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  • Note d’analyse : La question du Sahara occidental

    Par  Alice Corbet, postdoctorante au CÉRIUM  
    La grève de la faim de la militante sahraouie Aminatou Haidar a replacé la question du Sahara occidental au devant de l’actualité. Celle-ci a été hospitalisée dans la nuit du 16 au 17 décembre après plus d’un mois de grève de la faim. Or, depuis 1991, la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) fait rarement la une des médias. Marc-André Anzueto et Étienne Tremblay-Champagne, agents de recherche au ROP, s’entretiennent avec Alice Corbet, membre experte du ROP et spécialiste du Sahara occidental, afin d’en connaître davantage sur les dessous de « l’affaire Aminatou Haidar ».
    Pourriez-vous nous présenter le conflit, ses enjeux et les différents acteurs impliqués, tant au niveau local que régional ? Comment leurs perspectives ont évolué avec le temps ?
    Grande question ! Ce sujet demande de remonter dans l’histoire, jusqu’à essayer de démêler les possibles relations d’allégeances qu’il y a pu avoir entre certaines tribus du Sahara envers leurs voisins au XIXeme siècle ! Il ne faut pas oublier que le Sahara occidental n’a jamais été « Terra nullius », c’est à dire « territoire sans maître ». Le Sahara était parcouru par des tribus qui avaient établis divers rapports politiques et économiques, avant que le colonisateur espagnol ne vienne installer des « comptoirs » sur la côte Atlantique, tout en n’ayant des relations que très ponctuelles avec les Maures qui séjournaient autour et traversaient le territoire. Relire les carnets de voyage de Douls en 1888, de Vieuchange en 1932, ou même Courrier Sud, de Saint-Exupéry, permet de cerner en quoi le territoire tout comme les personnes qui le sillonnent ont longtemps été revêches à toute forme de domination exogène. Malheur aux aventuriers perdus, aux marins échoués sur la côte, ou aux aviateurs de l’aéropostale qui tombaient dans le désert !
    En bref, il faut établir que nous sommes ici en présence de diverses tribus, enchevêtrées dans de fluctuants rapports d’allégeance. Après la colonisation mosaïque de l’Espagne, le territoire a été envahi lors de la Marche verte, ce qui a permis à Hassan II de mobiliser son peuple à l’encontre d’une cause présentée comme viscérale, et d’accroître son territoire face à l’Algérie et à la Mauritanie. Cette dernière s’est vite retirée pour stabiliser sa viabilité en tant que pays indépendant, alors que des réfugiés (les Sahraouis qui composaient ces tribus) fuyaient en direction de l’Algérie. Depuis, le Maroc a découvert dans ce qu’il nomme « territoires du Sud » de forts potentiels économiques notamment les poissons, le phosphate, le sable et le tourisme. Mais tout cela a été nuancé, jusqu’au cessez-le-feu de 1991, par la contestation active du Front Polisario, qui a amené le Maroc à construire « ses murs de défense » ; et dans un second temps, par la légitimité du royaume alaouite à exploiter un territoire qui n’a toujours pas de reconnaissance juridique internationale claire.
    Ainsi, il faut considérer ce conflit à partir de divers enjeux politiques, économiques et juridiques. L’échelle des acteurs s’étale, grossièrement, des revendications des tribus pré-existantes à la colonisation, pour la plupart fédérées par le Front Polisario, jusqu’aux enjeux géopolitiques régionaux internationaux. L’Espagne s’est enfermée dans un sentiment de culpabilisation mais son gouvernement s’est retiré de tout rôle véritablement actif quant à la résolution du conflit. L’ONU, qui a affirmé depuis 1975 que le problème devait être résolu par un référendum d’autodétermination, se voit aujourd’hui encore dans l’incapacité de mettre en œuvre son programme. Elle se résout à assurer une mission de « surveillance » à travers la MINURSO qui tente en vain d’essayer d’établir une liste pour la réalisation du referendum depuis 30 ans ! À noter que l’ONU ne reconnaît pas la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD), mais le Front Polisario comme un représentant légitime du peuple sahraoui. Signalons enfin que aucun des États membres de l’ONU ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.
    La France est trop alliée avec le Maroc pour oser le contester sur ce point territorial et a toujours soutenu Hassan II pour qui ce support était primordial. Les États-Unis, dont les technologies et celles d’Israël ont aidé à construire le mur de défense marocain, adoptent également un rôle ambivalent et désengagé. L’Union européenne (UE), ainsi que la plupart des instances internationales, se voient très prudentes face au conflit. En fait, c’est un sujet délicat qui peut les mettre en cause dans l’exploitation économique du territoire tout comme dans leurs relations avec le Maroc, devenu un acteur majeur de l’Afrique du Nord. Enfin, l’Union africaine (UA) est elle-même dans une impasse, car le Front Polisario y siège depuis 1982 alors que le Maroc s’en est retiré, coupant du coup toute possibilité au dialogue et privant l’organisation d’un allié majeur. Dans cette complexité où se jouent à la fois des conflits d’historicité et de territoires, personne ne sait vraiment sur quelle échelle intervenir, ni à partir de quelles bases.
    Aminatou Haidar, une militante de renommée internationale, effectue une grève de la faim dans un aéroport des iles Canaries depuis son expulsion du Maroc le 13 novembre 2009. Elle avait alors indiqué « Sahara occidental » comme pays d’origine alors qu’elle tentait de rejoindre Laâyoune, au Sahara occidental. Les médias s’intéressent de plus en plus à cette affaire alors que son état de santé se dégrade. Pourriez-vous commenter l’évènement et ses répercussions ?
    Tout d’abord, on voit bien ici comment les médias fonctionnent. Aminatou Haidar milite depuis de longues années pour la résolution du conflit, elle a d’ailleurs été emprisonnée deux fois et a reçu divers prix et récompenses pour son action. Mais il faut attendre qu’elle amène sa « valeur symbolique » de militante médiatisée ajoutée à son corps mis en souffrance dans un lieu public pour que les leviers de l’empathie et de la révolte soulevés permettent d’entendre parler de sa cause au niveau international. Je dis cela, car plusieurs personnes ont effectué des grèves de la faim ou d’autres manifestations extrêmes, et que quasiment personne ne s’intéressait à eux.
