Mois : février 2011

  • FSM-Dakar : Opinions divergentes des participants sur le bilan

    DAKAR, 12 fév (IPS) – Les points de vue divergent sur le bilan du Forum social mondial (FSM) qui s’est tenu à Dakar, la capitale sénégalaise, du 6 au 11 février. Des participants interrogés par IPS font état de bonnes notes dans l’organisation, mais déplorent quelques ratés.

    « C’est mon premier forum social. Il y a eu des difficultés d’information en ce qui concerne les réunions. Quelque chose qu’il ne faut pas négliger, c’est la sympathie des gens », témoigne Kati Gerting, une étudiante allemande.

    Doudou Diop, un vendeur d’objets d’art sénégalais, est heureux pour ses affaires. « On a bien profité du forum social pour vendre beaucoup de marchandises », affirme-t-il.

    Et il dit avoir pris également la mesure de la violence au Sahara Occidental (occupé par le Maroc depuis 1975, ndds), grâce au forum. « Je ne savais pas que le problème politique au Sahara Occidental existe encore. En discutant avec des Sahraouis, ils m’ont dit que leur territoire vit encore la violence, ce qui m’a surpris car on n’en parle pas dans les médias ici », commente Diop.

    « J’ai aimé la philosophie du forum social mondial auquel je participe pour la première fois. Mais, je n’ai pas aimé l’organisation en termes d’orientation et d’information. J’estime que puisqu’il se tient à Dakar pour la première fois, il fallait recueillir les avis de toutes les organisations participantes, lors de la préparation, en développant une approche participative », déclare Aboubacry Sy dit Ciré, chef de la mission de l’ONG Secours islamique de France, venu au FSM.

    « C’est un forum qu’on peut qualifier de foire. Certains font de la musique, des voitures circulent entre les stands. Ce n’est pas sérieux. Il n’y a pas d’ordre ici. Toute la programmation a été faussée », déplore encore Sy.

    Mais, Aïda Dioum, une Sénégalaise qui s’est portée volontaire au service du comité d’organisation du FSM, ne partage pas cette opinion. « Le forum s’est bien passé; nous avons fait de notre mieux pour guider les gens et les aider à identifier les tentes. Nous avons été formés pour cela », affirme-t-elle.

    Sy ajoute que « les rencontres d’idées ne sont pas soutenues. Il fallait une radio pour orienter les gens et les informer des changements et modifications survenus sur le programme. Les organisateurs pouvaient acheter une tranche horaire dans une radio de la place pour faire cela ».

    « C’est la deuxième fois que je participe au forum social. J’étais à celui de Caracas, au Venezuela. Il y avait nettement plus de monde qu’ici. C’est peut-être parce que le gouvernement vénézuélien soutenait l’organisation du forum. Il n’y avait pas de problèmes de locaux, comme c’est le cas à Dakar », déplore Claude Bauhain, membre de l’ONG ATTAC-France. « Le gouvernement ou les autorités de l’Université [Cheikh Anta Diop de Dakar] ont fait exprès de saboter le forum en ne mettant pas assez de locaux, comme ils l’avaient promis, à la disposition du comité d’organisation », ajoute-t-il.

    « J’apprécie la pertinence des débats et des questions, ce qui montre que les gens ont beaucoup réfléchi à ces questions comme la souveraineté alimentaire ou les modes de culture », souligne Danielle Touati, une participante française.

    Elle salue « la manière dont les Africains savent écouter les autres et s’écouter mutuellement et le degré de citoyenneté des participants aux débats » auxquels elle a assisté.

    « L’ambiance du forum social de Dakar est très bonne. La musique à côté, ça fait plaisir, même si ça dérange parfois. Il y a des objectifs très importants qui ont été atteints. On les voit déjà. Par exemple, la réunion sur l’accaparement des terres a permis de coordonner des actions et des réflexions sur ce sujet précis », estime Bauhain.

    IPS, 12/02/2011
  • L’ére des fusibles est révolue

    Ben Ali et Moubarak ont rendu un mauvais service à leurs grands amis, Mohamed VI et Abdallah II de Jordanie. Non seulement leurs politique sociale a été minable, mais aussi leur diplomatie. Tous les quatre, en plus de l’Arabie Saoudite, ont tellement servi les intérêts des USA qu’ils ont fini par se rapprocher de l’Etat sioniste au détriment des droits du peuple palestinien. Curieusement, ce sont ces Etats qui sont menacés par la tourmente de la révolte arabe.

