Mois : octobre 2010

  • Escalade dans les camps d’El Aaiun occupée: thème primordial d’une réunion extraordinaire de du SN du Front Polisario

    Chahid El Hafed (camps de réfugiés), 23/10/2010 (SPS) Le Secrétariat national du Front Polisario (SNS), a tenu samedi une réunion extraordinaire autour de l’escalade de l’état de siège imposé par les forces d’occupation marocaines à des milliers personnes installées dans des camps à Gdeim Izik (12km) à l’Est de la ville occupée d’el Aaiun, a-t-on appris samedi de source officielle.
    La réunion extraordinaire du SN débattra également, les résultats de la récente visite de l’envoyé personnel du SG de l’ONU pour le Sahara occidental, Christopher Ross dans la région et les futures négociations entre le Polisario et le Maroc, ainsi que d’autres questions du jour, a indiqué la même source.

    Le Polisario a réitéré sa volonté de coopérer avec l’Envoyé spécial du SG de leurs efforts pour trouver une solution juste et durable du conflit au Sahara occidental, qui garantisse le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.

    Cette réunion se tient au moment où les forces d’occupation marocaines maintiennent un état de siège sans précédent autour de ces camps, situés à 12 km à l’Est d’El Aaiun, afin d’empêcher l’accès des moyens les plus élémentaires pour la survie, notamment en eau, nourriture et en médicaments.

    Quelques 15. 000 à 20. 000 sahraouis s’installent dans plus de 5.000 tentes qu’ils ont dressés depuis plus de deux semaines pour protester contre la répression, les mauvaises conditions de vie et le pillage des ressources naturelles de leur territoire par l’occupant marocain.

    Plus de 41 personnes ont été gravement blessés au cours d’une intervention brutale des forces marocaines, alors qu’elles tentaient de rejoindre les camps affamés, rappelle-t-on. (SPS).
  • Procés marocain sans les accusés sahraouis, violences déplacées

    Le procés des 7 défenseurs sahraouis des droits de l’hommes, les 7 de Salé, prévu le 15 octobre 2010 a été reporté au 5 novembre.

    Ils ont été arrétés le 8 octobre 2009 à leur retour d’une visite aux campements de réfugiés et 4 sont en liberté provisoire. Pour les 7, le maintien en prison ou la liberté conditionnelle, c’est sans jugement, et sans plus trop de charges non plus… puisque le tribunal militaire c’est déclaré incompétent des charges retenues depuis un an. Lire http://apsoinfo.blogspot.com/2010/09/le-tribunal-militaire-marocain-se-dit.html

    Les trois toujours incarcérés à Salé n’ont pas été sortis de prison et n’étaient pas présent au tribunal pour leur jugement. Les 4 en liberté conditionnelle étaient présents, bien que n’ayant pas reçu de convocation.

    Des avocats marocains présents dans la salle ont violement attaqué verbalement et physiquement les sahraouis et les observateurs internationaux.

    Le rapport des observatrices françaises est la : http://apsoinfo.blogspot.com/2010/10/les-avocats-marocains-cognent-les.html

    Elles soulignent le vide juridique et l’illégalité du traitement des 7 prévenus.

    Suite à ce simulacre de jugement auquel ils n’ont pas été présentés, les 3 prisonniers de Salé annoncent qu’ils vont à nouveau faire grève de la faim mardi et mercredi, 19 et 20 octobre 2010, en geste de protestation, pour demander leur jugement ou relaxe immédiate. Leur déclaration est la : http://apsoinfo.blogspot.com/2010/10/nouvelle-greve-de-la-faim-sahraouie.html

    Christopher Ross, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour la question de la décolonisation du Sahara Occidental est en visite dans la région, Maroc, Algérie, Mauritanie, RASD, pour préparer la prochaine rencontre de négociation entre les Sahraouis et les marocains.

    Il ne pourra pas plus contourner l’actualité de ce jugement où des avocats marocains se sont transformés en voyous haineux, que la réalité de ces barrières métalliques que le Maroc dresse pour cerner les campements de l’indépendance, signe de protestation de plusieurs milliers de sahraouis, exilés volontaires sur leur propre terre dans le désert loin de leur ville occupée. Pour voir les photos http://apsophotos.blogspot.com

    Apso, le 18 octobre 2010
  • Campements de l’indépendance sahraouie, barricades marocaines

    Les campements de familles sahraouies, partis notamment de El Aaiun (Sahara Occidental occupé) pour s’installer dans le désert à un vingtaine de kilomètres à l’Est continuent de grossir. http://apsophotos.blogspot.com/2010/10/campements-sahraouis-de-lindependance.html

    Le 16 octobre, un comuniqué du ministère sahraoui de l’information évaluaient à plusieurs milliers de personnes le nombre des exilés, et rappellaient au Maroc ses obligations en matière du droit humanitaire international, relatif à la protection des populations civiles en temps de guerre.

