l’Allemagne dans le camp du risque, tant elle est détentrice d’une majorité de dettes de ses voisins européens, en particulier la dette française. Cette dernière détenant elle-même près de 60 % de la dette italienne… et ainsi de suite dans le reste des pays de la zone euro. Dans tous les cas, le rendez-vous de jeudi dernier à Strasbourg s’apparentait dans la logique des marchés financiers comme un ultimatum à la zone euro. Sans garantie de la dette par la BCE, ils allaient faire monter la pression sur les Etats. Ils ont tenu parole. Depuis vendredi soir et pour la première fois de son histoire, l’UE craint une vraie faillite financière et une désintégration de la maison UE.

    Dans ce sens, la pression sera énorme, lors du prochain Sommet européen du 9 décembre, pour une dernière tentative de sortie de crise : donner, vite, très vite, l’initiative à la BCE du rachat d’au moins 60 % de la dette souveraine de la zone euro qui vient de dépasser les 9.000 milliards d’euros. Et ce ne sera pas fini, puisqu’il va falloir accepter la mutualisation de cette dette entre les 17 Etats de l’euro-zone au prorata du BIP de chacun, combiné à leurs taux de croissance. Ce n’est qu’après un possible accord sur ces principes que le Conseil peut entamer la réforme des traités de l’Union et du statut de la BCE.

    Pourtant, certains analystes estiment qu’il est déjà trop tard et que l’euro ne survivra pas à la fin de cette année. D’autres tiennent le Sommet européen du 9 décembre pour la dernière chance de la survie de la monnaie unique. Dans ce climat de tension extrême, l’Allemagne est pointée du doigt comme coupable du risque de faillite de l’euro et de l’UE. En réalité, l’Allemagne n’est pas seule à défendre « l’indépendance » de la BCE au sein de l’Union (les autres pays de l’UE devaient rejoindre au fur et à mesure la zone euro). La Suède et la Finlande soutiennent le refus allemand.

    La vérité est que les autres pays, à commencer par la France, ont, pour des considérations de politique nationale, laissé filer les déficits publics ces 5 dernière années et, surtout, maquillé leurs chiffres comptables et de croissance. En d’autres termes, le refus de l’Allemagne et d’autres pays est un appel à une plus grande rigueur dans la gestion des comptes publics et une transparence au-dessus de tout soupçon. En conséquence, si le Sommet du 9 décembre débouche sur un accord pour un rôle accru de la BCE dans la prise en charge des dettes souveraines, il ne s’agira pas de libeller un chèque en blanc aux Etats défaillants, mais de l’accompagner de conditions drastiques et de plans d’austérité sans précédent. Au final, les marchés financiers auront eu raison de la volonté politique des Etats. Les citoyens paieront la note sur plusieurs années. 

     
    Le Quotidien d’Oran, 27/11/2011
  • Mais où sont passés les 73% de votants au référendum marocain ?

    par Kharroubi Habib

    La remarquable complaisance dont bénéfice en Occident la Monarchie et le Makhzen marocains au sein des classes politiques, des intelligentsias et des médias n’a pas manqué de s’afficher à l’occasion du scrutin des élections législatives anticipées qui s’est déroulé vendredi dans le Royaume. Aussitôt les bureaux de vote fermés, ces milieux, pour qui le Maroc est pour des raisons multiples un pays de cocagne, ont entonné la scie du «test démocratique réussi» pour le roi Mohammed VI, «sage initiateur de réformes historiques».

    Selon eux, le scrutin a confirmé l’adhésion du peuple marocain aux réformes royales, ce que démontrerait indubitablement la «forte» participation des électeurs à la consultation. Et de mettre en exergue la comparaison du taux de participation à ce scrutin «réussi» avec celui de 2007, dans lequel il n’avait pas atteint les 37%. Avec donc le 47% arrêté de votants officiellement déclaré, la consultation électorale de vendredi devrait être considérée comme étant un succès à mettre au compte de la confiance que susciterait la politique de réformes engagée par le monarque.

    Le «hic» est qui si comparaison est à faire en termes de taux de participation, ce n’est pas entre ceux des scrutins de 2007 et de vendredi, mais entre celui de ce dernier et le taux enregistré pour le référendum constitutionnel convoqué par le Roi pour faire entériner ses réformes. Les impénitents encenseurs de la Monarchie se sont bien gardés de cette comparaison, car il leur est difficile d’expliquer pourquoi les électeurs marocains ont été officiellement plus de 73% à se rendre aux urnes au tout récent référendum et seulement 47% à celles des élections de vendredi.