    Ces régimes avaient l’habitude de prendre leurs gouvernement comme des fusibles pour justifier leur stratégie. Au Maroc, qui n’a pas entendu que le roi a tout fait pour sortir le pays des problèmes qui l’étouffent? Que c’est la faute de son entourage? Lui, toujours blanchi, au point que l’on essaie de montrer le mouvement du 20 février comme une menace pour la monarchie, « garant de la stabilité du pays ». Le Makhzen aura tout fait pour empêcher cette manifestation qui ne conteste point le régime monarchique, mais sa complaisance avec la mafia qui gère le pays. Cette mafia qui se bat avec acharnement pour sauver le système de corruption et de pauvreté qui gangrène le pays.

    Aujourd’hui, la jeunesse cible la monarchie comme représentante du système. Cette monarchie qui affiche une arrogance impardonnable envers un peuple qui l’a élevée au rang de divinité. Le temps est venu d’enlever tous les pouvoirs de la main du roi et les déposer dans la main du peuple représenté par ses élus sortis d’élections démocratiques et transparentes. Le gouvernements et les partis ne peuvent plus servir de fusibles du roi et du système mis en place depuis l’indépendance du pays. C’est cette réalité qui annonce une nouvelle ère au Maroc, l’ère du peuple et du véritable changement. Un changement radical, seul garant de justice et du bien-être pour les marocains lambda.

    La révolution victorieuse en Tunisie et en Egypte est une nouvelle histoire concoctée par des jeunes manifestants qui sera reprise, le 20 février, par des voix marocaines assoiffées de liberté et de démocratie. Une histoire dont l’acteur principal est le pain, le travail et les droits de l’homme. Un nouveau roman écrit par des nouvelles générations décidés à créer un nouveau Maroc.

    Mohamed VI peut, maintenant, dire à son peuple que son élite lui a fait beaucoup de tort et qu’il n’aurait pas dû l’écouter et la laisser faire. Surtout, il doit s’éloigner de parler de « manipulation », de « main étrangère » et de « ennemis du Maroc ». Revenir à ce discours serait faire deux pas en arrière. Le Sahara Occidental ne doit plus servir de bouclier pour museler le peuple et ses aspirations. Mais comme à chaque fois, le roi Mohamed VI ne saura pas tirer les leçons nécessaires de la situation et de la chute des deux dictateurs en se disant que lui est « gentil » avec son peuple et qu’il a « déjà fait sa révolution d’argan »

  • Procès des militants sahraouis : Encore un report

    Le tribunal ordonne un complément d’enquête

    Un complément d’enquête a été ordonné, vendredi, par le tribunal marocain de première instance de Aïn Sebaa (près de Casablanca) avant de rendre son verdict dans l’affaire des  droits de l’homme des sept militants sahraouis, selon des sources judiciaires citées par l’agence sahraouie. 

    Des membres des familles des Sahraouis jugés seront convoqués par le président du tribunal afin de les auditionner et de compléter le dossier avant de rendre son verdict. Les sept Sahraouis et leurs avocats étaient absents à cette brève audience en vertu de la loi marocaine qui ne fait pas obligation d’assister au prononcé du verdict.
    Le verdict devait être prononcé le 28 janvier dernier par le tribunal avant qu’il ne soit reporté pour ce vendredi, a-t-on rappelé. Le président du tribunal avait annoncé dans la nuit du 14 au 15 janvier, après la fin des plaidoiries de la défense, de la partie civile et l’audience des militants jugés qui ont duré plus de dix heures, que le verdict allait être rendu le 28 janvier. Au cours des audiences, les trois militants sahraouis présents, Ali Salem Tamek, Brahim Dahan et Ahmed Naciri, avaient réaffirmé leur appartenance au Front Polisario et leur soutien à la lutte pour l’autodétermination du peuple sahraoui.
    Ils avaient également soutenu qu’ils luttaient pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination au Sahara occidental conformément aux résolutions des Nations unies et à la légalité internationale stipulant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
    Les militants sahraouis Ali Salem Tamek, Brahim Dahan et Ahmed Naciri, ainsi que Mme Dégja Lachgar et MM. Yahdih Tarouzi, Rachid Sghir et Saleh Labouihi, en liberté provisoire, sont accusés d’«atteinte à la sécurité de l’Etat» pour avoir effectué du 26 septembre au 6 octobre 2009 une visite dans les camps de réfugiés sahraouis.