    Il lançait un appel à la Communauté internationale, notamment au Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme pour mettre en application, sans délai, la quatrième Convention de Genève de 1949.

    Actuellement, les marocains dressent un cordon des barrieres métalliques utilisées pour les barrages routiers pour cerner le campement et empécher la circulation. http://apsophotos.blogspot.com/2010/10/le-16-octobre-2010.html

    C’est la nuit que les véhicules des services de santé, les camion citernes, ou les voitures sahraouies apportant le ravitaillement peuvent passer.

    http://apsophotos.blogspot.com/2010/10/leau-campements-de-lindependance-sahara.html

    S’il est difficile depuis la terre de faire un comptage précis du nombre de tente, et d’en évaluer ainsi les personnes exilées, les nombreux moyens aériens déployés par les autorités coloniales marocaines leur permettent d’avoir une estimation précise, dont ils ne font pourtant aucune publicité.

    Les «campements de l’indépendance », de la résistance, phénomène nouveau dans la protestation pacifique sahraouie et très important dans son ampleur ne trouve pas d’écho dans la presse européenne.

    Faudra-t’il à l’horreur du parcage, des barrières et des intimidations ajouter du tragique pour qu’enfin l’impunité marocaine cède, que le vernis craque et que l’information circule ?

    Que soient dénoncées les méthodes barbares du colonisateur à l’heure où la communauté international dit attendre sa bonne foi dans les négociations de paix ?

    APSO, 18 octobre 2010
  • Campements sahraouis de la résistance, pacifisme contre violence

    Les campements de sahraouis exilés, de 20 à 30 tentes et installés en dehors des villes de Boujdour et Smara occupées ont été violemment dispersés par des interventions répétées de la gendarmerie marocaine.

    Le campement d’une quarantaine de tentes installé prés du Port de El Aaiun résiste, mais les sahraouis sont empêchés de le rejoindre.

    Les campements situés à 25 kilomètres de El Aaiun (territoires occupés du Sahara Occidental) sont organisés très efficacement par les jeunes sahraouis.

    Selon un recensement fait le 19 octobre, 2200 tentes étaient plantées. Des familles et des jeunes arrivent tous les jours et toutes les nuits malgré les barrages de la gendarmerie. L’estimation aujourd’hui est de plus de 4000 tentes.

    Les violentes attaques des forces de sécurités marocaines sont régulières contre les Sahraouis qui veulent accéder aux campements pour apporter l’eau les ravitaillements, ou conduire de nouveaux exilés. Les attaques à coup de pierre contre les voitures, des interpellations et enlèvements pour tabassages, les tirs à balles réelles, ont fait une quarantaine de blessés hier, dont des femmes des enfants et des vieillards.

    Cela n’empêchent pas les sahraouis de recommencer dès qu’ils le peuvent par une autre piste, et parfois après s’être organisés en convoi. Voir les photos et les vidéos.
    http://apsoinfo.blogspot.com/2010/10/les-exiles-sahraouis-sur-leurs-terres.html

    Le comité d’organisation des camps, composés de jeunes sahraouis pour beaucoup diplômés chômeurs, comporte un groupe de protection qui veille sur les campements 24h sur 24, un groupe d’information et d’organisation des concertations, un groupe attaché à l’organisation de le distribution de l’eau.

    Il manque sur place du personnel de santé. Il n’y a en effet pas de jeunes sahraouis médecins à El Aaiun.

    Les démonstrations et provocations des forces marocaines, les camions de militaires, les barrières qui cernent les camps, hélicoptères, avions, engins de démolition en tout genre les violences démentent les propos du ministre marocains de l’information. Celui-ci a déclaré à propos des campements qu’ils étaient l’expression de revendications socio-économiques normales, et ajouté : « nous appuyons les revendications légitimes ». http://www.map.ma/fr/sections/accueil/m._naciri___le_dress/view

    Après une rencontre du comité d’organisation des campements avec les autorités marocaines, il ressort que les revendications des sahraouis qui ont ainsi choisi de s’exiler sur leur propre terre en dehors de leur ville occupée ne sont pas, ou plus, d’ordre socio-économiques. À l’exigence des autorités d’un recensement exact des campements et de l’identification précise des participants pouvant prétendre à un emploi ou autre avantage, les sahraouis exilés ont déclaré qu’ils revendiquaient l’application du droit international à l’autodétermination de leur peuple sur sa terre et ses ressources naturelles, et pas autre chose. Il serait bon en effet que le Maroc respecte ses engagements devant la communauté internationale et appuie les revendications sahraouies par la mise en place du referendum d’autodétermination comportant les choix rattachement ou indépendance.