    Enfin, cette action force l’Espagne à s’engager dans le conflit, alors qu’elle s’est toujours détachée du problème du Sahara occidental pour ne pas s’y empêtrer, bien que l’histoire liant les deux régions est très forte. Ainsi, la militante a refusé le passeport espagnol qu’on lui proposait, et est de fait devenue « sans papier », confrontant les divers acteurs devant le conflit : sa personne est ainsi transcendée par l’attitude à adopter sur une thème élevé au domaine politique. La tension entre l’Espagne et le Maroc est accentuée par le truchement de l’histoire d’Aminatou Haidar. Le Maroc tente de s’échapper de cette mauvaise passe en rejetant la faute sur l’attitude de la résistante sahraouie, tout en impliquant l’Algérie et demandant à ce que l’Espagne s’adresse plutôt au gouvernement algérien pour résoudre le problème. Or, l’actuel ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, a déclaré le 7 décembre que l’Algérie collaborait et adoptait une attitude constructive au sujet de la situation d’Aminatou Haidar, ce qui a poussé le Maroc à menacer d’interrompre la coopération en matière des sujets aussi sensibles que l’immigration et le terrorisme ! On le voit, « l’affaire Aminatou Haidar » dépasse le cadre de sa personne et mène à exposer le cas du Sahara occidental et à attiser les tensions… Et aujourd’hui, Ban Ki-Moon tout comme l’UE s’alarment.
    Il faut rappeler que « l’affaire Aminatou Haidar » se produit alors que le discours marocain envers le Sahara occidental se durcit.
    Il y a d’abord eu l’histoire de sept militants pro-sahraouis qui ont été arrêtés en octobre au Maroc alors qu’ils revenaient d’une visite des camps. Unanimement qualifiés comme « séparatistes de l’intérieur » et « traîtres », ils ont été incarcérés dans des conditions difficiles, et bien que les informations soient compliquées à obtenir (on ne sait pas, aujourd’hui, où sont les prisonniers), les médias les présentent comme accusés « de haute trahison », « d’intelligence avec l’ennemi » et « d’atteinte à l’intégrité territoriale », chefs d’accusation qui échappent à la justice civile. Ils seront donc jugés devant un tribunal militaire (donc avec une défense extrêmement réduite), et risquent, au pire, la peine de mort commuée en perpétuité.
    À cela s’ajoute le discours prononcé en novembre par Mohamed VI, à l’occasion de l’anniversaire de la Marche Verte (la marche populaire organisée par Hassan II pour prendre possession du Sahara occidental en 1975), et qui a été très offensif -et contenait des tonalités répressives envers toutes possibilités de contestation. Le roi y rappelle que l’on doit adhérer inconditionnellement à la Mère-Patrie et à sa personne -incarnation de dieu- sans quoi on est un ennemi ( « L’heure est à la clarté : ou on est patriote ou on est traître » , 6 novembre 2009). Cela disqualifie bien sûr toute tentative de négocier au sujet du Sahara occidental, ou de faire des concessions au niveau personnel comme collectif. Ces mots ont eu un impact fort sur tous les partis politiques, syndicats et militants pro-marocains, mais aussi sur tout le système étatique et médiatique qui s’aligne sur la ligne directrice donnée par le roi.
    Pour résumer, disons que « l’affaire Haidar » arrive dans un contexte où l’espoir envers un assouplissement des relations au sujet des sahraouis est fermement contenu par le Maroc ; aujourd’hui les positions sont renforcées et durcies, ce qui permet d’expliquer le regain des tensions autour d’Aminatou Haidar.
    Selon vous quelles seraient les répercussions entre les relations Maroc/Sahara occidental en cas de décès de Mme Haidar ?
    La répercussion serait avant tout médiatique. Il y aurait sans doute un élan de protestation général, de la part de nombreux États, de toutes les organisations de défense des droits de l’homme, ainsi que de celles qui soutiennent le Front Polisario. À n’en pas douter, cela durcirait les positions de chacun et encouragerait les pays partisans du Sahara occidental d’affirmer leur position. Les pays européens, et notamment l’Espagne, pourraient être obligés d’établir une position claire vis-à-vis du Maroc. Bref, la médiatisation permettrait de révéler le conflit et les nombreux enjeux qui se trament, au niveau politique, économique, des droits de l’homme, etc. C’est sans doute de cet élan de visibilité que le Polisario tenterait de jouer, alors que sa cause, jusqu’alors oubliée, s’incarnerait dans des faits et des personnes. Cet élan international pourrait aussi donner l’occasion de faire connaître le conflit à tous, et même aux Algériens ou Marocains, que la propagande garde dans l’ignorance de nombreux enjeux liés au Sahara occidental.
    Est-ce que l’affaire Haidar risque d’accentuer le conflit entre le Maroc et l’Algérie ?
    Accentuer est un grand mot… Il faut rappeler qu’un mur de 2600 km de long a été construit par les Marocains entre les territoires occupés par le Maroc, le long de l’océan Atlantique, et ceux reconquis par le Polisario. Cela ajouté à l’établissement contesté des frontières, doublé par des bases militaires des deux côtés, montre en quoi les deux « frères ennemis » sont en « guerre froide » depuis déjà bien longtemps. En fait, l’Algérie soutient le Front Polisario et accueille ses réfugiés. Ainsi, le Sahara occidental indépendant offrirait de nombreux avantages à l’Algérie. Mais il faut avant tout considérer le problème du Sahara occidental comme un conflit de décolonisation, avec la question juridique d’un territoire abandonné par les Espagnols en 1975, plutôt que comme un conflit mineur, instrumentalisé par le Maroc ou l’Algérie. Ce serait désensibiliser les militants et tous les Sahraouis qui se battent, quotidiennement, pour faire valoir leurs droits… ou au moins essayer d’exister au regard du droit international. L’histoire entre le Sahara occidental et le Maroc a sa propre autonomie, et pour comprendre tout ce puzzle géopolitique, il faut la discerner des disputes algéro-marocaines. Et considérer avant tout la question de la décolonisation, la guerre active Polisario-Maroc, et le cessez-le-feu de 1991 après la construction des murs de défense marocains.