    Le tribunal avait reporté trois fois le procès, ce qui avait suscité la réaction de l’ONG Human Rights Watch qui avait publié un communiqué dans lequel elle avait appelé les autorités marocaines soit à garantir un procès équitable, soit à libérer les trois militants toujours en détention préventive. 
    Les requêtes liées notamment aux conditions tendues du déroulement du procès, présentées le 7 janvier dernier par la défense des sept militants sahraouis, avaient été refusé par le tribunal.
    Le tribunal avait également refusé le 22 décembre dernier, la demande de la défense de faire bénéficier Ali Salem Tamek, Brahim Dahan et Ahmed Naciri d’une liberté provisoire. Ils se trouvent en détention à la prison d’Oukacha (Casablanca) après leur transfèrement de la prison de Salé (près de Rabat), rappelle-t-on. 
    Par ailleurs, la réunion de Genève sur les mesures de confiance entre le Polisario et le Maroc a été qualifiée de «positive» par le coordinateur sahraoui avec la Minurso, chargé du dossier du référendum, Mhamed Khadad.  Le Maroc «ne pourra plus à l’avenir empêcher les fonctionnaires du HCR d’accéder librement aux familles» concernées par les échanges de visites dans le territoire sahraoui occupé.
    Le Temps d’Algérie, 12/02/2011
  • Le monde arabe, Israël et la démocratie

    Il y a une bonne quinzaine d’années j’ai rédigé un texte à propos du lien tabou entre l’absence de démocratie dans le monde arabe et les intérêts stratégiques d’Israël.


    Cette analyse venait en réaction à une phrase que l’on entend presque toujours dès lors que l’on aborde la situation au Proche-Orient. «Israël est la seule démocratie dans la région» : voilà l’argument qui est censé faire taire tous ceux qui critiquent ce pays pour le sort qu’il inflige aux Palestiniens». Le raisonnement est connu : Entouré de dictatures arabes hostiles, Israël mériterait le respect et l’indulgence tout en ayant le droit de se défendre par tous les moyens.

     Dans mon texte, j’ai d’abord commencé par poser une simple question. Si Israël est une démocratie, pour qui l’est-elle ? Pour les Israéliens ? Assurément, même si on peut critiquer la militarisation de sa classe politique et le blocage de son système électoral qui fait que ce pays devient de plus en plus ingouvernable. Je n’ai aucun problème à reconnaître qu’Israël est, pour ses citoyens, une démocratie et un Etat de droit. Mais est-ce le cas pour les Arabes israéliens ? Pas sûr. Est-ce le cas pour les Palestiniens, qui sont, pour le moment et qu’on le veuille ou non, des Israéliens sans statut ni papiers : absolument pas.

     Mais tel n’était pas l’objectif prioritaire de l’analyse. Dans cette opinion, j’ai essayé de mettre en lumière ce curieux paradoxe qui consiste à déplorer l’absence de démocratie dans le monde arabe sans vraiment soutenir le changement et sans avoir le courage d’avouer que cette même absence de démocratie a souvent fait l’affaire d’Israël. Et pour illustrer mon raisonnement, j’ai pris l’exemple de l’Egypte. Un cas concret qui est d’actualité comme le montrent les cris d’orfraie que poussent certains politiques et intellectuels français face à la perspective d’une chute du régime de Moubarak, un grand démocrate comme chacun le sait…

     Le raisonnement est très simple. Est-ce que le peuple égyptien aurait accepté les accords de Camp David s’il avait eu le droit de donner son avis et, surtout, si cet avis avait compté ? Peut-être que oui. Mais ce peuple aurait certainement imposé à ses dirigeants de l’époque une plus grande sévérité à l’égard d’Israël et, surtout une plus grande vigilance dans l’application d’un traité de paix qui, rappelons-le au passage, devait aussi conduire au règlement de la question palestinienne. C’était en 1978, et l’on attend toujours la naissance d’un Etat Palestinien… En réalité, c’est bien parce que Sadate était un dictateur qu’il a pu signer la paix contre l’avis de son peuple et d’une grande partie de la diplomatie égyptienne qui considérait que le raïs avait été trop vite et trop loin dans les concessions. Au passage, relevons que c’est aussi parce que les Jordaniens n’ont pas leur mot à dire que leur roi a signé la paix avec Israël. Là aussi, la dictature s’est avérée être bien utile pour Tel Aviv.

     Autre question : imaginons aujou-rd’hui que l’Egypte devienne une démocratie où le peuple aurait son bulletin de vote à faire valoir ? Qui peut jurer qu’un référendum ne mènera pas à la remise en cause de ces accords de Camp David ? Il n’y a pas que les Frères musulmans qui sont hostiles à l’Etat hébreu ou qui sont solidaires de la cause palestinienne. C’est toute une société, y compris la haute bourgeoisie égyptienne, qui vit dans une drôle de schizophrénie. D’un côte, il lui faut assumer la paix avec Israël, de l’autre, elle se laisse aller parfois aux pires diatribes antisémites.

