Mois : février 2011

  • Le Polisario condamne la proposition de l’Espagne pour une extension de l’actuel accord de pêche UE-Maroc

    Bruxelles, 10 fév 2011 (SPS) Le ministre délégué auprès du MAE, Mohamed Yeslem Beissat a condamné la proposition de l’Espagne appelant à l’extension de l’actuel accord de pêche signé entre l’UE et le Maroc qui inclut les eaux territoriales du Sahara occidental.

    « Nous sommes choqués et déçus par les déclarations de la ministre espagnole de l’environnement, Rosa Aguilar, selon lesquelles, l’Espagne demande aux 27 Etats membres démocratique de l’UE d’étendre cet accord illégal entre l’UE et le Maroc », a précisé le diplomate sahraoui.

    L’avis du Conseiller juridique de l’ONU et du service juridique du Parlement européen avaient clairement qualifié la pêche des navires de l’UE dans les eaux du Sahara Occidental d’illégale, a rappelé M. Beissat, estimant que « tout nouvel accord ou prolongation de l’accord actuel ne peuvent corriger cette illégalité ».

    « Le gouvernement espagnol et la ministre Aguilar, en particulier, ont opté pour le pillage au dessus des principes et entachés la réputation de l’UE à travers le monde. Nous ne pouvons pas exclure la possibilité d’un défi à l’ONU ou dans les tribunaux internationaux », a regreté M. Beissat.

    Le diplomate sahraoui a également rappelé qu’aucun pays du monde ne reconnait la souveraineté du Maroc ou ses revendications sur le Sahara occidental. (SPS)

  • Mohammed VI passé au détecteur de dictateurs

    Auteur de l’ouvrage «Mohammed VI, le grand malentendu» le journaliste marocain Ali Amar s’interroge: l’Occident est-il trop indulgent avec le roi du Maroc? 

    L’Occident est-il trop indulgent avec un monarque féodal qui cultive une image de roi moderne, au moment où la rue arabe s’embrase?

    Agé de 70 à 80 ans, dont en moyenne 30 ans au pouvoir, une carrière dans l’armée, un rejeton en attente de lui succéder, un régime de parti unique, une opposition laminée, un clan prédateur des richesses de son pays; voici le portrait-robot du dictateur arabe dans l’imaginaire occidental. On y reconnaîtra Ben Ali, Moubarak ou Kadhafi.

    Depuis que le maître de Carthage a pris la poudre d’escampette et que le raïs vacille sous les coups de boutoir du peuple cairote, les plus fins commentateurs de la rue arabe rivalisent d’analyses pour expliquer que dorénavant, le règne sans partage des potentats arabes ne garantit plus la sacro-sainte «stabilité» des pays qu’ils cadenassent de leur pouvoir jupitérien.

    A la pointe septentrionale de ce monde qui ne connaît pas la démocratie, il existe aux yeux de l’Occident un «royaume acceptable» dont on ne parle presque pas depuis l’embrasement de Tunis et du Caire: le Maroc. Les aveux d’aveuglement sur le régime policier de Ben Ali, et sur le cynisme géostratégique qui fait jouer aux funambules diplomatiques les chancelleries occidentales au Proche-Orient ne concernent pas ce pays jugé à part. Pourquoi? Est-ce justifié?
    Pour s’en assurer, il suffit de passer Mohammed VI au «détecteur de dictateurs».

    Est-il un autocrate comme les autres?

    Il a à son avantage sa jeunesse relative (47 ans) et d’être monté sur le trône il y a douze ans, après 38 ans de règne sans partage d’Hassan II, roi autocrate à l’ancienne. L’absolutisme du régime s’est régénéré, passant d’une monarchie ouvertement répressive à une «hypermonarchie». Celle-si s’emploie à assurer une continuité de ses institutions, avec une concentration inégalée des pouvoirs politique et économique tout en peaufinant son image de despote éclairé —et certainement moins caricatural que bien des tyrans arabes. Pourtant, le pouvoir très personnalisé du roi s’appuie presque exclusivement sur les hommes de son sérail.

    Les plus en vue, qui sont deux de ses amis d’enfance, phagocytent des pans entiers du pouvoir: Fouad Ali El Himma en politique et Mohamed Mounir Majidi dans le monde des affaires. Aujourd’hui, le Cabinet royal, centre névralgique du pouvoir de Mohammed VI qui dirige en sous-main l’administration, a plus de suprématie que toutes les institutions représentatives cumulées —mettant ainsi à mal la redistribution des richesses, et ce malgré le lancement de grands chantiers d’infrastructure et d’initiatives dans le social, censées combler l’énorme retard du pays en matière de développement humain. A ce titre, le Maroc continue de végéter dans le bas des classements mondiaux.

    L’effeuillage des prérogatives du gouvernement et la déliquescence des partis politiques expliquent d’ailleurs en grande partie la désaffection des Marocains pour les urnes.

    D’où tire-t-il sa popularité ?

    Mohammed VI a su profiter de l’image révulsive de son père en matière de droits de l’homme —sans renier l’essentiel de son héritage. Si son empathie pour les démunis ne semble pas feinte, elle est en tout cas savamment orchestrée par un culte de la personnalité exacerbé et une propagande d’un autre âge. Les Marocains redoutent aussi presque inconsciemment la fitna, un chaos social et identitaire qui naîtrait de la désagrégation de la Couronne, qui les unit culturellement. Le roi est de ce point de vue très largement plébiscité. Un récent sondage inédit le prouve, mais, comble de l’irrationnel, ce dernier a été interdit. Car au royaume du Maroc, la liberté d’expression s’arrête aux marches du Palais.

    Est-il pour autant démocrate dans l’âme?

    Le régime marocain est —sur le papier— une monarchie constitutionnelle. Mais il suffit de lire sa Constitution pour se rendre compte qu’il n’est assurément pas démocratique. Le principe de séparation des pouvoirs n’est pas reconnu. Le roi définit lui-même son régime comme étant une «monarchie exécutive», amalgamant son statut sacré de Commandeur des croyants avec celui temporel de chef de l’Etat. Le multipartisme existe depuis l’indépendance du pays, mais le Parlement est réduit à un rôle de caisse de résonnance des volontés du Palais, notamment lorsqu’il s’agit d’entériner le budget de la Cour royale ou celui de l’appareil sécuritaire. Les élections sont toujours largement manipulées, et le pouvoir du Premier ministre confine à de la figuration.

    Désavouer la politique du monarque ou celle de son Cabinet, mettre en lumière la prédation économique de la classe dirigeante (et celle du roi lui-même), dénoncer la pratique de la torture par les sécuritaires, fustiger la justice d’abattage, la corruption rampante autant d’actions interprétées comme subversives pour justifier les châtiments infligés aux voix discordantes accusées de nihilisme.

    Dans les faits, personne ne peut remettre en question ce que le Palais et son gouvernement définissent comme les «constantes de la nation», c’est à dire le caractère sacré du trône —y compris ses choix de gouvernance—, l’islam en tant que religion d’Etat, la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental et la sanctuarisation de l’appareil sécuritaire. Quant à la sphère privée du roi, elle demeure inviolable même lorsqu’elle interfère avec la politique de l’Etat.

    Est-il à la tête d’un Etat répressif?

