Mois : février 2011

  • Le PC tunisien soutient l’indépendance du Sahara Occidental

    TUNISIE : IINTERVIEW DE FAHEM BOUKADOUS, JOURNALISTE ET MILITANT DU PARTI COMMUNISTE OUVRIER TUNISIEN

    Lorsque le peuple tunisien a chassé du pays le dictateur Ben Ali, le journaliste Fahem Boukadous se trouvait en prison. Militant du Parti communiste ouvrier tunisien, il se bat, chaque jour comme il le peut, pour que la voie ouverte par la révolution ne se perde pas.

    Fahem Boukadous en est content. C’est un homme heureux. Libéré le 19 janvier, cinq jours après la fuite du dictateur, il a pu descendre dans les rues d’une Tunisie bousculée par la révolution. Il venait de passer six mois en prison. Ce n’était pas la première fois qu’il endurait les rigueurs de la dictature: en 1999, après avoir subi des tortures dans les cellules du Ministère de l’Intérieur, il avait été condamné à trois ans de prison, dont il a purgé dix-neuf mois avant de bénéficier d’une grâce présidentielle.

    Témoin exceptionnel des révoltes de 2008 dans le bassin minier de Gafsa (région de Redeyev), il est emprisonné une nouvelle fois en 2010 pour son rôle dans un journalisme militant qui fait connaître ces mouvements, prémices de l’actuelle révolution tunisienne.

    Cette interview a été réalisée par à-coups, au milieu de mouvements de protestation ou d’une manifestation, après une course effrénée dans les rues proches de l’avenue Bourguiba. Ces jours sont cruciaux pour la révolution, bien que les grands médias aient désormais tourné leurs caméras vers l’Égypte. « La Tunisie n’est plus une affaire internationale, mais locale », nous disaient, en toute sincérité, des travailleurs d’Al Jazeera en réponse à nos tentatives de les informer que les milices benalistes étaient revenues dans les rues de Sfax. Boukadous n’est pas d’accord : «La révolution a commencé dans les régions et elle y est toujours très active».

    Y a-t-il une relation entre les révoltes de 2008 et la révolution de 2011 ?

    D’une part, la leçon de résistance des habitants de Redeyev et de tout le bassin minier s’est inscrite dans la mémoire collective du pays. D’autre part, les diplômés sans emploi qui avaient participé au mouvement de 2008 sont, aujourd’hui, une des forces du processus révolutionnaire. Enfin, les « médias populaires » jouent un rôle extrêmement important: Al-Hiwar-TV et les CD maison ont été remplacés par Facebook, qui a fait sauter le bâillon de la censure.

    Comment se fait-il que le mouvement de Redeyev ait été vaincu alors que celui de Sidi Bouzid s’est étendu de ville en ville, jusqu’à la capitale ?

    C’est précisément ce qu’aucune analyse historique ne peut prévoir ou expliquer.

    Est-ce-que les USA y seraient pour quelque chose ?

    Je ne pense pas que les USA ne soient intervenus pour accélérer la chute du dictateur. Les grandes puissances ont été prises à contre-pied par la révolution. Maintenant, oui, bien sûr, elles manœuvrent pour instaurer la “stabilité”, mais elles savent bien qu’elles ne pourront pas empêcher le processus de changement.

    Est-ce-que le régime bénaliste a vécu ses derniers jours ?

    Le régime est toujours en place, non seulement au sein de la police et de l’appareil d’État, mais aussi dans les médias et Internet. Il faut profiter de l’occasion pour inventer de nouveaux médias et de nouveaux supports. Il faut également établir une coalition entre les journalistes tunisiens et ceux des pays étrangers car nous avons besoin d’expérience et de formation.

    Ce qui s’est passé en Tunisie a eu de grandes répercussions internationales.

    L’avalanche déclenchée par la Tunisie n’a pas seulement un caractère stimulant ; elle entraîne une véritable « rivalité révolutionnaire » ou « une compétition positive », qui secoue aujourd’hui l’Égypte, épicentre du monde arabe. Ce qui s’ensuivra là-bas se répercutera à nouveau dans ce pays.

    La Kasbah est à nouveau déserte. On a l’impression que ça été toujours ainsi, mais il n’y a pas longtemps c’était différent, elle était le centre de la révolution tunisienne.

    Le retour en arrière est évident, mais il est plus facile de tuer un peuple éveillé que de l’endormir à nouveau. La capitale n’est qu’un mirage. La révolution est partie et s’est élevée du centre et du sud; c’est là qu’elle retourne et qu’elle se maintient. Il faut aller voir dans les villages et ne pas se cantonner à la Kasbah. La capitale n’est pas, à elle seule, la révolution; elle n’est que le lieu d’une des multiples expressions de protestation. Elle sert de symbole car elle attire l’attention des médias, mais la révolution a commencé dans les régions et elle s’y maintient très active. L’autre jour, 80 000 personnes ont manifesté à Sfax, qui a ensuite été paralysée par une grève générale. À Gafsa, à Sidi Bouzid, à Tala, des rassemblements et des manifestations sont organisés quotidiennement.

    Est-ce vrai que les milices benalistes ont même menacé le nouveau ministre de l’intérieur dans son propre bureau ? Ou n’est-ce qu’une rumeur lancée pour renforcer la crédibilité du nouveau Cabinet ministériel ?

    Les rumeurs font partie de la stratégie de confusion et d’insécurité. C’est une composante indissociable de tout processus révolutionnaire.

    Comment jugez-vous les relations entre la gauche tunisienne et la gauche européenne ?

    Durant les années de Bourguiba, les relations entre la gauche tunisienne et la gauche européenne étaient très fortes. Puis, sous le régime répressif de Ben Ali, les contacts de solidarité se sont poursuivis à titre individuel, mais ils nous ont beaucoup aidés à résister. Le PCOT maintient une relation avec plusieurs forces de la gauche marxiste en France, et en Espagne, avec le parti Communiste (marxiste-léniniste) de Raúl Marco. Les manifestations organisées ces derniers jours dans différentes capitales européennes ont été très importantes, non seulement pour le un soutien moral qu’elles apportent, mais aussi en tant que moyen de pression contre les gouvernements de l’UE, si complaisants avec le dictateur.

