Mois : juin 2011

  • JOURNÉE INTERNATIONALE DES REFUGIÉS- Ces exilés Sahraouis si près…

    C’est aujourd’hui que sera célébrée à travers le monde la Journée internationale des réfugiés. Faudrait-il rappeler dans ce cadre, la définition d’un terme fort de sens? Certainement pas. Ce qui est certain c’est que lorsque des personnes cherchent refuge à l’étranger c’est qu’elles n’ont pas le choix : elles fuient les injustices dont elles sont victimes dans leur pays en raison de leur identité, de leurs croyances ou de leurs opinions.

    À se référer à la déclaration faite hier à l’APS par Abdelkrim Ghoul, représentant du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) à Alger, il existe pour l’heure 43 millions de réfugiés dans le monde. « Certains d’entre eux sont réfugiés à long terme », a-t-il noté citant, à titre illustratif, le cas des réfugiés sahraouis qui dure depuis plus de 35 ans. Il a, dans ce sens, précisé que le cas des réfugiés sahraouis comptait parmi les plus anciens cas dans le monde, rappelant qu’ils ont fui leur territoire en 1975-1976.

    En effet, les refugiés sahraouis ont été accueillis par les autorités algériennes au début de l’année 1976. Ils sont près de 200 000 Sahraouis à s’établir dans 5 principaux camps de réfugiés dans le Sud-ouest de l’Algérie, à Tindouf plus précisément. Dans des tentes ou dans des semblants de baraques faites à base d’argile et de parpaings, ces milliers de Sahraouis se sont habitués au fil des années qui se succèdent à faire face, en premier lieu, aux conditions climatiques assez particulières sachant que les températures avoisinent en cette période estivale, les 40° à l’ombre. Que ce soit à Aousserd, à Dakhla, à El Ayoun, à Smara ou à l’École du 27-Février (qui abrite également les administrations officielles sahraouies), les refugiés sahraouis de Tindouf se voient également confrontés au quotidien à des conditions de vie lamentables ; si ce n’est les aides humanitaires qui leur parviennent des pays amis de la Rasd, du Croissant-rouge algérien et du HCR. C’est dire, que les Sahraouis se sont exilés malgré eux en l’Algérie voisine. Une Algérie qui les a accueillis à bras ouverts depuis les premiers instants de l’invasion marocaine.
    Le Courrier d’Algérie, 20/06/2011

  • « Terreur au Maroc, opinion publique confisquée » (gouvernement sahraoui)

    CHAHID EL HAFED – Le Gouvernement sahraoui a de nouveau condamné la déclaration du souverain marocain qui avait soutenu que la question du Sahara occidental constituait une menace à l’intégrité territoriale soulignant « qu’il s’agit d’une confiscation de l’opinion publique marocaine », indique dimanche un communiqué du ministère sahraoui de l’Information.

    Le gouvernement sahraoui « condamne avec vigueur la tentative de confisquer l’opinion publique marocaine à travers la terreur et l’intimidation à l’instar de tous les régimes tyrans et oppresseurs, une tentative visant à présenter la question du Sahara occidental comme un « épouvantail » pour les Marocains et une menace à l’intégrité territoriale », précise le communiqué diffusé par l’Agence de presse sahraouie (SPS).

    Le discours du roi du Maroc se veut « une menace on ne peut plus claire » à tout citoyen marocain qui ne voudrait pas voter pour le projet de Constitution et qui serait alors sous le coup de la charge de « trahison nationale et atteinte à l’intégrité territoriale » du Royaume, souligne le communiqué.

    « Le Gouvernement sahraoui dénonce cette instrumentalisation tendancieuse qui perdure depuis 1975 date à laquelle le gouvernement marocain a mené une guerre injuste contre le peuple sahraoui dans une tentative de faire taire toutes les voix appelant à davantage de liberté et de démocratie au Maroc », ajoute la même source.

    Le Gouvernement sahraoui a rappelé que la « Constitution du Royaume du Maroc est une affaire interne qui ne concerne pas le peuple sahraoui » contrairement aux insinuations du Souverain marocain.

    Ce document, précise le communiqué, « ne constitue nullement une référence ou un cadre de règlement d’une cause internationale dont les contours et le cadre juridique sont clairement définis, car déposée auprès des Nations unies au niveau de sa 4ème commission chargée de la décolonisation et dont le règlement réside dans le respect du principe d’autodétermination ».

    Pour le gouvernement sahraoui, « le discours est plus que décevant et reflète l’intransigeance du Maroc et sa tentative d’insérer « une approche » colonialiste unilatérale à travers la fuite en avant et le maintien de sa politique d’expansion ».

    Le discours ne dénote d’aucune volonté de coopérer en vue d’aboutir de concert avec les efforts de l’ONU à une décolonisation du Sahara occidental, souligne encore le communiqué.

    Le gouvernement sahraoui a rappelé, à cet effet, les tentatives d’intimidation et d’oppression pratiquées dans les territoires occupés et le pillage des richesses naturelles de ce pays sans compter le mur militaire marocain qui sépare les familles sahraouies estimant « qu’une telle position ne reflète ni de près ni de loin une réelle volonté de mettre un terme aux graves violations des droits de l’homme commises par le gouvernement marocain contre les sahraouis sans défense », conclut le communiqué.

  • Réformes constitutionnelles en trompe l’oeil

    Dans un discours à la nation dans la soirée de vendredi le souverain marocain, Mohammed VI a présenté le projet de reformes constitutionnelles, qu’il soumet à référendum des le premier juillet prochain. Des reformes qui sont loin de satisfaire l’opposition et de larges couches de la société marocaine qui voient dans ces annonces qu’un simple «toilettage» de la Constitution, le souverain marocain gardant la quasi totalité de ses prérogatives. Ces reformes ne sont en rien une remise à plat de la Constitution qui fait du roi un monarque de droit divin et le Commandeur des croyants.

    Ce que lui contestent les islamistes du mouvement de cheikh Yassine, qui rappelle qu’en islam il n’y a ni guide ni conducteur des croyants. On est donc loin «d’une Monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale», comme l’a annoncé le roi, souligne l’opposition marocaine qui a appellé a manifester, continuant le cycle de protestations hebdomadaires.