    Après la disparition d’Hassan II, démocrates et réformateurs avaient parié sur une accélération de la dynamique qu’ils croyaient assurée avec un pouvoir rénové. L’opinion internationale a voulu croire aussi que la stabilité du pays s’accompagnerait d’une réelle tempérance du régime et d’une transition démocratique en douceur.

    Ce ne fut pas le cas: la liberté de la presse, marqueur essentiel d’une telle promesse, a été bien souvent malmenée, la censure ayant rapidement repris le dessus. Les rares bastions de la presse d’investigation sont désormais en voie de disparition. A quelques rares exceptions, c’est le règne de la complaisance et du non-dit qui prévaut.

    Si des gages ont été donnés sur le statut de la femme, qui s’apparente davantage au «féminisme d’Etat» tunisien, les libertés individuelles —dont celle du culte— sont loin d’être acquises. D’ailleurs, le processus de réconciliation n’a pas été mené jusqu’à son terme (la vérité sur les exactions commises sous Hassan II n’a été que partiellement dévoilée, sans mise en cause de certains responsables encore au pouvoir) et le Maroc embastille toujours ses opposants politiques qui se comptent parmi les militants des droits de l’homme, ainsi que les indépendantistes sahraouis et les islamistes.

    Les ONG locales, les mouvements associatifs et contestataires, la presse, les réseaux sociaux et certains partis politiques canalisent les frustrations, voire servent d’alibi et de soupapes sociales. Les poussées de fièvre récurrentes au Maroc depuis quelques années prouvent que la hogra, ce sentiment d’injustice permanent ressenti dans tout le Maghreb, peut pousser à la révolte.

    Bénéficie-t-il de l’indulgence de l’Occident?

    Au-delà des intérêts stratégiques avec l’Occident et la France en particulier, et à l’instar d’autres régimes arabes, Mohammed VI joue à fond la carte du péril islamiste et d’un certain volontarisme économique et social pour justifier les scories féodales de son régime. Avec Paris, les attaches politiques sont quasi incestueuses. L’Europe a accordé le statut avancé au Maroc, un privilège qu’il ne partage qu’avec Israël au sud de la Méditerranée. Le Trône est aussi l’un des alliés inconditionnels des Etats-Unis dans sa guerre contre la terreur, au point d’avoir accepté comme Moubarak par exemple (et on l’oublie trop souvent) de participer à son programme de torture délocalisée sous Bush Jr.

    Dans ce contexte de realpolitik, l’aspiration de voir enfin un des pays arabes les plus aptes à s’engager vers la démocratie —comme ont pu le faire l’Espagne après Franco, le Portugal après Salazar, la Grèce après les Colonels ou certains pays d’Amérique Latine après les dictatures militaires— a été vaine.
    Ali Amar
    Slate.fr, 10/02/2010

  • Ventes d’armes: la corruption comme garantie

    Jean Guisnel, 59 ans, est journaliste au Point, où il suit les questions de défense et de nouvelles technologies. Il publie aux éditions La Découverte une enquête intitulée Armes de corruption massive, secrets et combines des marchands de canons, cheminement pédagogique dans l’univers opaque de ce “commerce de souveraineté”.
     
    Dressant la chronique des plus gros “deals” d’armes de ces trente dernières années, l’auteur parvient à bien décortiquer le rôle joué par la corruption (parfois énorme) sur des contrats à neuf zéros, pour un marché annuel évalué à 60 milliards de dollars en 2009. En dehors des considérations morales (Guisnel réprouve de telles pratiques), il montre aussi comment cette corruption sert de “garantie” aux bonnes pratiques commerciales, en liant de manière indéfectible l’acheteur et le vendeur.
    L’autre facette des armes se dessine dans les fortunes rapidement accumulées par les intermédiaires de tout ordre. Des intermédiaires baroques et de plus en plus indispensables, au fur et à mesure que les lois internationales tentent de juguler le phénomène de la corruption.
    Dans ce maelström, la place de la France comme quatrième vendeur d’armes de la planète est à la fois logique et chaotique. Souvent en porte-à-faux avec son discours, elle cumule les échecs retentissants ces dernières années, malgré la “war room” mise en place à l’Elysée par son locataire actuel. Entretien.
    Pourquoi la France est-elle le quatrième vendeur mondial d’armes dans le monde ?
    On peut voir le problème de deux façons. Ou bien c’est une petite performance, ou bien c’est pas si mal. Je serais tenté de pencher pour la seconde option. Pour deux raisons : plus de la moitié des armes vendues dans le monde le sont par les Etats-Unis, qui sont hors-catégorie. Le deuxième exportateur, le Royaume-Uni, a une longue tradition d’excellence comme les Français, mais ils sont beaucoup plus agressifs commercialement. Ils chassent en meute entre l’Etat et les industriels, pas comme les français. Et puis, ils n’ont jamais hésité à corrompre massivement leurs clients. Cela leur donne un avantage compétitif. La France corrompt aussi, mais avec moins de savoir-faire que les Britanniques. Le contrat sur les chasseurs Tornado vendus à l’Arabie Saoudite a dégagé des commissions de 33% !
    Le troisième livreur est la Russie : ils vendent des armes peu sophistiquées et peu cher. Ils peuvent donc inonder les pays du Sud. Les Français vendent chers et sophistiqués. Enfin, les Russes ne sont pas adhérents à la convention de l’OCDE qui prohibe la corruption.
    Comment fonctionne la domination américaine ?
    Pour les Etats-Unis, les ventes d’armes sont un élément primordial de la politique extérieure. Par exemple, ils vendent pour 1,3 milliards de dollars d’armement par an à l’Egypte, mais les égyptiens ne les paient pas, c’est une aide. Pareil pour Israël. C’est une vraie force diplomatico-industrielle. Quand les Français ratent la vente du Rafale au Maroc, c’est parce les Américains mettent le paquet du point de vue politique. Sur le Sahara occidental… notamment.
    Le deuxième élément pour les Américains, c’est de pouvoir titrer des prix bien meilleurs : le F16, ils en ont vendu 4000, le Rafale lui a été acheté à quelques dizaines d’exemplaires par l’armée française. L’effet d’échelle ça compte. Lorsqu’ils sont en compétition contre les Français, les Américains disent « Si vous choisissez les Français, oubliez notre appui et notre solidarité ». Plus de liaisons radio, plus d’appuis… ce sont sur des critères comme ça qu’ils gagnent. La qualité est équivalente, mais l’achat d’armes américaines comporte aussi le soutien politique.
    Quelle place occupe les Israéliens, qui figurent parmi les premiers vendeurs dans le monde ?
    Les Israéliens sont très présents sur le premier marché du monde qu’est aujourd’hui l’Inde, ils talonnent les Français. Ils vendent des armes particulières : des systèmes électroniques et de missiles, parmi les meilleurs au monde. Mais ils n’adhéraient pas à la convention de l’OCDE, jusqu’à une date récente. Ils arrivent aussi que les Américains vendent des matériels incluant des armes israéliennes. Enfin, les mauvaises langues prétendent que les Israéliens sont des sous-traitants de la corruption des Américains. Mais il n’y a pas eu d’affaire judiciaire permettant d’étayer cette hypothèse.
    Vous expliquez que la corruption joue un rôle de « garantie » dans ces transactions ?
    C’est un effet étonnant. Quand un vendeur livre ses commandes d’armes, voici comment ça se passe sur le plan financier : l’acheteur règle un acompte à la commande, de 20 à 30%, puis il livre le matériel avec des échéances. Or, les pots de vin sont liés au règlement des factures. Comme cela concerne les décideurs au plus haut niveau, cela rend le paiement des échéances régulier et garanti. Cela ne va pas contre le bon fonctionnement des pratiques commerciales.
    Maintenant, à titre personnel, je trouve que la corruption est un facteur tragique d’aggravation de la pauvreté dans les pays du Sud. Le pays acheteur paie 10 à 20% en plus du prix de façade. Cela ne veut pas dire qu’elle peut être éradiquée. Il faut continuer faire pression par toute sorte de dispositif.
    Qui a vraiment le pouvoir : les acheteurs ou les vendeurs ?
    Le commerce des armes est un marché monopsone : un acheteur se voit proposer de la marchandise par plusieurs vendeurs. Dans ce cas, l’acheteur est le chef de l’Etat. Cela vaut pour les armes, comme pour toutes les technologies de souveraineté : l’énergie nucléaire, l’aéronautique, les hydrocarbures, les télécoms, la télédiffusion… c’est sur ces marchés que l’on voit les cas les plus flagrants de corruption.
    Sur l’affaire de Karachi, vous rappelez que François Léotard, ministre de la Défense au moment de la signature du contrat Agosta, est intervenu sur plusieurs marchés au même moment…
     