    Quel rôle doit prendre la gauche tunisienne ?

    La gauche est internationale de nature. Il n’y a pas de gauche tunisienne. Nous devons tous nous unir, dépasser les sectarismes et revendiquer ce plus petit dénominateur commun : ne pas lutter seulement contre les dictatures locales mais aussi contre l’impérialisme.

    Quelle est la position du parti sur le Sahara occidental ?

    Notre parti a toujours défendu l’indépendance du Sahara et celle du Pays basque. Les Espagnols ne seront jamais libres s’ils ne libèrent pas le Pays basque et les autres nations de l’État espagnol. Le principe d’autodétermination est un point essentiel de notre programme.

    À l’heure des coupes sombres dans le domaine des droits et des libertés, en Europe, reste-t-il quelque chose du continent qui soit utile pour l’autre rive de la méditerranée ?

    S’il est vrai qu’en Europe la démocratie recule, nous avons tout de même besoin de son expérience. Les Européens ont fait des révolutions démocratiques et ont beaucoup écrit à leur sujet. Nous n’avons mené aucune réflexion sur le sujet. Nous avons donné une grande leçon révolutionnaire, mais nous ne pouvons pas avancer sans le savoir politique et l’expérience des gauches de l’Europe démocratique.

    Ces derniers jours, certaines images nous ont fait découvrir des manifestants tunisiens arborant des drapeaux et des symboles propres à la gauche. Beaucoup de gens en Europe en ont été choqués.

    En Tunisie, il y a des milliers de militants de gauche. Pendant les années les plus dures de la répression, nos forces se sont dispersées et se sont cachées. Aujourd’hui elles réapparaissent. Le problème est que nous n’avons pas de cadres pour canaliser la nouvelle génération militante.

    Autant en Tunisie qu’en Égypte, la gestion de l’information semble être des plus cruciales en ce moment. Que devrions-nous faire pour que les grands médias au service de l’Empire, ne fasse pas tout capoter ?

    La coalition internationale des journalistes de gauche est fondamentale. Il faut également s’organiser à l’échelle internationale pour produire de nouveaux supports et de nouveaux moyens capables de combattre les préjugés intéressés de la presse capitaliste.

    Beaucoup d’Européens ont été surpris de voir les drapeaux et l’hymne national tunisien utilisés comme symboles de la révolution.

    Dans son discours officiel, Ben Ali accuse la gauche tunisienne de ne pas être patriote, de ne pas aimer le pays. Nous répondons que la dictature n’a rien à voir avec la Tunisie. Nous sommes les véritables patriotes. Ben Ali et les siens n’ont jamais eu aucun lien avec notre patrie. La nation c’est le peuple. Même dans les pires années de répression, nous nous sentions fiers d’être Tunisiens. Pour ma part, j’ai rejeté la possibilité de l’exil car je préférais être Tunisien sous un régime répressif que libre en Europe. Notre devoir est celui d’aider le peuple tunisien à se libérer car c’est notre peuple.

    Une vie entière dédiée au journalisme militant

    Fahem Boukadous est né à Regueb. Familier de la persécution et de la clandestinité, d’une combativité inlassable, il a consacré la majeure partie de son activité politique au journalisme militant. Il a été le premier, en 1998, a dénoncer les pratiques mafieuses des cinq familles qui dominent le pays. En 2003, installé à Gafsa, il devient correspondant d’Al-Badil et, trois ans plus tard, responsable de la chaîne satellite Al-Hiwar-TV. Lorsqu’en 2008, les révoltes éclatent dans le basin minier de Gafsa – qui seront les prémisses de l’actuelle révolution– ce média fragile, mais hors de portée du gouvernement, va devenir le principal canal de diffusion d’images des manifestations. Boukadous catalyse le mal-être des jeunes citadins en leur apportant un moyen d’expression. Il devient, par conséquent, une menace pour la dictature. « C’est ce que j’ai appelé les médias populaires. Avec des caméras reçus de leurs parents émigrés, des centaines de jeunes se transforment en autant de journalistes. Moi, je n’avais qu’à rassembler toutes ces images et les faire circuler ».

    Les révoltes du bassin minier ont servi d’essai contre un régime déjà fissuré. En 2008, après trois mois de manifestations, Ben Ali décide de détruire le mouvement à la racine et donne l’ordre d’assaillir la ville de Redeyev. 4000 policiers vont piller et saccager les maisons, détruire le mobilier et frapper les femmes. Ils laisseront deux morts derrière eux. Prélude à ce qui se déroule aujourd’hui dans tout le pays, la ville avait été occupée en partie par l’armée. « À Redeyev, le mouvement était dirigé par des syndicalistes et des militants, mais dans les autres villages du bassin minier, ce sont les jeunes eux-mêmes qui ont organisé et coordonné les manifestations ».

    En janvier 2010, au terme d’un procès expéditif, Fahem Boukadous est condamné, à quatre ans d’emprisonnement. Il entame sa peine le 15 juillet, après avoir refusé de demander pardon et soigné, dans un hôpital, des blessures de torture. Dans sa cellule, il écrit énormément et prépare un livre sur les révoltes de Gafsa. Il se rapproche des prisonniers de droit commun et tente de les former à la politique, ce qui provoquera l’intervention du directeur du pénitencier. Grâce à la solidarité d’un des médecins, il est informé de la mort de Mohamed Bouazizi et des réactions populaires qu’elle déchaîne, dont les effets fulgurants l’émerveillent encore.