    Sur les changements qui devraient être opérés dans le pays, les différents mouvements politiques ont chacun leur position. Les islamistes veulent une République islamiste, sans jamais en prononcer le nom. La bourgeoisie souhaite, elle, une Monarchie constitutionnelle, mais le dit timidement. Mohammed VI tiendrait alors un rôle comparable à celui de Juan Carlos en Espagne ou Élisabeth II au Royaume-Uni. Une thèse également défendue par Moulay Hicham El- Alaoui, cousin du roi et troisième dans l’ordre de succession au trône. Ce dernier, considéré comme l’enfant terrible de la dynastie Alaouite, s’oppose à la Monarchie absolue qu’il considère comme un modèle révolu. Mais victime de menaces au Maroc, il vit désormais à Princeton (États-Unis) où il a fait ses études. C’est un personnage qui va prendre de l’ampleur auprès des progressistes parce qu’il va dire haut et fort qu’il s’agit ici de «réformettes», estimet- on dans la capitale marocaine au grand dam des Policy makers français qui auraient poussé le roi à des «réformettes» pour éviter une explosion aux conséquences imprévisibles pour le trône.

    Quoiqu’il en soit le mouvement contestataire qui revendique des changements politiques profonds au Maroc a appelé à manifester dimanche, jugeant insuffisantes les réformes de la Constitution annoncées par le roi Mohammed VI. Le Maroc a appelé à manifester ce dimanche. «Le projet tel qu’il a été proposé par le roi ne répond pas à nos revendications pour une véritable séparation des pouvoirs. Nous protesterons pacifiquement dimanche contre ce projet », a déclaré hier Najib Chaouki, l’un des membres de la section de Rabat du Mouvement du 20 février.

    Ce Mouvement de jeunes revendique des réformes politiques profondes et une Monarchie parlementaire et manifeste régulièrement dans la rue depuis cette date. «Les Coordinations nationales (du Mouvement) ont appelé à manifester dimanche pour une Constitution véritablement démocratique et une Monarchie parlementaire», a-t-il ajouté. Des manifestations sont prévues notamment à Rabat, Casablanca, Tanger (nord), Marrakech (sud) et Fès (centre), précise la page Facebook du Mouvement, qui compte plus de 60 000 membres.» Ce projet de constitution ne change pas grand chose par rapport au texte actuel», a déclaré pour sa part Mina Bouchkioua, enseignante et membre du Mouvement à Rabat.

    Les islamistes représentés au Parlement ont de leur côté réservé leur réponse tout en notant des progrès. Le souverain marocain avait promis en mars dernier des réformes politiques importantes pour répondre aux manifestations qui se déroulent au Maroc depuis le mois de février, à l’instar de ce qui s’est passé dans d’autres pays arabes. Selon le projet de reformes constitutionnel, le roi est toujours le Commandeur de croyants et il se voit confirmé comme la seule autorité religieuse du royaume.

    Par ailleurs, le Conseil supérieur des Oulémas, la plus haute instance religieuse présidée par le monarque, est mentionnée pour la première fois dans un texte constitutionnel. Sur le plan politique, le roi préside toujours le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et les jugements sont prononcés en son nom, comme dans l’actuelle Constitution. Cette disposition est considérée par les opposants au projet comme une atteinte au principe de séparation des pouvoirs.

    Le souverain roi reste aussi un acteur important du pouvoir exécutif, puisqu’il préside le Conseil ministériel, au sein duquel les grandes stratégies de l’État sont déterminées, selon le nouveau projet.Il demeure également chef des armées et présidera un «Conseil supérieur de sécurité», qui aura pour mission de gérer les questions sécuritaires internes, structurelles et imprévues».

    Le Courrier d’Algérie, 19/06/2011

  • Maroc : Royale fermeture

    Quand une grande agence de presse occidentale annonce en titre et en «lead» que le Roi du Maroc a réduit ses pouvoirs, cela n’empêche pas les gens concernés, les Marocains au premier chef, d’aller lire le texte du projet de révision constitutionnelle. Ils comprendront vite que l’agence de presse en question a choisi de ruser avec le métier – ce qu’elle énonce n’est pas tout à fait faux, car s’appuyant sur quelques éléments, mais n’est pas vrai globalement – pour des raisons inutiles à chercher.

    Certains y verront une fois de plus le signe de la capacité des autorités marocaines à s’assurer la bienveillance des journalistes étrangers. Mais cela ne relève au fond que du trivial. La communication ne supplée jamais durablement le réel.

    Ceux qui lisent le texte de la révision constitutionnelle – les Marocains au premier chef et tous ceux qui, dans le monde arabe, surveillent les changements annoncés – constateront qu’il y a plus grave que les entorses au métier de journaliste et les dérives de la connivence. Il y a une tentative claire de ruser avec la réforme et de la vider de toute substance en jouant sur les mots.

    Le fait que le régime marocain ne soit pas le seul à pratiquer ce sport très prisé par les gouvernants arabo-berbères de l’Atlantique au Golfe, n’est pas une circonstance atténuante. La tentation est en effet générale, en Algérie aussi, d’offrir des diversions – où des divertissements – à des demandes de réformes démocratiques qu’il serait vain d’essayer de circonscrire à un pays.

    La vérité est que les réformes annoncées par Mohammed VI ont pour objectif de ne rien changer. Mis à part l’indéniable progrès qu’est l’officialisation de tamazigh comme langue nationale, la seule évolution est celle d’un petit plus dans les prérogatives du Premier ministre. Mais c’est un «petit plus» donné par la main gauche, qui peut être repris par la main droite.

    Ces verrous sont clairement énoncés dans le projet de Constitution : le Premier ministre exerce concrètement ses nouvelles prérogatives avec l’aval préalable du Roi. On comprend aisément la déception des jeunes du Mouvement du 20 février qui ont osé la question taboue de la «sacralité» de la personne du Roi et qui veulent une monarchie parlementaire où le Roi règne mais ne gouverne pas.

    Certes, il aurait été naïf de s’attendre à ce que le Roi renonce aussi facilement à ses pouvoirs et à son statut d’Amir Al-Mouminine. Mais s’ils n’attendaient pas une révolution, les Marocains espéraient une ouverture intelligente sur l’avenir, la modernité. Un cap qui permet à une société mûre de passer de l’ordre de la sujétion à celui de la citoyenneté.

    Il faut bien admettre, en dépit des acclamations que le Makhzen sait parfaitement orchestrer, que cette aspiration est déçue. Le Maroc, alors que la jeunesse de son monarque aurait pu être un atout, n’est pas dans une optique d’ouverture. Le mot fermeture est plus indiqué. Le Roi n’est pas loin d’avoir sifflé la «fin de la récré» à un mouvement de jeunes que la presse du Makhzen étripe à longueur de colonnes et contre lesquels les services de sécurité ont la main de plus en plus lourde.
    Au Maroc, c’est le reflux du printemps de la démocratie qui s’amorce.
    Par K. Selim
    Le Quotidien d’Oran, 19/06/2011

  • Makina Zanele : la cause sahraouie est « juste » et « nul ne peut nier cela »

    La cause sahraouie est  » juste » et « nul ne peut nier cela », a souligné samedi à Alger Makina Zanele, directrice en chef du département Afrique du nord auprès du ministère des Affaires étrangères d’Afrique du sud. 
     