    S’ils s’en tiennent pour leurs analyses et commentaires sur l’enjeu de la participation à la seule première comparaison, c’est qu’elle a l’avantage de ne pas fixer un seuil très élevé de crédibilité à partir duquel ils peuvent, sans ridicule, soutenir que le scrutin de vendredi est une totale réussite. Pourtant il, il faut bien expliquer pourquoi le taux de participation à ce scrutin n’a pas connu les hauteurs de celui du tout récent référendum, qui leur avait fait clamer sans retenue à la confiance tissée et manifeste liant le peuple marocain à son Roi.

    Encore une fois, la majorité des Marocains a marqué sa défiance au Trône et au Makhzen en se réfugiant dans l’abstention, démontrant ainsi qu’elle s’est faite à la conviction que les réformes octroyées par le monarque n’induiront pas de changement en termes de source et de détention du pouvoir dans le Royaume. Les 47% d’électeurs qui ont tout de même participé au scrutin ne mettront pas longtemps à se rendre compte qu’ils ont été dupés par des réformes ayant en apparence instauré de l’équilibre entre les institutions du pouvoir marocain. Même la victoire des islamistes modérés du PJD et leur participation au gouvernement ne changera en rien la donne dans le Royaume, dès lors que les dés ont été préalablement pipés par des réformes ayant maintenu intacte la primauté indiscutable du pouvoir royal, qui en a même été renforcée.

    Les thuriféraires marocains et étrangers de la Monarchie se sont empressés de qualifier «d’historique» les premières élections législatives d’après les réformes royales. Concédons-leur ce qualificatif, mais pour la raison qu’elles ont fait apparaître que tout reste à faire au Maroc en termes de changement et de démocratie

    Le Quotidien d’Oran, 27/11/2011

  • Les otages moyen de pression contre la coalition algéro-sahélienne

    Al Qaïda au Maghreb islamique détient à la fin du mois de novembre 2011 au moins douze Européens dans le Sahel. Un chiffre record depuis 2003. À cette date-là, «Abderezak El Para» avait réussi le pari insensé de kidnapper 32 touristes européens. Il en relâchera plus tard 15 sous la pression de l’ANP, avant de passer à Kidal avec le reste des otages. Aujourd’hui, quatre otages français travaillant pour Areva sont entre les mains d’Aqmi depuis plus de 400 jours, auxquels sont venus s’ajouter les trois humanitaires kidnappés à Hassi Rabouni, près de Tindouf, puis, ces derniers jours, coup sur coup, deux Français kidnappés au nord-Mali, puis trois autres Européens. Cela fait beaucoup dans un contexte où la coopération sécuritaire devait connaître un développement majeur, après les promesses des pays du champ de se doter de mécanismes militaires opérationnels. 
     
    Coup sur coup, en fin de semaine, Aqmi a frappé. Ainsi, trois étrangers ont été enlevés et un autre a été tué à Tombouctou, dans le nord du Mali, au lendemain du rapt de deux Français à Hombori, à près de 250 km de Gao. Celui qui a été tué l’a été alors qu’il résistait à l’enlèvement avec trois autres personnes, et il s’agirait d’un Allemand. Ces kidnappings et ce meurtre surviennent après l’enlèvement jeudi de deux Français dans un hôtel d’Hombori, à environ à 200 km au sud de Tombouctou, par des hommes armés qui ont emmenés leurs otages vers une destination inconnue. Sarkozy, plus que jamais fragilisé par ces rapts, tentent d’investir militairement le Sahel, en rajoutant une couche à l’imbroglio qui prévaut dans la région. Ainsi, des soldats français patrouillaient depuis vendredi aux côtés de l’armée malienne dans cette région pour tenter de les retrouver. 
     
    Les « accords » contractés par les pays du champ, le Mali, la Mauritanie et le Niger, interdisaient en fait toute présence étrangère, les Occidentaux étant appelé à fournir une assistance logistique et technique. L’intervention occidentale militairement sur le sol était devenue illégitime par le truchement de ces accords. Or aujourd’hui, il semble bien que le Mali, fragilisé par des pressions qui le dépassent, plie devant la France, et permet à Sarkozy une intervention directe, dont les conséquences immédiates seront une prolifération des groupes djihadistes opérant dans la région, lesquels vont en appeler d’autres à venir les appuyer, et cela mènera inéluctablement à une guerre sans fin, très coûteuse et très nuisible pour tous les pays du champ…
    Fayçal Oukaci
    Le Courrier d’Algérie, 27/11/2011
  • Accord sur le budget en Belgique : Voie ouverte à la formation d’un gouvernement