    Auteur : Alma Allende
    Traduction : Esteban
    Source : Le Tacle, 07/02/2011

  • Un journal s’excuse d’avoir inclus le Sahara Occidental dans une carte du Maroc

    Dans son édition du 4 février 2011,  dans un article intitulé « L’effet domino de la révolution tunisienne », le quotidien espagnol « 20 minutos » a publié une carte du Maroc incluant le Sahara Occidental sans mentionner le nom du territoire sahraoui.

    Plusieurs médias espagnols ont dénoncé ce fait soulignant que c’est une violation de la légalité internationale et une insulte au peuple sahraoui, au peuple espagnol et à la communauté internationale. Le Sahara occidental est un territoire non-autonome sur lequel le Maroc n’a aucun titre de souveraineté, tel que dicté par le Tribunal International de la Haye en 1975. C’est un territoire envahi et occupé par le Maroc et son statut définitif est en attente dans les instances de l’ONU.

    Aujourd’hui, 7 février, le quotidien espagnol a corrigé l’erreur en publiant dans sa nouvelle édition qu’il s’agit d’une erreur graphique et a demandé des excuses aux lecteurs.

  • Pierre-Yves Vandeweerd invité par la Première (radio belge)

    Ce mardi 8 février, le cinéaste Pierre-Yves Vandeweerd est invité par La Première pour parler de son dernier film sur le Sahara Occidental « Territoires perdus » pour plonger les auditeurs dans l’histoire des réfugiés sahraouis qui luttent contre un pays, le Maroc qui, depuis plus de 35 ans, occupe leur patrie.

    Il a dû parcourir les territoires occupés du Sahara Occidental, la Mauritanie, les territoires libérés par le Front Polisario et les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, dans le sud-ouest algérien, pour compiler des données essentielles pour comprendre ce conflit qui date de 1975.

    Un drame humain présenté avec tacte et professionnalisme.

    Son film participe au 61ème festival de Berlin.

  • Les brutes de Mohamed VI font irruption à Dakar

    Aujourd’hui, à peu près 500 marocains à la solde du Ministère de l’Intérieur marocain ont provoqué de sérieux affrontement en provocant avec violence, un acte organisé par la Coordinatrice des Associations Solidaires avec le Sahara Occidental (CEAS) sous le titre : « Sahara occidental : la dernière colonie africaine ».

    A midi une conférence internationale sur le Sahara Occidental était prévue, le dernier processus de décolonisation non-résolu en Afrique, avec la présence de Pierre Galand, ex-sénateur belge et président de CEAS et Willy Meyer, député europréen de Gauche Unie et vice-président des l’Intergroupe de Solidarité avec le Peuple Sahraoui au Parlement Européen.

    Le Ministère de l’Intérieur marocain a orchestré une violente action de provocation un peu avant la conférence, dans une tentative d’empêcher la visualisation de la solidarité avec le peuple sahraoui dans le Forum Social Mondial. Des centaines de marocains ont fait irruption avec des drapeaux dans la salle en proférant des cris et des insultes, ensuite ils se sont dirigés vers le stand pour arracher le drapeau de la République Arabe Sahraouie Démocratique. Willy Meyer et Pierre Galand, présents dans le stand, ont essayé de l’éviter, la réponse de la foule était des coups et des bousculades, une femmes sahraouie a été blessés sur le visage et ses lunettes cassées.

    Devant cette provocation organisée par le Maroc, Meyer a appelé à « suspendre l’acte devant l’honteuse attitude marocaine, puisqu’il est devenu impossible de célébrer la conférence au milieu de cette barbarie exprimée par les provocateurs ».

    Le Député Européen de Gauche Unie signale que « cette attitude fasciste est incompatible avec la Charte de Principes du Forum Social Mondial. Ce n’est pas la première fois que le Maroc organise une action violente dans ce genre de forums. Au mois de décembre dernier, dans le Festival Mondial de la Jeunesse et les Etudiants, des jeunes marocains ont agressé les jeunes de Gauche Unie et des militants  sahraouis qui avaient déployé une pancarte contre l’occupation illégale du Sahara Occidental, ce qui a amené à leur expulsion du festival ». Face à ces actions violentes, Meyer demandera aux organisateurs du FSM l’expulsion de la délégation marocains, de la même manière qu’ils ont été expulsés du FMJE.

  • El Harif : « Le Maroc est une démocrature »

    Abdalla El Harif, secrétaire général du parti de gauche marocain, a visité Madrid la semaine dernière pour assister à un hommage à Abraham Serfaty, l’activiste marocain vétéran décédé en novembre.

    Les conditions sociales qui ont déclenché des protestations en Tunisie, Égypte et dans d’autres pays nord-africains, sont les mêmes qu’au Maroc?

    Je crois que ce qui arrive en Tunisie et en Egypte est dû à plusieurs choses qui affectent toute la région : une série de politiques de type néolibérale, suite à un programme de réajustement structurel du FMI, qui a conduit à l’appauvrissement des classes populaires et à des réductions de services publics. Cela a porter préjudice aux jeunes, en particulier. Nous avons vu la liquidation de l’enseignement, surtout l’enseignement universitaire. Les jeunes souffrent parce qu’ils ont très peu de possibilités d’emploi. Et ça c’est un problème général dans tous les pays du Maghreb et du Moyen Orient. Au début des années 1960, au Maroc a été créée une association de chômeurs diplômés de l’université pour protester contre un taux de chômage très haut parmi les jeunes qui affecte plus les licenciés que les travailleurs non-qualifiés. A Rabat, en ce moment il y a des manifestations presque tous les jours dans la rue. C’est un problème régional. La corruption, aussi. Aucun pays n’a une véritable démocratie. Et il y a le pillage des richesses par une classe dominante.

    Si les conditions son les mêmes, peut-il arriver au Maroc la même chose qu’en Tunisie?

