De Paris, Mokhtar Bendib
Le Courrier d’Algérie, 30/10/2010
– Avant-hier deux journalistes espagnols ont pu rentrer et ressortir avec des images qui passent sur les TV et médias nationaux en Espagne où le sujet commence à être suivi.– Du coup les militaires sont à l’affut des internationaux et des journalistes et resserent les contrôles,ils fouillent beaucoup plus et contrôlent les identités. Hier une journaliste espagnole refoulée, et le photographe qui travaille avec moi également quand il tentait de rentrer cette nuit. Il y a une dizaine de journalistes espagnols présents à Laâyoune (capitale du Sahara Occidental, ndds) ou au Maroc et ils n’ont pas l’autorisation de rentrer.
– Trois militants sahraouis connus pour leurs activités en faveur des droits de l’hommes ont été arrêtés par la police. Ceux présents dans le campement qui avaient prévu de se rendre en Europe n’osent pas sortir de peur de ne pas pouvoir re-rentrer ou d’être arrêtés comme ils ont l’habitude de l’être pour leurs activités militantes.
– De mannière générale les militaires laissent les gens sortir mais les empêchent de rentrer car ils veulent vider le campement. Or les gens ont besoin de sortir pour réapprovisionner le campement, pour se laver, se soigner, pour communiquer des nouvelles à leurs proches.
– L’eau est un problème car il n’y a que deux puits qui délivrent une eau impropre à la consommation sur le campement. Ils limitents à deux bidons/par famille mais ils ne savent pas combien de temps il pourra fournir (voir vidéo 4). Ils dépendent donc des approvisionnements en eau depuis la ville. Depuis hier les militaires fouillent les véhicules et empêchent celles transportant de la nourriture et de l’eau d’entrer. Ils les obligent à décharger. L’objectif est clair il s’agit d’affamer la population pour la forcer à sortir. Quand on sait la détermination des personnes à rester, cela fait craindre le pire.
– L’alimentation qui arrive de l’exterieur est entreposée dans un « magasin » à l’interieur du campement où les familles viennent chercher ce dont elles ont besoin. Cela est auto-géré et se fait sans échange d’argent.
– Les sahraouis dans le campement assurent une sécurité interne et des contrôles et fouilles à l’entrée également (voir vidéo 4) car ils se méfient de toute intrusion de marocains infiltrés qui viendrait semer le trouble en interne pour déstabiliser le campement ou pour donner une occasion aux militaires d’intervenir (agression…). Ils ont déjà découvert un pocilier/gendarme ( ? ) qui avait infiltré le campement. Ils l’ont évaquer.
– Concernant le jeune décédé et enterré sans le consentement de la famille :
– toujours pas de nouvelles des autres blessés et s’ils ont succombé à leurs blessures ou pas, trois ont été transférés à Rabat pour des interrogatoires. L’hopital est toujours sous surveillance et on ne peut pas voir les blessés ou avoir de leurs nouvelles.
– le gouvernement propose aux membres de la famille de l’argent pour étouffer l’affaire
– ils communiquent par le biais des médias nationaux marocains une fausse histoire en disant que ces personnes sont membres de la mafia, ou bien qu’elles transportaient des armes ou bien qu’elles avaient été rejeté du campement par les sahraouis suite à une tentative de viol… bref ils manipulent l’information pour étouffer l’affaire.
– A l’interieur du campement, les sahraouis ont dressé des drapeaux noirs en signe de deuil, observe des minutes de silence et parlent de leur premier martyr depuis le début du campement.