    Comment voyez vous le rôle des associations pro-saharouies (ex : issues de l’UE)
    Ce sont avant tout des associations de pression, de lobbying, qui se consacrent à faire connaître la cause sahraouie auprès des politiciens et auprès du grand public à travers quelques forums. Mais tant que le conflit reste peu médiatisé et écrasé par les efforts du Maroc (qui effectue diverses pressions, dès que quelque chose est organisé sur le sujet, même si c’est un colloque scientifique), ces efforts ont peu d’envergure et d’impact. C’est, me semble-t-il, la grande question du moment, prise en compte par les acteurs : tant que le conflit ne fait pas « la une » des préoccupations, personne ne s’en occupera, car chacun préfère jouer de l’indétermination actuelle qui arrange beaucoup les relations diplomatiques générales. En particulier les rapports entre le Maroc et l’UE, mais également Maroc/Algérie pour qui l’indécision est devenue un mode de communication. Même un début de famine dans les camps reste ignoré ; car comment attirer l’attention sur une famine de personnes dont on ignore l’existence, même au Maroc ou en Algérie ? Il me semble que la lassitude, la déception face à un processus de paix médiatisé par l’ONU complètement ensablé, et le désespoir pousse les sahraouis à mener des opérations de moins en moins diplomatiques.
    De plus, il ne faut pas oublier que plusieurs Sahraouis vivent sous la domination marocaine, dans les « territoires du Sud ». Si certains ont adopté la position marocaine, d’autres se voient opprimés (la liberté d’expression au Maroc est extrêmement réduite sur ce thème, qui plus est depuis cet automne). Ainsi, certains peuvent être amenés à vouloir extrémiser leur lutte, à travers des réseaux terroristes qui se mettent en place dans cette région de non-droit, ou l’exception permanente instaurée par le conflit glace autant la population locale qu’elle n’ouvre les portes aux prêcheurs de la révolte. En outre, malgré l’investissement financier et symbolique très fort du royaume alaouite dans le Sahara occidental (lequel est matérialisé par la façon dont les villes sont aménagées), il faut noter que même des Marocains installés dans le Sud sont souvent prêts à adhérer par des activités de protestation, lesquelles restent à nuancer, car elles sont loin d’être terroristes ! Espoirs déçus, lassitude et ennuis sont décidément des notions prépondérantes, des deux côtés du mur et pour toutes les populations. Quand un peuple entier est oublié, après 30 ans de lutte, ceux qui vivent dans cette ambiance de refoulement peuvent sans doute tenter de prendre le corps comme porte-parole de leur cause et s’enfoncer dans des logiques destructives qui amèneraient, enfin et hélas, le conflit au premier plan des préoccupations internationales.
    Mise à part l’Algérie, qui supporte le Front Polisario ?
    Le Front Polisario est aussi soutenu par de nombreux pays qui ont reconnu l’existence de la RASD qui a été proclamée en 1976. La liste des pays qui soutiennent cette république en exil, dont l’exercice a lieu pour l’heure dans les camps de réfugiés, varie selon les efforts diplomatiques de chacun. Mais la plupart des pays de l’ex-bloc soviétique, du mouvement des non-alignés, ainsi que beaucoup d’État d’Amérique latine, dont Cuba et le Venezuela, entretiennent des liens forts avec les Sahraouis. Ces derniers se font notamment au travers des échanges d’étudiants et différentes formes de financements. En fait, diverses associations de soutien s’activent à travers le monde, mais elles sont restreintes et leur portée est assez nuancée. Elles influent sur les déclarations de prises de position prises par les partis contestataires (majoritairement de gauche), mais leur lobbying est surtout écouté grâce à certains acteurs engagées, en particulier en Espagne où la population connaît le sujet à travers son l’histoire. Assez tristement, on peu dire que plus que des acteurs politiques, ce sont des personnages médiatiques qui permettent de faire connaître le conflit et bouger les engagements : les acteurs Angelina Jolie ou Xavier Bardem, ainsi que le chanteur Manu Chao, mobilisés à travers ces diverses associations, ont un impact bien plus fort sur l’opinion générale que les efforts politiques menés par l’ONU depuis des années.
    Vous avez souvent visité des camps de réfugiés sahraouis, pourriez-vous raconter vos expériences ? Comment-ce conflit est-il vu concrètement par la population ?
    Les camps ont été installés dès 1975, au début de la révolte sahraouie qui s’est d’abord concentrée sur le colonisateur espagnol avant de se focaliser sur le Maroc. Il y a cinq, plus un camp où sont réunis les organisations humanitaires et les bâtiments de la RASD, situés non loin de Tindouf, au Sud-Ouest de l’Algérie, dans une zone extrêmement aride. Le Front Polisario y a donc instauré une République en exil, et en a pris en main toute l’organisation. D’ailleurs, il est passionnant de voir comment on a fait nation à travers les camps de réfugiés, l’exil donnant l’opportunité à la population de prendre conscience d’elle-même, de faire peuple. Bref, mon expérience est une longue histoire, mais je tiens à témoigner de l’organisation assez poussée des camps, grâce à cet effort quasi étatique du Front Polisario, qui les administre à partir d’idéaux démocratiques tiers-mondistes qui ont marqué sa création. Je n’ai d’ailleurs eu aucun problème à faire ce que je voulais sur le terrain, tout en gardant une attitude d’anthropologue : je vivais avec les réfugiés, j’ai appris la langue, et je ne faisais pas de vagues.
    Toutefois, dans des camps de réfugiés, la cause politique importe plus que la cause humaine. Les Sahraouis sont dépendants de l’aide, et les camps en eux-mêmes sont devenus des images de légitimation de leur cause. Les conditions de vie sont très difficiles, à cause du climat et de divers problèmes de gestion, sur tous les niveaux : il arrive ainsi que l’eau, apportée d’Algérie par camions-citerne, soit en retard ! Il y a de gros problèmes de coordination et d’entente sur les responsabilités entre les ONG et le Front Polisario.
    De manière générale, il est évident que la population des camps se lasse. D’une part, il y a la génération qui est arrivée dans les camps, militante, qui a soutenu le Front Polisario. Cette dernière est fatiguée d’avoir mis tant de chose en œuvre pour un impact qui se résout à vivre toujours dans les camps -même si de mieux en mieux. De l’autre, il y a la seconde génération, née en exil, dans l’incertitude du présent infini des camps et nostalgique d’un pays qu’elle ne connaît pas. Cette génération est donc moins portée par des idéaux, car elle n’a pas lutté pour les construire. C’est cette génération qui peut perturber les camps aujourd’hui en se révoltant de manière plus extrême face au Maroc, ou en partant vivre à l’extérieur (Algérie, Espagne) afin de vivre « mieux », en attendant une résolution au problème des camps. Enfin, il ne faut pas oublier tous les Sahraouis qui vivent sous la domination marocaine ou en Mauritanie, et qui pour certains vivent mal cette attente envers une résolution du conflit, souvent perçu comme un conflit familial et identitaire.
    Comment le rôle de la MINURSO a évolué au cours des dernières années ?