     Pour autant, il y a très peu de risque que le peuple égyptien réclame une nouvelle guerre contre Israël. Bien au contraire, la liberté recouvrée le poussera plutôt à préserver cet acquis plutôt que de s’engager dans une aventure risquée. Cela devrait rassurer les charlatans médiatiques qui, à Paris, multiplient les circonvolutions pour nous expliquer – sans paraître le faire – que, finalement, il n’y a que la dictature qui convienne aux arabes.

     On dit souvent que les démocraties ne se font pas la guerre. Pourquoi cette règle ne s’appliquerait-elle pas au monde arabe ? Débarrassés de Moubarak et de sa clientèle, les Egyptiens ont la possibilité de se choisir un gouvernement légitime. Ce dernier, répétons-le, ne va pas déclarer la guerre à Israël et je ne pense pas non plus qu’il remettra en cause Camp David. Mais si elles ne se font pas la guerre, les démocraties ne se font pas non plus de cadeaux. Plutôt que d’être un partenaire passif comme l’a été l’Egypte depuis 1978, ce pays pèsera donc de tout son poids pour que les droits des Palestiniens soient enfin respectés.

     Israël devra donc composer de manière plus sérieuse avec Le Caire. C’est peut-être cette situation et la nécessité de garder de bonnes relations avec son voisin arabe qui obligera le gouvernement Netanyahou – ou celui qui le suivra – de faire enfin des concessions sérieuses à propos des Palestiniens. Une chose que personne, pas même les Etats-Unis, ne semblent capables aujourd’hui d’imposer. Voilà donc le fond du problème. Celles et ceux qui agitent le spectre de l’islamisme pour décrédibiliser une Egypte enfin libre le savent très bien. Ce n’est pas la paix et la sécurité d’Israël qui sont en jeu mais la pérennité de son intransigeance dans les négociations avec les Palestiniens.

     Terminons enfin par cette précision. Le texte dont je fais mention au début de cette chronique n’a jamais été publié. Soumis aux pages opinions de la majorité des publications, il a été poliment rejeté y compris par un grand quotidien du soir dont un responsable m’avait expliqué, un peu gêné, qu’il y décelait un «propos provocateur». A l’époque, internet n’existait pas et avec lui ses blogs et ses médias alternatifs. Il est heureux aujourd’hui que les révoltes arabes interviennent dans un contexte de réel pluralisme éditorial. La marge de manœuvre des chiens de garde médiatiques est largement réduite et c’est tant mieux. 

    Akram Belkaid, Paris
    Le Quotidien d’Oran
  • Tropismes

    Quand les bruits de couloirs ne sont plus audibles, nous nous faisons un plaisir de vous les faire parvenir. Musique.

    La crise politique qui frappe le monde arabe secoue l’Europe. Elle fait apparaître, chaque jour qui passe, au grand jour les failles de sa diplomatie d’une part, et le grand fossé qui sépare ses instances exécutives (Conseil et Commission) de ses institutions politiques et législative tel le Parlement européen d’autre part. Ainsi, lorsque le président du PE, Jersy Buzek, déclare que «la page de l’ancien régime politique égyptien doit être tournée» et appelle à la constitution d’un nouveau gouvernement comprenant toutes les forces démocratiques; Catherine Ashton, vice-présidente de la Commission et représentante de la politique étrangère de l’Union, se contente d’encourager «une transition sans heurts vers la démocratie». Ce qui, rappelons-le, a poussé l’eurodéputé belge Guy Verhofstadt, président du groupe libéral au PE, à lancer à Mme Ashton: «dans l’affaire égyptienne je me sens plus représenté par le 1er ministre turc que par vous».

     Le fossé est encore plus grand entre les gouvernants européens et leurs opinions et sociétés civiles organisées. Manifestations et appels d’innombrables associations et ONG pressant leurs gouvernements à plus d’intransigeance et de fermeté vis-à-vis des régimes politiques au sud de la Méditerranée et dans le monde arabe se multiplient depuis le 17 décembre, jour du «départ» de la révolution tunisienne. Le désarroi politique de l’Europe face à la révolte des peuples arabes est d’autant plus profond qu’elle ne dispose pas de relais dans les sociétés arabes pour mesurer la portée de leurs revendications et encore moins celle de leurs aspirations.

     Depuis 60 ans, l’Europe se suffit des seuls gouvernants en place au sud de la Méditerranée, pour peu que leurs intérêts commerciaux soient garantis. La compromission avec les régimes corrompus et répressifs du monde arabe s’est aggravée depuis l’apparition du phénomène terroriste d’obédience islamiste ces 20 dernières années, sacrifiant les courants démocratiques arabes par la lutte antiterroriste. L’inexistence d’un lien fort et dense entre les gouvernements de l’UE et les partis d’opposition démocratiques arabes, ainsi que les sociétés civiles et les milieux intellectuels, explique, aujourd’hui, les hésitations de l’UE à se prononcer clairement sur l’obsolescence définitive des régimes arabes.