– Des membres du gouvernenement seraient présents pour entamer des négociations. Ils communiquent à la presse que celles-ci sont bien avancées alors qu’elles n’ont même pas commencer. Le gouvernement a demandé aux membres du campement de réaliser un recensement ce qu’ils sont en train de faire. Pour les revendications du campement je vous laisse voir la vidéo 3 (voir plus haut)
– En ce qui nous concerne : nous sommes un peu épuisés et nous aimerions que la presse française vienne prendre le relai. Nous esperons qu’elle traite au moins un minimum le sujet et diffuse les vidéos que nous faisons, sinon notre travail et les risques que nous prenons n’ont pas d’intérêts. Nous sommes enfermés dans une maison sans pouvoir sortir car la police nous surveille. Si nous sortons, nous serons arrêtés et sans possibilité de continuer ce travail ou de pouvoir retourner dans le campement. Nous pouvons éventuellement avoir des problèmes pour continuer notre voyage vers la Mauritanie où nous sommes censés nous rendre. Des internationaux présents dans le campement et réalisant le même travail que nous depuis quelques temps ont déjà reçu des menaces (retrait du passeport, emprisonnement, torture) et ont eu des altercations violentes avec la police lors de leurs arrestations. Leur objectif est bien sur d’intimider les internationaux pour qu’ils partent et qu’il n’y ai ainsi plus aucune information à sortir du campement.
Toujours la même question à se poser : s’il s’agit d’une manifestation pacifique de civils sahraouis; pourquoi les assiéger, pourquoi les encerclés d’un mur, pourquoi bloquer l’entrée au campement et l’approvisionnement en vivres, pourquoi empêcher la presse internationale de faire son travail ?
Le ministre marocain des Affaires étrangères, Taïb Fassi Fihri, s’est déclaré «surpris» par l’importance qu’accordaient les médias espagnols à sa mort brutale. Un événement qui «ne mérite pas autant d’intérêt». Ce n’est qu’un bédouin, aurait-il pu résumer dans son entretien à EFE, l’agence espagnole qui n’a pas été accusée, à l’instar des autres médias ibériques, de faire état d’une seule version à propos de l’assassinat du jeune Najem. Comme si la vérité était multiple et non pas une ! Une chose est certaine : s’il savait sa version crédible, le makhzen aurait, plutôt que d’imposer un black-out, rameuté à ses frais la presse du monde entier. Celle du Polisario en tête !
La 36ème édition de la coordination de soutien au peuple sahraoui (EUCOCO) a débuté hier en début de soirée dans la ville du Mans, à 200 km au sud-ouest de Paris.
Des centaines de parlementaires européens, africains, d’Amérique latine et d’Asie ont pris part à cet événement organisé d’habitude en Espagne.
C’est dans un climat tendu et une organisation catastrophique que la conférence internationale a débuté dans le palais des congrès de la ville du Mans. L’association française «les amis de la RASD», qui chapeaute l’organisation, a eu toutes les peines du monde pour faire face aux délégations, pour cause d’absence de logistique.
C’est le cas notamment des journalistes algériens, dont certains ont carrément passé la nuit à la belle étoile à Paris, à leur arrivée à l’aéroport d’Orly, alors que les organisateurs de la conférence avaient clairement fait savoir qu’il y avait une prise en charge. Ils ont vécu un autre cauchemar une fois arrivés dans la ville du Mans dans la nuit du 28 au 29 octobre.
Les noms des journalistes algériens, pourtant accrédités, ne figuraient sur aucune liste. Pire, l’envoyée spéciale de la radio nationale tombée sur le trottoir a été tout simplement abandonnée à l’hôpital du Mans alors qu’elle venait de subir un «traumatisme crânien» qui lui a valu une intervention dans le bloc opératoire de l’hôpital du Mans. La journaliste de la radio n’a pu se soigner que grâce à la «compassion» des médecins de l’hôpital qui ont bien voulu la prendre en charge sans assurance médicale en France. Aucune indication ni information ne nous a été fournie ni par les responsables des «amis de la RASD» ni par le représentant du Front Polisario à Paris. Au moment où toutes les délégations ont été prises en charge, y compris les journalistes d’autres pays, les représentants des médias algériens étaient hier toujours livrés à eux-mêmes.
Le président sahraoui au Parlement français
A l’initiative des socialistes, le président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Mohamed Abdelaziz, est intervenu jeudi dernier au Parlement français. La présence du président sahraoui est d’autant plus symbolique que la position officielle de la France est plutôt en faveur du Maroc. Mohamed Abdelaziz a affirmé par ailleurs que c’est avec une grande fierté qu’il s’exprime au sein de l’Assemblée et d’un pays dont la démocratie remonte à plusieurs siècles.