    Dès 2002, après l’attentat de Karachi qui a fait 14 morts, j’ai écrit qu’il y avait des rumeurs de pots de vin sur le contrat Agosta. On le disait dans les milieux militaires et de l’armement à propos de responsables politiques français et que cela atteignait des proportions inadmissibles. J’entendais cela sur plusieurs marchés : les sous-marins Agosta au Pakistan, les drones en Israël, le contrat Sawari 2 de vente de Frégates à l’Arabie Saoudite… sans que mes sources ne donnent d’éléments précis.
    Sur cette affaire des sous-marins Agosta, il y a eu un premier versement de pots de vin, de 6%, relativement clair. C’étaient des frais commerciaux extérieurs classiques pour arroser la partie pakistanaise. Ce qui est étonnant, ce sont les 4% suivants avec l’intervention de Ziad Takkiedine, un intermédiaire arrivant par Renaud Donnedieu de Vabres [Ndlr : conseiller au cabinet du ministre de la Défense, François Léotard], soi-disant pour payer des Pakistanais… En réalité, pourquoi ? Selon toute vraisemblance, pour générer des rétro-commissions. A qui ont-elles été destinées ? Elles sont passées par Takkiedine, le réseau K, mais ensuite, dans quelles poches ont-elles finies ? C’est la justice qui permettra de le déterminer. Il y a des destinataires politiques français, c’est certain. Quand le président Chirac fait couper les dernières échéances des versements de commissions après son élection en 1995, on voudrait savoir combien il restait de rétro-commissions à distribuer, ce qu’il était advenu des sommes déjà versées au réseau K, et à qui tous ces juteux paquets d’argent étaient destinés.
    Ce contrat Agosta a généré des pertes équivalentes aux pertes générées par des pots de vin. C’est un vrai problème. En revanche, pour ce que j’en sais, je ne pense pas qu’il y ait une relation entre l’attentat de Karachi et le versement des pots de vin.
    L’Elysée a mis au point une « war room » pour mieux vendre à l’étranger. C’est quoi cette war room ?
    C’est une salle d’état-major. L’idée est bonne : en 2007, constatant que tout foire, après l’échec de la vente du Rafale au Maroc, Nicolas Sarkozy décide de changer de méthode. Tout le monde tire dans des sens différents, entre la DGA, les industriels, le ministère de la Défense… il y a 3 ou 4 voix différentes. Le président dit : « On va fédérer tout ça, pour les faire parler d’une seule voix ». Comme observateur, je trouve que c’est une bonne idée, conforme d’ailleurs à ce qui se fait dans d’autres pays, à la Maison Blanche, en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Sauf que… patatras, depuis que cette war room existe, il y a eu beaucoup d’échecs.
    Pourquoi ?
    L’exemple le plus intéressant, c’est l’échec des centrales nucléaires aux Emirats. On a proposé un produit que les Emiratis ne voulaient pas, dès le départ.
    Qui composent cette war room ?
    Le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, le chef de l’état-major particulier, le conseiller diplomatique, Jean-David Levitte, les spécialistes de chaque zone de la cellule diplomatique, les services de l’Etat (les finances, la défense…) et les industriels. Avec une centaine de dossiers en cours à gérer.
    Les conflits actuels ont-ils une incidence sur le marché de l’armement ?
    C’est marginal. L’Irak n’a pas d’argent pour payer des armes. L’Afghanistan non plus. Les armes achetées par la France ou d’autres pays intervenant sur ces terrains sont marginales. Ces conflits sont significatifs sur le plan stratégique, mais pas sur les marchés d’armement.
    OWNI, 10/02/2011 
  • J’avais pris la résolution de ne plus taper sur Sarkozy

    J’avais (encore) pris la résolution de (ne plus) taper sur Sarkozy. Seulement voilà, j’ai beau éviter la télé, éviter les canards et éviter la radio, j’entends (encore) parler de lui. Je jure (sur feu ma mère) que je ne fais pas exprès. Et pour tout vous dire, moi qui depuis trente ans suis un professionnel de la gouvernance, de la communication et de l’information, je n’ai jamais vu un type aussi nul en la matière que Sarkozy (oui, je sais, avec la gauche au pouvoir en 2012, ce serait encore pire ; et de ce fait, nous allons subir le nain agité jusqu’en 2017 ; on appelle ça avoir le choix).

    Or donc, Sarkozy, somme, aujourd’hui, mercredi 9 février 2011, ses ministres de passer leurs vacances en France. Pour étouffer les polémiques sur leurs vacances au Maghreb ? La sommation vaut « évidemment » aussi pour Sarkozy, écrit le porte-parole du gouvernement, François Baroin (à Matignon), dans un texte publié par l’Elysée (et non par Matignon ; on appelle ça coordonner l’information), texte qui ajoute : « Ce qui était commun il y a encore quelques années peut choquer aujourd’hui. Cela doit donc être strictement encadré » (j’aime bien la formule « peut choquer aujourd’hui »). Autrement dit, Sarkozy, qui s’était (un peu vite ?) aventuré à promettre en 2007 une République « irréprochable », croit pouvoir étouffer, d’une part, la polémique autour des récentes vacances en Tunisie de la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie (avec son compagnon qui du reste est lui aussi ministre). Et d’autre part, la polémique autour des récentes vacances de François Fillon en Egypte.

    Les vacances à l’étranger seront, à l’avenir, uniquement autorisée en accord avec la « cellule diplomatique de l’Elysée » et si elles sont « compatibles avec la politique étrangère de la France ». Il semble y avoir ici mélange entre vacances et voyages. Les modalités des voyages (vacances ?) seront examinées par le « secrétariat général du gouvernement, qui les autorisera ou les interdira » (en accord avec la « cellule diplomatique de l’Elysée » ?). Le Premier ministre français Fillon, de son côté, a annoncé des mesures pour prévenir « les conflits d’intérêt dans la haute fonction publique ». Comme ceux qui ont coûté son poste à l’ancien ministre du Travail Eric Woerth en 2010 ? Fillon a annoncé le prochain dépôt d’un projet de loi pour fixer des « règles déontologiques ». A l’avenir, les ministres devraient théoriquement produire une « déclaration d’intérêts » qui ferait apparaître les « conflits éventuels ».

