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  • Les Etats-Unis préoccupés suite au dernier rapport de Christopher Ross

    La Secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton et le ministre des affaires étrangères espagnol, Miguel Angel Moratinos ont discuté hier, entre autres, de la situation au Maghreb, selon des sources du Département d’Etat citées par le journal El Pais. Les États-Unis ne renoncent pas à engager l’Espagne à rejoindre les pays qui ont reconnu l’indépendance de l’ex-province serbe du Kosovo,ets qu’elle ne cache pas sa préoccupation par le blocage des conversations sur le contentieux du Sahara Occidental envahie par le Maroc en 1975, constaté dans le dernier rapport du représentant spécial de l’ONU, l’américain Christopher Ross.

  • Intransigeance marocaine et impasse dans la négociation

    Imperturbable dans son déni de la réalité et du fait national sahraoui, le roi du Maroc qui intervient par ellipses dans la vie politique du Maroc, est revenu à nouveau lors de son discours à l’occasion de la «fête de la jeunesse marocaine», sur la proposition insensée d’une soi-disant autonomie au Sahara Occidental. Rien de bien nouveau dans la politique d’intransigeance que cultive Rabat grâce à l’appui inconditionnel de la France, qui lui garantit l’impunité aux Nations unies et aux relais médiatico-politiques animés par le lobby sioniste à Paris, mais aussi à Washington. Il serait fastidieux de revenir sur le discours du souverain marocain, tant ses interventions se ressemblent à chaque fois, avec le même argumentaire les acrimonies à peine voilées à l’égard de l’Algérie et ce serpent de mer de la régionalisation, promise depuis des lustres aux marocains et déjà par Hassan II aux marocains qui rêvent de sortir du joug du makhzen. C’est une stratégie à double tranchant qui permet de croire que l’on répond aux attentes des instances internationales pour ce qui est du Sahara Occidental, tout en bloquant en sousmain les efforts du représentant spécial du secrétaire général de l’Onu pour le Sahara Occidental qui tente péniblement d’amener le Maroc a de véritables négociations pour avancer dans le processus référendaire. Car et contrairement a ce qu’affirme le monarque alaouite et le banc et l’arrière banc de l’appareil de propagande marocain, le droit a l’autodétermination du peuple sahraoui n’a à aucun moment été remis en cause par les instances onusiennes, en premier le Conseil de sécurité. Même la France entrainée dans son soutien aveugle au Maroc n’ose aller solennellement jusque là, puisque elle adhère au consensus lors de l’adoption des résolutions onusiennes en la matière. C’est ce blocage marocain qui explique le cri de secours lancé par Christopher Ross, aux cinq pays dit «amis» qui suivent les négociations Maroc-Front Polisario (Etats-Unis, Russie, Grande-Bretagne, Espagne et France), pour qu’ils interviennent afin de sauver le processus de paix et le cycle de négociations. Ross révèle dans sa lettre secrète publiée par un journal madrilène que ni Rabat, ni le Polisario n’ont «la volonté politique d’engager de véritables négociations» et ajoute qu’il ne parvient pas à les convaincre de modifier leur position. Or on sait que le Polisario n’a ménagé et ne ménage aucun soutien à l’émissaire onusien. En réalité Ross, en fin diplomate, met sur le même plan les deux protagonistes du conflit car il sait pertinemment que les membres du conseil de sécurité savent parfaitement qui refuse la négociation : le Maroc qui non seulement continue d’occuper le Sahara Occidental, exploitant ses richesses et y exerçant la plus féroce des répressions. Christopher Ross a, toutefois, rejeté en bonne partie la responsabilité dans cette impasse à l´attitude inflexible observée par le Maroc à la réunion informelle de février dernier à Westchester Country (New York).Faisant preuve de plus de souplesse, la délégation du Front Polisario à cette réunion avait accepté d´examiner certains aspects du plan d´autonomie marocain pour le Sahara Occidental dont Rabat voulait que ce soit l´unique base de travail dans ces négociations. La souplesse de la délégation du Front Polisario avait été appréciée par le Département d´État américain où Ahmed Boukhari, représentant sahraoui à New York, et ses compagnons, avaient été reçus, pour la première fois, par un haut fonctionnaire de l´administration américaine qui les a félicités de leur attitude. «Ni le SG, ni moi, ne sommes parvenus à convaincre les deux parties de cesser de camper sur leurs positions», écrit Ross dans son rapport en attirant en particulier l´attention des pays du Quartet où il avait tenu à se rendre quelque temps auparavant, sur «la fin de non-recevoir réservée par le Maroc à la proposition du Front Polisario». Ross a également sollicité l´aide de l´Espagne en tant qu´ancienne puissance coloniale du Sahara Occidental. Après la grève de la faim de Aminatou Haider qui a eu un grand retentissement en Espagne et dans le monde en décembre 2009, le gouvernement Zapatero avait montré plus de discrétion dans son soutien au plan d´autonomie marocain, ce qui n´a pas été du goût des autorités marocaines. Certains cercles politiques à Madrid voient dans les récents incidents de Melilla un lien avec la nouvelle attitude du gouvernement sur la question du Sahara Occidental. Le Maroc qui appréhende un retour à la position traditionnelle de neutralité qui a été celle de l´Espagne sur son ancienne colonie avant l´arrivée des socialistes au pouvoir en avril 2004, choisi, comme il le fait régulièrement chaque fois que la question sahraouie est mise sur la table à Madrid, d´agiter le spectre de la revendication de sa souveraineté sur des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Pour leur part, venus des territoires occupés du Sahara Occidental, des membres de la résistance populaire sahraouie ont exprimé la détermination du peuple sahraoui à poursuivre sa lutte pacifique pour l’Indépendance de son pays.
    Mokhtar B. 
  • Algérie – Maroc : Vieux contentieux et nouveau dossier