Il soulignera que la responsabilité des Nations unies, de l’Espagne et de la France en particulier, est importante dans le règlement du conflit au Sahara Occidental.
«Le Maroc veut imposer une solution unilatérale», a dénoncé en outre le président sahraoui. Et d’affirmer que malgré 35 années d’occupation, de répression, de violation des droits de l’homme et de pillage des richesses du Sahara Occidental, le peuple sahraoui tient à la paix. «Plus de 20.000 Sahraouis ont fui la ville d’El-Ayoun et sont refugiés à travers 8.000 camps de fortune», a déclaré Mohamed Abdelaziz devant une centaine de députés venant de tous les continents. Le responsable du Polisario a averti que la position belliqueuse du royaume du Maroc rend improbable la reprise des négociations. De son côté, Aminatou Haider a remercié les Français pour lui avoir permis de s’exprimer à l’Assemblée nationale. La militante des droits de l’homme, qui était en grève de la faim à Lanzarote (Espagne) en 2009, est revenue longuement sur les conditions de vie déplorables des Sahraouis dans les territoires occupés et les camps de refugiés.
Par ailleurs, «Ouest Républicain» a fait état dans son édition d’hier d’une tension entre la communauté marocaine établie dans la ville du Mans et le maire pour avoir permis l’organisation de la 36ème Eucoco dans sa ville. Sous le titre «Sahara occidental : congrès sous haute tension au Mans», le journal soutient que la conférence internationale de soutien au peuple sahraoui fait réagir un «collectif d’amis du Maroc». Ce dernier a organisé hier une «journée d’information» sur le Sahara Occidental et comptait également organiser hier un gala-surprise gratuit près du circuit des 24 heures du Mans au profit des Marocains établis dans cette ville. La présidente de l’association des amis de la RASD a qualifié le concert de «propagande nationaliste malsaine».
Il faut savoir par ailleurs que le maire socialiste de la ville du Mans, Jean-Claude Boulard, a clairement affiché sa position en faveur de la cause sahraouie et affirme «s’inscrire dans la résolution de l’ONU, qui n’a jamais renoncé au principe de l’autodétermination et que c’est la deuxième fois que sa ville accueille cette conférence» en rappelant que la première fois en 1991, le roi du Maroc avait accepté le principe du référendum.
A noter que la 36ème Eucoco dont les travaux se dérouleront jusqu’au 31 octobre a réuni cette année quelque 400 parlementaires, membres d’ONG, de professeurs d’université et de juristes. Quatre thèmes principaux seront débattus à l’occasion de cette conférence. Il s’agit de «Politique, information et ressources naturelles», «Droits de l’homme, juristes et territoires occupés», «Coopération : santé, aide alimentaire, aide humanitaire, territoires libérés, formation et villes» et enfin «Solidarité populaire : jeunesse, éducation, culture, femmes et syndicats».
par Notre Envoyé Spécial Au Mans (France): Z. Mehdaoui
Des parlementaires espagnols demandent à la Minurso à se rendre dans les campements et à enquêter sur la situation des réfugiés. Donald M. Payne, congresseman américain et président du sous-comité de l’Afrique auprès de la Chambre des représentants demande l’ouverture d’une enquête exhaustive sur la mort du jeune Najem. Il appelle à la surveillance de la situation des droits de l’Homme au Sahara occidental.
– Avant-hier deux journalistes espagnols ont pu rentrer et ressortir avec des images qui passent sur les TV et médias nationaux en Espagne où le sujet commence à être suivi.– Du coup les militaires sont à l’affut des internationaux et des journalistes et resserent les contrôles,ils fouillent beaucoup plus et contrôlent les identités. Hier une journaliste espagnole refoulée, et le photographe qui travaille avec moi également quand il tentait de rentrer cette nuit. Il y a une dizaine de journalistes espagnols présents à Laâyoune (capitale du Sahara Occidental, ndds) ou au Maroc et ils n’ont pas l’autorisation de rentrer.
– Trois militants sahraouis connus pour leurs activités en faveur des droits de l’hommes ont été arrêtés par la police. Ceux présents dans le campement qui avaient prévu de se rendre en Europe n’osent pas sortir de peur de ne pas pouvoir re-rentrer ou d’être arrêtés comme ils ont l’habitude de l’être pour leurs activités militantes.