    Autrement dit, les voyages (vacances ?) à l’étranger seront, à l’avenir, uniquement autorisé en accord avec la « cellule diplomatique de l’Elysée », uniquement s’ils sont « compatibles avec la politique étrangère de la France », après examen par le « secrétariat général du gouvernement, qui les autorisera ou les interdira » et en respect des mesures pour prévenir « les conflits d’intérêt dans la haute fonction publique ». Purée, si j’étais ministre, je n’oserais même pas me rendre à Andorre ou à Monaco le week-end. Pour mémoire, il est reproché à Michèle Alliot-Marie (MAM) d’avoir « emprunté » (gratos) – à deux reprises – l’avion privé d’un homme d’affaires tunisien. En fait, ce qui est surtout reproché à MAM, c’est d’avoir raconté qu’en descendant de son avion à Tunis, elle (avec son compagnon qui est lui aussi ministre) est tombée par inadvertance sur un homme d’affaire tunisien (pro-Ben Ali à 300%), qui lui a inopinément proposé de monter dans son jet ; son jet qui se trouvait là, à ce moment précis, par le plus pur hasard.

    Fillon a de son côté admis avoir séjourné à Assouan, en Egypte, avec son épouse et ses enfants, à l’invitation des « autorités égyptiennes ». Fillon a également admis avoir « emprunté » (décidément l’emprunt est une manie chez ce gouvernement) un avion gouvernemental égyptien pour une excursion à Abou Simbel. A ce propos, Sarkozy (avec Carla) a lui-même passé quelques jours au Maroc, où il a été logé dans une résidence du roi Mohammed VI, lors des fêtes de fin d’année. Sarkozy a également passé le week-end dernier à New York, où il s’est rendu depuis Varsovie, à bord d’un avion de la flotte gouvernementale, pour visiter son fils Louis, en payant ce voyage privé « au prix des avions de ligne », raconte l’Elysée. Sarkozy a lancé le slogan de l’impérative diffusion d’une « véritable culture de la déontologie dans la vie publique » et il a ajouté que ce n’est qu’en étant « irréprochables que les personnes qui exercent de hautes responsabilités renforceront la confiance des citoyens dans les institutions de l’Etat » (il s’agit donc bien de propos tenus en 2011, en vue de 2012 ; et non pas de propos tenus en 2007, même si les mots utilisés se ressemblent furieusement).

    Sarkozy a encore ajouté que les exigences en matière de morale publique se sont accrues considérablement et qu’il « convient de le comprendre et d’en tirer les conséquences ». Il a donc dit cela (je précise) la veille de son intervention télévisée (demain) face à un panel de Français (auront-ils le droit de parler du Maroc, de la Tunisie et de l’Egypte). Sarkozy en a remis une couche en assenant que les attentes des Français en la matière étaient légitimes et qu’ils étaient en droit d’exiger de tout responsable public une « réelle transparence ». Il se raconte à Matignon que Sarkozy aurait songé ce week-end (songé avec Carla) à virer Michèle Alliot-Marie et à la remplacer par le ministre de la Défense Alain Juppé (qui lui a toujours été « irréprochable ») ou par le responsable de l’Agriculture Bruno Le Maire (qui a toujours eu de grandes compétences en matière de politique étrangère). Les révélations sur le voyage égyptien du Premier ministre Fillon auraient dissuadé Sarkozy de virer MAM. Car virer MAM, ce serait fragiliser Fillon. Et virer Fillon, ce serait fragiliser Sarkozy. Aussi. 

    Michel Garroté
    Monde Info, 09/02/2011
  • Avis aux blogueurs

    Qu’on ne s’y trompe pas!
     
    Comme je suis en Suisse, je me permets de mettre des articles, des vidéos et des images sur mon blog. J’aurais les mêmes droits si je me trouve en Italie, en Suède ou au Royaume-Unis (d’où les hébergements WikiLeaks).
    Avec la nouvelle loi LOPPSI 2 (un dérivé de l’ACTA) sur les blogs, que Sarko veut faire voter pour l’UE, je crois que si j’étais en France, il me serait plus facile de dire ce à quoi j’ai droit de publier, la liste sera moins longue.
    J’aurais le droit de raconter ma vie, même si cette dernière est emmerdante à souhait, mettre mes photos, même si ses dernières sont floues, que je demande à celui ou celle à qui j’ai tiré le portrait si il ou elle est d’accord, (je vais devoir retourner sur les lieux de mes vacances et retrouver les personnages), mettre des pseudos et des descriptions complètement hasardeuses pour autant qu’insidieusement on ne puisse reconnaître la personne, de changer même le nom de la ville ou du quartier et le pompon, de mettre des photos de caractères pédophiles ceci pour ne pas gêner la cyber-police qui démantèle ainsi les réseaux de ceux qui trouvent ça malin!
    Bref, ne pas dire ce que l’on pense sur notre environnement sans quoi nous pouvons nous retrouver au clou pour une durée déterminée ou, dans le meilleur des cas, avec une amende qui peut s’élever à des plafonds qui ne seront pas les mêmes pour les criminels en col blanc.
    Un exemple?
    Si je dis que je trouve comique que Sarko reproche à MAM son voyage en Tunisie et à Fillon d’avoir passé son réveillon avec Moubarak en Egypte, mais qu’il oublie que lui même s’est reposé au Maroc, je prends des sacrés risques!
    Si je dis encore que ce soir, Sarkozy va s’adresser aux Français durant deux heures et demie, ce qui fait, en gros, cinq questions de 30 secondes et cinq réponses d’une demie-heure, j’ai intérêt à changer de cybercafé toutes les demies-heure et me mettre une cagoule pour ne pas me faire reconnaître par des caméras plantées n’importe où.
    C’est oublier que celui ou celle qui veut protéger ses chansons ne les mets pas sur youtube. Que celui ou celle qui veut se faire connaître mettra sa vidéo sur youtube, dailymotion etc…beaucoup de jeunes artistes se sont fait connaître de cette façon avant de tomber dans les maisons de diffusion qui se sucrent bien au passage.
    Pour ce qui est des images, rien n’empêche de mettre la source, c’est faire honneur à celui qui a trouvé l’idée et lui faire de la pub. À partir du moment où ces éléments sont mis sur les blogs, c’est de la publicité, pour autant que le blog soit lu, bien évidemment.
    La Loi LOPPSI 2 a de quoi vous faire dégoûter de faire des blogs et de se demander pourquoi on peut mettre des choses sur facebook sans être inquiété pour autant. C’est que les autres réseaux sociaux ont des modérateurs et il suffit que votre message se trouve dans une altercation entre deux blog-posteurs et votre commentaire de passer aux oubliettes dans les deux heures qui suivent.
    En Azerbaidjan, le jeune Adnan Hajizade en a fait la douloureuse expérience, lui qui a abusé de la liberté d’expression sur son blog pour se retrouver à l’ombre pendant deux ans.
    Ce jeune homme qui vient de retrouver, sans trop y croire encore vraiment, la liberté dans un pays qu’on désigne être une dictature.
    Je suis d’ailleurs atterrée de voir que cette menace sur la liberté d’expression menacée en France ne soulève aucun commentaire ni partage Facebook!
    La Chine adopte un comportement clair, elle censure ce qui se passe en Afrique du Nord pour ne pas donner des idées de Révolution à ses citoyens. Ça, en étant française, j’aurais le droit de l’écrire.
    Mais comment cela se passe-t-il dans nos douces contrées?
    Nous pouvons observer un renversement des rôles. On nous brandit la menace de la minorité des Frères Musulmans de la Tunisie et l’Egypte, pays où la jeunesse ne demande rien d’autre que la liberté alors que nous nous laissons fagociter sans aucune réaction, sans même aucune révolte, prêts à accepter LOPPSI ou ACTA, pactes dénoncés par la Suède, l’Italie et le Royaume-Unis.
    On ne nous supprime pas de libertés, on nous somme d’obéir à des obligations qui deviennent de plus en plus nombreuses.
    C’est à se demander si on marche petit-à-petit vers une auto-dictature emprisonnée dans l’espace Shengen. Moins d’informations, moins d’opinions personnelles, plus d’imbécilités!
    La parade?
    Il nous faudra devenir des cracks en informatique et entrer dans la clandestinité si nous voulons entrer en Résistance. Car tout ce qui n’est pas de Droite ou d’extrême Droite est automatiquement de taxé de mouvance gauchiste en désaccord avec les inepties qui tissent gentiment leur toile WEB autour de nous.
    Il va falloir se faire discret!
  • Les barbes en trempage