    NORMALISATION DES RELATIONS ALGÉRO-MAROCAINES
    Nouveau dossier dans la question de la normalisation des relations algéro-marocaines : la demande d’indemnisation des citoyens algériens spoliés de leurs terres. Le Maroc a fermé sa frontière terrestre avec l’Algérie, sous prétexte de se protéger contre le terrorisme qui viendrait d’Algérie. Les autorités du Royaume chérifien, au lieu de se rapprocher de leurs homologues algériens afin de mieux coordonner la lutte antiterroriste et éviter à la région de sombrer dans l’insécurité, elles se sont précipitées à fermer leur frontière terrestre avec l’Algérie. Chose que les autres pays voisins n’ont pas fait. Cela dénote les intentions de Rabat d’isoler Alger qui était confronté à une double crise: économique et sécuritaire. Aujourd’hui, le Maroc ayant sombré dans une crise économique, ne cesse de répéter ses appels à Alger pour la réouverture de sa frontière fermée depuis 1994. En visite au Maroc, le secrétaire d’État chargé de la Communauté nationale à l’étranger, Halim Benatallah, a clairement fait savoir aux autorités marocaines que le rôle de l’État algérien est d’abord, de veiller sur les intérêts de sa communauté établie à l’étranger. Ainsi, la question des ressortissants algériens dépossédés de leurs terres agricoles, représentant des centaines d’hectares et non encore indemnisés, étant au centre des ces préoccupations. À l’inverse des ressortissants européens dans la même situation ont pu recouvrer leurs droits, at- il souligné. Halim Benatallah a fait état de sa «disponibilité à examiner tous les dossiers en suspens, pour peu que le partenaire affiche un tel état d’esprit». L’Algérie n’a rien à se repprocher en matière de politique de bon voisinage. Elle a de tout temps assumé ses engagements vis-à-vis de ses voisins. Dans un message adressé, en 2006, au roi Mohamed VI, à l’occasion du septième anniversaire de son intronisation, le président Bouteflika a réitéré sa «volonté permanente d’oeuvrer ensemble au raffermissement des liens de coopération et de fraternité algéro-marocaines», afin, dit-il, de hisser les relations bilatérales «au plus haut niveau, au mieux des intérêts suprêmes des deux peuples frères unis par les liens d’un passé commun ainsi que par les exigences du futur à la construction duquel nous ne devons ménager aucun effort afin que nos enfants puissent y vivre dans le bien-être et la prospérité». «Je demeure profondément convaincu que nos relations fraternelles connaîtront, avec la grâce de Dieu, une impulsion exceptionnelle grâce à notre détermination commune à les raffermir et à les élargir, pour répondre aux aspirations de nos deux peuples à la solidarité et à la complémentarité et de manière à nous permettre de relever les défis de notre ère et de faire face à ses mutations et à ses contraintes», a-t-il ajouté. «Au nom du peuple et du gouvernement algériens et en mon nom personnel, mes chaleureuses félicitations et mes voeux, les meilleurs, de santé et de bien-être pour vous-même et pour tous les membres de la famille royale, et de paix et de progrès pour le peuple marocain sous votre direction éclairée», écrit le président Bouteflika. Le Maroc accuse l’Algérie d’entraver le processus de l’édification de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) par son soutien à l’indépendance du Sahara Occidental.
    Hacène Nait Amara 
  • Nucléaire et pétrole : Contre-effets iraniens