    La stratégie marocaine habituelle consistant à casser les mouvements de revendication par des promesses semble avoir fait long feu. D’autant qu’à bien les examiner, ces promesses d’emploi ou autres jamais tenues, coûtaient cher à la population sahraouie qui devaient fournir à chaque fois les photocopies de ses diplômes et identité dûment légalisées (contre paiement auprès des autorités marocaines…).

    APSO, 23 octobre 2010.

  • La situation s’aggrave dans les territoires sahraouis occupés par le Maroc

    La situation dans la camp de protestation levé par la population des territoires occupés du Sahara Occidental devient de plus en plus grave. La police et l’armée encerclent le camp et des renforts venus du nord du Maroc sont attendus. Plusieurs agressions contre la population civile se sont soldés de dizaines de blessures, dont certaines très graves.

    Les forces de répression empêchent l’accès de nourriture, d’eau et des médicaments à la population en exode. Même des membres de la MINURSO se sont vus refuser l’accès au camp sahraoui.

    Le camp de protestation pacifique contre les conditions de vie dans les territoires occupés par le Maroc, situé à quelques kilomètres de la ville d’El Aaiun, est composé de plus de 5000 tentes et près de 15.000 personnes. Il est difficile de comprendre la passivité de la communauté internationale et du HCR devant une catastrophe humanitaire imminente. 
  • La situation s’aggrave dans les territoires sahraouis occupés par le Maroc

    La situation dans la camp de protestation levé par la population des territoires occupés du Sahara Occidental devient de plus en plus grave. La police et l’armée encerclent le camp et des renforts venus du nord du Maroc sont attendus. Plusieurs agressions contre la population civile se sont soldés de dizaines de blessures, dont certaines très graves.

    Les forces de répression empêchent l’accès de nourriture, d’eau et des médicaments à la population en exode. Même des membres de la MINURSO se sont vus refuser l’accès au camp sahraoui.

    Le camp de protestation pacifique contre les conditions de vie dans les territoires occupés par le Maroc, situé à quelques kilomètres de la ville d’El Aaiun, est composé de plus de 5000 tentes et près de 15.000 personnes. Il est difficile de comprendre la passivité de la communauté internationale et du HCR devant une catastrophe humanitaire imminente. 
  • Démo-despotisme

    Entre la démocratie et le despotisme, il y a une station intermédiaire. C’est, selon un spécialiste, là où se trouve le Maroc de Mohammed VI. 

    “Mohammed VI déçoit ou rassure”. C’est par ce constat bipolaire que s’ouvre un essai passionnant du Pr Bernard Cubertafond, qui dresse le bilan de la première décennie de règne de Mohammed VI*. Selon le politologue français et spécialiste du Maroc, le roi “déçoit” ceux qui espéraient une rapide transition démocratique (c.à.d le repli de 

    l’institution monarchique sur une fonction symbolique, tandis que le pouvoir serait confié aux élus du peuple)… et “rassure” ceux qui redoutaient l’abandon du pouvoir royal absolu (aux yeux de ses adeptes, l’unique rempart possible contre l’anarchie, notamment islamiste). Pour autant, le bilan est en demi-teinte : si Mohammed VI n’a pas établi une démocratie à la Juan Carlos, il n’a pas restauré non plus un régime despotique à la Hassan II. Pour qualifier le régime monarchique actuel, le Pr Cubertafond parle de “démo-despotisme” : une “forme de despotisme éclairé tempéré par des éléments démocratiques ou pseudo-démocratiques”, qui se caractérise notamment par “une réalité juridique à mi chemin entre l’Etat de police et l’Etat de droit : une légalité fluctuante à la discrétion des pouvoirs royaux, administratifs et de l’argent, non une légalité définie par les représentants et garantie par une justice indépendante”.

    L’analyse est particulièrement fine et intelligente… mais, néanmoins, quelque peu trompeuse. A l’en croire, en effet, le régime marocain se serait finalement stabilisé dans cette posture, grâce à une pratique réfléchie du “deux pas en avant, un pas en arrière, ou l’inverse” – autrement dit, les avancées et les reculs obéissent à un savant dosage visant à maintenir le statu quo “démo-despotique”. C’est là où je ne suis plus d’accord. Ce que le Maroc a vécu ces 10 dernières années, ce n’est pas “deux pas en avant, un pas en arrière, ou l’inverse” mais plutôt “deux pas en avant, un pas en arrière, puis l’inverse”. 