    Les tunisiens, avec leur effort, leur courage, avec leurs vies, ont réussi à chasser le tyran. Et ils ne se sont pas arrêtés là: ils ont voulu aller à la racine, et ils poursuivront jusqu’à la disparition du dernier vestige du système.

    Il ne sera pas facile, parce qu’un régime a tellement de racines que les extirper coûtera effort et temps. Nous, les espagnols, connaissons cela. C’est pour cela que nos que nos gouvernants devraient mettre tous les efforts pour aider les tunisiens à réussir l’implantation d’une « plate-junte » qui conduise le pays vers la démocratie. Puisque, avec le Tunisie jusqu’à présent, l’Union Européenne et ses gouvernements n’ont pas été à la hauteur. Ils ont failli offrir au tyran le cadeau du statut avancé dans son association avec l’Europe.

    Les égyptiens ont continué par la même voie. Le travail est plus coûteux, même s’ils ont une icône, Mohamed El Baradei, qui a fait surface au milieu de la turbulence, cherchant à recoller des projets et lançant un défi au dictateur. Mais le problème semble être plus difficile. Les grands pays avec droit au veto aux Nations Unies semblent s’être alliés pour défendre Moubarak, en lui exigeant, c’est vrai, du moins c’est ce qu’ils disent, qu’il fasse des réformes. Des services rendus? On a déjà vu comment ils se sont contentés en 2005 avec une ouverture apparente (quelques Frères Musulmans de plus au Parlement dans une farce électorale), qui s’est envolé dans les élections suivantes, où tout est retourné à son cours autoritaire. Finira-t-il ainsi ce février de l’espoir en Égypte?

    Abattre un tyran (dans le cas de Ben Ali) ou admonester (deuxième avis) un dictateur, semble plus facile que constitutionnaliser un monarque. Surtout si ce monarque (cas du roi du Maroc) campe dans une « démocrature » -pour utiliser l’expression de Juan Linz tant aimée par Abraham Serfaty- avec son auréole de protecteur des déshérités et l’apparence de pluralisme. C’est vrai que la tradition pèse, que 350 ans de dynastie ne se jettent pas par la fenêtre n’importe comment. Que la légitimité religieuse, revêtue de sacralité et culte à la personne, ont aussi des racines populaires profondes. En fin de compte, Lope de Vega l’a déjà dit, que Le meilleur maire, le Roi. Les mauvais, les corrompus, les cleptomanes, sont toujours les subordonnés, on le sait, et le système se sauve toujours en jetant la responsabilité au dernier incommode.

    Mohamed VI a perdu l’occasion de diriger le changement dans les premiers jours de son royaume. Son peuple aurait accepté avec joie – c’est Abdallah Laroui qui le dit- qu’il opte, depuis le premier moment, pour la « modernité » (une véritable monarchie constitutionnelle) au lieu de chercher une accommodation impossible avec « l’authenticité » qui n’était, en réalité, que de « l’archaïsme » pure. Aujourd’hui, le Parti Authenticité et Modernité, le PAM, fruit des intrigues de « l’ami du roi », est la parodie de la politique, même s’il n’est pas plus ridicule que ces partis de courtisans qui, comme l’ancien Parti Communiste Marocain, aujourd’hui Parti du Progrès et du Socialisme, assure par la bouche de son secrétaire général que le Maroc est à couvert d’explosions sociales parce que sa majesté a fait la révolution des jasmins avec ses réformes. Il oublie Gdeym Izik, le camp de dignité sahraoui, qui était le premier germe de cette vague de protestation qui n’en peut plus de toute cette hypocrisie. Parce que, même si la manifestation sahraouie aurait eu – et elle l’avait- sa composante politique spéciale, son point de révolte identitaire qui exprimait le malaise de toute une communauté de jeunes autochtones pour la reconnaissance de droits collectifs, a été, avant tout, une expression de malaise d’une jeunesse marginalisée, sans travail ni alternatives vitales. Comme les fityan contestataires de la Tunisie (en souvenir de cette vieille institution urbaine médiévale du monde islamique, la futuwa, comme nous le rappelait le sociologue tunisien Abdelkader Zghal) ou ceux d’Egypte, d’Algérie ou du Yémen d’aujourd’hui.

    Des voies dispersées réclament, aujourd’hui au Maroc, un changement constitutionnel. Ils sont des intellectuels et membres de la société civile non-cadrés dans des partis. lls le font aussi certains politiques marginales conscients qu’il est temps que le Maroc fasse des changements. Encore une fois, la question de l’irrédentisme nationaliste agit en antidote qui fait dormir pour empêcher ces changements. C’est une honte de voir un dirigeant de la taille de Noubir Amaoui, qui a été capable d’aller en prison dans les années 1980 pour avoir  demandé dans un interview avec El Pais que le roi du Maroc (à l’époque de Hassan II) devait se limiter à régner et non pas à gouverner, ordonner aujourd’hui à son syndicat, dans un autre temps combatif CDT, de couper tous les liens avec les syndicats espagnols CCOO et UGT à cause de leur positions au sujet du Sahara Occidental et Ceuta et Melilla, en abandonnant des programmes entiers de coopération sans conclusion. Une hyper-politisation nationaliste en syntonie avec la politique du premier ministre qui cherche à décharger toutes les responsabilités sur les ennemis extérieurs, l’Algérie et l’Espagne de préférence, en évitant de se centrer sur les véritables problèmes de fond : structurales, dans le politique et dans l’économique.

    Il est comique de rappeler qu’il y a 200 ans, le vieux et fou voyageur catalan Domingo Badia, Ali Bey, rêva d’institutionnaliser le sultan du Maroc. Il ne reste rien de ce qu’il a réellement fait, par contre, il resta ce qu’il avait rêvé ou imaginé. Il nous reste une oeuvre théatrale écrite par lui, la tragédie d’Ali Bey au Maroc, éditée il y a quelques années par Celsa C. Garcia et Michael Mc Gaha (Eunsa, 1999), où il essaie de convaincre Moulay Souleiman et le meilleur de son entourage, face à un bunker archaïque, que la meilleure protection pour la dynastie était « la proclamation et adoption d’une charte constitutionnelle », seule moyen pour consolider la « légitimité et stabilité d’une dynastie ». Dans cette tragédie, Ali Bey a fini par s’enfuir du pays ».