    Par Larbi R. Abahri

    Bien que ne le laissant pas apparaître, les spécialistes en prospective n’en finissent pas d’être pris au dépourvu notamment après la mise en fonctionnement de la première centrale nucléaire iranienne, ce 21 août, et des répercussions pouvant en découler sur le marché mondial pétrolier.
    La question du nucléaire iranien n’a pas fini de perturber le marché mondial des hydrocarbures avec tout ce que cela oblige de reconsidération géostratégique et géopolitique.
    Et, en la matière, opportunité que l’Algérie ne saurait laisser échapper, d’autant qu’en matière de partenariat avec l’étranger, les seuls grands résultats enregistrés l’ont été au niveau de Sonatrach, dans les domaines de l’exploration et exploitation de nouveaux champs pétrolifères et gaziers ; de même que par son intervention en Amérique du Sud et dans la Péninsule arabique. Cela étant et a contrario de cet aspect positif, demeure notre dépendance des hydrocarbures avec une moyenne annuelle de 97% de nos exportations.
    Partant d’une telle dépendance, de la recomposition de l’ordre économique mondial, s’imposait et s’impose, pour l’Algérie, d’envisager sur le long terme, selon une vision nouvelle, une plus grande mise en valeur des ressources énergétiques de notre sou-sol, dans un cadre participatif ouvert et qui, par ailleurs, offre à l’Algérie, via la Sonatrach notamment, l’opportunité de s’ancrer sur les marchés d’exploration et de transport des hydrocarbures en différents points du monde…. Il y a lieu de se demander, dès lors, quels risques réels immédiats seraient encourus par l’Algérie et les Algériens par cette plus grande ouverture de ses domaines pétrolier et gazier et par rapport à ce qui pourrait en découler de résultats bénéfiques, à la fois au plan économique et social qu’en termes géopolitique et gésotratégique.
    Plus loin que les effets négatifs mis insidieusement en évidence par des politico-politiciens en panne d’argumentation, il y a ce tout autre aspect transparaissant à travers les objectifs de la loi sur les hycrocarbures, celui qui verrait l’Algérie développer cette puissante arme que sont son pétrole et son gaz ainsi que sa longue et incontestable expérience positive en la matière ; arme autrement mieux employée afin de mieux imposer notre pays sur la scène internationale, au moment où les enjeux principaux, au plan mondial, demeurent plus que jamais le pétrole-gaz et le contrôle des régions productrices sous couvert d’accords économiques, en fait politico-stratégiques… En l’occurrence, serait-il possible de ne pas s’apercevoir que les Américains et les Européens se livrent une guerre sans merci dans la conquête de marchés ou parts de marchés pétroliers et gaziers nouveaux.
    Au Maghreb, particulièrement en Algérie, c’est, également, la logique des approvisionnements européens en pétrole et gaz qui prédomine, faisant entrer en compétition USA et UE, ce qui, par ailleurs, viendrait à expliquer la récente réactivation de cet abcès de fixation qu’est l’affaire du Sahara occidental en vue d’une solution appropriée ( ?). Dans ce terrible jeu de manipulations politico-économiques dépassant le cadre de nos frontières et ne tenant aucunement compte d’un quelconque aspect humanitaire, l’Algérie aura su se préserver jusqu’à présent.
    Une préservation chèrement payée mais qui lui offre, présentement, un poste de choix face à cette compétition entre les deux grands et dont elle peut tirer des contreparties toujours plus importantes.
  • Un roi à bout de souffle