    D’un point de vue démocratique, la première moitié du règne de Mohammed VI a en effet enregistré quelques “pas en arrière” : désignation d’un Premier ministre – Driss Jettou – non issu des urnes, premières atteintes à la liberté de la presse (interdictions du Journal, Assahifa et Demain), etc. Mais les “pas en avant” étaient tout de même plus nombreux : proclamation d’un “nouveau concept de l’autorité” plus citoyen que sécuritaire, quasi-mise à plat des années de plomb via le processus IER, volonté de transparence des business privés de la famille royale, instauration d’une Moudawana révolutionnaire, louables efforts de gouvernance du gouvernement Jettou, élargissement sans précédent du champ de la liberté d’expression, etc. Puis, quelque part au milieu de la décennie, la tendance s’est inversée. 

    Les “pas en arrière” sont devenus plus fréquents et plus nombreux : dérive policière, d’abord justifiée par la lutte antiterroriste avant de devenir une dynamique autonome, domestication de la scène politique, phagocytée par un nouveau parti du Palais, problèmes de gouvernance mis en lumière par des rapports internationaux de plus en plus défavorables, hégémonie et opacité croissantes des business royaux, musellement puis étouffement progressif de la presse indépendante… Quant aux “pas en avant” du Pouvoir, ils sont aujourd’hui de plus en plus rares : poursuite de l’effort d’infrastructures, quelques réformes techniques salutaires comme le nouveau Code de la route… et quoi d’autre, au fond ? 

    Au Maroc, le “démo-despotisme” n’a été qu’une séquence – une séquence dont nous sommes en train de sortir. Avant elle, il y a eu une séquence de volonté (ou du moins d’espoir) démocratique. Et après elle… Si la tendance en œuvre depuis quelques années se poursuit, il faudra, pour qualifier la prochaine séquence, abandonner tout simplement le préfixe “démo”. Au Maroc, cela dit, rien n’est jamais sûr. C’est le propre des régimes extrêmement personnalisés : leur premier facteur d’évolution n’est pas systémique, mais humain. Or, rien n’échappe plus aux grilles d’analyse que le facteur humain, par essence imprévisible. Le pire est probable, mais il n’est pas garanti. Le meilleur est improbable, mais il n’est pas exclu… 
    * Bernard Cubertafond, Le démo-despotisme de Mohammed VI, in Annuaire français de relations internationales, volume XI, La documentation française, 2010.
    Ahmed Réda Benchemsi
    Tel Quel, 23/10/2010

  • Israël-Maroc : Une occasion peut-être ratée

    L’information avait été discrètement publiée le vendredi 15 octobre mais elle n’avait été confirmée officiellement que plus tard. Le journal israélien Maariv venait de dévoiler qu’une visite officielle du président Shimon Pérès au Maroc était planifiée dans les deux semaines à venir. Depuis sa nomination, le président ne s’est pas contenté du rôle purement honorifique que lui accordent les lois de l’Etat. Il s’est attribué partiellement les fonctions d’Avigdor Lieberman, le ministre des affaires étrangères, qui n’a pas réussi à percer en Europe et dans les pays arabes et qui reste persona non grata dans beaucoup de Chancelleries.

    Invitation officielle

    Shimon Pérès avait bien reçu une invitation officielle du roi Mohammed VI pour le rencontrer en son palais de Rabat en vue de participer à des réunions avec les dirigeants politiques et les décideurs économiques chérifiens. Cette rencontre était prévue en marge du Forum économique Mondial sur la région du Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA) qui se tiendra du 26 au 28 octobre à Marrakech sous le thème « Sens, Résilience et Prospérité ».

    Le président de l’Etat d’Israël avait été invité alors que le Maroc avait rompu ses relations diplomatiques à la suite de l’intifada Al-Aqsa en 2000. Le dernier délégué Gadi Golan, qui avait rang d’ambassadeur, avait été appelé à cesser ses fonctions au moment même où le représentant marocain rentrait dans son pays. Mais cela n’avait pas empêché plusieurs personnalités israéliennes de s’y rendre, en particulier la chef de l’opposition Tsipi Livni.