    Mohamed VI se trouve face au dilème d’ouvrir une transition à l’espagnole, qui l’installe comme monarque constitutionnel qui règne mais ne gouverne pas, devenu un symbole politique respecté, ou finir ou succomber, tôt ou tard, à cette nouvelle vague d’exigence de démocratisation qui secoue le monde arabe. Aujourd’hui, peut-être, pas très menaçante encore au Maroc, avec le prétexte de la supposée menace extérieure, mais déjà augurée par son cousin Moulay Hicham, finira par atteindre le pays.

    Ce prince rouge a aussi auguré dans les pages du Monde diplomatique, à la fin des années 1990 que  » si les alaouites veulent perdurer, ils devront changer leur manière de gouverner ».

    Bernabé Lopez est professeur d’Histoire de l’Islam dans l’Université     Autonome de Madrid et membre du Comité Averroès.

  • La France, la Mauritanie et l’organisation terroriste, Alqaeda au Maghreb Islamique ( AQMI), qui tient qui ?

    Les terroristes ont compris depuis longtemps le parti qu’ils pouvaient tirer d’une utilisation judicieuse du temps médiatique. Pour la première fois, en octobre 2010, Oussama Ben Laden s’adresse directement à la France, pays considéré par ses pairs européen, selon certains analystes, comme le maillon faible de la coalition internationale de lutte contre le terrorisme. Alors qu’on ne déplore aucun attentat en France depuis plus de dix ans, la stratégie de psychose et d’instrumentation des menaces terroristes commencée cet été, prend un tour nouveau depuis la mort de deux jeunes français au Niger, au mois de janvier dernier. On le sait, la focalisation de l’attention des medias participe beaucoup à la transformation, dans les représentations de l’opinion publique, du risque d’attentat en menace réelle. Avec des complicités certaines au sein des populations locales de la zone sahélo-saharienne, les islamistes ont montré leur capacité à agir, en matière de prise d’otages – une vingtaine d‘occidentaux – mais ont-ils réellement les moyens de fomenter des attaques en France ou de s‘en prendre aux intérêts français, à l’étranger ?

    Rien ne prouve, dans la situation actuelle de confrontation avec les pouvoirs français, que l’Aqmi a réellement les moyens de mettre ses menaces d’attentats à exécution. Il faut dire que les présidentielles de 2012 se préparent longtemps à l’avance et que le discours sécuritaire et de mise en péril de la nation, favorable aux partis de droite, reste vendeur.

    On constate que la gestion par les pouvoirs publics français de la situation des otages est largement critiquée. Alors que la famille de Vincent Dolory réclame des explications sur sa mort tragique – victime des terroristes ou d’une imprudence française, lors de l’opération militaire du 08 janvier 2011 ?- le comité de soutien des deux journalistes détenus en Afghanistan depuis plus d’un an, affirme, pour sa part, « perdre confiance » en la « gestion politique » de cette affaire. Pourtant, les deux dossiers d’otages semblent bien liés, à en croire le dernier message d’Oussama Ben Laden, exigeant la libération de prisonniers afghans et le retrait des 3.750 soldats français, présents en Afghanistan. Partant du constat de l’absence apparente d’efficacité de la stratégie du gouvernement pour la libération des otages, on peut avancer que cette situation n’aurait servi qu’à une chose, d’une part permettre le renforcement et la présence française dans les zones du Sahel concernées tout en contrant , d’autre part, l’ influence de l’Algérie.

    On assiste, clairement, à un redéploiement, à la fois géographique et stratégique, des forces militaires et sécuritaires de la France en Afrique. La coopération de sécurité et de défense, confiée à la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du Quai d’Orsay, occupe désormais une place primordiale dans la diplomatie française. La nouvelle sémantique, qui vient contrer les soupçons d’ingérence, avec des expressions telles que soutien à la formation et gestion de la résolution des conflits, laisse la porte ouverte à beaucoup d‘interprétations. Le cas de la Mauritanie est un exemple à méditer. Voilà un pays, hier quasi inconnu des medias français, hormis le Paris-Dakar – d’ailleurs victime aussi de la psychose terroriste – désormais régulièrement cité, aux heures de grandes pointes de l‘audimat. Depuis l’opération militaire du 22 juillet 2010 de l’armée mauritanienne, appuyée par les forces françaises et qui n’a pas permis la libération de l’otage Michel Germaneau, les autorités de ce pays n’ont de cesse d’aligner des résultats en matière de traque des membres d’Alqaeda et des narco-trafiquants. Un nouveau palier vient d’être franchi avec les derniers événements, troublants et inquiétants, en date du 02 février dernier, qui font non seulement état d’une tentative d’assassinat du président mauritanien, Mohamd Ould Abdelaziz, mais d’attentats visant l’ambassade de France. On ne peut s’empêcher de se demander, comment un véhicule bourré d’une tonne et demie d’explosifs peut-il traverser cinq régions de la Mauritanie et parcourir plus de 2000 km venant de la frontière malienne, sans encombres, jusqu’à Nouakchott, où il finit, intercepté par les forces de sécurité, pour exploser dans un lieu isolé de la capitale ? Comment interpréter la promptitude du ministère de la défense, à organiser une conférence de presse et à communiquer allégrement sur son action, s’étendant sur les dangers qui menacent le pays ? Comment interpréter le silence des autorités religieuses qui avaient initié le dialogue avec les salafistes, avec la bénédiction du pouvoir ?

    Une seule chose est certaine. On constate, comme pour les autres troubles sécuritaires attribués au terrorisme d’Alqaeda, que les revendications des attentats n’ont pas été véritablement authentifiées, ni dans leurs origines, ni dans leur nature. Comme, à chaque fois, la nécessité de la défense de la nation vient, à point nommé, divertir l’attention du pays de sa situation réelle : pauvreté extrême et crise sociale rampante. Par ailleurs, en indiquant que parmi les auteurs des attentats manqués figuraient des salafistes récemment graciés par le Président Ould Abdelaziz, les sources mauritaniennes ne précisent pas, concernant l’initiative des actions, s’il s’agirait de la vengeance promise, à « l’auxiliaire de la France » par El Khadim Ould Semane alias Aboubakr Soubaii, chef de l’organisation « Ansaroullah al Mourabitounes fi bilad Chinguitt », qui se réclame d’Alqaeda en Mauritanie, ou de l’Aqmi , telle qu’on l’entend généralement. Beaucoup de questions demeurent sans réponse, pour le moment.

    Ce qui n’empêche pourtant pas le ministre français de la coopération, Henri de Raincourt, de déclarer lors de la visite qu’il vient d’achever à Nouakchott, que « Le Président de la République française a souhaité que l’on puisse exprimer au Président de la République mauritanienne toute la reconnaissance de notre pays pour le travail accompli par les forces armées mauritaniennes pour véritablement faire en sorte que cette région du Sahel retrouve la paix et la stabilité» .  » Mais ce serait méconnaitre les mérites de la diplomatie française, que de croire qu’une interrogation et une réflexion sur les capacités réelles du pouvoir mauritanien à agir durablement et favorablement pour les intérêts français de stabilité et de sécurité, n’est pas de mise. Le ministre l’a bien précisé : « la Mauritanie, comme le Niger et le Mali, est une cible « , nuançant la tendance mediatique, en cours, plaçant la Mauritanie comme le principal pays menacé par Aqmi, dans la région. De là à croire que pour l’heure, la Mauritanie ne serait qu’’une couverture et un alibi, à court terme, pour une reprise en main de la région, est un pas que je choisis de ne pas franchir pour le moment … Mais les nouveaux développements qui font état d’activités de l’Aqmi dans le sud du pays et vers le Sénégal, militent en faveur de cette hypothèse.