    Dans une déclaration à la presse à l’issue de l’audience qui lui a été accordée par le président de l’APC d’Alger centre et vice-président de l’Union des villes africaines, Tayeb Zitouni, la responsable sud-africaine a indiqué que c’est la justesse de la cause sahraouie qui a poussé les sahraouis à  » poursuivre le combat et la lutte pour la liberté et l’indépendance ».
    La responsable sud-africaine avait effectué une visite dans les camps des réfugiés sahraouis à Tindouf à la tête d’une délégation (sud-africaine) pour s’enquérir de leur situation.
    Elle a fait remarquer avoir constaté  » la bonne organisation dans les camps des réfugiés  » et « la ferme volonté des sahraouis à poursuivre leur combat  » en dépit des conditions difficiles dans lesquelles ils vivent, notamment en été.
    SPS, 19/06/2011
  • Maroc : Les réformes de Mohammed VI n’ont pas convaincu

    Aucun symbole de corruption n’a été traduit devant la justice depuis l’avènement du « Printemps arabe »

    Le Maroc ne changera pas de régime le 1er juillet prochain, date du référendum sur le projet de réforme de la Constitution élaboré par une commission encadrée par Mohamed Moatassim, un conseiller de Mohammed VI. Au grand dam du Makhzen et de ses «amis» qui affirment que le Royaume entrera avec ce texte «inédit dans le monde musulman» dans une «nouvelle ère», le mouvement du 20 février appelle ses partisans à manifester «pacifiquement» aujourd’hui à Casablanca, Fès, Marrakech, Rabat et Tanger.

    Le premier pas vers «une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire» annoncé vendredi soir par Mohammed VI n’a pas convaincu le «20 février» qui exige une «Constitution véritablement démocratique», «une monarchie parlementaire» et «une véritable séparation des pouvoirs».
    Selon ce mouvement, le roi qui a consenti sur papier au renforcement du rôle du Premier ministre même si ce désormais «chef du gouvernement» ne peut prendre aucune décision sans le feu vert du Palais Royal, a préservé «l’essentiel de ses pouvoirs» en consolidant son statut de «Commandeur des croyants» avec l’inscription pour la première fois dans un texte constitutionnel du Conseil supérieur des Oulémas qu’il préside, son rôle de chef de l’Etat et des armées et en créant un Conseil suprême de sécurité sur mesure.
    Outre ses privilèges, il s’est octroyé, de nouveau la présidence du Conseil ministériel, au sein duquel les grandes stratégies de l’Etat sont déterminées et du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et réaffirmé que les jugements seront prononcés en son nom, comme dans la Constitution actuelle qui date de 15 ans et….que sa personne sera «inviolable».
    Seules concessions de taille selon les analystes qui ont sérié les changements cosmétiques et rappelé qu’aucun symbole de corruption n’a été traduit devant la justice depuis l’avènement du «Printemps arabe» : la constitutionnalisation des droits de l’Homme avec la consécration prévoit l’égalité «civile et sociale» entre l’homme et la femme et la reconnaissance «dans un processus graduel de tamazight comme deuxième langue officielle.

    Djamel Boukrine, 19/06/2011

  • Kafka à Zoudj Bghal !

    Par Noureddine Khelassi

    Même s’il lui arrivait de laisser filtrer du ressentiment ou de faire preuve d’une étonnante autocritique en se qualifiant, par exemple, de «harki du système» algérien, Sid-Ahmed Ghozali ne manque pas pour autant de discernement, voire de sagacité. Mais il lui arrive aussi de ne pas en avoir lorsqu’il caresse dans le sens du poil royal un confrère de Maroc Hebdo International, relais hebdomadaire du makhzen et porte-drapeau du souverainisme marocain (No 935 du 03 au 09 juin 2011). A l’occasion, l’ancien Premier ministre, un coup diplomate, un chouïa politique et un tantinet psy, étale sur le divan les relations algéro-marocaines, notamment la question des frontières, fermées depuis 1994, à l’initiative du Maroc, suite à l’attentat islamiste contre l’hôtel Asni de Marrakech. Et s’il sait montrer un certain sens de l’à-propos, l’ex-ministre des Affaires étrangères finit quand même par céder à la douce tentation de voir dans le régime algérien, qu’il a tant servi, un va-t-en guerre peuplé, à tous les étages, de Docteurs Folamour bellicistes en diable ! Questionné sur une éventuelle réouverture des frontières, demande récurrente du Palais royal, Sid-Ahmed Ghozali y voit, à juste titre d’ailleurs, un anachronisme unique en son genre, dans la mesure où l’espace aérien et maritime sont ouverts et que les deux pays disposent d’ambassades dûment accréditées. Mais comme s’il s’agissait de sa part d’un acte manqué ou d’un profond dépit, il estime possible une guerre entre les deux pays, déclenchée par l’Algérie ! Alors, réponse sans équivoque à une question claire : «dans l’absolu, un régime dictatorial comme celui de l’Algérie est toujours prêt à faire la guerre à ses voisins pour éviter de se concentrer sur la recherche de solutions aux problèmes internes». Et si, dans l’absolu, l’initiative de belligérance était possible en sens inverse ? L’homme aux élégantes cravates papillon y a peut-être pensé mais ne l’a pas relevé, sans doute par onctueuse courtoisie à l’endroit du confrère marocain.