    L’information de ce voyage avait suscité des interrogations sur sa finalité. Le Maroc est certes partie prenante dans le débat avec les palestiniens et le président de l’Etat juif pouvait profiter de demander au roi du Maroc d’intercéder auprès de la Ligue Arabe pour modérer sa position dans la reprise des négociations avec les palestiniens. Des indiscrétions tendaient cependant à accréditer l’idée que ce voyage avait un objectif plus ambitieux : la préparation du rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Des témoins locaux ont confirmé que les anciens bureaux de la délégation diplomatique israélienne de Rabat sont en cours de remise en état. Ils font désormais l’objet de surveillance de la part de la sécurité marocaine qui anticipe déjà l’arrivée de diplomates israéliens.

    Des pourparlers secrets ont été menés sous la houlette du ministre israélien Sylvain Shalom, ancien ministre des affaires étrangères, tandis que l’ancien ambassadeur en Egypte, Shalom Cohen, s’était joint à la négociation. L’implication de Shimon Pérès n’avait rien d’exceptionnelle puisque, déjà en 2005, alors vice-premier ministre du gouvernement Sharon, il avait dévoilé à la chaine Al-Jazzera « qu’un accord de principe pour le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays avait été conclu entre lui et le roi du Maroc » à l’occasion de leur rencontre à Madrid pour la commémoration de l’attentat du 11 mars 2004. Il semble qu’au terme de cette dernière visite une annonce exceptionnelle de reprise des liens officiels devait être concrétisée.
    Discrétion marocaine

    Les autorités officielles marocaines avaient refusé de se prononcer sur cette question puisque le ministre marocain Fassi Fihri s’était montré réservé lorsque la rencontre avait été éventée : « Nous avons d’ailleurs apporté un démenti clair et net aux rumeurs qui ont circulé dernièrement sur l’éventualité de l’ouverture de représentations diplomatiques entre ces deux pays ». Il avait cependant confirmé l’invitation faite à Shimon Pérès car « il s’agit d’écouter tout le monde pour agir en connaissance de cause ».

    Le chef de l’Etat israélien avait aussi prévu de rencontrer les dirigeants de la communauté juive marocaine qui sont paradoxalement très frileux en ce qui concerne le rétablissement des relations entre Israël et le Maroc parce qu’ils le jugent précipité. Serge Berdugo, responsable de la communauté juive du Maroc, n’appréciait pas l’objectif de ce voyage : « Nous sommes persuadés que toute initiative dans le sens d’une reprise des relations diplomatiques entre ces deux pays devrait probablement, pour être efficace, préalablement attendre un progrès substantiel, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, de la paix au Proche-Orient et notamment dans le conflit entre Israël et la Palestine. »

    Les Etats-Unis ont certainement favorisé la reprise de ces contacts car le Maroc entre dans leur stratégie gagnante impliquant que juifs et arabes doivent être de « véritables partenaires politiques et économiques  » pour que la paix intervienne. Lors de son discours à l’Assemblée générale de l’Onu, le président américain Barack Obama avait appelé les pays arabes à entamer le dialogue et à normaliser leurs relations avec Israël : « Le monde doit contribuer à la création d’un État palestinien dans un an ». Il persistait dans sa volonté de créer un axe des pays modérés pouvant contrebalancer l’influence de l’Iran en l’aidant dans le combat contre Al-Qaeda. Il est fortement probable que des pressions ont été exercées contre le jeune roi mais la réaction des organisations marocaines avait été sous-estimée. L’annulation de la visite représente donc une victoire des opposants à la normalisation avec Israël.

    Cette approche visant à rétablir des relations avec Israël est en effet vivement combattue par la Syrie, le Liban, le Soudan et le Yémen bien que certains pays arabes aient assimilé l’idée que la guerre ne favorisera pas l’émergence d’un Etat palestinien. Le roi Mohammed VI a donc pris cette nouvelle initiative parce qu’il souhaitait que les négociations entre israéliens et palestiniens se poursuivent, loin de « l’immobilisme et de l’obstruction ». Il voulait bien montrer sa solidarité avec le peuple palestinien mais avec modération et réalisme face au « fait israélien ».

    Les autorités israéliennes ne ménagent pas leurs efforts pour régulariser la situation avec le Maroc. Déjà en 2009, Avigdor Lieberman avait rencontré en secret à New-York son homologue marocain Fassi Fihri. Un mois plus tard, Tsipi Livni, chef de l’opposition avait participé à une conférence économique internationale à Tanger. Elle avait reçu un accueil digne d’un chef d’Etat puisque le gouvernement marocain avait mis à sa disposition une vingtaine de gardes du corps et bloqué la circulation de la ville pour sa sécurité.

    Le président syrien Bachar El-Assad s’est inquiété de ce développement politique nouveau au point de se rendre le 17 octobre auprès du roi Abdallah d’Arabie Saoudite, le parrain politique du roi du Maroc, pour s’enquérir de sa position dans ce débat. Contrairement à ce qui avait été écrit, le voyage d’Ahmadinejad au Liban n’était certainement pas au menu de ses discussions mais plutôt l’initiative marocaine.