    Pourquoi cette visibilité du partenariat de la France avec la Mauritanie, alors que c’est au Mali, que se situent les bases connues de l’Aqmi et que c’est dans ce pays que les otages sont détenus ? Selon les spécialistes, le pouvoir malien aurait une conception de la menace terroriste, très différente de celle de son voisin, une conception non militaire, dit-on. Partant de cette analyse, on pourrait, dès lors, mieux comprendre les accusations de la rébellion touarègue, qui menace de reprendre ses activités contre le régime d’Amadou Toumani Touré, l’accusant dans son dernier communiqué du 06 février, d’avoir utilisé « son partenaire l’Aqmi », pour l’affaiblir : « le gouvernement malien a profité de ce désarmement d’une partie importante des Touareg, pour laisser toutes les chances à son partenaire-AQMI d’occuper l’espace Touareg et de s’y enraciner… […] l’Etat malien fait tout simplement la promotion de l’Aqmi dans la Région et lui a permis de s’étendre et de se servir du territoire malien pour mener des actions dans les pays limitrophes

    Le pouvoir malien, accusant de son côté l’Algérie, d’un jeu douteux avec la rébellion touarègue, alors que ce pays dont sont originaires les responsables de l’Aqmi, Droukdel, Belmokhtar, Abouzeid, reproche à la France de mettre à mal la mise en œuvre des accords de Tamanrasset, qui la lient aux pays africains de la sous-région. Dans ce contexte, les difficultés d’une coordination étroite en matière de lutte contre les réseaux terroristes, entre les pays de la sous-région, le Mali, l’Algérie, le Niger, le Burkina-Faso ne sont pas prêtes d‘être levées. Pourtant, la création d’un état-major commun à Tamanrasset s‘avérait d‘un bon augure. Mais le partenariat mauritano-français et l’implication programmée du Maroc, complexifient la donne et permettent de penser, qu’au-delà des discours apparents, en réalité, la partie qui est en train de se jouer pourrait se résumer en un bras de fer entre la France et son « amie de toujours », l’Algérie …

    Edouard de Marault pour Ciesma
    Rédigé par Edouard de Marault pour Ciesma le Mardi 8 Février 2011
    Source :
    http://www.mauritanidees.fr, Janvier 2011

  • Elena Valenciano (PSOE) : « Le Maroc devrait prendre note de la désaffection de la jeunesse » et du « manque d’offres de travail et de grandes libertés ».


    C’est une surprise. Elena Valenciano, la secrétaire de Politique internationale au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE, au gouvernement) vient de faire il y a quelques minutes une déclaration pour le moins inusuelle quand s’agissant du Maroc. Le PSOE étant, avec l’actuel gouvernement espagnol, l’un des plus forts soutiens du régim…e marocain à l’échelle internationale.

    Mme Valenciano a déclaré lors d’un chat avec les lecteurs du quotidien El Mundo que « Le Maroc devrait prendre note de la désaffection de la jeunesse » et du « manque d’offres de travail et de grandes libertés ».

    Valenciano, qui dans le passé, comme son parti, a défendu la « démocratisation » du Maroc, estime cette fois-ci que le royaume alaouite n’est pas différent des autres pays arabes et que des protestations massives « pareilles » à celles de Tunisie et d’Egypte » ne sont pas à exclure. « Les peuples veulent du pain et de la liberté », a-t-elle affirmé.

    Elle a également averti les autorités marocaines qu’il n’était pas non plus impossible qu’une protestation comme celle d’Agdim Izik, au Sahara, puisse se reproduire « faute d’opportunités socioéconomiques ».

    C’est la première fois qu’un responsable européen met en doute la version officielle de « l’exception » marocaine.

     
    Ali Lemrabet (Facebook), 09/02/2011
  • Des intellectuels arabes demandent solidarité avec les aspirations démocratiques du peuple

    Un groupe de plus de 60 intellectuels du Maghreb et du Proche Orient ont signé un manifeste le 3 février où ils remercient et soutiennent les manifestations populaires qui ont commencé en Tunisie et, maintenant, secouent l’Egypte, exigeant ‘des sociétés plus justes et plus humaines, régies par les règles de l’Etat de Droit, universellement établies ».

    Écrivains, sociologues, philosophes, cinéastes, professeurs d’université et peintres demandent à la communauté internationale de « se mettre de côté des combattants pour la liberté », qu’ils dénoncent la répression de régimes dictatoriales comme celui de Moubarak et reconnaissent la légitimité de leurs peuples « à se libérer de joug de l’oppression et à construire la démocratie ».

    Leur appel a été publié un jour après que des personnes pro-Moubarak, parmi eux beaucoup de policiers en civil et fonctionnaires, ont chargé brutalement contre les manifestants anti-gouvernementaux qui se manifestaient pacifiquement dans la Place de la Libération (Tahrir) du centre du Caire. La communauté internationale, jusqu’alors très critiquée par la tiédeur de ses déclarations sur les évènements qui sont entrain de révolutionner certains pays arabes, a commencé à réagir et à demander à Moubarak de cesser la violence.

    Le mnifeste est signé par des personnalités comme Amin Maalouf, l’écrivais libanais qui a gagné le prix Prince des Asturies des Lettres en 2010 et auteur de titres comme Léon L’Africain: le poète libanais aussi Adonis; l’écrivain marocain Kamal Boullata; son compatriote Abdellatif Laâbi, qui a publié une tribune dans ce quotidien le 30 janvier sur la sentiment d’impuissance de la jeunesse de son pays; et l’auteur de Le Lecteur de Bagdad, l’irakien Jabbar Yassine entre beaucoup d’autres.

    Texte intégral du manifeste :

    « Nous exprimons, en premier lieu, notre immense gratitude au peuple tunisien qui a été, sans aucun doute, le précurseur d’une nouvelle ère de lumière dans nos pays, celle de la renaissance citoyenne.  Nous exprimons aussi notre soutien catégorique au peuple égyptien dans sa lutte décisive contre la tyrannie et pour l’instauration de la démocratie. Nous nous inclinons devant ceux et celles qui ont donné leur vie pour la réalisation du rêve confisqué dans nos pays depuis des décennies, le rêve des sociétés plus justes et plus humaines, régies par les règles de l’Etat de Droit, universellement établies : souveraineté populaire dans l’élections de nos représentants et gouvernants, séparation des pouvoirs, égalité devant la loi, redistribution équitative des richesses, éradication de la corruption et garantie des libertés individuelles et collectives, y compris les libertés d’opinion et de croyance.