    La MINURSO a pour mission d’établir le référendum d’autodétermination, mais à cause de diverses manœuvres, c’est un échec. Le plus dur est de déterminer la liste des personnes qui peuvent voter ! Cela donne lieu à de nombreuses manipulations. Dans les faits, elle a surtout un rôle de surveillance, pour voir si le cessez-le-feu de 1991 est respecté. Elle s’est aussi consacrée à la libération des détenus, même si c’est un échec. En fait, tous les Marocains prisonniers du Front Polisario ont été relâchés, mais il demeure de nombreux prisonniers sahraouis en territoire marocain. Finalement, cette mission de surveillance permet surtout d’observer des réseaux de contrebande ou de retrouver des migrants abandonnés au milieu du désert. Enfin, la MINURSO a comme activité importante le déminage de la zone, remplie de mines antipersonnel et de résidus d’obus, tout en doublant parfois le UNHCR en lui apportant une aide logistique pour certaines opérations (par exemple, lors de retrouvailles de familles séparées par le mur, en 2007).
    Quelle est la pertinence de cette mission de paix traditionnelle ?
    Hélas, si cela fonctionnait, il y aurait une vraie pertinence à la MINURSO. Mais en raison de l’enlisement du conflit et de la mauvaise volonté de tous à sa résolution, cette mission incarne avant tout un échec diplomatique majeur. C’est une mission passive, qui piétine, et se consacre à d’autres choses que son but principal, par défaut de moyens d’imposition de le mettre en œuvre. La plupart des militaires que j’ai pu rencontrer voient leur présence au Sahara occidental comme une longue période d’ennui, d’échec et d’inaction ! Ainsi, auprès des réfugiés et de nombreux observateurs, la réputation du personnel de la MINURSO est plus celle d’avoir volé ou abîmé des pétroglyphes que celle d’entretenir une bonne entente avec les divers acteurs sur place.
    Est-ce que la coordination civile et militaire est difficile au Sahara occidental ?
    Ce sujet est délicat. Il faut bien imaginer que, dans l’espace, la présence de la MINURSO interagit peu avec le Front Polisario. Ce dernier est installé dans les camps, alors que les militaires sont plus proches du mur. L’interaction est donc mesurée à des gestes organisationnels, nuancés par le manque de connaissance et de compréhension du fonctionnement local par le personnel de l’ONU. Dans cette histoire, il en va aussi du mode diplomatique propre aux Sahraouis, des réputations personnelles, des relents tribaux, etc. Il est sans doute de même du côté marocain. Chacun essaie aussi d’influencer l’ONU, et la MINURSO est souvent perçue comme un outil à manipuler pour atteindre un but politique. Méconnaissance, mésentente personnelle, différence de perception des problèmes : ainsi malgré quelques bonnes volonté, l’impasse demeure et l’impatience augmente.
    De plus, à chaque vote de renouvellement de la mission, il est question d’étendre le mandat de la MINURSO à la surveillance du respect des droits de l’homme, des deux côtés du mur : dans les camps comme dans les territoires administrés par le Maroc. Cette revendication est soutenue par le Front Polisario et ses alliés, mais bloquée à chaque fois par le Maroc, appuyée par la France, pour qui les droits de l’homme ne se règlent qu’à Genève au Conseil des Droits de l’homme de l’ONU.
    L’ONU supervise depuis juin 2007 des pourparlers de paix près de New York, le cycle de Manhasset. Pourriez-vous décrire les causes de l’impasse, lors de la dernière rencontre officielle (Manasset IV, datant de mars 2008) ?
    Il faut voir ces pourparlers comme une avancée, dans le sens où ils ont permis, pour la première fois depuis les accords d’Huston de 1997, de réunir les deux interlocuteurs autour d’une table. Cela peut paraître quelconque, mais dans un conflit ou personne ne se nomme et où l’ennemi n’est identifié que par défaut ou assimilation, c’est une avancée ! Cela a aussi permis à chacun d’établir ses positions de manière claire : d’une part, l’exigence d’une referendum à trois options pour le Front Polisario, de l’autre une autonomie interne du territoire pour le Maroc. Après tant d’efforts, chaque partie a décidé d’arrêter là les concessions et de rester sur ses positions indiscutables. Toutefois, cette reprise du dialogue a donné lieu à des efforts de réflexion de la communauté internationale, ainsi qu’à des rencontres informelles comme à Vienne, en août 2009. Le tout est brouillé par diverses déclarations des représentants de l’ONU qui donnent leurs avis personnels et soulèvent indignation et tension récurrentes. Alors que l’on pensait que les négociations allaient reprendre, les discours offensifs marocains et l’histoire d’Aminatou Haidar marquent un nouveau temps d’arrêt aux espoirs soulevés.
    ROP (Réseau Francophone de Recherche sur les Opérations de Paix)
  • Le président de la République interpelle l’ONU pour a libération du prisonnier politique, Abbas Sbai

    Bir Lahlou, 19/06/2010 (SPS) Le président de la République, secrétaire général du Front Polisario, Mohamed Abdelaziz, a appelé samedi, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, Ban Ki-moon, à intervenir pour la libération du prisonnier politique, M. Abbas Sbai, en grève de la faim pour protester contre sa détention par la police marocaine. « Face à la détérioration continue de son état de santé en raison de la grève qu’il mène pour protester contre sa détention arbitraire, nous demandons l’intervention immédiate du secrétaire général des Nations Unies auprès du Gouvernement marocain, afin qu’il libère immédiatement et inconditionnellement le Dr . Sibai Abbas Cheikh Mohamed », a écrit le président, Mohamed Abdelaziz dans une lettre au SG de l’ONU, Ban Ki-moon. « Les autorités marocaines ont harcelé et arrêté M. Abbas Sibai, à plusieurs reprises dont la dernière arrestation est celle du 11 juin à Casablanca, en raison de ses positions en faveur de la question du Sahara occidental et son attachement à l’application des résolutions des Nations Unies, notamment le respect du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination », a ajouté le texte.
    « La défense des principes fondamentaux de la légitimité internationale ne peut pas se transformer en une accusation et ne devrait pas permettre au Gouvernement marocain de procéder à la confiscation des libertés fondamentales des personnes, pour avoir exprimé des idées contre la politique d’expansion du Maroc », a souligné le président de la République.