    Mohamed VI tente d’égratigner l’Algérie dans un discours aux tons testamentaires
    Par Ali Oussi
    S’il fallait encore une preuve que le royaume chérifien traverse une crise particulièrement sévère, une crise qui menace carrément d’emporter sur son sillage le règne du Makhzen, force est de se pencher sur le discours  » royal  » de la soirée de ce vendredi. Offrant au public un visage bouffi et particulièrement fatigué, sans que cela puisse avoir de liens directs avec le jeûne du ramadan (le discours, passé en différé, a en effet été enregistré la veille, durant la soirée, a-t-on appris de sources dignes de foi), la maladie du roi Mohamed VI, entourée par un grand secret d’Etat qui a déjà mené des journaux locaux à la fermeture et des journalistes à la prison, est confirmée de la manière la plus formelle qui soit. Mohamed VI, particulièrement amoindri sur le plan physique, le serait également sur le plan moral. En témoignent les  » fugues  » qu’il a prises pour habitude de faire. La plus sévère d’entre elles, intervenue en 2008, avait duré pas moins de 6 mois. Il avait fallu une intervention directe mais musclée de la part des dirigeants français pour que son altesse Mohamed VI daigne quitter les  » paradis  » asiatiques et réintégrer ses palais royaux. 
    Mohamed VI, dont le discours redondant trahit également une totale absence d’imagination en vue de sortir son pays de la crise qu’il traverse avant que le pire n’advienne, continue de s’accrocher à son projet d’autonomisation comme à une chimérique bouée de sauvetage. Ne manquent pas, non plus, ces désormais risibles estocades lancées à l’adresse de notre pays à chaque fois que le sujet du Sahara Occidental est évoqué. Miné par la corruption, la mauvaise gestion, la montée en puissance de la fièvre intégriste et une culture mondiale de la drogue qui n’a jamais été aussi florissante grâce à la protection d’officiers supérieurs de l’armée royale marocaine, Mohamed VI ne semble guère trouver d’autres choix que de s’inventer des ennemis imaginaires pour pousser ses sujets à ne pas regarder en face les vrais défis qu’il lui faudra relever un jour ou l’autre.
    Mais, en agissant de la sorte, celui qui nous a déjà supplié (mais en vain, pour des raisons bien connues du Makhzen (le pouvoir mafieux au Maroc, ndds)), afin que l’on ouvre nos frontières terrestres avec son royaume, ne fait que retarder des échéances devenues absolument inéluctables…
  • Le peuple sahraoui rêve aussi

    Par Bouhali Abdallah
    Depuis le départ de l’Espagne, c’est-à-dire depuis 35 ans, le peuple sahraoui rêve de son indépendance, de sa liberté et de son autodétermination. Depuis 35 ans, le monde regarde les bras croisés, ce peuple massacré, ce peuple spolié et humilié. L’ONU, le conseil de sécurité, les instances internationales des Droits de l’Homme, tous s’avèrent aujourd’hui, inefficaces et inutiles… hypocrites surtout. Comment ne peut-on pas apporter assistance à un peuple en danger alors que pour des prétextes beaucoup plus absurdes, les Etats Unis et ses alliés ont envahi l’Irak, l’Afghanistan et d’autres pays moins médiatisés? Jour après jour, mois après mois, année après année, défilent dans la région des ONG dites non gouvernementales, des personnalités de divers horizons et les émissaires du secrétaire général de l’ONU. Pourquoi faire? Juste pour se rendre compte de visu qu’il existe encore un peuple, capable de rêver comme tous les peuples du monde, capable de vivre mais aussi capable de se défendre pour arracher son indépendance. Le silence du monde n’a que trop duré, il est devenu insupportable au moment où les forces royales multiplient les provocations et les arrestations. Que faut-il attendre encore? De nouveaux rounds de négociation? A quoi bon si ce n’est que pour gagner du temps. Le Maroc est décidé, il refusera toutes les solutions allant dans le sens de l’autodétermination du peuple sahraoui. La situation politico-économique du royaume est telle que toute concession risque de déstabiliser le trône. Et pourtant 35 ans, c’est déjà beaucoup. L’ONU ne doit plus se contenter de ces rounds illusoires, elle doit agir efficacement.
    Le carrefour d’Algérie, 22/8/2010
    Commentaire de Diaspora Saharaui :
    Les évènements récents à la frontière de Melilla constituent une preuve des lourdes conséquences de la guerre que le régime marocain et le lobby franco-sioniste ont livré contre les forces progressistes de la région pour permettre au royaume pro-sioniste du Maroc de s’approprier le Sahara Occidental et ses ressources naturelles et ainsi devenir la puissance dominante du Maghreb.
    La victoire du peuple sahraoui est une réalité qui a brisé le rêve franco-marocain.
  • La frontière vraiment fermée? « On termine la bouteille de Ricard et on t’accompagnera en Algérie» REPORTAGE (suite)