    La frontière, une ligne rouge
    En diplomatie comme en politique, il y a des oublis involontaires ou des omissions volontaires qui pourraient avoir une vertu de lapsus révélateur. L’ancien ambassadeur d’Algérie en France a tout de même le mérite d’aborder, avec courage et franchise, la relation algéro-marocaine qui relève à la fois de l’histoire, de la géographie et de traumas qui ont jalonné les rapports bilatéraux depuis l’Emir Abdelkader et le sultan Moulay Abderrahmane. La trahison du roi du Maroc qui a, certes sous la contrainte militaire, reconnu la colonisation française de l’Algérie et lâché l’Emir Abdelkader en rase campagne, est le premier marqueur dans la liste des manquements politiques du Maroc à l’égard de son voisin. Une liste qui débute avec l’infâme traité de Tanger avec la France (1944) qui coûta au royaume la perte de Tétouan et le partage du Maroc en zone d’influence française et espagnole. Plus qu’une ligne de partage ou de démarcation, la frontière est justement le fil rouge qui définit, mieux que le conflit du Sahara Occidental, les relations conflictuelles entre l’Algérie et le Maroc. Avant la France ne colonise la région à partir du XIXe siècle, aucune frontière n’était définie. Il a fallu attendre le Traité de Lalla Maghnia, signé le 18 mars 1845 entre la France coloniale et le Maroc, pour voir délimité sur 165 kilomètres un tracé de frontière. Le traité, qui constate au-delà l’existence d’un «territoire sans eau (qui) est inhabitable» évoque en fait une zone frontalière sans limite précise, jalonnée par des territoires tribaux rattachés au Maroc ou à l’Algérie et chevauchant une sorte de terra nullius chevauchant des tracés mal identifiés (Ligne Varnier en 1912, Ligne trinquet en 1938), variant d’une carte à l’autre. Beaucoup plus tard, la Convention du 20 juillet 1901 et l’Accord du 20 avril 1902, délimiteront de manière un peu plus précise les frontières entre l’Algérie française et le Maroc qui n’était pas encore sous protectorat français. La découverte d’importants gisements de pétrole, de fer et de manganèse dans la région amène la France à délimiter plus précisément les territoires. En 1952, les Français décident d’intégrer officiellement aux igamies françaises d’Algérie les régions de Tindouf et de Colomb-Béchar. Dès son indépendance en août 1956, le Maroc revendique la souveraineté sur ces territoires. Afin de mettre un terme à son soutien au FLN, la France propose le principe de restitution de ces territoires contre la mise en place de l’OCRS, l’Organisation commune des régions sahariennes, chargée d’exploiter les gisements miniers du Sahara, et la cessation de l’aide aux moudjahidine algériens. Le roi Mohamed V, et c’est tout à son grand honneur, voit cette proposition scélérate comme un «coup de poignard dans le dos des frères algériens», tout en demandant que «soit déterminé la souveraineté qui s’exerce sur ces régions ainsi que leur délimitation». Cette double attitude sera la sienne jusqu’à l’accord du 6 juillet 1961 avec le président du GPRA, Ferhat Abbes. Selon cet accord, une fois l’indépendance de l’Algérie acquise, le statut de ces territoires serait renégocié. Mais il n’a jamais été question d’une rétrocession pure et simple. D’ailleurs, cet accord ne sera jamais ratifié. Le Maroc lui-même soulignait à l’occasion son opposition «par tous les moyens à toute tentative de partage ou d’amputation du territoire algérien».

    Intégrité territoriale algérienne et contre «Grand Maroc»
    Un des enjeux de la guerre d’indépendance algérienne était justement la préservation de l’unité du territoire algérien et il était surtout question d’empêcher la France de séparer le Sahara du reste de l’Algérie. Les exigences territoriales du Maroc étaient alors perçues comme des tentatives d’ingérence et de pression, au moment où le pays était exsangue au sortir de 132 années de colonisation. C’est à ce moment-là que le parti de l’Istiqlal republie la carte irrédentiste du «Grand Maroc» dessinant un territoire comprenant un tiers de l’Algérie jusqu’à In Salah, le Sahara Occidental, la Mauritanie et une partie du Mali. La tension entre les deux pays monte crescendo à la faveur de nombreux incidents frontaliers. Des Algériens et des Marocains sont expulsés de part et d’autre. La tension est alors au plus haut entre l’Algérie qui a soutenu l’opposant Mehdi Ben Barka et le Maroc qui a favorisé l’arrestation en 1956 d’Ahmed Ben Bella, Hocine Ait Ahmed, Mustapha Lacheraf et Mohamed Boudiaf et soutenu le soulèvement du FFS en Kabylie. Les incidents frontaliers débuchent finalement, fin septembre, sur la «guerre des sables» et l’entrée des FAR jusqu’à 12 kilomètres de Tindouf. Lors d’une conférence à Bamako, sous l’égide de l’ancienne OUA, un cessez-le-feu est obtenu qui ne sera définitivement respecté que le 20 février 1964. L’accord définit les contours d’une zone démilitarisée et marque la reprise officielle des relations diplomatiques entre les deux pays. L’Algérie en sort confortée par l’avantage de l’uti possidetis juris, principe de droit international par lequel les belligérants d’un conflit conservent leurs possessions à la fin dudit conflit, nonobstant les conditions d’un traité. Provenant du droit romain, ce principe autorise une partie à contester et à réclamer un territoire qui a été acquis par la guerre. A la faveur de ce conflit frontalier armé, l’OUA adopte le principe de l’uti possidetis qui signifie «comme vous avez possédé, vous continuerez à posséder». L’Organisation de l’unité africaine en fera en 1964 le fondement du principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation et la frontière algéro-marocaine suit le tracé qui reprend la délimitation coloniale française. Le principe sera appliqué à toute l’Afrique et reste à la base de l’Acte constitutif de l’Union africaine qui énonce le «respect des frontières existant au moment de l’accession à l’indépendance». La guerre des sables inaugure une longue période de tension entre l’Algérie et le Maroc, mais une seule confrontation armée interviendra par la suite : en 1976, en deux actes, à Amgala, au Sahara Occidental. Dans l’intervalle, le 15 juin 1972, les deux ministres des Affaires étrangères Abdelaziz Bouteflika et Ahmed Taibi Benhima paraphent à Rabat une Convention relative au tracé de la frontière d’Etat, fondée sur le Traité d’Ifrane conclu le 15 janvier 1969 par le président Houari Boumediene et le roi Hassan II. Le traité, basé sur la jurisprudence coloniale et l’uti possidetis consacré par les Etats africains, a été conçu en application du traité de délimitation de Lalla Maghnia, en ses dispositions portant délimitation de la frontière algéro-marocaine ainsi que des textes subséquents, notamment la Convention du 20 juillet 1901 et l’Accord du 20 avril 1902. L’Algérie ratifie le traité le 17 mai 1973, mais le Maroc tarde à faire de même, jusqu’au 22 juin 1992, soit un peu plus de trois ans après l’échange des instruments de ratification de la Convention de délimitation conclu à Rabat en 1972.