    M. Abbas a arrêté dans « des circonstances mystérieuses », le 11 juin 2010 par les autorités marocaines transféré le lendemain par la gendarmerie marocaine à la prison locale de la ville de Ouarzazate (Maroc), rappelle-t-on. M. Abbas spécialisé en chirurgie est connu pour sa défense des droits de l’homme au Sahara occidental, et ses appels au respect du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. (SPS)

  • Le secrétaire général de l’Elysée à Alger pour une visite en toute discrétion

    Comme nous l’annoncions dès le 7 juin (lire), Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, a effectué dimanche 20 juin une visite de quelques heures à Alger. M. Guéant était accompagné de Jean-David Levitte, le Conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy. Contactée par TSA, une source diplomatique française à Alger a confirmé ce déplacement sans fournir d’indication sur le programme de la visite.
    Claude Guéant devait notamment rencontrer le premier ministre Ahmed Ouyahia. Un entretien avec le président Abdelaziz Bouteflika a été sollicité. Mais jusqu’à samedi soir, la présidence algérienne n’avait toujours pas répondu à la demande française.
    Le 21 février dernier, Claude Guéant avait effectué un premier déplacement en Algérie où il avait été reçu par le premier ministre Ahmed Ouyahia. Les Algériens avaient formulé plusieurs demandes pour améliorer les relations bilatérales. Le secrétaire général de l’Elysée avait promis d’apporter des réponses aux demandes des Algériens qui concernent plusieurs dossiers : le cas du diplomate Hasseni, la liste noire des pays à risque terroriste, l’immigration, la libre circulation des personnes, les investissements, le Sahara occidental…
    Lors de son premier déplacement à Alger le 21 février dernier, Claude Guéant n’avait pas été reçu par le chef de l’Etat. A cette époque, les relations algéro-françaises étaient extrêmement tendues. Ce qui n’est plus tout à fait le cas actuellement. Le président Bouteflika a participé en effet le 31 mai et le 1er juin dernier  au sommet Afrique-France de Nice où il a été chaleureusement accueilli par son homologue français Nicolas Sarkozy. Les deux chefs d’Etat n’ont pas eu de tête à tête mais cette rencontre internationale a permis de décrisper les choses.
    M. Sarkozy avait estimé le 1er juin qu’il faudrait du temps pour que les relations franco-algériennes s’apaisent, tout en se réjouissant de la présence de son homologue Abdelaziz Bouteflika. « Est-ce qu’il suffit que le président Bouteflika participe au sommet Afrique-France pour que, d’un coup, tout s’éclaire dans la relation entre la France et l’Algérie ? Je crains de ne pas avoir exactement le même optimisme. Il faudra encore du temps », avait-il déclaré.
    TSA Tout sur l’Algérie 
  • Medelci à propos du Sahara Occidental : « L’UE a la même position que l’Algérie »

    L’Union européenne a déclaré “de façon très claire” l’alignement de sa position sur le Sahara Occidental sur celle de l’Algérie, a indiqué le ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci.
    “L’Union européenne a déclaré aujourd’hui (lundi) de façon très claire qu’en ce qui concerne la question du Sahara Occidental, elle avait la même position que l’Algérie”, a déclaré M. Medelci à l’APS, lundi à Luxembourg, à l’issue de la 5e réunion du Conseil d’association Algérie-UE, qu’il a présidée avec son homologue espagnol, M. Miguel Angel Moratinos, dont le pays assure actuellement la présidence tournante de l’UE. “Ceci étant, l’UE aujourd’hui est composée de 27 pays, mais c’est vrai également qu’elle est en train d’avancer dans le sens d’une plus grande cohérence de sa politique étrangère et, à la faveur de la mise en place du traité de Lisbonne, les choses avancent dans cette direction”, a souligné le ministre pour qui “on est encore loin de la situation où l’Union européenne a une position est que chacun des pays membres a la même”.
    “Il y a encore des diaphonies, mais nous étions en face de l’UE, et son président en exercice, M. Miguel Moratinos, sous le contrôle de ses pairs européens qui étaient présents, a dit clairement, après que j’ai eu l’occasion d’expliciter la position algérienne, que l’UE et l’Algérie ont la même position, c’est-à-dire une position qui est fondée sur l’autodétermination et sur le règlement du conflit à travers les Nations unies”, a-t-il conclu.
    Dans sa déclaration lue en plénière, l’UE a pris note de la résolution 1920 du Conseil de sécurité des Nations unies prolongeant d’un an le mandat de la Minurso, et, constatant l’absence de progrès en ce qui concerne le conflit du Sahara Occidental, “encourage les deux parties à avancer vers une solution”.
    L’UE soutient aussi les efforts du secrétaire général des Nations unies et de son envoyé personnel, Christopher Ross, en vue de “trouver une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui pourvoie à l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU”.
    L’UE a estimé également que les parties doivent “faire preuve de volonté politique et d’esprit de compromis afin d’engager résolument des négociations de fond pour garantir l’application des résolutions des Nations unies”.
    L’UE, qui appelle également tous les pays qui peuvent soutenir le processus à jouer “pleinement” de leur influence afin d’encourager les parties dans ce sens, “demeure préoccupée par les aspects humanitaires du conflit et continuera à apporter son soutien aux réfugiés des camps de la région de Tindouf afin d’améliorer leurs conditions de vie difficile”.
    R. N. 
  • Le président de la République présente ses condoléances à la famille de José Saramago

    Bir Lehlu (territoires libérés), 19/06/2010 (SPS) Le président de la République, secrétaire général du Front Polisario, Mohamed Abdelaziz, a adressé vendredi une lettre de condoléances à la veuve de l’écrivain portugais, le prix Nobel de littérature, José Saramago, mort le même jour dans son domicile à Lanzarote (Espagne)à l’âge de 87 ans. « Après avoir appris avec une profonde tristesse le décès de votre époux, Jose Saramago, je tiens à vous exprimer au nom du Gouvernement, du peuple sahraouis et la direction du Front Polisario, les plus sincères condoléances », a écrit le président de la République dans sa lettre à la famille du défunt. « La mort de José Saramago n’est pas seulement une perte pour le peuple sahraoui, mais aussi pour toute l’humanité », a ajouté le texte. « Le peuple sahraoui se souvient et se souviendrai pour toujours du soutien inconditionnel de José Saramago à sa lutte pour l’autodétermination et les droits de l’homme », a indiqué le président , Mohamed Abdelaziz, rappelant l’appui de Saramago à l’activiste sahraouie, Aminetou Haidar, durant la grève la faim à Lanzarote et les efforts qu’il a déployés personnellement pour cette activiste « puisse rentrer chez elle à El Aaiun en toute dignité ».