    Pas nécessairement. Parce qu’il y a des nuances. En Tunisie, il y avait un régime de parti unique et une forte répression policière. C’est ce qu’on avait au Maroc jusqu’aux années 1990. Ah Maroc, nous avons eu plusieurs avancées démocratiques, même s’il convient de rappeler qu’elles ne sont pas irréversibles. Par exemple, il y a quelques années, nous avions une presse indépendante assez forte qui critiquait le pouvoir. Mais elle a été muselée dans les dernières années d’una façon indirecte, en utilisant l’argent, les procès, etc. Beaucoup de journaux ont été forcés à fermer. Mais, en général, il y a plus de libertés au Maroc qu’en Tunisie avant la révolution. Il y a le droit de manifester, droit de grève, sit-in (occuper des usines). Mais c’est tout. C’est-à-dire, nous avons le même appauvrissement, la même corruption, la même  malversation de biens publics, mais il y a des différences sur le plan politique.

    Et cela, rend-t-il plus facile ou plus difficile qu’il y ait une mobilisation populaire comme la tunisienne?

    Au Maroc, il va être un peu plus difficile d’arriver à un mouvement du genre que l’on a vu en Tunisie. En Tunisie, le régime avait réussi à créer un rejet unanime contre lui. Tout le monde était contre, même la bourgeoisie, parce que les familles de Ben Ali et de sa femme avait commencé à s’approprier de toute la richesses du pays. Nous avons un consortium, l’ONA, qui appartient au Roi et sa famille. Il est difficile de pronostiquer au Maroc : c’est une forme de démocratie formelle, même si elle n’est pas réelle. Il y a une grande colère contre le pouvoir et contre la misère, mais l’on ne peut pas prévoir le dénouement. Il y a des groupes d’activistes très actifs qui font pression en faveur de la démocratie. Moi-même, j’étais 17 ans en prison. Même si les choses vont un peu mieux, toute personne qui parle de châtier les violations contre les droits maintient un esprit de vengeance. Au Maroc, il y a des progrès, mais ce n’est pas une véritable démocratie ni une dictature : moi, je l’appellerais, une démocrature (dictasoft)

    Retournons à la comparaison de la Tunisie avec le Maroc. Les plus grandes avancées démocratiques au Maroc font que le déclenchement d’une révolution n’ait pas de sens?

    Il est difficile de répondre à cette question parce que ça dépend du système politique. Il y a eu beaucoup d’espoir avec le nouveau Roi. Mais, à la fin, il n’y a pas eu de progrès et le pouvoir est toujours despotique dans son essence, un pouvoir absolu. Le Roi décide de la politique général de l’Etat, l’armée, la sécurité, les institutions publiques. C’est-à-dire, que je suis pessimiste et je crois qu’au Maroc il faut une révolution. Qu’elle soit pacifique ou violente dépendra de l’intelligence des différentes composantes de l’Etat.

    Les jeunes, vont-ils être inspirés par la Tunisie et l’Egypte?

    Oui. Ces deux pays exercent une influence très importante. Dans la révolution tunisienne, les jeunes ont joué un rôle très important qui n’a pas été joué ni par les parties ni par les intégristes. C’était une révolution spontanée des jeunes. Ce sentiment existe au Maroc parmi les jeunes qui n’ont pas vécu la lutte pour l’indépendance. Je crois qu’il y a plus de corruption là-bas qu’en Tunisie, mais au Maroc elle est plus répandue.

    Y aura-t-il des protestations par des réseaux sociaux, Facebook… ou à travers les partis traditionnels comme Voie Démocratique?

    Par les deux canaux. Parce que nous avons certaines libertés. Nous n’avons pas à travailler dans la clandestinité. Mais nous sommes bloqués parce que nous n’avons pas accès aux grands médias ni le soutien de l’Etat comme d’autres partis. Nous avons beaucoup de problèmes pour convoquer un miting, une conférence. Nous n’arrivons pas au grand public. Mais un marocain qui s’informe seulement par la télévision, ne pourra jamais nous voir. malgré cela, nous sommes présent dans les luttes pour les droits, par exemple parmi ceux qui se battent pour un logement décent.

    La Vanguardia.es, 07/02/2011
  • Une exception où le citoyen fait le clown pour les touristes

    Pour les médias français, la Tunisie, l’Egypte et le Maroc étaient des pays merveilleux, des lieux où trouver le repos, la beauté et les loisirs qu’offrent ces dictatures médiévales.

    Après les évènements de la Tunisie et de l’Egypte, ces médias essaient encore de nous convaincre que le Maroc est une exception et qu’il est à l’abri. Pour eux, le Maroc n’est pas le pays du roi Mohamed VI qui est le chef suprême de l’armée, où il nomme le Premier Ministre indépendamment des résultats des élections truquées, il contrôle 60% de la Bourse de Casablanca et un pourcentage très haut de l’économie nationale, il est le magistrat suprême et principal législateur, il possède plusieurs palais à l’intérieur et à l’extérieur du Maroc, il consent la torture, la censure, l’analphabétisme, la persécution des dissidents politiques, réprime le peuple sahraoui et occupe son territoire, et si tout ceci n’est pas assez, il  possède une des plus grandes fortunes du monde pendant que son peuple fait le clown pour les touristes, vit de la misère ou risque sa vie en traversant la mer dans des embarcations de fortune.

    Bien sûr, le Maroc c’est ce paradis sur Terre avec ses fabuleuses plages, ses maures, ses marchés, ses spectacles de serpents. Un pays où passer des vacances avec les amis, où l’on peut encore monter sur un chameau ou un âne, où on mange de délicieux cous-cous… et où les gens ne parlent que pour demander une pièce ou pour te vendre un peu d’eau.

    Évidemment, Mohamed VI n’est pas un dictateur, Mohamed VI n’est pas un despote ou un roi sanguinaire, c’est un démocrate de naissance parce qu’il est un allié docile qui lutte contre le fantôme intégriste et obéit au patron français au moment voulu.

    Et le peuple? Quelle importance lorsqu’on va pour passer des vacances tranquilles ou quand il s’agit de garder l’équilibre géostratégique?