    L’Etat d’Israël estime que le royaume chérifien tient une place fondamentale dans sa stratégie car il peut jouer un rôle de médiateur entre lui et ses voisins du Proche-Orient. Avec l’Arabie Saoudite et la Jordanie, il peut créer une force d’opposition aux chiites en général et aux pays de « l’axe du mal » en particulier. Le Maroc pouvait donc être parmi les rares pays arabes à avoir des relations formelles et cordiales avec Jérusalem. Il pouvait entraîner d’autres pays à le suivre favorisant ainsi l’émergence d’une solution pacifique au Proche-Orient. Il semble à présent qu’on veuille empêcher le roi du Maroc de s’engager dans cette voie. En refusant de recevoir Shimon Pérès, alors qu’il sait que les règles israéliennes ne permettent pas au président israélien de visiter un pays sans voir son chef d’Etat, il a reporté sur Israël la responsabilité de l’échec de ce qui aurait pu être une bonne occasion pour le Proche-Orient.
    Par Jacques BENILLOUCHE
    Source : Temps et Contretemps, 20/10/2010
  • Démo-despotisme

    Entre la démocratie et le despotisme, il y a une station intermédiaire. C’est, selon un spécialiste, là où se trouve le Maroc de Mohammed VI. 

    “Mohammed VI déçoit ou rassure”. C’est par ce constat bipolaire que s’ouvre un essai passionnant du Pr Bernard Cubertafond, qui dresse le bilan de la première décennie de règne de Mohammed VI*. Selon le politologue français et spécialiste du Maroc, le roi “déçoit” ceux qui espéraient une rapide transition démocratique (c.à.d le repli de 

    l’institution monarchique sur une fonction symbolique, tandis que le pouvoir serait confié aux élus du peuple)… et “rassure” ceux qui redoutaient l’abandon du pouvoir royal absolu (aux yeux de ses adeptes, l’unique rempart possible contre l’anarchie, notamment islamiste). Pour autant, le bilan est en demi-teinte : si Mohammed VI n’a pas établi une démocratie à la Juan Carlos, il n’a pas restauré non plus un régime despotique à la Hassan II. Pour qualifier le régime monarchique actuel, le Pr Cubertafond parle de “démo-despotisme” : une “forme de despotisme éclairé tempéré par des éléments démocratiques ou pseudo-démocratiques”, qui se caractérise notamment par “une réalité juridique à mi chemin entre l’Etat de police et l’Etat de droit : une légalité fluctuante à la discrétion des pouvoirs royaux, administratifs et de l’argent, non une légalité définie par les représentants et garantie par une justice indépendante”.

    L’analyse est particulièrement fine et intelligente… mais, néanmoins, quelque peu trompeuse. A l’en croire, en effet, le régime marocain se serait finalement stabilisé dans cette posture, grâce à une pratique réfléchie du “deux pas en avant, un pas en arrière, ou l’inverse” – autrement dit, les avancées et les reculs obéissent à un savant dosage visant à maintenir le statu quo “démo-despotique”. C’est là où je ne suis plus d’accord. Ce que le Maroc a vécu ces 10 dernières années, ce n’est pas “deux pas en avant, un pas en arrière, ou l’inverse” mais plutôt “deux pas en avant, un pas en arrière, puis l’inverse”. 

    D’un point de vue démocratique, la première moitié du règne de Mohammed VI a en effet enregistré quelques “pas en arrière” : désignation d’un Premier ministre – Driss Jettou – non issu des urnes, premières atteintes à la liberté de la presse (interdictions du Journal, Assahifa et Demain), etc. Mais les “pas en avant” étaient tout de même plus nombreux : proclamation d’un “nouveau concept de l’autorité” plus citoyen que sécuritaire, quasi-mise à plat des années de plomb via le processus IER, volonté de transparence des business privés de la famille royale, instauration d’une Moudawana révolutionnaire, louables efforts de gouvernance du gouvernement Jettou, élargissement sans précédent du champ de la liberté d’expression, etc. Puis, quelque part au milieu de la décennie, la tendance s’est inversée. 