  • Nessma TV exclut la Libye et la Mauritanie du Grand Maghreb

    «L’union même de la médiocrité fait la force» (Homère)
    Au moment où le Maghreb arabe est politiquement en panne sèche à cause du dossier du Sahara occidental, la chaîne privée tunisienne Nessma réduit le Maghreb à trois pays seulement: la Tunisie, l’Algérie et la Mauritanie. Ainsi, selon ses programmes et, notamment son émission phare Ness Nessma, jamais un artiste mauritanien ou libyen n’ont été invités sur le plateau de l’émission. Cela alors que le logo de la chaîne change de couleur plusieurs fois selon les drapeaux des pays du Maghreb, annonçant les couleur vert et jaune des Mauritaniens et vert des Libyens. Alors que le concept de l’émission Ness Nessma, l’équipe est composée de chroniqueurs issus du grand «soi-disant» Maghreb, mais en réalité, il existe trois Tunisiens (Fawaz Ben Temessek, Sawsen Mâalej et Maha Chtourou), trois chroniqueurs marocains (dont Oussama Ben Jalloun et Kaoutar Boudarraja), et seulement un Algérien qui fait la revue de presse, alors qu’il n’existe aucun chroniqueur libyen ou mauritanien? Il faut dire que les frères Karoui n’ont rien inventé et se révèlent de parfaits copieurs de concept. La présentation d’une émission multiculturelle dans un cadre diplomatique existait déjà sur d’autres émissions, notamment britanniques et surtout françaises. On se souvient de celle de Christine Bravo avec son émission «Union libre», qui était diffusée sur France 2 entre 1998 à 2002 et qui a eu un remake en 2005 nommé «Encore plus libre», d’abord présentée par Nagui puis ensuite par Karine Lemarchand. Sa version polonaise «Europa da siê lubiæ» animée par Monika Richardson est très populaire. L’émission avait comme but de réunir des chroniqueurs des pays de l’Union européenne comme: Ray Cokes (Grande-Bretagne), David Lowe (Grande-Bretagne), Maria Martin (Espagne), Luis Martinez (Espagne), Louisa Mac Mahon (Irlande), Ilario Calvo (Italie), Nikos Aliagas (Grèce), Dominique Dislaire (Belgique), Jorge Silva (Portugal), Anette Burgdorf (Allemagne), Martineke Kooistra (Pays-Bas), Erik Svensson (Suède), Heikki Cantel (Finlande) et d’autres… De plus, dans l’émission Nass Nessma, on parle souvent français sans qu’il y ait des sous-titres en arabe, comme sur les émissions de la 2M ou de l’Entv. Alors que le spectateur libyen, qui a été colonisé par les armées de Mussolini ne comprend pas le français? Si Nessma TV a choisi d’exclure la Libye et la Mauritanie de sa chaîne, c’est en fait qu’elle n’est pas intéressée par le marché de ces deux pays, qui leur paraît très complexe sur le plan commercial. Alors que sur la scène culturelle, la Libye possède plusieurs stars comme Cheb Jilani, Mohamed Hassan, Hamid Chaâri et que la Mauritanie à travers les Dada, les musiciens gnawa, ils est très présent sur la scène maghrébine. Nessma a également zappé ces deux pays sur le plan historique, puisque lors de l’épisode qui a accueilli l’actrice algérienne Biyouna dans un reportage dédié aux monarchies du Grand Maghreb, ils ont oublié de parler des pachas de la Libye (Youssef Pacha et sa flotte qui anéantit celle des Américains) de la dynastie des Qaramanlis et la confrérie al Sanoussiya ou encore des émirats de Idawiich, Trarza, Brakna, Tagant & Adrar ainsi que les tribus berbères des Sanhadja, les frères ennemis Maghfras et Zouaya et l’empire Almoravide de la Mauritanie. Autant de preuves et d’erreurs qui ont que Nessma TV n’est en réalité que la petite télévision du Petit Maghreb.
    amirasoltane08@live.fr
  • Virée dans l’école sahraouie L’espagnol et l’arabe dominent le français et l’anglais souhaités

    La première question qui nous vient à l’esprit est celle-ci : pourquoi cette société vivant en autarcie dans le Sahara a pu accoucher d’un système éducatif qui a pu développer un enseignement de la langue espagnole au point où le taux de réussite avoisine les 100 % ?
    Il y a une touche hispanique dans ce bout de désert du côté de Tindouf qui abrite le camp de réfugiés sahraouis. Quand on construit en dur, ça donne des édifices très bas, presque à ras du sol qui rappellent les forts mexicains. Ça tranche avec la couleur ocre et le style soudanais dont se revêtent les constructions à Timimoun ou à Adrar. Le blanc de la chaux est ici tout simplement surprenant. On eut dit un pan de la blanche Andalousie transposé sur le sable. Les édifices qui veulent en imposer par leur solennité parce qu’incarnant les institutions de souveraineté, écoles, siège de wilayas, gendarmerie, etc., sont aussi sobres qu’élégants. Il y a de petites fenêtres ainsi que de petites portes qui dégagent un air mignon qu’on ne peut mettre sur le seul compte du souci esthétique. Les conditions climatiques incitent à pratiquer avec parcimonie les ouvertures sur les murs. Les vents, quand ils soufflent un peu fort, soulèvent les tornades de sable sur fond de chaleur suffocante. Quand ils ne sont pas assez forts pour provoquer le vent de sable proprement dit, la poussière traîne à hauteur d’homme et oblige les gens à rentrer chez eux. La moindre hausse du souffle du vent fait planer la menace diffuse de tout faire basculer. On se sent fragile un peu comme dans un bateau prêt à chavirer au creux de la vague. On est étonné par la nature des reproches adressés à l’ex-occupant. «L’Espagne n’a rien construit au Sahara occidental alors que la France a beaucoup fait au Maroc, au Sénégal et en Mauritanie où elle a construit des écoles, des rues et des chemins de fer» lance Smaïl Mbarek, 42 ans, célibataire enseignant de français au camp du 27-Février.