– De mannière générale les militaires laissent les gens sortir mais les empêchent de rentrer car ils veulent vider le campement. Or les gens ont besoin de sortir pour réapprovisionner le campement, pour se laver, se soigner, pour communiquer des nouvelles à leurs proches.
– L’eau est un problème car il n’y a que deux puits qui délivrent une eau impropre à la consommation sur le campement. Ils limitents à deux bidons/par famille mais ils ne savent pas combien de temps il pourra fournir (voir vidéo 4). Ils dépendent donc des approvisionnements en eau depuis la ville. Depuis hier les militaires fouillent les véhicules et empêchent celles transportant de la nourriture et de l’eau d’entrer. Ils les obligent à décharger. L’objectif est clair il s’agit d’affamer la population pour la forcer à sortir. Quand on sait la détermination des personnes à rester, cela fait craindre le pire.
– L’alimentation qui arrive de l’exterieur est entreposée dans un « magasin » à l’interieur du campement où les familles viennent chercher ce dont elles ont besoin. Cela est auto-géré et se fait sans échange d’argent.
– Les sahraouis dans le campement assurent une sécurité interne et des contrôles et fouilles à l’entrée également (voir vidéo 4) car ils se méfient de toute intrusion de marocains infiltrés qui viendrait semer le trouble en interne pour déstabiliser le campement ou pour donner une occasion aux militaires d’intervenir (agression…). Ils ont déjà découvert un pocilier/gendarme ( ? ) qui avait infiltré le campement. Ils l’ont évaquer.
– Concernant le jeune décédé et enterré sans le consentement de la famille :
– toujours pas de nouvelles des autres blessés et s’ils ont succombé à leurs blessures ou pas, trois ont été transférés à Rabat pour des interrogatoires. L’hopital est toujours sous surveillance et on ne peut pas voir les blessés ou avoir de leurs nouvelles.
– le gouvernement propose aux membres de la famille de l’argent pour étouffer l’affaire
– ils communiquent par le biais des médias nationaux marocains une fausse histoire en disant que ces personnes sont membres de la mafia, ou bien qu’elles transportaient des armes ou bien qu’elles avaient été rejeté du campement par les sahraouis suite à une tentative de viol… bref ils manipulent l’information pour étouffer l’affaire.
– A l’interieur du campement, les sahraouis ont dressé des drapeaux noirs en signe de deuil, observe des minutes de silence et parlent de leur premier martyr depuis le début du campement.
– Des membres du gouvernenement seraient présents pour entamer des négociations. Ils communiquent à la presse que celles-ci sont bien avancées alors qu’elles n’ont même pas commencer. Le gouvernement a demandé aux membres du campement de réaliser un recensement ce qu’ils sont en train de faire. Pour les revendications du campement je vous laisse voir la vidéo 3 (voir plus haut)
– En ce qui nous concerne : nous sommes un peu épuisés et nous aimerions que la presse française vienne prendre le relai. Nous esperons qu’elle traite au moins un minimum le sujet et diffuse les vidéos que nous faisons, sinon notre travail et les risques que nous prenons n’ont pas d’intérêts. Nous sommes enfermés dans une maison sans pouvoir sortir car la police nous surveille. Si nous sortons, nous serons arrêtés et sans possibilité de continuer ce travail ou de pouvoir retourner dans le campement. Nous pouvons éventuellement avoir des problèmes pour continuer notre voyage vers la Mauritanie où nous sommes censés nous rendre. Des internationaux présents dans le campement et réalisant le même travail que nous depuis quelques temps ont déjà reçu des menaces (retrait du passeport, emprisonnement, torture) et ont eu des altercations violentes avec la police lors de leurs arrestations. Leur objectif est bien sur d’intimider les internationaux pour qu’ils partent et qu’il n’y ai ainsi plus aucune information à sortir du campement.
Toujours la même question à se poser : s’il s’agit d’une manifestation pacifique de civils sahraouis; pourquoi les assiéger, pourquoi les encerclés d’un mur, pourquoi bloquer l’entrée au campement et l’approvisionnement en vivres, pourquoi empêcher la presse internationale de faire son travail ?