    Les “pas en arrière” sont devenus plus fréquents et plus nombreux : dérive policière, d’abord justifiée par la lutte antiterroriste avant de devenir une dynamique autonome, domestication de la scène politique, phagocytée par un nouveau parti du Palais, problèmes de gouvernance mis en lumière par des rapports internationaux de plus en plus défavorables, hégémonie et opacité croissantes des business royaux, musellement puis étouffement progressif de la presse indépendante… Quant aux “pas en avant” du Pouvoir, ils sont aujourd’hui de plus en plus rares : poursuite de l’effort d’infrastructures, quelques réformes techniques salutaires comme le nouveau Code de la route… et quoi d’autre, au fond ? 

    Au Maroc, le “démo-despotisme” n’a été qu’une séquence – une séquence dont nous sommes en train de sortir. Avant elle, il y a eu une séquence de volonté (ou du moins d’espoir) démocratique. Et après elle… Si la tendance en œuvre depuis quelques années se poursuit, il faudra, pour qualifier la prochaine séquence, abandonner tout simplement le préfixe “démo”. Au Maroc, cela dit, rien n’est jamais sûr. C’est le propre des régimes extrêmement personnalisés : leur premier facteur d’évolution n’est pas systémique, mais humain. Or, rien n’échappe plus aux grilles d’analyse que le facteur humain, par essence imprévisible. Le pire est probable, mais il n’est pas garanti. Le meilleur est improbable, mais il n’est pas exclu… 
    * Bernard Cubertafond, Le démo-despotisme de Mohammed VI, in Annuaire français de relations internationales, volume XI, La documentation française, 2010.
    Ahmed Réda Benchemsi
    Tel Quel, 23/10/2010

  • Israël-Maroc : Une occasion peut-être ratée

    L’information avait été discrètement publiée le vendredi 15 octobre mais elle n’avait été confirmée officiellement que plus tard. Le journal israélien Maariv venait de dévoiler qu’une visite officielle du président Shimon Pérès au Maroc était planifiée dans les deux semaines à venir. Depuis sa nomination, le président ne s’est pas contenté du rôle purement honorifique que lui accordent les lois de l’Etat. Il s’est attribué partiellement les fonctions d’Avigdor Lieberman, le ministre des affaires étrangères, qui n’a pas réussi à percer en Europe et dans les pays arabes et qui reste persona non grata dans beaucoup de Chancelleries.

    Invitation officielle

    Shimon Pérès avait bien reçu une invitation officielle du roi Mohammed VI pour le rencontrer en son palais de Rabat en vue de participer à des réunions avec les dirigeants politiques et les décideurs économiques chérifiens. Cette rencontre était prévue en marge du Forum économique Mondial sur la région du Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA) qui se tiendra du 26 au 28 octobre à Marrakech sous le thème « Sens, Résilience et Prospérité ».

    Le président de l’Etat d’Israël avait été invité alors que le Maroc avait rompu ses relations diplomatiques à la suite de l’intifada Al-Aqsa en 2000. Le dernier délégué Gadi Golan, qui avait rang d’ambassadeur, avait été appelé à cesser ses fonctions au moment même où le représentant marocain rentrait dans son pays. Mais cela n’avait pas empêché plusieurs personnalités israéliennes de s’y rendre, en particulier la chef de l’opposition Tsipi Livni.

    L’information de ce voyage avait suscité des interrogations sur sa finalité. Le Maroc est certes partie prenante dans le débat avec les palestiniens et le président de l’Etat juif pouvait profiter de demander au roi du Maroc d’intercéder auprès de la Ligue Arabe pour modérer sa position dans la reprise des négociations avec les palestiniens. Des indiscrétions tendaient cependant à accréditer l’idée que ce voyage avait un objectif plus ambitieux : la préparation du rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Des témoins locaux ont confirmé que les anciens bureaux de la délégation diplomatique israélienne de Rabat sont en cours de remise en état. Ils font désormais l’objet de surveillance de la part de la sécurité marocaine qui anticipe déjà l’arrivée de diplomates israéliens.

    Des pourparlers secrets ont été menés sous la houlette du ministre israélien Sylvain Shalom, ancien ministre des affaires étrangères, tandis que l’ancien ambassadeur en Egypte, Shalom Cohen, s’était joint à la négociation. L’implication de Shimon Pérès n’avait rien d’exceptionnelle puisque, déjà en 2005, alors vice-premier ministre du gouvernement Sharon, il avait dévoilé à la chaine Al-Jazzera « qu’un accord de principe pour le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays avait été conclu entre lui et le roi du Maroc » à l’occasion de leur rencontre à Madrid pour la commémoration de l’attentat du 11 mars 2004. Il semble qu’au terme de cette dernière visite une annonce exceptionnelle de reprise des liens officiels devait être concrétisée.
    Discrétion marocaine

    Les autorités officielles marocaines avaient refusé de se prononcer sur cette question puisque le ministre marocain Fassi Fihri s’était montré réservé lorsque la rencontre avait été éventée : « Nous avons d’ailleurs apporté un démenti clair et net aux rumeurs qui ont circulé dernièrement sur l’éventualité de l’ouverture de représentations diplomatiques entre ces deux pays ». Il avait cependant confirmé l’invitation faite à Shimon Pérès car « il s’agit d’écouter tout le monde pour agir en connaissance de cause ».