     Pire, l’UE ne dispose d’aucun audit politique et social dans les pays arabes, et encore moins d’une stratégie d’accompagnement pour préserver l’avenir. L’UE est, face à la révolution en marche au sud de la Méditerranée, en position d’observateur, d’attente. Elle est tétanisée. Aujourd’hui, apparaît au grand jour toute l’insignifiance des multiples cadres de partenariat que l’UE a bâti avec les pays arabes, à commencer par celui de l’Union pour la Méditerranée. Non pas que ce dernier projet ne soit pas noble, mais parce qu’il est construit sur la seule base de l’intérêt commercial, loin de toute dimension humaine.

     Faut-il rappeler combien de programmes financiers d’accompagnement et d’aide à la société civile n’ont jamais abouti parce qu’ils ont été versés au compte des gouvernements ? Est-il nécessaire de lister le nombre d’humiliations subies par les démocrates arabes, chez eux, sans que l’Europe ne s’en émeuve ? La crise arabe sera-telle l’occasion pour l’UE de se ressaisir et de penser à une coopération avec le monde arabe exempte de toute complicité d’atteintes aux droits humains ? La différence est énorme entre l’UE et les USA dans l’engagement aux côtés des peuples dans leur aspiration à la liberté. Ce devrait être le contraire tant leur proximité est naturelle et, surtout, leur histoire et la densité de leurs liens séculaires.

     Que l’on veuille ou non, les USA ont anticipé sur la révolte arabe d’aujourd’hui et l’ont annoncé dès 2003 avec leur initiative dite du Grand Moyen-Orient (GMO). Quand George W. Bush, avec toutes ses tares et violences politiques, annonce dans son discours sur l’état de la Nation, en janvier 2004, que: «tant que le Grand Moyen-Orient – du Maroc aux pays du Golfe – restera un lieu de tyrannie, de désespoir et de colère, il continuera de produire des hommes et des mouvements qui menaceront la sécurité» ; il y a de quoi s’interroger sur la capacité de l’Europe à peser sur le cours de l’histoire. Pour l’anecdote, rappelons que l’UE a été la première à réagir négativement et à critiquer le diagnostic américain des régimes politiques arabes. Il ne s’agit pas d’attribuer le verdict américain à George W. Bush ou à cautionner un quelconque de ses actes ; il s’agit de montrer tout l’abîme qui sépare la vision européenne et celle des Américains dans l’appréciation des politiques arabes et de leurs évolutions historiques. Au moment où cette chronique est rédigée, le sort du dictateur égyptien Hosni Moubarak est plus que jamais scellé. Et l’Europe ne sait pas encore que faire et dire. Ce sera pareil pour la suite de la révolution dans les autres contrées arabes.

    par Notre Bureau De Bruxelles : M’hammedi Bouzina Med  
    Le Quotidien d’Oran, 13/02/2011
  • Emhammed Khaddad : « Des résultats positifs »

    Le coordinateur du Front Polisario avec la Minurso et chargé du dossier du référendum, Mhamed Khadad, a indiqué que la réunion de Genève sur les mesures de confiance entre le Polisario et le Maroc a été positive.
    «Le Maroc ne pourra plus, à l’avenir, empêcher les fonctionnaires du HCR d’accéder librement aux familles concernées par les échanges de visites dans le territoire sahraoui occupé», a-t-il dit en substance. Pour rappel, cette réunion achevée à Genève dans la soirée de jeudi dernier a rassemblé le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Antonio Guterres, et l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, Christopher Ross, avec les délégations du Front Polisario, du Maroc et des pays voisins, sur un accord portant sur des mesures visant à augmenter significativement le nombre de familles sahraouies pouvant se rendre visite après plus de 35 ans de séparation, a indiqué l’ONU dans un communiqué.

    Pour M. Khadad, la présence de l’envoyé personnel du SG pour le Sahara occidental et de son représentant spécial à cette réunion «est le témoignage que ces mesures tiennent compte du statut international du territoire du Sahara occidental et que la solution du conflit de décolonisation du Sahara occidental demeure une préoccupation urgente de l’organisation des Nations unies».

    Le responsable sahraoui a ajouté dans sa déclaration écrite reprise par l’agence SPS que cette réunion a permis de «remettre le train sur rails puisque les principes guidant ces mesures ont été réaffirmés avec force et que c’est le HCR, seul pilote de ce programme, qui décidera des bénéficiaires et des lieux de destination». Mhamed Khadad, qui conduisait la délégation du Front Polisario à la réunion de Genève, a en outre indiqué que les préparatifs des échanges par voie terrestre «vont commencer prochainement», ajoutant que la rencontre a décidé de la tenue de «deux réunions d’évaluation par an» entre les deux parties, les pays observateurs et le HCR.