    Smaïl Mbarek est licencié. Activiste à Laâyoune dans les territoires occupés par le Maroc, il eut maille à partir avec la justice marocaine qui le poursuivait pour sa participation à l’intifadha. Fuyant les exactions des autorités chérifiennes, il a fini par lâcher son poste d’administrateur avant de rejoindre les camps des réfugiés. Il ne s’est pas marié car «contracter le mariage coûte 40 à 50 millions de centimes» c’est hors de ma portée, on dispense des cours presque bénévolement, chaque trois mois je perçois la somme de 1,2 million de centimes, vous croyez qu’avec ça je peux trouver une épouse ? Et d’avouer : «Et puis je n’ai pas touché un sou depuis cinq mois, on nous a fait comprendre que ce sont les organisations humanitaires qui prennent en charge tout ça». Et de lancer «je ne pourrais me tirer d’affaires que si j’épouse une Algérienne de Tindouf, ça ne doit pas dépasser les 10 ou 15 millions». Il lâche avec amertume : «Les naissances on en a besoin, on est un peuple peu nombreux, il faut de la croissance, et on fait la chose contraire». Allouma B., directrice du jardin d’enfants au camp de Dakhla (à une centaine de kilomètres au sud du camp du 27-février), reconnaît que la natalité a baissé, mais tout en l’imputant aux «conditions sociales de la guerre».
    Pour autant, le ressentiment anti-espagnol ne semble pas être une donnée générale. Le rapport qu’entretiennent les camps des réfugiés avec l’ancienne puissance coloniale semble s’être quasiment inversé. Peut-être que, du fait que les oppresseurs qui ont pris le relais soient des Musulmans, a pu inciter les Sahraouis à relativiser leur jugement par rapport aux premiers. La première question qui nous vient à l’esprit est celle-ci : pourquoi cette société vivant en autarcie dans le Sahara a pu accoucher d’un système éducatif qui a pu développer un enseignement de la langue espagnole au point où le taux de réussite avoisine les 100 % ? L’espagnol est massivement parlé par les enfants scolarisés. Pour autant le «hassania», le dialecte arabe local, a gardé toute sa vigueur. La maîtrise de la langue espagnole n’induit pas la perte de la langue maternelle. C’est celle-ci que parlent les Sahraouis entre eux, la langue espagnole n’étant utilisée qu’en situation de communication avec les étrangers. C’est dire que la notion d’hispanophonie n’existe pas encore dans cette société. «On n’éprouve pas de difficultés pour enseigner l’espagnol parce que les élèves passent chaque année les deux mois de vacances en Espagne. Les familles espagnoles les accueillent, et celles-ci à leur tour viennent chez nous passer des vacances d’une semaine» explique Bedda Mohamed Salem, 35 ans, enseignant d’espagnol au niveau du primaire, le seul cycle scolaire existant dans les camps de réfugiés avec le collège qui vient d’être lancé il y a à peine 2 années. Né en 1975 dans les camps de réfugiés, Bedda Mohamed Salem, aujourd’hui père d’une petite fille, a obtenu un master à l’université de la Havane, capitale d’un pays considéré comme «ami». Il y a passé 14 ans. Depuis qu’il est revenu au bercail, il enseigne la seconde langue du pays dans le camp du 27-Février ainsi dénommé en référence à la date de la proclamation de la République arabe sahraouie démocratique. «En Espagne nos enfants sont tenus de se débrouiller, ici il n’y a ni plage, ni jeux, il n’y a rien, les enfants veulent fuir la chaleur, ils sont obligés d’apprendre cette langue, ici nous ne faisons que leur donner les rudiments de base» poursuit-il. Le nombre d’élèves qui vont chaque année passer leurs vacances au pays de Cervantès atteint annuellement plus de 5 mille selon Hamdi El Bah, secrétaire général de l’enseignement dans la wilaya de Dakhla. Ce chiffre, précise-t-il, concerne l’ensemble des wilayas. Selon lui, la présence de ces élèves en Espagne contribue à la sensibilisation de l’opinion à la cause sahraouie. Les écoles sahraouies si elles sont rudimentaires en ce qu’elles sont faites souvent de murs en argile avec comme toit une simple plaque de zinc, dégagent un air de douceur qui les fait se confondre avec des intérieurs domestiques. Le mobilier qu’on trouve dans les classes est moins austère, plus varié. Les murs y sont soigneusement décorés. On voit des couleurs égayantes partout comme si on était dans une chambre d’enfants. Des graffitis et même des tags sont tracés sur les murs, on lit le mot « Liberté » en arabe et en français. On voit des petits meubles visiblement fabriqués à la main peinturlurés. Les filles autant que les garçons arborent la blouse blanche. La coiffe féminine espagnole formée par les deux tresses ornées de rubans rouges va très bien aux filles sahraouies.
    La relative surcharge des classes (il y a en moyenne entre 30 et 35 élèves par salle de cours) n’est pas vécue par ici comme un handicap. Dans le camp du 27- février, les jeunes semblent moins nombreux, on croise plus de femmes et d’enfants que d’adolescents. On croirait que dans un tel campement où il n’y a ni usines ni grands chantiers, les parents seraient plus disponibles pour être au plus près de leurs petits enfants. Mais ces derniers sont plutôt envoyés dans la maternelle locale qui compte 2 classes. B. Fatima, 48 ans, mariée à un militaire, y exerce le métier d’éducatrice depuis 1981. Elle a fait sa formation dans des stages organisés au niveau de l’établissement. Elle a pu se perfectionner en 1987 en suivant un stage dispensé par l’association humanitaire «Carritas». Elle encadre les enfants âgés entre 1 et 3 ans. Elle leur apprend comment se laver les mains et le visage, nouer les chaussures et utiliser la craie, distinguer entre les couleurs, etc. Les enfants sont retenus à la maternelle entre 9h et 13h 30 en hiver et entre 8h et 12h 30 en été. Le système éducatif sahraoui repose donc sur le préscolaire et le primaire en attendant que le cycle moyen fasse son bonhomme de chemin. «Les collèges et le secondaire vont être mis en place dans un avenir proche» assure Hamdi El Bah. Et celui-ci de préciser : «Nous avons lancé les collèges depuis 2 ans et je peux vous dire que c’est une réussite à 100 %». Selon lui, les noyaux de lycées vont être mis en place dès l’année prochaine.