    La Marche Verte, cheval de Troie marocain
    Les deux pays s’étaient également mis d’accord sur une exploitation commune des gisements miniers de Ghara Djebilet mais l’accord ne sera jamais appliqué, rendu caduc par le conflit du Sahara Occidental qui sera la seconde pomme de discorde entre les deux parties. Deux visions les y opposent à ce sujet : fait accompli colonial contre défense du principe d’autodétermination d’un peuple ; et le conflit n’a pas fini de s’enliser dans les sables du Sahara des anciens territoires espagnols de Rio de Oro et Saguia él-Hamra. Après la Marche verte, version marocaine des temps modernes du cheval de Troie, le président Houari Boumediene avait, dans un discours à la télévision algérienne, révélé alors que le Maroc avait refusé une proposition algérienne de constituer une force militaire commune pour libérer le Sahara Occidental sous domination espagnole. Le Maroc, pour sa part, évoquait l’existence d’un accord de partage du Sahara, qui aurait notamment permis l’acheminement vers la côte atlantique des minerais de Ghara Djebilet. Depuis, la question des frontières et la décolonisation du Sahara Occidental aux mains de l’ONU, empoisonnent un peu plus des relations déjà alourdies par des crispations diplomatiques, alimentées notamment par un courant de méfiance et de suspicion, nourries par les drames respectifs des
    Marocains et d’Algériens expulsés par les deux pays depuis 1963. Le Maroc, qui a nationalisé les biens d’Algériens au Maroc, a envenimé un peu plus des relations passablement médiocres, en expulsant d’autre algériens et en fermant unilatéralement ses frontières après l’attentat de Marrakech. La présence d’un franco-algérien parmi les terroristes islamistes auteurs de l’attentat de l’hôtel Isni, était suffisante aux yeux des autorités marocaines pour y voir la main du Big Brother du DRS algérien, perçu en démiurge sécuritaire ! A la suite de ce malheureux épisode, où le ridicule de la lecture sécuritaire du makhzen le disputait à la tragédie humaine, réelle celle-là, les autorités algériennes refusent depuis d’ouvrir la frontière terrestre. Malgré la suppression des visas en 2004 et 2005, à l’initiative première du Maroc, le maintien, ouverts, des espaces aériens respectifs et de certains canaux d’échanges. Pourtant, les deux pays, sous la houlette du président Chadli Bendjedid et du roi Hassan II, ont montré que les deux pays pouvait adopter un certain modus vivendi dans une relation bilatérale déconnectée du conflit du Sahara Occidental, laissé aux bons soins de la Communauté internationale. Les deux pays avaient repris les relations diplomatiques coupées depuis l’irruption du conflit sahraoui et leur nouvelle entente cordiale avait favorisé la signature de la Déclaration de Zéralda en 2008 et le Traité de Marrakech en 2009, instaurant l’UMA, l’Union du Maghreb Arabe. Le traité encourage la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux. Il prône en même temps la «réalisation de la concorde entre les Etats membres et l’établissement d’une étroite coopération diplomatique fondée sur le dialogue». Simple vœu pieux.

    Le pire n’est pas pour demain
    La crispation algéro-marocaine a certes des fondements géopolitiques. Elle relève aussi d’une question inavouable de leadership régional et de parité stratégique entre deux régimes autoritaires mais de nature institutionnelle différente. Mais cette rigidité relève d’avantage de la psychologie qui fait du voisin et néanmoins frère, l’ennemi intime dont la menace stratégique détermine la dimension même du système de défense militaire. Et même si les deux pays se sont lancés depuis quelques décennies dans des dépenses militaires souvent justifiées mais parfois démesurées par rapport à la nature réelle de la menace que l’un constituerait pour l’autre. Mais s’il y a eu par le passé une guerre en bonne et due forme et quelques escarmouches, un nouveau conflit militaire parait aujourd’hui comme une vue de l’esprit, ou une simple extrapolation d’un Cassandre nommé Sid-Ahmed Ghozali. D’ailleurs, l’ancien Premier ministre algérien révèle dans son entretien à Maroc Hebdo que le pire est toujours évitable. Notamment quand il révèle que le roi des Belges lui a révélé avoir préparé une rencontre sécrète à Bruxelles, en 1978, entre le roi Hassan II et le président Houari
    Boumediene. Le syndrome de Waldenström, qui a foudroyé le Lider Maximo algérien en décembre de la même année, a voulu qu’il en soit autrement. Peut-être que si cette rencontre a eu lieu l’histoire du Sahara Occidental aurait pris un autre cours et, à la frontière algéro-marocaine, Kafka n’aurait pas élu domicile à Zoudj Bghal.
    La Tribune d’Algérie, 18/06/2011

  • Alger et Paris enterrent les questions qui fâchent

    Conférence de presse conjointe de Mourad Medelci et d’Alain Juppé
    Mokrane Chebbine