    D’autre part, M. Khadad a relevé le fait que les mesures autres que les échanges de visites par air qui ont été bloquées à ce jour par le Maroc, à savoir les séminaires, les communications téléphoniques depuis le territoire occupé et l’échange du courrier ont été de nouveau remis sur la table et que «le HCR fera prochainement des propositions concrètes pour leur application». 
    Le Jeune Indépendant, 13/02/2011
  • MAROC : «Calme précédant la tempête» ?

    «Le calme apparent au Maroc est peut-être le silence qui précède la tempête», a pronostiqué Mme Nadia Yassine, porte-parole du parti Justice et Spiritualité, estimant que «le basculement démocratique se fera de gré ou de force», dans une interview au quotidien madrilène, El Pais.»

    Ceci dit la tranquillité n’est pas absolue. Les revendications et les révoltes brutalement réprimées sont communes au Maroc depuis des années», a relevé la fille du fondateur de cette formation politique, qui a une grande capacité de mobilisation au Maroc. Nadia Yacine pense qu’»au Maroc, comme dans tout autre pays arabe, il y a des équilibres sociopolitiques corrodés (…). Le Maroc n’est pas exempt du peloton. Le renversement démocratique aura lieu par n’importe quel moyen». 

    Elle appellera le régime marocain à «jeter à la poubelle la Constitution» et à mener une campagne de «nettoyage des réseaux de népotisme pour restituer au peuple marocain ses biens confisqués et que le makhzen (police politique) ne continue pas à s’imaginer qu’il est au-dessus de l’histoire!» Analysant les facteurs objectifs à même de déclencher la révolte au Maroc, Nadia Yacine relèvera «le taux de chômage qui atteint les 20% et qui affecte principalement les diplômés qui ont le sentiment d’être «socialement inutiles», l’effondrement du visa d’immigration en raison de la sélection des pays bénéficiaires, de la montée de l’islamophobie, et la rapine des dirigeants du népotisme, qui encouragent la corruption endémique ». 

    D’autres «facteurs subjectifs» versent également dans une implosion latente au Maroc que la dirigeante politique relèvera dans «la hogra «(l’humiliation) subie par les citoyens, et «la frustration causée par la proximité médiatique d’un Occident perçu comme un eldorado de liberté, de dignité, et aussi de bien-être». Interrogée si sa formation politique participera aux rassemblements le 20 février prochain convoqué par des milliers de Marocains qui se sont inscrits sur Facebook, elle affirmera qu’elle soutiendra «n’importe quel rassemblement pacifique, civilisé et organisé». Nous sommes une force tranquille profondément ancrée dans le peuple et si nous ne faisons aucun choix pour lui, nous serons avec lui dans ses choix tant que la non-violence est respectée », at- elle martelé. À la question de savoir quelle attitude pourront avoir les États- Unis, Nadia Yacine croit savoir que «le pragmatisme et la connaissance du terrain » de l’Administration américaine font qu’elle «s’adapte afin de ne pas perdre complètement les rênes», estimant que Washington pourrait accepter un régime «quand il est un peu corrompu », mais pas quand il est «complètement pourri» au point de compromettre la stabilité à court ou à long terme du système. «Le Maroc n’est pas encore touché mais il ne faut pas se leurrer sur ce fait: pratiquement tous les systèmes autoritaires vont être atteints par la vague de contestation et le Maroc ne fera probablement pas exception», avait averti le prince Hicham (46 ans), troisième dans la ligne de succession au trône alaouite. Pour Moulay Hicham, il manque seulement l’étincelle qui amorcera l’implosion et il s’interroge si elle viendra directement du peuple ou des formations politiques. Dans un entretien accordé le 31 janvier dernier au journal espagnol El Pais, le prince marocain Moulay Hicham relève que si le mouvement de contestation qui a soufflé sur la Tunisie et l’Égypte n’a pas encore touché son pays, «il ne faut pas se leurrer sur ce fait : pratiquement tous les systèmes autoritaires vont être atteints par la vague de contestation et le Maroc n’y fera probablement pas exception. Reste à savoir si cela se traduira par une contestation purement sociale ou par une revendication politique au sein des formations politiques en place, celles-ci étant enhardies par les récents événements». Pour le prince alaouite, il est nécessaire de «procéder à l’ouverture bien avant que la vague de contestation ne déferle, plutôt qu’après». Dans le cas contraire, «la crise rendra beaucoup plus malaisé le changement politique. C’est loin d’être un pari gagné, car la dynamique de libéralisation politique lancée depuis la fin des années 1990 s’est largement essoufflée. De ce fait, redynamiser la scène politique marocaine dans ce contexte régional sans tomber dans la radicalisation sera un défi majeur». 