    Les Sahraouis ont fait le constat que le parler algérien est truffé d’un nombre impressionnant de mots français. Ils ont la conviction que cela est dû à la colonisation française. Depuis quelques années, on commence à s’intéresser au français, cette langue a été introduite en 5e année primaire surtout pour permettre aux élèves sahraouis qui vont étudier au sein des établissements algériens d’être au diapason avec leurs voisins qui n’ont pas l’espagnol comme langue étrangère. Hamdi El Bah fait valoir les réalisations du système éducatif sahraoui. Il parle de la sahraouisation de l’effectif enseignant puisqu’au départ l’enseignement était assuré par des étrangers venus de Cuba ou d’Algérie. La plupart de ceux qui encadrent l’enseignement sahraoui sont formés dans les instituts de formation pédagogique algériens. Hamdi El Bah reconnaît que les résultats relatifs à l’enseignement de la langue espagnole «sont de loin meilleurs que ceux qui concernent la langue arabe». «Je peux vous dire que presque 95 % des élèves réussissent en espagnol contre 40 % en arabe» poursuit le SG de l’enseignement de la wilaya de Dakhla, une wilaya qui compte – tous cycles confondus – 2.600 élèves, 200 enseignants environ et 8 éducatrices. «Depuis la fin des années 90, l’école sahraouie a opté pour la méthodologie algérienne et a annulé les directives datant de 1976 en raison du fait que la majorité des élèves pour ne pas dire l’ensemble qui vont poursuivre leur cursus scolaire à l’étranger sont accueillis par l’Algérie». Et d’ajouter que «l’autre raison qui nous incite à faire ce choix c’est qu’on ne dispose pas encore chez nous de lycées et l’expérience des collèges n’a pas encore été menée à son terme». «Le peu d’espagnol que j’avais appris est parti en fumée» avoue Lahbib Mohamed, 36 ans, enseignant d’arabe au tout premier collège de Dakhla baptisé «10 Mai» nom immortalisant la date de la création du Front Polisario. Formé à l’institut pédagogique de Béchar, il regrette de ne pouvoir «parler ni l’espagnol ni le français, eu égard au milieu social dans lequel j’avais évolué». Un autre atout que fait valoir le SG de l’enseignement de Dakhla : la baisse du taux d’analphabétisme. Selon lui, «il n’ y pas quelqu’un qui ne sait pas lire et écrire» et d’ajouter : «Seuls 2 ou 3 % sont analphabètes» de quoi justement faire pâlir d’envie les pays les plus développés. A ce propos justement, les démographes disent que la baisse de la natalité est étroitement liée à la généralisation de l’instruction.
    Par : Larbi Graïne
    Le Midi Libre, 16/6/2010
  • Appel pour des raisons humanitaires

    Mon enfant, handicapé physique depuis sa naissance, est interné dans une prison au Maroc depuis juillet 2007. Les conditions de détention sont particulièrement sévères ; il est périodiquement brutalisé physiquement en contradiction avec les droits internationaux des prisonniers.
    Dans la nuit du 16 au 17 juin 2010, les gardiens de sa prison ont mis le feu dans sa chambre et le 17 au matin, ils l’ont copieusement battu après l’avoir arrosé par des sceaux d’eau.
    Actuellement il se trouve enfermé dans une petite chambre ou l’odeur des urines l’empêche de respirer.
    Je viens donc pour la deuxième fois demander à tous les chefs d’Etat qui ont des relations particulières avec le Roi du Maroc d’intervenir auprès d lui afin de renvoyer mon enfant dans son pays ou tout simplement de le libérer.
    Mohamed Khouna Ould Haidalla
    Ancien chef d’Etat Mauritanien

  • Tabassage gratuit d’un militant Sahraoui

    Jeudi 17 juin 2010 en fin d’après-midi, une patrouille de la police marocaine a enlevé Hasana Aalaia dans une rue de la ville de El Aaiun – Sahara occidental.
    Le militant sahraoui a été tabassé et interrogé avant d’être libéré dans un lieu désert loin de la ville.
    Selon M. Hasana Aalaia, 22 ans, les agents de la patrouille de police l’ont encerclé dans la rue du 24 novembre, alors qu’il était accompagné d’un collègue, Mohammad Hali, 23 ans.
    Ils l’ont couvert de coups de poing et l’ont forcé à monter la voiture de patrouille.
    L’enquête et les coups ont duré 45 minutes, pendant lesquelles il était menotté.
    Les questions ont eu pour objet les relations de Hasana Aalaia avec certaines personnes, son intention d’organiser des manifestations festives pour l’anniversaire du soulèvement de ZAMLA.
    Après les coups, les policiers lui ont proposé un drapeau de la République Arabe Sahraouie Démocratique pour essuyer le sang qui couvrait son visage. Hasana a refusé d’utiliser comme cela du drapeau pour lequel il milite.
    Il a été libéré dans le désert loin après aéroport de la ville, blessé au niveau du visage, des jambes et du dos.
    Les policiers lui ont recommandé d’aller se montrer à tous pour que chacun sache ce qu’ils pratiquent.
    ASVDH/APSO, le 18 juin 2010.
  • Harcèlement des journalistes. Vers le modèle tunisien

    6 mois fermes!! C’est la peine à laquelle a été condamné Taoufiq Bouachrine, directeur du quotidien Akhbar Al Youm Al Maghribiya, suite à une plainte pour “escroquerie” déposée par l’ancien propriétaire de sa résidence de Rabat. Ce dernier avait déposé plainte contre Bouachrine pour le même motif, en 2007, mais le journaliste avait été innocenté en première instance comme en appel. Deux ans plus tard, le dossier avait été curieusement réouvert, puis mis en sommeil… avant d’être réactivé peu de temps après la fermeture d’Akhbar Al Youm pour “atteinte à un membre de la famille royale”. Malgré de multiples témoignages en  faveur du journaliste, et un coup de théâtre en pleine audience (“un témoin à charge s’était rétracté face au juge, déclarant avoir subi des pressions policières”, raconte Bouachrine), le journaliste a écopé de prison ferme, dans ce qui a tout l’air d’un règlement de comptes politique “à la tunisienne”, visant à salir sa réputation. Bouachrine reste en liberté jusqu’au jugement d’appel. D’ici là, il a décidé d’arrêter d’écrire en protestation contre “la dangereuse dégradation de la situation de la presse au Maroc”
    Ali Amar. De malentendu en malentendu 

    L’ancien directeur du Journal hebdomadaire, Ali Amar, a été placé en garde à vue le 7 juin, suite à une plainte pour une sombre histoire de vol d’ordinateur et de violation de domicile. Relâché dès le lendemain, le journaliste a déclaré aux médias, document à l’appui, être le propriétaire légitime de l’ordinateur. L’AMDH, Human Rights Watch et Reporters Sans Frontières ont déploré l’arrestation arbitraire et musclée de l’auteur de Mohammed VI, le grand malentendu, et déploré le “harcèlement des journalistes indépendants marocains”.
    Tel Quel, 13/6/2010