    Les relations algéro-françaises connaissent un réchauffement inédit, que la récente visite du ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé est venue confirmer. En effet, Alger et Paris affichent une volonté commune sans précédent de raffermir leurs relations bilatérales dans tous les domaines. C’est les messages qui se dégagent de la conférence de presse conjointe, animée jeudi dernier, à la résidence d’Etat El-Mithak (Alger), par Mourad Medelci et Alain Juppé.Les relations algéro-françaises connaissent un réchauffement inédit, que la récente visite du ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé est venue confirmer. En effet, Alger et Paris affichent une volonté commune sans précédent de raffermir leurs relations bilatérales dans tous les domaines. C’est les messages qui se dégagent de la conférence de presse conjointe, animée jeudi dernier, à la résidence d’Etat El-Mithak (Alger), par Mourad Medelci et Alain Juppé.Satisfaction, consultations positives, avancées considérables, convergences de vue, particulière embellie, confiance et amitié sont, entre autres, les termes utilisés par les deux conférenciers pour illustrer le rapprochement entre l’Algérie et la France, en dépit des questions qui fâchent. Pour le ministre des AE algérien, Mourad Medelci, la visite de son homologue français a permis de « revisiter » certains accords opérationnels dans les domaines militaire, l’éducation et la coopération économique entre autres, « consolider » ce qui existe déjà et « préparer » des accords quinquennaux. Le chef de la diplomatie française, lui, a parlé de « particulière embellie entre la France et l’Algérie », à l’issue de ses entretiens avec le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, du ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel et de son homologue, Mourad Medelci. Répondant à une question sur le passé colonial qui mine les relations algéro-françaises, Alain Juppé, tout en appelant à « ne pas ressasser le passé et se tourner vers l’avenir », a considéré que les différends qui plombent les deux pays font le « charme » des relations algéro-françaises. Ce à quoi Mourad Medelci a répliqué que la relation devra être encore « plus forte » à la faveur d’une dynamique économique et politique exemplaire et d’une coopération prometteuse susceptible de propulser la relation algéro-française à un haut degré de partenariat.Le difficile compromis sur la LibyeBien que l’Algérie et la France s’accordent à favoriser une « solution politique » dans le conflit en Libye, les deux pays divergent quant à la reconnaissance du Conseil national de transition (CNT). Si la France semble trancher définitivement en faveur du départ du dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, conformément à « la position de la communauté internationale, dont l’UE et le groupe de contact sur la Libye », l’Algérie elle, s’en remettra à la décision de « l’Union africaine et la Ligue arabe » qui n’ont pas encore statué sur la reconnaissance ou non du CNT. « Nous considérons que Kadhafi a perdu toute légitimité », a soutenu le chef de la diplomatie française, dans un soutien manifeste aux troupes rebelles libyennes. De son côté, Mourad Medelci, tout en affirmant que « la solution ne peut être que politique », a indiqué que la position de l’Algérie, loin de toutes « pressions » externes, est « collective », c’est-à-dire alignée sur celle de l’UA et de la Ligue arabe. En d’autres termes, la France et l’Algérie ne parviennent toujours pas à dégager une position commune quant au conflit libyen, les deux pays refusant de faire des concessions.Sahara occidental : le clin d’œil de ParisParis affiche une volonté sans précédent sur la question du Sahara occidental qui mine les relations algéro-marocaines. Dans une déclaration qui s’apparente à une concession, le ministre des AE français a déclaré que la France « va apporter sa petite pierre à l’édifice » pour l’amélioration des relations entre ces deux grands pays maghrébins. « Notre position n’est pas unilatérale », a estimé Alain Juppé, répliquant à une question sur le poids de la France dans le conflit au Sahara occidental, affirmant de là même qu’ « elle n’est pas de nature à nuire aux relations algéro-marocaines », tout en se félicitant de la disponibilité de la partie algérienne à « instaurer un climat de confiance » entre les deux pays. D’ailleurs, ce dossier de grande importance, à l’instar des autres dossiers régionaux, la Libye et le Moyen-Orient ont fait l’objet d’entretiens « très approfondis » entre le président de la République, Abdelaziz Bouteflika et le chef de la diplomatie française.Archives et nucléaire, le dénouement ?La question de l’indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires français a été également évoquée par les ministres des AE algérien et français lors de la conférence de presse. Mourad Medelci a rappelé dans ce sens que la France avait adopté une loi pour indemniser les victimes de ces essais et parmi lesquelles il y a beaucoup d’Algériens. Il a, dans ce contexte, fait savoir qu’un groupe de travail avait été installé pour préparer un projet de convention bilatérale concernant cette question. Alain Juppé a confirmé cette option, précisant que les deux pays œuvrent à trouver les solutions idoines à ces questions bilatérales. Au chapitre de la coopération scientifique et technologique, le chef de la diplomatie algérienne a souligné qu’un courant d’échange extrêmement important liait les universités algériennes et françaises, précisant que plus de 600 conventions de coopération avaient été signées entre les deux parties avec l’ambition d’aboutir au transfert technologique.La France s’invite dans la lutte antiterroriste au SahelParis a fait part de sa « volonté accrue » de soutenir les efforts de l’Algérie pour maintenir la paix et la sécurité dans la sous-région du Sahel. A ce titre, le ministre d’Etat français, ministre des Affaires étrangères et européenne, mais également maire de Bordeaux, a affiché la disponibilité de la France de prendre part à la réunion que compte organiser l’Algérie prochainement dans le cadre de la lutte antiterroriste dans le Sahel. « La France a de gros intérêts dans cette région, donc nous sommes concernés par la question, d’autant plus que nos ressortissants sont la cible prioritaire des groupes terroristes dans la région », a affirmé Alain Juppé, appelant à adopter un partenariat « plus serré » dans la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité ainsi qu’à la contribution dans le développement de cette région. Il a même parlé d’un « Plan Sahel » pour protéger la région, en compagnie de l’Union européenne (UE), également concernée par les développements qui s’opèrent au Sahel. Mourad Medelci lui, a souligné que l’Algérie et la France étaient pour une coopération régionale bien assise pour faire face à la situation dans cette région.Oran-Bordeaux : des projets communs à initierLe ministre des AE français a effectué une visite dans la ville d’Oran, jeudi dernier, en sa qualité de maire de Bordeaux, pour s’enquérir de l’avancement des travaux dans le cadre du accord de jumelage qui lie les deux villes depuis 2003. Le maire de Bordeaux a annoncé également la venue à Oran, dans les semaines prochaines, du directeur du conservatoire de Bordeaux pour étudier avec les responsables concernés des projets communs à initier. Par ailleurs, Alain Juppé a préconisé un soutien à la vie associative locale, soulignant au passage les bonnes relations entretenues avec les associations oranaises « Bel-Horizon » et « Santé Sidi Houari », notamment pour les projets de valorisation du patrimoine. De son côté, le président de l’APC d’Oran, s’est félicité, pour sa part, des bonnes relations entre les deux villes, comme il a énuméré les grands projets initiés dans la capitale de l’ouest du pays et qui peuvent susciter un intérêt pour les partenaires bordelais.Satisfaction, consultations positives, avancées considérables, convergences de vue, particulière embellie, confiance et amitié sont, entre autres, les termes utilisés par les deux conférenciers pour illustrer le rapprochement entre l’Algérie et la France, en dépit des questions qui fâchent. Pour le ministre des AE algérien, Mourad Medelci, la visite de son homologue français a permis de « revisiter » certains accords opérationnels dans les domaines militaire, l’éducation et la coopération économique entre autres, « consolider » ce qui existe déjà et « préparer » des accords quinquennaux. Le chef de la diplomatie française, lui, a parlé de « particulière embellie entre la France et l’Algérie », à l’issue de ses entretiens avec le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, du ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel et de son homologue, Mourad Medelci. Répondant à une question sur le passé colonial qui mine les relations algéro-françaises, Alain Juppé, tout en appelant à « ne pas ressasser le passé et se tourner vers l’avenir », a considéré que les différends qui plombent les deux pays font le « charme » des relations algéro-françaises. Ce à quoi Mourad Medelci a répliqué que la relation devra être encore « plus forte » à la faveur d’une dynamique économique et politique exemplaire et d’une coopération prometteuse susceptible de propulser la relation algéro-française à un haut degré de partenariat.Le difficile compromis sur la LibyeBien que l’Algérie et la France s’accordent à favoriser une « solution politique » dans le conflit en Libye, les deux pays divergent quant à la reconnaissance du Conseil national de transition (CNT). Si la France semble trancher définitivement en faveur du départ du dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, conformément à « la position de la communauté internationale, dont l’UE et le groupe de contact sur la Libye », l’Algérie elle, s’en remettra à la décision de « l’Union africaine et la Ligue arabe » qui n’ont pas encore statué sur la reconnaissance ou non du CNT. « Nous considérons que Kadhafi a perdu toute légitimité », a soutenu le chef de la diplomatie française, dans un soutien manifeste aux troupes rebelles libyennes. De son côté, Mourad Medelci, tout en affirmant que « la solution ne peut être que politique », a indiqué que la position de l’Algérie, loin de toutes « pressions » externes, est « collective », c’est-à-dire alignée sur celle de l’UA et de la Ligue arabe. En d’autres termes, la France et l’Algérie ne parviennent toujours pas à dégager une position commune quant au conflit libyen, les deux pays refusant de faire des concessions.Sahara occidental : le clin d’œil de ParisParis affiche une volonté sans précédent sur la question du Sahara occidental qui mine les relations algéro-marocaines. Dans une déclaration qui s’apparente à une concession, le ministre des AE français a déclaré que la France « va apporter sa petite pierre à l’édifice » pour l’amélioration des relations entre ces deux grands pays maghrébins. « Notre position n’est pas unilatérale », a estimé Alain Juppé, répliquant à une question sur le poids de la France dans le conflit au Sahara occidental, affirmant de là même qu’ « elle n’est pas de nature à nuire aux relations algéro-marocaines », tout en se félicitant de la disponibilité de la partie algérienne à « instaurer un climat de confiance » entre les deux pays. D’ailleurs, ce dossier de grande importance, à l’instar des autres dossiers régionaux, la Libye et le Moyen-Orient ont fait l’objet d’entretiens « très approfondis » entre le président de la République, Abdelaziz Bouteflika et le chef de la diplomatie française.Archives et nucléaire, le dénouement ?La question de l’indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires français a été également évoquée par les ministres des AE algérien et français lors de la conférence de presse. Mourad Medelci a rappelé dans ce sens que la France avait adopté une loi pour indemniser les victimes de ces essais et parmi lesquelles il y a beaucoup d’Algériens. Il a, dans ce contexte, fait savoir qu’un groupe de travail avait été installé pour préparer un projet de convention bilatérale concernant cette question. Alain Juppé a confirmé cette option, précisant que les deux pays œuvrent à trouver les solutions idoines à ces questions bilatérales. Au chapitre de la coopération scientifique et technologique, le chef de la diplomatie algérienne a souligné qu’un courant d’échange extrêmement important liait les universités algériennes et françaises, précisant que plus de 600 conventions de coopération avaient été signées entre les deux parties avec l’ambition d’aboutir au transfert technologique.La France s’invite dans la lutte antiterroriste au SahelParis a fait part de sa « volonté accrue » de soutenir les efforts de l’Algérie pour maintenir la paix et la sécurité dans la sous-région du Sahel. A ce titre, le ministre d’Etat français, ministre des Affaires étrangères et européenne, mais également maire de Bordeaux, a affiché la disponibilité de la France de prendre part à la réunion que compte organiser l’Algérie prochainement dans le cadre de la lutte antiterroriste dans le Sahel. « La France a de gros intérêts dans cette région, donc nous sommes concernés par la question, d’autant plus que nos ressortissants sont la cible prioritaire des groupes terroristes dans la région », a affirmé Alain Juppé, appelant à adopter un partenariat « plus serré » dans la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité ainsi qu’à la contribution dans le développement de cette région. Il a même parlé d’un « Plan Sahel » pour protéger la région, en compagnie de l’Union européenne (UE), également concernée par les développements qui s’opèrent au Sahel. Mourad Medelci lui, a souligné que l’Algérie et la France étaient pour une coopération régionale bien assise pour faire face à la situation dans cette région.Oran-Bordeaux : des projets communs à initierLe ministre des AE français a effectué une visite dans la ville d’Oran, jeudi dernier, en sa qualité de maire de Bordeaux, pour s’enquérir de l’avancement des travaux dans le cadre du accord de jumelage qui lie les deux villes depuis 2003. Le maire de Bordeaux a annoncé également la venue à Oran, dans les semaines prochaines, du directeur du conservatoire de Bordeaux pour étudier avec les responsables concernés des projets communs à initier. Par ailleurs, Alain Juppé a préconisé un soutien à la vie associative locale, soulignant au passage les bonnes relations entretenues avec les associations oranaises « Bel-Horizon » et « Santé Sidi Houari », notamment pour les projets de valorisation du patrimoine. De son côté, le président de l’APC d’Oran, s’est félicité, pour sa part, des bonnes relations entre les deux villes, comme il a énuméré les grands projets initiés dans la capitale de l’ouest du pays et qui peuvent susciter un intérêt pour les partenaires bordelais.
    Le Midi Libre, 18/06/2011