    Nous le disons haut et fort, aucun pays arabe ne peut se soustraire à ce mouvement irréversible qui s’est, clairement, adjugé la tâche de mettre fin au royaume de l’arbitraire. L’aube qui a commencé dans le monde arabe a, à présent, la couleur de la dignité récupérée et de la liberté. Partous, les peuples y ont pris note. Nous appelons, donc, les intellectuels, où qu’ils se trouvent, à exprimer leur solidarité avec les aspirations des peuples arabes, en particulier le peuple égyptien, dans cette étape critique. Nous appelons, finalement, toutes les instances de la communauté internationale à se mettre du côté des combattants pour la liberté, en dénonçant la répression sauvage dont sont victimes et e, reconnaissant sans ambages, la légitimité des aspirations de nos peuples à se libérer du joug de l’oppression et à construire la démocratie ».

    Premiers signataires :

    Adonis, écrivain (Líban)

    Abdellatif Laâbi, écrivain (Maroc)

    Khalida Saïd, critique littéraire (Líban)

    Issa Makhlouf, écrivain (Líban)

    Amin Maalouf, écrivain (Líban)

    Kamal Boullata, peintre (Palestine)

    Tahar Ben Jelloun, écrivain (Maroc)

    Salah Stétié, écrivain (Líban)

    Mohammed Berrada, escritor (Marruecos)

    Mohammed Bennis, poète (Maroc)

    Qassim Haddad, écrivain (Bahrein)

    Abdessalam Cheddadi, historien (Maroc)

    Jabbar Yassin, écrivain (Irak)

    Anouar Benmalek, écrivain (Algérie)

    Aicha Arnaout, poète (Syrie)

    Zouleikha Abu Richa, écrivain (Jourdan)

    Joumana Haddad, écrivain (Líban)

    Khalid Darwish, écrivain (Palestine)

    Yassin Adnan, écrivain (Maroc)

    Mahi Binebine, peintre (Maroc)

    Amin Salih, écrivain (Bahrein)

    Fouad Laroui, écrivain (Maroc)

    Ahmed El Maanouni, cinéaste (Maroc)

    Karim Bennani, peintre (Maroc)

    Najwan Darwish, écrivain, journaliste (Palestine)

    Mohammed Tozy, sociologue (Maroc)

    Nasser Soumi, peintre (Palestine)

    Amina Saïd, poète (Tunisie)

    Mohammed Hmoudane, écrivain (Maroc)

    Abdelkader Lagtaa, cinéaste (Maroc)

    Siham Benchekroun, écrivain (Maroc)

    Bouthaïna Azami, écrivain (Maroc)

    Driss Allouch, escritor, écrivain (Maroc)

    Hicham Fahmi, écrivain (Maroc)

    Abdelhadi Saïd, écrivain (Maroc)

    Dominique Eddé, écrivain (Líban)

    Driss Chouika, cinéaste (Maroc)

    Farida Benlyazid, cinéaste (Maroc)

    Vénus Khoury-Ghata, écrivain (Líban)

    Etel Adnan, écrivain  (Líban)

    Gérard Khoury, historien (Líban)

    Nabil Abi Chacra, Forum culturel libanais (Líban)

    Jamal Boudouma, écrivain (Maroc)

    Simone Fattal, écrivain (Maroc)

    Nabil El Azan, directeur de théatre (Líban)

    Abderrahman Djelfaoui, écrivain (Algérie)

    Habib Tengour, écrivain (Algérie)

    Abderrahim Yamou, peintre (Maroc)

    Habib Samrakandi, profeseur d’Université (Maroc)

    Driss Ksikes, écrivain (Maroc)

    Mohammed Nedali, écrivain (Maroc)

    Abdellatif Bazi, journaliste (Maroc)

    Nadir Boumaza, professeur d’Université (Algérie)

    Salah Boussrif, poète (Maroc)

    Habib Selmi, écrivain, journaliste (Tunisie)

    Saïd Boukrami, écrivain (Maroc)

    Faraj Bayrakdar, écrivain (Syrie)

    Salah Guemriche, écrivain (Algérie)

    Sabah Kharrat Zouein, écrivain (Liban)

    Abdallah Saaf, professeur d’Université (Maroc)

    Ahmed Bouzfour, écrivain (Maroc)

    Noureddine Saadi, écrivain (Algérie)

    Source : El Pais, 08/02/2011
    Traduction non-officielle de Diaspora Saharaui

  • « Nous sommes dans la fin d’une époque »

    « Que Moubarak reste au pouvoir encore un mois ou un an, ce n’est pas mon souci, ce qui est important c’est que nous sommes dans la fin d’une époque ». Avec cette phrase, Houssine Mmajdoubi, correspondant en Espagne du journal Al Qouds Al-Arabi, l’ont peut résumer le débat organisé à CaixaForum sur les révolutions dans le monde arabe qui ont destitué le gouvernement tunisien et menacent celui de l’Egypte. Une nouvelle période dans laquelle, grâce aux nouveaux médias, comme Twitter et Facebook, les arabes ont ouvert les yeux pour revendiquer la démocratie, et qui va changer de manière radicale le panorama politique dans la région.

    Faut-il craindre la démocratie dans le monde arabe? Quel est le rôle des médias? Pourquoi maintenant? Avec ces questions, le journaliste d’El Pais Javier Valenzuela, initia le débat. Accompagné de Mehdi Cherifi, ex-interprète de la Chambre des Députés de la Tunisie; Mourad Zarrouk, professeur d’études arabes de l’Université Autonome de Madrid (UAM); SirnAdlbi, enquêteuse dans l’Atelier d’Etudes Internationales Méditerranéennes de la UAM, et Imam Amina Ouenzar, rédactrice de Radio Extérieure d’Espagne Femmes, en plus de Majdoubi et le journaliste Ignacio Cembrero.

    « Nous assistons à une révolution modérée, pacifique, dirigée par des femmes et des hommes de tous les âges et tendances politiques », signala Adlbi, pour qui « les peuples arabes ont battu le mur de la peur et du silence » que les maintenait comme le dernier peuple qui, dans son ensemble, ne connaît pas la démocratie. Dans ce sens, les participants étaient unanimes sur le fait que la vague poursuivra son extension vers d’autres pays. « Le Maroc n’a pas de quoi être une exception », commenta Zarrouk. Et que se passera-t-il en Egypte? Ce qui est important n’est pas le temps qui reste à Moubarak au pouvoir, qui est déjà « un cadavre politique », mais que le peuple a de nouvelles manières de voir la politique et que le régime, tôt ou tard, va à céder.

    Dans ces changements les médias jouent un rôle fondamental, parmi lesquelles se trouvent déjà les réseaux sociaux, force de propulsion ces manifestations. « Il y a quelques années, il y avait aussi des révoltes, mais personne ne savait ce qui se passait », dit Ouenzar.Ainsi, Facebook et Twitter, avec Internet, « sont un élément qui est entrain de changer le jeu ».

    La grande nouvelle pour l’Union Européenne, qui n’a pas été capable de prévoir les changements, est que « nous allons devoir cohabiter avec l’inestabilité dans notre frontière sud », tel que signalé par Cembrero. Cette situation est nouvelle pour l’Europe, puisque, jusqu’à présent, elle a toujours parié pour des régimes autoritaires pour éviter la montée de l’islamisme. « Je crois que cohabiter avec une démocratie est plus facile qu’avec une dictature », ajoute le journaliste d’El Pais, qui a parié pour le fait que « si la démocratie triomphe en Tunisie, c’est le modèle qui va être suivi par le reste des peuples ».

    M.A. Médina
    Source : El Pais, 09/02/2011