    D’autres part, et à l’image du Mouvement du 6 Avril en Égypte, des jeunes Marocains appellent, sur le réseau social Facebook, à une manifestation le 20 février pour arracher «une large réforme politique» dans le royaume. Il s’agit d’une manifestation «pour la dignité du peuple et des réformes démocratiques». Le groupe, qui dit compter 3 400 inscrits, aspire à une réforme de la Constitution, à la démission du gouvernement actuel et à la dissolution du Parlement.

     Mokhtar Bendib 
    Le Courrier d’Algérie, 13/02/2011

  • Le Maroc projette la violence de Laâyoune au Forum de Dakar

    Plus de 50 jeunes Sénégalais, volontaires du corps de sécurité, ont dû s’acharner ce mardi afin d’éviter une plus grande disgrâce. À grand-peine, les femmes sahraouies ont réussi à célébrer la conférence qu’elles avaient prévue. À la porte, des dizaines de Marocains clamant pour entrer, sont parvenus à distribuer quelques coups et beaucoup d’insultes. L’organisation du Forum Social Mondial a décidé d’initier un dialogue entre les deux parties.

    Des agressions se produisent de façon isolée aussi dans les alentours du Forum, mais lorsqu’il y a une conférence, des dizaines de Marocains y assistent vite, clamant pour leur droit de participer et, dans le cas des journalistes, à la liberté d’information, mais pour ensuite boycotter l’acte, avant son ouverture.
    Ce mardi, les femmes sahraouies se réunissaient et l’organisation, prévoyante, a mobilisé quelques 50 jeunes du corps de sécurité. Peu de temps après, cela ressemblait à Laâyoune. Une porte contrôlée, par laquelle passaient les Sahraouis et quiconque voudrait assister à l’acte, après avoir traversé la violente révolte de cris, de bousculades et, en deux occasions, de coups de poings, que menaient les Marocains.
    À peine l’acte avait-il commencé, on a permis l’entrée de certains d’entre eux, mais, à plusieurs reprises, la sécurité a dû les évacuer à cause des cris qu’ils proféraient contre les femmes sahraouies qui, à l’estrade, tentaient de présenter des témoignages sur leurs fils disparus ou sur la répression des droits de l’homme dont souffrent les territoires occupés. Celles-ci se sont finalement ouvert à l’idée d’un débat, absolument artificiel, parce que les Marocains prenaient la parole pour lancer leurs proclamations à tue-tête, tandis que les organisateurs leur demandaient de poser des questions, au cas où ils voulaient participer.
    Pourquoi les Marocains, les uns tenant d’une accréditation de presse et d’autre de partis ou syndicats, viennent-ils ? D’après l’un d’eux – qui a vaillamment demandé la parole pour exprimer, en tant que Marocain, sa solidarité avec les Sahraouis, reconnaître leur droit à l’auto-détermination et accuser le gouvernement de son pays et le système impérialiste d’infliger aussi aux Marocains des injustices et qu’ils ne devraient pas supporter – la raison est que ce même gouvernement leur a payé le voyage. “Ici, il y a même des policiers, tous suivent une consigne du gouvernement visant à harceler les Sahraouis.” Même des femmes marocaines ont dû être portées dans l’air pour les sortir de la salle, car elles refusaient de garder le silence et écouter.
    À la fin de l’acte, les Marocains ont sorti le drapeau et se sont mis à chanter à tue-tête, défendant l’appartenance du Sahara au Maroc, tandis que les Sahraouis sortaient par une autre porte, protégés par les gardiens de sécurité, remuant le drapeau sahraoui et tâchant de chanter encore plus fort. Le tout, après trois heures de tension étouffante qui a étonné plus d’un assistant, peu connaisseurs des dessous du conflit. En fait, les agents de sécurité s’approchaient des journalistes pour leur demander quel était au juste le problème de ces gens. Non seulement pour arriver dans un événement comme le Forum, qui propose le dialogue, mais parce que ces personnes qui s’adressaient à eux, menaçant, s’écriant qu’ils avaient volé leur droit à l’information et quelques autres droits, en fait entravait ce droit chez d’autres.

    LAURA GALLEGO
    GUINGUINBALI, 09/02/2011

  • Une délégation Sahraouie marche contre l’occupation marocaine

    C’est dans l’enceinte de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), site du Forum Social Mondial que les membres de la délégation Sahraouie ont battu le macadam, le jeudi 10 février, pour protester contre l’occupation marocaine.
    Parmi les nombreux slogans, il y a le « non à l’occupation marocaine » qui revient incessamment. La marche est dirigée par le président de délégation Mouhamed Cheikh. La manifestation est partie de l’Ucad 2 pour se terminer à Bibliothèque Universitaire (BU), en passant par la Faculté de Médecine et la Faculté des Lettres.