Le ministre marocain des Affaires étrangères, Taïb Fassi Fihri, s’est déclaré «surpris» par l’importance qu’accordaient les médias espagnols à sa mort brutale. Un événement qui «ne mérite pas autant d’intérêt». Ce n’est qu’un bédouin, aurait-il pu résumer dans son entretien à EFE, l’agence espagnole qui n’a pas été accusée, à l’instar des autres médias ibériques, de faire état d’une seule version à propos de l’assassinat du jeune Najem. Comme si la vérité était multiple et non pas une ! Une chose est certaine : s’il savait sa version crédible, le makhzen aurait, plutôt que d’imposer un black-out, rameuté à ses frais la presse du monde entier. Celle du Polisario en tête !
Le ministère des Territoires Occupés du Polisario affirme que la police – les assassins de Elgarhi étaient des militaires – n’a informé ses parents qu’une fois le sépulcre achevé. Ils dénoncent que le cadavre de l’enfant “a été séquestré” et que “la famille n’avait point donné son consentement”. En outre, ils ajoutent que “sa mère n’a pu voir une dernière fois le visage de Elgarhi”.
Le Polisario considère l’action une “ruse cruelle” et dit qu’on n’avait pas permis à ses parents, ni à ses voisins, “de lui faire leurs derniers adieux et de lui montrer leur respect”.
Du côté marocain, seul le silence a, encore une fois, répondu à nos questions sur ces faits.
Guinguinbali, 26/10/2010
C’était le vendredi 29 octobre 1965, il y a 45 ans jour pour jour. Le plus célèbre opposant marocain, Mehdi Ben Barka, était enlevé en plein coeur de Paris, devant la brasserie Lipp. Un rassemblement y aura lieu ce soir, à 18h30, selon la volonté de la veuve et des fils de l’ancien leader tiers mondiste.
Quarante-cinq ans après, cette disparition reste une énigme. Le roi Hassan II a-t-il commandité l’enlèvement ? Les services français ont-ils été complices ? La mort de l’opposant n’avait-elle pas été planifiée ? Qu’est devenu son corps ?
Beaucoup de questions restent sans réponse.
Malgré les pressions dont il ferait l’objet, un juge, Patrick Ramaël garde l’espoir de connaître un jour la vérité. Il est le huitième magistrat à hériter de ce dossier.
Il y a quelques semaines, il a réussi à mener une perquisition à la DGSE, les services secrets français. Il a fait saisir 23 dossiers classés « secret défense ». Ces archives du Sdece (service de documentation extérieure et de contre-espionnage) viennent d’être déclassifiées. Hervé Morin, le ministre de la Défense, a donné son feu vert. Ces documents concernent des personnalités marocaines et d’anciens truands français qui pourraient être mêlés à l’enlèvement de Ben Barka.
Raison d’Etat
Bachir Ben Barka, l’un des fils de l’opposant à Hassan II espère que ces documents permettront de répondre aux questions que sa famille se pose depuis 45 ans. « Tant qu’on n’aura pas les réponses, on ne pourra pas faire notre deuil », assure-t-il. « Toutes les responsabilités ont-elles été établies ? Il y a eu une volonté politique, marocaine, d’éliminer mon père. Et cette volonté à trouver des complicités. Beaucoup de questions restent sans réponse car il y a une raison d’Etat qui fait que l’action de la justice ne peut pas aller jusqu’au bout. Comment se fait-il qu’aujourd’hui encore, la justice ne puisse interroger un certain nombre de personnes au Maroc ? Il y a eu des pressions ! », tempête Bachir Ben Barka.
En fait, la famille Ben Barka a acquis la certitude que tout est fait pour empêcher le juge Patrick Ramaël de mener à bien ses investigations. « On tente de l’écarter car son enquête heurte les intérêts diplomatiques« , dit aussi l’avocat de la famille. « Le régime actuel français est toujours très lié avec le Maroc : vacances à Marrakech, échanges, tentatives de vente d’avions au Maroc, etc. Ces relations économiques et commerciales font que Ben Barka est un mort qui gêne ! », affirme maître Maurice Buttin.