    Le peuple du Sahara Occidental? Rien à foutre. Le roi Hassan II et ensuite son fils ont dit qu’il s’agit d’une question vitale pour la couronne, une ligne rouge en termes du palais. Alors, il faut sacrifier ce peuple, surtout qu’il est soutenu par cette méchante Algérie qui refuse de se soumettre. En plus, au Sahara Occidental, il y a des phosphates, des côtes riches en poissons et de l’uranium, où on pourra occuper Areva, une société française. Sans oublier l’aveu de Jacques Chirac : « Majesté, je dois beaucoup à votre père ». Oh oui! Il lui doit beaucoup d’argent avec lequel il a payé ses campagnes électorales.

  • Les « baltaguiyas » marocains à Dakar

    Grâce aux techniques de communications modernes, le monde entier a pu voir les agissements du régime de Moubarak en Egypte lorsqu’il a lancé ses « baltaguiyas » à dos de chameau et de cheval pour agresser mortellement la foule de manifestants pacifiques dans la Place du Tahrir.

    Nous, les sahraouis, connaissons ces méthodes depuis 1999, date de la première Intifadha sahraouie… et date de l’intronisation du roi Mohamed VI, celui que les médias français qualifient de roi « réformateur ».

    En effet, à cette date, les jeunes de la ville d’El Aaiun, capitale occupée du Sahara Occidental, ont voulu exprimer leur ras-le-bol de l’occupation et la précarité de la vie à laquelle sont soumis. Les autorités du Maroc n’ont pas hésité à lancer leurs hordes de chiens enragés contre la population sahraouie. Maisons et commerces ont été saccagés et les familles agressées avec le solde de dizaines de blessés graves.

    Cette méthode a été renforcée plus tard lorsque la communauté internationale, les ONG’s en particulier, ont levé la voix pour dénoncer la répression marocaine dans les territoires du Sahara occidental occupés par le Maroc.

    Plusieurs délégations de militants des droits de l’homme de retour d’une visite aux camps de réfugiés sahraouis en Algérie ont été tabassées à l’aéroport d’El Aaiun par une foule hystérique commandée par des policiers en civil.

    Après le scandale organisé au dernier Festival de la Jeunesse en Afrique du Sud, au mois de décembre 2010, voilà les « baltaghiya » marocains qui s’en prennent à la délation sahraouie qui participe à Dakar au Forum Social Mondial.

    Le régime de Mohamed VI montre une fois de plus ses similitudes avec le régime de Moubarak, Ben Ali et consorts.

    Nous nous demandons si ce régime croit gagner la bataille du Sahara avec ces méthodes ou il s’agit juste de se défouler sur les sahraouis en guise de vengeance. En tout cas, c’est pathétique!

  • Maroc-Sahara occidental: cyberpropagande, l’arme futile?

    Depuis quelques années, la Toile a vu fleurir des sites Internet qui soutiennent le plan d’autonomie pour le Sahara occidental préconisé par Rabat. Des outils de lobbying à l’impact discutable.

    Comme prévu, le 5e round des négociations officielles directes, menées fin janvier à Manhasset (près de New York) sous la houlette de Christopher Ross, l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, n’a pas permis de rapprocher les positions des parties impliquées dans le dossier du Sahara occidental (Maroc, Polisario, Algérie et Mauritanie).

    Un territoire que se disputent depuis 35 ans le royaume chérifien qui l’a annexé en 1975, et le Front Polisario, qui lui réclame son indépendance avec le soutien d’Alger. Malgré des promesses d’avancées «concrètes», presque rien n’aura filtré de ces pourparlers secrets. Mais loin des joutes diplomatiques, le Maroc et les séparatistes du Front Polisario continuent leur guerre d’influence sur… Internet.

    Si le Polisario avait une longueur d’avance dans ce domaine —soutenu en cela par une myriade d’ONG internationales qui critiquent «l’exploitation des richesses du Sahara occidental par la force occupante», à l’instar du très actif Western Sahara Resource Watch—, Rabat met les bouchées doubles pour disséminer ses thèses et faire accepter par l’opinion internationale l’idée que seule une large autonomie du territoire contesté peut résoudre ce conflit hérité de la décolonisation et de la Guerre Froide.
    La Realpolitik montée en épingle

    Depuis que Peter van Walsum, le prédécesseur de Ross, avait claqué la porte en 2008 à l’issue des quatre premiers rounds de négociations et marqué sa préférence pour les thèses marocaines «par pragmatisme», —comme il s’en était défendu dans une interview accordée au journal néerlandais NRC Handelsblad— la Toile a vu fleurir une multitude de sites Internet défendant ce «principe de réalisme» cher aux diplomates de Rabat. Des sites élaborés, au graphisme résolument moderne et au contenu enrichi de «documents exclusifs»,«photographies inédites» et «d’informations confidentielles» distillés pour convaincre de la défaite en rase campagne des irrédentistes du Polisario. de

    La première salve est venue d’un mystérieux collectif d’internautes marocains et algériens. Son signe de ralliement, un cœur formé des deux drapeaux; le chérifien frappé de l’étoile à cinq branches entrelacé avec celui vert et sang de la révolution socialiste algérienne. Aucune autre piste ne permet d’en savoir plus, si ce n’est leur rhétorique commune qui monte en épingle le «réalisme onusien» et les «tergiversations du Front Polisario», présenté comme un ersatz d’équilibre géostratégique révolu, verrou ultime du rêve d’union maghrébine, telle que fantasmée par les nationalistes panarabes. Une bonne douzaine de sites Internet prétendent ainsi représenter «la voix des peuples d’Afrique du Nord» contre «la junte d’Alger», caricaturée par la faucille et le marteau, l’emblème soviétique.