  • Le double jeu de la presse marocaine

    Par Samir Ould Ali

    Bien avant les bouleversements induits par les printemps arabes – et en dépit des campagnes médiatiques incendiaires régulièrement organisées contre l’Algérie – le Maroc avait, à plusieurs reprises, ouvertement souhaité la réouverture des frontières terrestres fermées depuis l’attentat islamiste commis dans un hôtel de Marrakech en 1994, attribué par Rabat aux services secrets algériens, qui avait entraîné une série de mesures (expulsion des ressortissants algériens installés au Maroc, instauration du visa d’entrée…) dont celle, définitive, décidée par la partie algérienne, de fermer purement et simplement les frontières. 

     
    En novembre 2008, Mohamed VI avait estimé que le conflit sur la question du Sahara ne saurait justifier la poursuite de la fermeture des frontières entre les deux pays et appelé le président Bouteflika à renforcer «les relations de fraternité et de bon voisinage» pour un Maghreb uni «fondé sur des bases saines et solides.» Une année après, à l’occasion d’un Sommet arabe autour des questions économiques, sociales et de développement, le souverain chérifien est revenu à la charge pour regretter «la persistance de la fermeture absurde, par une seule partie (algérienne en l’occurrence puisque le Maroc avait levé la restriction en juillet 2004, Ndr) des frontières entre deux pays voisins» qui, conjuguée à d’autres entraves, aggrave la situation de l’Union du Maghreb et ralentit le processus d’intégration arabe.
     