    A l’issue de plus de 500 jours d’une crise record, la voie semblait ouverte à la mise sur pied d’un gouvernement en Belgique après l’accord conclu hier entre une coalition de six partis francophones et flamands sur le projet de budget fédéral 2012.
    « Le roi (des Belges Albert II) se réjouit qu’un accord soit intervenu. En conséquence, il a chargé le formateur (et chef des socialistes francophones, Elio Di Rupo) de former le plus rapidement possible un gouvernement », a annoncé le Palais royal dans un communiqué.
    M. Di Rupo, 60 ans, devrait devenir ainsi le premier chef de gouvernement francophone de Belgique depuis plus de trois décennies, en même temps que le premier socialiste à ce poste depuis 1974 à un moment où partout en Europe la gauche est à la peine.
  • MOHAMMED VI A ANTICIPÉ SUR LES ÉVÉNEMENTS : Comment le roi a fait danser son monde

    Bien avant d’arriver à ces élections législatives anticipées, le roi Mohammed VI a mis en place une stratégie à la limite du machiavélisme mais qui a payé pour la stabilité de son pays. Ayant pressenti l’ondede choc des soulèvements arabes, le roi a convié spécialistes, experts et centres de recherches marocains et occidentaux à prendre part au montage de ce que ses détracteurs appellent «la comédie makhzenienne».
    Un haut responsable américain a fait une visite au Maroc, au lendemain des fameuses manifestations du 20 février 2010, organisées à travers les grandes villes du Royaume. Le responsable américain, dont la visite a été divulguée par le magazine Jeune Afrique, s’est longuement entretenu avec nombre de conseillers de Mohammed VI, et des recommandations ont été soumises au souverain. Cela, en plus d’une centaine de centres «think tanks (laboratoires d’idées)» marocains, américains et français qui ont été appelés pour la circonstance. Ces think thanks n’ont pas perdu une seconde des changements intervenus dans le Monde arabe en général et l’effet de contagion, en particulier que ces révoltes pourraient produire au Royaume chérifien. Leur apport était considérable pour esquisser les contours d’un nouveau royaume, un «Maroc version 6» est alors conçu. Ainsi, au premier jour des manifestations initiées par le Mouvement du 20 février, Mohammed VI a donné le coup d’envoi de l’édition du grand festival musical: «Mawazzine», à travers tout le Maroc. Des grandes stars du pop, du jazz, du soul, du funk… ont été accueillies. Chaque ville du Maroc a eu grâce aux bons soins du Makhzen son chanteur préféré. Le grand chanteur algérien Idir pour les Berbères, du Reggae pour les quartiers urbains, et artistes, tout aussi connus à l’échelle internationale, à l’instar de Roger Hodgson, du célèbre groupe Supertramp, accompagné du prestigieux Orchestre symphonique royal marocain, Julian Marley, Cristina Branco, Arshad Ali Khan, Hindi Zahra…se sont produits, quant à eux, dans les quartiers huppés du Royaume. De jour comme de nuit, Sa Majesté le roi avait fait danser son monde à satiété. «La théorie du sujet et de la citoyenneté» discutée dans les rues est battue en brèche par les stratégies des gardiens du temple.
    Les concepteurs du festival ont su distribuer les cartes gagnantes et rafler la mise contre les appels du Mouvement du 20 février contre la politique de Mohammed VI. Une demande d’annulation de ce festival a été introduite par le Mouvement. Celle-ci est aussi motivée, selon ledit Mouvement, par la conjoncture régionale et marocaine. «L’organisation de ce festival intervient dans un environnement qui ne correspond pas à la logique du changement qui souffle sur la Nation arabe», ont déclaré les membres du Mouvement, avant de qualifier cette grande manifestation artistique largement médiatisée par des médias marocains et occidentaux, d’un «complot makhzenien pour droguer le peuple… Un crime culturel». Des millions de dollars ont été gaspillés rien que pour inhiber tout un peuple. Quelques jours après le festival, le roi Mohammed VI, bien conseillé de l’extérieur, s’est imposé et répliqué en véritable chef d’Etat. Amendement de la Constitution et organisation des élections législatives anticipées ont été concrétisés. 
    Sur le plan institutionnel, il n’y a pas eu vraiment de changement, puisque le but n’étant pas de procéder à un changement de régime comme en Tunisie le mois dernier, mais d’éviter la vague des révoltes arabes. De fait, chaque force politique en présence au Maroc a son propre enjeu et son rôle à jouer. Pour le Palais royal, une grande partie des élites et les partenaires du Maroc, il s’agit de mettre fin au mouvement de contestation politique qui a débuté le 20 février. Alors que pour les partis politiques classiques, ces derniers cherchent à décrocher les sièges qui leur permettraient de poursuivre leurs affaires. Néanmoins, les experts soutiennent que le Maroc n’étant pas une île coupée du monde, il subira, d’une manière ou d’une autre, les conséquences de ce qui se passe chez ses voisins.
    L’Expression, 26/11/2011