    Le plus abouti de ces sites Internet est sans conteste Polisario-confidentiel. Riche et sans fioritures, il s’attache à pointer les vicissitudes des séparatistes avec des histoires cocasses qui décrédibilisent les caciques de la République arabe sahraouie démocratique (Rasd) et ses accointances avec la sécurité militaire algérienne. Des piques assassines destinées à jeter le discrédit sur des sécessionnistes «en mal de légitimité». Dernière offensive en date, une tentative de faire avorter un appel à manifester le 27 février dans toutes les villes du royaume, lancé via Facebook dans le sillage de l’embrasement de la rue arabe. Polisario-confidentiel accuse le renseignement algérien d’en être l’instigateur, arguant que la date choisie correspond à l’anniversaire de la création de la Rasd. Une thèse qui ne fait pas l’unanimité auprès des Facebookiens marocains. Les promoteurs de cette manifestation ne seraient en réalité que de jeunes internautes émoustillés par leurs pairs tunisiens et égyptiens, dont ils ont adopté le modus operandi et qui rêvent eux aussi d’un «grand soir» dans les rues de Rabat et de Casablanca.

    D’autres sites, comme Western Sahara Online, Plan Autonomie, ou Sahara News proposent des menus interactifs usant à outrance d’outils multimédia dont sont très friands les internautes. Un de leurs objectifs affichés est de compiler des témoignages accablants sur les liens supposés du Polisario avec les terroristes islamistes de l’Aqmi, et de mettre l’accent sur un mouvement révolutionnaire obsolète, moribond et dangereux pour l’ordre mondial. Leur prose est calquée sur celle des dépêches de Maghreb Arab Press (MAP), l’agence officielle marocaine.

    Le thème des droits de l’homme n’est pas en reste. Sur Droits Humains.org (qui joue la confusion avec le site d’«éducation aux droits de l’homme» droitshumains.org), c’est Amnesty International et Human Rights Watch —pourtant vilipendés par le Maroc sur d’autres thématiques internes au pays— qui sont exceptionnellement célébrés pour fustiger la situation dans les camps de Tindouf, le bastion des réfugiés du Polisario sous administration algérienne. Des rapports de l’association France Libertés de Danielle Mitterrand y relatent l’enrôlement d’adolescents sahraouis comme enfants-soldats et de jeunes filles, amazones en treillis et kalachnikovs en bandoulière, embrigadées et entraînées à Cuba pour en découdre avec l’Armée royale dans les confins du Sahara.
    Un effet inverse sur le grand public

    Mais l’impact de cette offensive numérique de charme est fortement décati, car le royaume de Mohammed VI n’a pas bonne presse sur le Web. Maroc Telecom, le principal fournisseur d’accès à Internet, joue les censeurs à tout va contre les sites indépendantistes sahraouis les plus virulents, leur donnant ainsi paradoxalement plus de crédibilité à l’international. Cette surveillance tatillonne qui s’exerce aussi sur les réseaux sociaux fait figurer le Maroc parmi les pays qui martyrisent le plus régulièrement leur blogosphère. Pire que cela, la palanquée de sites qui font l’apologie des vues de Rabat sur le conflit saharien est souvent référencée par Google ou d’autres moteurs de recherche comme… des messages publicitaires.

    Ces sites, dont les promoteurs sont souvent anonymes, ressortent certes parmi les premiers résultats de recherches sur le Web et pointent en bannières promotionnelles d’autres sites critiques envers le Maroc, mais leur efficacité demeure discutable. A l’évidence, un budget assez important versé par des officines de l’Etat leur assure un excellent référencement, mais trahit en même temps leur nature propagandiste.

    Car à trop vouloir miser sur les outils qu’offre Internet, cette stratégie de lobbying finit par susciter l’effet inverse auprès du grand public.
    Ali Amar

    Source : Slate.fr, 07/02/2011
  • La Revue de Presse de la MINURSO : une brochure de propagande marocaine

    Parmi l’équipe de la MINURSO, un officier est chargé de la récolte de toutes les informations importantes diffusés dans les médias sur le conflit du Sahara Occidental et la situation dans la région du Maghreb et du Sahel.

    M. Enrico Magnani est l’officier chargé d’élaborer la Revue de Presse de la MINURSO, un document WORD qui compile quotidiennement toutes les nouvelles, rapports et documents apparus sur le conflit du Sahara Occidental, le Maghreb et le Sahel, ainsi que tout ce qui est en rapport avec le travail de la MINURSO.

    En plus de l’Envoyé Personnel du Secrétaire Général de l’ONU, M. Christopher Ross, les divers départements des Nations Unies, le bureau de Ban Ki-moon, le corps des journalistes accrédités au Maroc reçoit aussi cette publication.

    De ce fait, les autorités marocaines donnent une importance capitale à la revue de la MINURSO au point qu’ils produisent tous les jours des publications spécialement destinées à cette revue. Il va de soit que beaucoup des informations fournies par la MAP et les différents
    organes de presse marocains, qui sont tous à la merci du gouvernement puisqu’au Maroc il n’y a pas de presse indépendante, sont de fausses informations dans presque leur totalité.

    La mythomanie marocaine est allée jusqu’à inventer des déclarations de personnages et d’autorités qu’ils n’ont jamais faites. Pour rappel, nous avons dénoncé une dépêche de la MAP sur des déclarations supposées du Ministre espagnol des Affaires Etrangères, Miguel Angel Moratinos, à un journal qui était encore en construction et qui n’avait que la page de bienvenue.

    De ce fait, cette revue est devenue une véritable brochure de propagande marocaine, surtout que M. Magnani est l’objet de pressions constantes de la part des autorités marocaines qui n’hésitent pas à faire pression sur lui en l’accusant de pro-polisario ou du moins de diffuser plus d’informations à l’avantage du Polisario. 

     

    Nous avons découvert les manigances du gouvernement marocain le jour où M. Ruiz Miguel, professeur à l’Université de Saint-Jacques de Compostèle et expert en affaires du Maghreb a envoyé un e-mail destiné à l’officier d’information de la MINURSO pour protester contre le déséquilibre dans l’information compilée par la revue. M. Magnani étant absent, il a reçu la réponse de l’officier Carmen Johns en disant que Rabat aussi « nous reproche la même chose ».