    Ces appels royaux sont évidemment soutenus par les médias marocains qui, ne craignant pas d’alterner le chaud et le froid, substituent volontiers les encouragements pour la réouverture des frontières algéro-marocaines aux accusations de complots divers contre les autorités algériennes. La dernière offensive médiatique du royaume chérifien a été enregistrée à la veille du match retour mémorable ayant opposé les équipes nationales des deux pays à Marrakech début juin, pour le compte des éliminatoires de la coupe d’Afrique des nations. Quelques semaines avant la rencontre sportive – s’appuyant probablement sur les déclarations optimistes faites par les dirigeants des deux pays à diverses occasions – plusieurs journaux marocains avaient annoncé la réouverture des frontières pour la veille du match. Ce que le premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, avait refuté, le 02 juin justement, en indiquant que cela n’était pas encore «à l’ordre du jour» même si, a-t-il soutenu, l’Algérie n’a aucun désaccord bilatéral avec le Maroc : «La preuve nos échanges commerciaux sont très importants et le Maroc se classe en première position dans les échanges commerciaux avec l’Algérie en Afrique». Cependant, la réouverture des frontières, a continué le premier ministre, est subordonnée à un climat «empreint de bonne foi et de confiance mutuelle entre voisins», ce qui, d’après lui, n’est pas le cas aujourd’hui en raison notamment de certains agissements marocains visant à impliquer l’Algérie dans l’envoi de troupes de mercenaires à la rescousse d’El Kaddafi. Pour les autorités algériennes, d’autres facteurs ne plaident pas pour l’ouverture des frontières: il s’agit notamment du trafic de drogue et de l’émigration clandestine qui constituent un danger pour l’économie nationale. Mais, cela la presse marocaine évite soigneusement de l’évoquer…
    La Tribune d’Algérie, 17/06/2011
  • Le lourd passif entre Alger et Rabat

    Par Hasna Yacoub

    Entre Rabat et Alger, il y a un lourd passif. Le «désaccord» entre ces deux pays frontaliers ne date pas d’aujourd’hui, et il est loin de se limiter à la question du Sahara Occidental, même si ce problème constitue la pomme de la discorde.Pourtant pour le premier ministre, Ahmed Ouyahia, «les relations algéro-marocaines ne sont guère «conditionnées par le problème du Sahara occidental». Mais «la réouverture des frontières terrestres entre les deux pays n’est pas à l’ordre du jour». il s’agit là d’un vieux désaccord entre l’Algérie et le Maroc et cela n’affecte en rien le processus actuel de redynamisation des relations bilatérales. 

     
    L’ouverture des frontières terrestres entre les deux pays, a estimé Ouyahia «arrivera bien un jour», mais pour ce faire, il faut instaurer d’abord un climat de sérénité. C’est loin d’être le cas,notamment après les dernières accusations contre l’Algérie, d’avoir soutenu Kadhafi par des mercenaires, évoquées par les rebelles libyens mais concoctés dans les caveaux du Mekhzen. L’Algérie l’a deviné et infirmé et Ahmed Ouyahia n’a pas tergiversé, pour accuser le lobby marocain à Washington, d’être à l’origine de ces accusations en disant «ces derniers temps on observe des déclarations de l’agence officielle marocaine et une agitation du lobby officiel marocain aux Etats-Unis dans une tentative d’impliquer l’Algérie dans l’affaire des mercenaires et des d’armes envoyés en Libye». «Ce genre de choses ne sont pas des facteurs qui aident à l’ouverture de la frontière», a-t-il poursuivi. 
     
    Il faut rappeler que les frontières algéro-marocaines sont fermées depuis 1994 sur décision des autorités algériennes. Une réponse, qu’elles ont voulue brusque et ferme, à la campagne lancée à l’époque par les autorités marocaines à l’encontre des Algériens, les accusant d’exporter le terrorisme vers leur pays. Une campagne qui s’était intensifiée suite à l’attentat terroriste qui avait été perpétré la même année dans un hôtel à Marrakech. Rabat avait alors accusé ouvertement l’Algérie de l’avoir fomenté. Les Marocains ont décidé de suite d’instaurer le visa aux ressortissants algériens. Alger qui a refusé d’accuser le coup froidement, a fermé carrément ses frontières ouest. L’Etat a décidé de faire dans la réciprocité qui impose à un acte politique adverse, un acte politique égal ou plus. Mais depuis, les marocains n’ont cessé de multiplier les appels pour la réouverture de ces frontières après avoir constaté une perte d’un minimum de 2 milliards de gains. Mais le coup est parti et Alger qui a accepté à plusieurs reprises de discuter de la réouverture des frontières, exige le règlement global de tous les dossiers en suspens : contrebande, trafic de drogue et terres spoliées. Il faut préciser concernant ce dernier point qu’il s’agit du dossier des Algériens qui vivaient au Maroc et qui ont été dépossédés de leurs biens par les autorités marocaines en vertu du Dahir royal du 2 mars 1973. La décision des autorités marocaines a affecté près de 20 000 hectares de terres agricoles appartenant à des ressortissants algériens détenteurs de titres fonciers. Ces derniers ont été tout simplement spoliés en violation de tous les accords et traités entre les deux pays, notamment celui d’Ifrane, qui accordent aux ressortissants marocains et algériens les mêmes droits des deux côtés de la frontière. 
     
    En 1999 et juste après la mort du roi Hassan II dont les obsèques avaient vu la présence remarquée de Abdelaziz Bouteflika, un dégel de la crise algéro-marocaine allait se produire. Seulement, le massacre de 29 citoyens à Béchar par un groupe terroriste qui s’est réfugié au Maroc, a refroidi encore une fois les relations entre les deux pays. Le président de la République avait réagi de manière énergique au laxisme du royaume en disant que «ce n’est pas cela le bon voisinage», d’autant que des informations rendues publiques par le bureau de l’agence de presse française à Rabat avait fait état de l’arrestation de plusieurs membres du groupe qui avaient commis la tuerie de Béchar par les services sécuritaires marocains. Le Maroc venait encore une fois rappeler à l’Algérie que son but est de l’affaiblir. Alors pour les autorités algériennes, ce n’est qu’une fois tous ces dossiers en suspens traités et qu’un climat de stabilité et de sérénité instauré, que les discutions de la réouverture des frontières de l’Ouest pourront avoir lieu. Le royaume chérifien, quant à lui, fait une fixation et tente d’exercer des pressions sur Alger pour obtenir la réouverture des frontières. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre cette exigence de Rabat. La libre circulation des ressortissants des deux pays par voie terrestre a des retombées économiques très importantes pour la monarchie marocaine, car nul n’ignore que la contrebande représente une activité très lucrative pour la population du Maroc. Ceci, sans compter, que les frontières avec le Maroc enregistrent le passage des plus gros trafics de drogue. Mais c’est loin d’être gagné. Alger tient à préserver ses intérêts et n’oublie pas que le Maroc ne rate pas une occasion pour l’affaiblir comme il a tenté de le faire en 1994 avec l’attentat de Marrakech ou encore en 1976 avec l’affaire Amgala. Les autorités algériennes se sont habituées à cette attitude de leur voisin. Il leur est difficile aujourd’hui de lui tourner le dos par peur de se voir «poignarder».
    La Tribune d’Algérie, 18/06/2011