    Le chef de l’Etat israélien avait aussi prévu de rencontrer les dirigeants de la communauté juive marocaine qui sont paradoxalement très frileux en ce qui concerne le rétablissement des relations entre Israël et le Maroc parce qu’ils le jugent précipité. Serge Berdugo, responsable de la communauté juive du Maroc, n’appréciait pas l’objectif de ce voyage : « Nous sommes persuadés que toute initiative dans le sens d’une reprise des relations diplomatiques entre ces deux pays devrait probablement, pour être efficace, préalablement attendre un progrès substantiel, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, de la paix au Proche-Orient et notamment dans le conflit entre Israël et la Palestine. »

    Les Etats-Unis ont certainement favorisé la reprise de ces contacts car le Maroc entre dans leur stratégie gagnante impliquant que juifs et arabes doivent être de « véritables partenaires politiques et économiques  » pour que la paix intervienne. Lors de son discours à l’Assemblée générale de l’Onu, le président américain Barack Obama avait appelé les pays arabes à entamer le dialogue et à normaliser leurs relations avec Israël : « Le monde doit contribuer à la création d’un État palestinien dans un an ». Il persistait dans sa volonté de créer un axe des pays modérés pouvant contrebalancer l’influence de l’Iran en l’aidant dans le combat contre Al-Qaeda. Il est fortement probable que des pressions ont été exercées contre le jeune roi mais la réaction des organisations marocaines avait été sous-estimée. L’annulation de la visite représente donc une victoire des opposants à la normalisation avec Israël.

    Cette approche visant à rétablir des relations avec Israël est en effet vivement combattue par la Syrie, le Liban, le Soudan et le Yémen bien que certains pays arabes aient assimilé l’idée que la guerre ne favorisera pas l’émergence d’un Etat palestinien. Le roi Mohammed VI a donc pris cette nouvelle initiative parce qu’il souhaitait que les négociations entre israéliens et palestiniens se poursuivent, loin de « l’immobilisme et de l’obstruction ». Il voulait bien montrer sa solidarité avec le peuple palestinien mais avec modération et réalisme face au « fait israélien ».

    Les autorités israéliennes ne ménagent pas leurs efforts pour régulariser la situation avec le Maroc. Déjà en 2009, Avigdor Lieberman avait rencontré en secret à New-York son homologue marocain Fassi Fihri. Un mois plus tard, Tsipi Livni, chef de l’opposition avait participé à une conférence économique internationale à Tanger. Elle avait reçu un accueil digne d’un chef d’Etat puisque le gouvernement marocain avait mis à sa disposition une vingtaine de gardes du corps et bloqué la circulation de la ville pour sa sécurité.

    Le président syrien Bachar El-Assad s’est inquiété de ce développement politique nouveau au point de se rendre le 17 octobre auprès du roi Abdallah d’Arabie Saoudite, le parrain politique du roi du Maroc, pour s’enquérir de sa position dans ce débat. Contrairement à ce qui avait été écrit, le voyage d’Ahmadinejad au Liban n’était certainement pas au menu de ses discussions mais plutôt l’initiative marocaine.

    L’Etat d’Israël estime que le royaume chérifien tient une place fondamentale dans sa stratégie car il peut jouer un rôle de médiateur entre lui et ses voisins du Proche-Orient. Avec l’Arabie Saoudite et la Jordanie, il peut créer une force d’opposition aux chiites en général et aux pays de « l’axe du mal » en particulier. Le Maroc pouvait donc être parmi les rares pays arabes à avoir des relations formelles et cordiales avec Jérusalem. Il pouvait entraîner d’autres pays à le suivre favorisant ainsi l’émergence d’une solution pacifique au Proche-Orient. Il semble à présent qu’on veuille empêcher le roi du Maroc de s’engager dans cette voie. En refusant de recevoir Shimon Pérès, alors qu’il sait que les règles israéliennes ne permettent pas au président israélien de visiter un pays sans voir son chef d’Etat, il a reporté sur Israël la responsabilité de l’échec de ce qui aurait pu être une bonne occasion pour le Proche-Orient.
    Par Jacques BENILLOUCHE
    Source : Temps et Contretemps, 20/10/2010