Le juge, objet d’une enquête
Coïncidence ou pas, on a appris il y a quelques jours que le juge Ramaël faisait l’objet d’une enquête admnistrative à demande de la ministre de la Justice. La juge Corinne Goetzmann, membre de l’Association française des magistrats instructeurs (Afmi), y voit une tentative de destabilisation de Patrick Ramaël. « Il y a trois ans, le juge avait décerné des mandats d’arrêt contre des personnalités marocaines », raconte Corinne Goetzmann. « A cette époque, il aurait été qualifié d’irresponsable par sa hiérarchie selon un article paru dans la presse. Cela démontre bien que les actes judiciaires qu’il accomplit sont critiqués par sa hiérarchie et aussi par le politique », conclut la magistrate.
Il faut dire qu’il y a trois ans, le pouvoir avait pu s’agacer de la méthode employée par le juge. Un vrai « coup » médiatique : il avait délivré ces quatre mandats d’arrêts internationaux le jour même où le président Nicolas Sarkozy atterrissait au Maroc, accompagné par la ministre de la Justice Rachida Dati, pour un voyage officiel. Au risque de créer un incident diplomatique.
Reste qu’à la demande du Parquet, ces mandats n’ont jamais été diffusés. Ils sont bloqués depuis trois ans. « Les documents transmis à Interpol ne sont pas assez complets et pas assez motivés », nous explique-t-on à la Chancellerie.
Le juge Patrick Ramaël n’a jamais pu entendre ces personnes qu’il soupconne d’être mêlées a l’enlèvement de Ben Barka. Parmi elles, le général Hosni Benslimane, ex-capitaine, actuel chef de la gendarmerie royale, et Miloud Tounsi. Le juge a fait appel à un expert en graphologie pour prouver que Miloud Tounsi, un Marocain de 75 ans vivant à Rabat (à quelques centaines de mètres de l’avenue Ben Barka, pour la petite histoire) n’est autre que Larbi Chtouki, membre présumé du commando marocain auteur de l’enlèvement du 29 octobre 1965.
Un charnier à Rabat ?
Le juge aurait également souhaité pouvoir visiter ce que certains appellent le « PF 3« , dont l’existence est niée par le Maroc. Le « point fixe 3″ serait une prison secrète de Rabat, dont l’existence a été confirmée par plusieurs témoins du dossier. Selon eux, les quatre truands français mêlés à la disparitions de Ben Barka y auraient été enfermés, exécutés, puis enterrés. C’est là aussi que serait enterrée la tête de Mehdi Ben Barka, ramenée comme preuve au roi après que l’enlèvement à Paris a mal tourné.
Le juge Patrick Ramaël n’a jamais pu accéder au « PF 3″, mais un grand reporter de France 3 l’a retrouvé, il l’a même filmé. Joseph Tual est le seul à avoir obtenu des images des ruines de cette ancienne prison où, selon lui, serait enterrée une centaine d’opposants à Hassan II. Un charnier sur lequel aujourd’hui poussent des orangers, entre des murs de béton et des barbelés.
Ces révélations ont valu à Joseph Tual des pressions et des menaces. « Cet endroit est la boîte de Pandore d’Hassan II, vu tous les ennuis qu’on m’a faits après avoir filmé cet endroit ! », lâche le grand reporter de France Télévisions. Le journaliste marocain qui l’a aidé à localiser le « PF 3″ aurait été incarcéré pendant huit mois, il n’aurait plus le droit d’exercer. Jospeh Tual a reçu des menaces verbales. Il a été le destinataire par la Poste de cercueils en papier.
Malgré ces pressions, la vérité sur les circonstances de la mort de l’opposant marocain peut encore éclater. Mais il faut aller vite. Les acteurs présumés de l’enlèvement Ben Barka qui seraient toujours en vie sont âgés. « Peu importe ce qui leur arrive », confie Bachir Ben Barka, « on ne souhaite pas qu’ils soient condamnés. Ce qu’on veut, c’est qu’ils nous apportent leur part de vérité ».
Elodie Guéguen