    Les médias sahraouis sont trois : SPS, UPES et Diaspora Saharaui, alors que le Maroc compte plusieurs dizaines de journaux et de sites web chargés de fournir quotidiennement des articles destinés spécialement aux destinataires de la revue de presse de la MINURSO. Et malgré cela, Rabat n’hésite pas à mettre la pression sur M. Magnani en l’obligeant à ne pas filtrer l’information diffusée dans les médias marocains. Pour les marocains, il n’a pas le droit à vérifier ni à trier ces informations. Une attitude habituelle de la part des autorités marocaines à l’égard de la MINURSO qu’ils essaient de contrôler depuis sa création.

    Résultat : la revue est devenu un prospectus de mensonges marocains.  A moins que M. Magnani ne produise deux exemplaires : un premier, filtré et analysé, destiné aux autorités onusiennes et un autre destiné aux autres parties élaboré au goût marocain. C’est une question dont la réponse ne la connaît que M. Magnani.

    M. Carlos Ruiz Miguel n’arrête pas de se demander pourquoi le Polisario n’a jamais protesté contre le contenu de la brochure de la MINURSO, comme c’est devenu une pratique habituelle des marocains.

    A l’occasion, nous lui remercions de nous avoir envoyé le dernier exemplaire de cette revue élaboré le 7/02/2011 et dont nous reproduisons une copie ci-dessous.

     
     

     
     
     
     
  • Les médias à la rescousse du Makhzen pour contrôler la jeunesse

    LES PREMIERS CUBER-REVOLUTIONS

    Vendredi 28 janvier 2011. Une journaliste égyptienne rentre affolée dans la salle où ce déroulait un atelier-débat entre journalistes européens et ceux de la rive sud de la Méditerranée.

    Elle crie : «Le pouvoir égyptien a coupé Internet et les réseaux de téléphonie. Hier, mon fils m’a dit qu’il allait lui aussi descendre dans la rue pour demander le départ de Moubarak. J’ai vraiment peur pour lui et pour tous les manifestants. » Elle quitte la salle pour chercher des informations ailleurs. La représentante de l’Union européenne, une ancienne journaliste de l’AFP, tente d’avoir des informations via l’ambassade de France au Caire, en vain. L’ambassade est dotée d’une liaison satellitaire indépendante. Dans la salle, c’est le choc : «Comment un Etat puisse oser couper Internet et toute communication avec l’extérieur juste pour réduire l’impact et la portée d’une contestation politique ?»


    Dans la soirée de ce même jour, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, en réaction à la situation qui prévalait en Egypte dénoncera, entre autres, la décision prise par le gouvernement égyptien de couper Internet et les autres moyens de communication avec l’extérieur. Le  gouvernement Moubarak se rendra vite compte que cette mesure aussi exceptionnelle qu’absurde n’a pas pu limiter la propagation du vent de la révolte en Egypte. Une décision qui a surtout suscité des réactions de mécontentement et de dénonciation de la part de beaucoup de pays et d’organisations à travers le monde.

    La rencontre de Londres, organisée par l’European Neighbourhoud Journalism Network (le réseau européen de journalisme de voisinage), avait pour thème les relations, parfois conflictuelles, qui lient les gouvernements aux journalistes. Mais la situation en Egypte, et à un degré moindre en Tunisie, prendra rapidement le dessus lors de cette conférence. Principal thème de discussion : le rôle d’internet et des réseaux sociaux dans le développement des mouvements de révolte des jeunes dans les pays du Sud. Pour les journalistes venant d’Europe (Grande-Bretagne, Pays-Bas, Finlande, Hongrie et Ukraine) et ceux du sud de la Méditerranée (Maroc, Egypte, Jordanie, Palestine, Liban et Algérie) les avis et les approches ne convergent pas très souvent. D’un côté, il y a les médias classiques, radio télévision et presse écrite, qui sont sérieusement concurrencés par Internet et les réseaux sociaux. De l’autre, il y a cette difficulté à mettre en place des mécanismes de régulation de cette explosion des réseaux sociaux. 

    Pour un journaliste de la BBC, la seule chose qu’on puisse exiger de ces médias sociaux (Facebook, blogs, Twitter), c’est le respect de la vie privée. «Le travail des médias classiques que sont la radio, la télévision et la presse écrite ainsi que les journaux électroniques obéit à un certain nombre de règles. Et les relations entre ces médias et les gouvernants et les politiques sont définies. Ce qui n’est pas le cas pour les réseaux sociaux», estime un intervenant. Avant d’ajouter que «toutes les informations diffusées sur le Net ne sont pas vérifiées. Dans beaucoup de cas, on peut tomber sur de fausses informations et la diffamation». A la BBC, on croit trouver la solution. Dans ce média public de la Grande-Bretagne, il est interdit aux journalistes d’exprimer une opinion politique sur Facebook. «En adoptant cette mesure, la BBC ne voulait nullement contrôler Internet mais protéger la vie privée des personnes», explique un intervenant lors de cette conférence. Mais les préoccupations des pays européens diffèrent de ceux de la partie sud de la Méditerranée.

    En Europe, la population est vieillissante, tandis que dans les pays du Sud plus de la moitié de la population est jeune. Au nord, la pratique démocratique et l’ancrage des partis politiques et des associations constituent, avec les médias, d’importants canaux de communication entre les citoyens. Dans les pays du Sud, les jeunes, qui constituent la majorité de la population, éprouvent d’énormes difficultés à se frayer une place dans les canaux de communication existants. Les régimes en place et le poids des tabous et des interdits encouragent les différentes formes de violence et de révolte chez les jeunes. Et Internet avec ses réseaux sociaux est devenu, avec le temps, un important outil de communication des jeunes dans les pays du Sud.