    2ème PARTE : LE RETOUR Oujda Il est 15 h 45. 37° à l’ombre. Le ciel est tellement bas qu’il rase la tête. Un vent d’enfer fouette les visages des rares personnes qui se sont aventurées à cette heure de la journée. Le boulevard Mohammed V d’Oujda est quasiment désert. Je me pointe au café de France, comme convenu avec mon guide Rachid. Je commande un 7 up. J’essaie de remémorer la journée d’avant, histoire de faire un petit bilan sur cette traversée. 
    «Positif» conclus-je avec égocentrisme. J’ai traversé la frontière algéro-marocaine en payant 2000 dinars. J’ai passé une journée à Oujda, assisté au concert de Cheba Zehouania et maintenant, il faut que je retourne chez moi en Algérie. Subitement, le doute m’habite. Et si mon guide me faisait compagnie? Et s’il était de mèche avec le Makhzen ? Le temps passe. Aucune ombre de Rachid ne pointe à l’horizon. Le rendez-vous était pour 16h. Deux heures sont déjà passées et le guide n’est toujours pas là. Je commande un thé à la menthe. La salle climatisée se remplit graduellement. Je fais un saut au souk de Bab Sidi Abdelwahab. Pour jauger un peu l’ambiance. Pour fondre dans la foule, dense depuis peu et juger, selon mon intuition, si j’étais suivi ou non. Tout le monde me regarde. Personne ne fait attention à moi. Un sentiment ambivalent me torture. Je retourne au café de France. Un rapide coup d’œil sur la terrasse puis dans la salle me rend à l’évidence : Rachid ne viendra pas.
    Je connais la bande frontalière pour l’avoir déflorée plus de quatorze fois
    Retourner à Ahfir, 40 km plus loin, pourrait être risqué pour moi. Les barrages de la police et de la gendarmerie royale sont «achalandés» d’Oujda jusqu’à Saïdia, la station balnéaire. Que faire? Il faut que je me décide rapidement. Je connais la bande frontalière pour l’avoir déflorée plus de quatorze fois. La différence, jusqu’ici, est que je n’ai pratiquement jamais traversé l’Oued Kiss en solo. Pourtant, à y voir de plus près, ce n’est pas sorcier de parcourir quelques mètres d’un sens à l’autre. J’ai mis de côté 200 dirhams, droit de passage pour les gardiens du temple de sa Majesté. Et si je suis arrêté, malgré tout, je connais la sentence : un mois d’emprisonnement, puis reconduite clandestine à la frontière au milieu de la broussaille. Je prends un taxi Mercedes jaune en direction du poste frontalier Zoudj Bghal. Je rappelle au chauffeur, qui ne doute pas de ma nationalité, de me déposer au relais, quelques kilomètres avant les barrières.
    « On termine la bouteille de Ricard et on t’accompagnera jusqu’à l’autre rive, en Algérie»
    19 h 15. Je descends de la voiture. Je m’attable sur la terrasse de la crèmerie. Des familles sirotent des boissons fraîches. Je scrute les visages discrètement. Au cas où une connaissance apparaît. En face, les fermes algériennes reluquent les vergers chérifiens. Je sais qu’il suffit de se faufiler derrière la façade de l’établissement hôtelier, dévaler la pente, se mouiller les pieds dans la rivière et atterrir sur le territoire algérien, au lieu dit Dalia (la Vigne). Je tente le coup. Mal m’en prit. Sur les berges de l’Oued, deux jeunes d’une trentaine d’années allongés à même le sol se relayent sur une bouteille de Ricard. «Salam Aalikoum!». Bienveillants, ils m’invitent à partager le reste de la bouteille. Il ne manque plus que ça. Je refuse gentiment en demandant avec peu de délicatesse si l’itinéraire peut m’emmener à bon port «Tu as tout le temps pour passer de l’autre côté, assieds-toi!» Je m’exécute. Quelque part, la voix d’un muezzin appelle à la prière du Maghreb. « On termine la bouteille de Ricard et on t’accompagnera jusqu’à l’autre rive, en Algérie», dit un de mes compagnons de hasard. Je la joue rejla. J’extirpe deux billets de 100 dirhams. «C’est pour une autre bouteille demain, c’est moi qui casque et je suis désolé si je ne peux partager la fiesta avec vous!», dis-je. Mes deux compagnons de fortune apprécient le geste. Ils m’invitent à les suivre. Mon ventre gargouille. Je me suis jeté dans la gueule du loup?
    «Besslama Sidi, continue tout droit, y aura personne sur ton chemin»
    On lève le camp. Je suis mes nouveaux guides. Après quelques minutes de marche, nous tombons nez à nez sur deux soldats marocains. Mes compagnons, très à l’aise,saluent les bidasses. Je fais pareil. «Ce monsieur est notre cousin, il rentre chez lui», explique celui qui dit s’appeler Yahia en prenant le soin de refiler un billet de 100 dirhams à l’un des garde frontières. Ce dernier parcourt avec moi une centaine de mètres, puis s’arrête : «Besslama Sidi, continue tout droit, y aura personne sur ton chemin», m’annonce-t-il d’un ton rassurant. Je marche tout droit en terrain conquis. Je suis de retour en Algérie. Un chien aboie. Un quinquagénaire répond machinalement à mon salut. Il doit avoir l’habitude de rencontrer des gens sur cet endroit. «Je peux trouver des taxis collectifs maintenant?» demande-je au cultivateur algérien. «Mets-toi sur le bord de la route, il y aura toujours quelqu’un qui te ramènera à Maghnia » Je me pointe à 50 mètres du village Akid Lotfi. Dix minutes plus tard, un hallab (trafiquant de carburant) s’arrête à mon niveau et m’invite à monter. L’habitacle sent l’essence. «Tu habites le village?», demande-t-il. «Non, je reviens d’un mariage!» Mon conducteur me dépose à proximité de l’hôtel El Izza, à la périphérie de la ville de Maghnia.
    Il est 20 h 45 en territoire algérien. Des véhicules de la douane sillonnent le boulevard menant à la frontière. J’aurais du rester un moment avec mes deux voisins de l’Oued pour partager le reste de la bouteille de Ricard.
    DNA-Algérie, 17/8/2010
  • REPORTAGE : La frontière algéro-marocaine vraiment fermée? Avec 2000 dinars, on peut la traverser.