    Les marcheurs sont habillés en grand boubou et en pantalon. Bouche fermée à l’aide de scotch, ils veulent signifier à l’opinion que le peuple Sahraoui n’a pas droit à la parole, que le peuple est sous le joug des marocains qui font la pluie et le beau temps. Mais les marcheurs semblent déterminés dans la revendication d’une nation Sarahoui indépendante. D’où le « V » de la victoire des marcheurs. Certains exhibent des photos d’enfants réprimés dans le sang le pays occupants. Des images fortes qui parlent d’elles-mêmes.

    Sur la grande banderole portée par les marcheurs qui occupent la première rangée, on peut lire ce message: « Forum social mondial libre aussi pour les Sahraouis » . Et sur le même support, en couleur de sang, il est écrit : « Stop l’agression marocaine, respect des droits de l’Homme. ».

    Après une trentaine minutes de marche, Mouhamed Cheikh le président de la délégation Mouhamed Cheikh prononce un discours dans lequel il accuse des marocains de vouloir leur empêcher de faire leurs activités. « La délégation sahraouie a été ’’agressé’’ lors de la marche d’ouverture par une partie marocaine. Les organisateurs et la sécurité ne sont pas intervenus. L e lendemain (7 février, ndlr), les mêmes éléments provoquent les sahraouiennes dans la salle ». Il poursuit : «Dans la journée du 7 février, la bande continue toujours ses actes violents. Deux membres du staff du comité international ont volé leurs affaires. Ces actes d’agressions et provocations nous a causé un problème que notre premier atelier a été annulé. Il porte sur « Sahara Occidental, dernière colonie d’Afrique ». « La bande est venue pour nous perturber et nous ne les laisserons pas faire. La délégation sahraouie dénonce ces comportements violents. C’est la charte de Porto Alegre qui gère la participation universelle des participants au Forum social mondial », a estimé le chef de la délégation.
    BACARY DOMINGO MANÉ
    Guinguinbali, 12/02/2011

  • 20.000 internautes répondent à l’appel de Facebook

    «Nous vivons dans une dictature.» A 23 ans, Oussama El Khlifi ne mâche pas ses mots. Ce chômeur de 23 ans, qui vit à Salé, à côté de Rabat, est l’un des initiateurs de l’appel à manifester le 20 février prochain, lancé sur Facebook, pour demander des réformes politiques au Maroc. Diplômé d’une école privée d’informatique et de gestion, il a enchaîné les petits boulots sans jamais trouver d’emploi stable. Il habite chez son père, policier, «un homme pas politisé». Lui a toujours été militant. A 13 ans, il adhère à l’Union socialiste des forces populaires (USFP), parti de gauche, aujourd’hui au gouvernement, dont il démissionne l’été dernier. «C’est devenu un parti de régime.» Celui qui met en avant sa «mentalité de gauchiste» s’inspire des événements de Tunisie et d’Egypte et lance son appel avec trois autres jeunes, qu’il dit avoir rencontrés sur Internet.

    «Le dictateur, c’est le régime»


    Aujourd’hui, Oussama revendique 20.000 internautes qui auraient répondu positivement à son appel rapporte le journal Le Monde dans son édition d’hier. Son groupe sur Facebook n’affiche pourtant que 5.600 membres. Suffisamment pour faire réagir les autorités. Jeudi dernier, le porte-parole du gouvernement a indiqué que «les citoyens peuvent s’exprimer librement tant que cela se déroule dans le plein respect des intérêts vitaux». «Le dictateur, ce n’est pas le roi, c’est le régime», nuance Oussama, qui souhaite une réforme constitutionnelle qui donnerait plus de pouvoir «au gouvernement, au Parlement, à la justice». «Je ne peux pas parler du roi, ses discours sont sacrés», regrette-t-il toutefois. «Il nous faut une monarchie parlementaire sur le modèle espagnol.» Le roi Mohammed VI n’est-il pas pourtant très populaire ? «Les gens ont peur», répond-il, confiant dans sa capacité à mobiliser. Son appel a en tous les cas enflammé le Web marocain. 

    De nombreux internautes l’accusent de travailler pour les «services algériens», soupçonnés de déstabiliser le pays. Quant aux menaces de mort dont Oussama dit faire l’objet sur Internet et par téléphone, il les balaie. «Nous en avons fini avec la peur.».
    Le Midi Libre, 12/02/2011 
    Photo : Alexadre Sulzer, Journal 20 minutes, Paris