    Vingt ans après sa création, Internet connaît une importante croissance à deux chiffres dans ces pays, 120% en une année en Egypte. Dans ce pays secoué depuis plusieurs jours par une impressionnante contestation populaire menée par des jeunes, le nombre d’internautes dépasse les 30 millions. Et ils sont près de 4,5 millions qui se connectent à Facebook quotidiennement. Les jeunes ont finalement trouvé un outil idéal pour communiquer entre eux, et surtout pour réaliser un rêve, celui de révolutionner leur société.

    Face à cette déferlante, les gouvernant réagissent parfois par la répression. Selon un journaliste jordanien, un blogueur a été condamné à deux ans de prison pour avoir critiqué le roi Abdellah sur le Net. Au Maroc, un autre internaute, âgé de 16 ans, a été mis derrière les barreaux pendant deux ans pour avoir piraté le site du Pentagone. En Tunisie, de jeunes animateurs de réseaux sociaux pendant la révolte ont été activement pourchassés par la police.


    En Egypte, le pouvoir en place n’a pas trouvé mieux à la veille de la protestation du vendredi 28 janvier que de couper carrément Internet et le  réseau de téléphonie. Pour contourner ces coupures, Google lance le lundi 31 janvier un nouveau service pour permettre aux Egyptiens d’envoyer des messages sur le réseau social Twitter sans passer par une connexion Internet. La révolution peut se poursuivre. Mais le responsable de Google en Egypte sera porté disparu quelques jours plus tard.

    Face à cette «révolution Internet» les médias classiques n’arrivent pas à trouver un nouveau départ. Pour un journaliste européen, «les médias doivent prouver aujourd’hui qu’ils sont utiles pour la société société ». Au Maroc, certains pensent avoir trouvé la solution. Depuis une année, des professionnels des médias ont lancé des rencontres avec les partis politiques et la société civile pour élaborer une plateforme dite de dialogue entre les médias et la société. Les animateurs de cette initiative veulent surtout élaborer une stratégie visant en particulier les jeunes qui composent la majorité de la population marocaine. Les journalistes présents à cette rencontre pensent que leur pays, le Maroc, est à l’abri d’une «révolution» à la tunisienne ou à l’égyptienne. Une certitude battue en brèche, quelques jours plus tard, par Moulay Hicham, cousin du roi Mohammed VI, qui déclarera sur les colonnes d’un journal que «si le Maroc n’a pas encore été atteint par la vague de contestation, il ne sera probablement pas une exception».

    En 2010, la croissance économique a été faible, le chômage, particulièrement chez les jeunes diplômés,  reste élevé et la colonisation du Sahara Occidental coûte toujours très cher au royaume. Ces derniers jours, de nombreux appels à manifestation sont lancés sur Internet au  Maroc. Dans ce pays, et malgré une démocratie de façade, il n’existe aucune chaîne de télévision privée. Tandis que dix opérateurs intervenant dans la publicité contrôlent les titres de la presse écrite. «Un journal qui n’appartient pas à un opérateur en publicité n’a aucune chance de survivre au Maroc», dira un enseignant des sciences de la communication au Maroc invité à cette conférence. Mais ce genre de problème ne concerne pas seulement les pays du Sud de la Méditerranée. En Hongrie, un pays pourtant membre de l’Union européenne, on ne cesse de parler de cette nouvelle loi adoptée par le Parlement et qui entrave la liberté de la presse. «Le gouvernement hongrois a adopté cette loi pour limiter l’influence des multinationales sur les médias dans le pays», dira un journaliste de la chaîne TV hongroise, Channel 2. Et contre toute attente, c’est un gouvernement de droite conservateur et non de gauche qui a adopté cette loi.

    En Hongrie, les médias publics comptent quatre chaînes de télévision, une radio et une agence de presse. En réaction à l’adoption de cette loi, ’Union européenne a demandé des explications au gouvernement. Pourtant, et pour certains journalistes, l’exemple italien mérite lui aussi réflexion. Le président du Conseil, Silvio Berlusconi, a pratiquement une situation de monopole sur les médias italiens. Alors qu’il est propriétaire de plusieurs chaînes de télévision, Berlusconi contrôle aussi la RAI (groupe public tv et radio) en tant que président du Conseil. Aujourd’hui, rares sont les  médias qui osent s’opposer à la politique de Berlusconi en Italie. Même si l’Italie est censée être un pays démocratique, il n’empêche que la situation de monopole sur d’importants médias ne permet nullement à l’opposition et aux détracteurs de Berlusconi de s’exprimer librement.

    La Grande-Bretagne est menacée elle aussi par cette situation de monopole des groupes privés sur les médias. Selon Lord Norman Fowler, un ancien journaliste de la BBC, «Rupert Murdoch veut acheter 60% de Sky. Il contrôle déjà plusieurs médias». Avant d’ajouter que «lors de la guerre contre l’Irak, les cent journaux appartenant à Murdoch étaient tous favorable à l’invasion de l’Irak. Aucune position opposée à cette guerre n’était accepté dans les médias de Murdoch. Il est inacceptable que Murdoch puisse contrôler Sky. L’offre d’achat de Sky est aujourd’hui en délibération au niveau de l’instance de la concurrence en Grande-Bretagne ».

    Lord Norman Fowler ne cache pas son soutien à la BBC. Il dira dans ce sens que «la BBC est un média appartenant à l’Etat. Elle est financée par l’argent public. Mais la BBC n’est pas la voix du gouvernement. La BBC doit garder son impartialité et son indépendance. Nous sommes très contents d’avoir la BBC en Grande-Bretagne». En cette époque trouble marquée par cette révolution inimaginable des technologies de l’information, il est urgent de repenser le rôle des médias en général et ceux publics en particulier dans les pays du Sud. Un peu plus de liberté de s’exprimer, de créer et de vivre des jeunes devient incontournables. Dans le cas contraire, il faudrait s’attendre à d’autres révolutions qui s’organiseront à l’avenir par l’intermédiaire d’Internet, en dehors de tout canal classique d’information.
    De Londres, Réda C.

    La Nouvelle République, 07/02/2011