    1ère PARTIE : L’ALLER. Il y a quelques années, je n’avais pas besoin de payer un passeur pour aller humer l’air chérifien. Les temps ayant changé, je ne dois plus jouer au héros. Il paraît que les frontières algéro-marocaines sont mieux surveillées en raison de la présence du monarque sur la plage de Saïdia à la fin du mois de juillet dernier. Un passeur se propose de me les faire traverser clandestinement pour 2000 dinars.

    Pour passer de l’autre côté de la frontière, je me suis déplacé à Boukanoun, le village algérien qui face à Ahfir, la bourgade marocaine. Mon ange gardien, qui dit s’appeler Omar, attablé sur la terrasse du café Es-Sabah, exige 2000 DA comme droit de passage. Payable à l’avance. Rendez-vous est pris pour le lendemain à 6 h du matin… Samedi, je suis au rendez-vous à l’heure convenue. Notre convoi s’ébranle cahincaha. Nous amorçons la traversée à pas feutrés. Mes appréhensions sont telles que je sens mes pieds collés avec de la glu sur le sol. Nous sommes six à faire la traversée, sept avec le passeur. Dociles, mes cinq compagnons dont deux subsahariens doivent se courber parce que leur taille pose problème. Leur grande taille peut-être repérée par les vigiles de part et d’autre de la frontière. Le nez collé à leur dos, je suis à la queue de la file. Ma position ne répond à aucune stratégie, si ce n’est de prendre la poudre d’escampette en cas de complication.
    «Alors camarades, vous allez en Espagne?»
    Notre passeur se permet une « chemma » ( tabac à chiquer) avant de nous accorder un moment de répit. En pareilles circonstances, on est habité par des sentiments ambivalents. Et moi, entre le bonheur de réussir le passage et la peur d’échouer, je me fie fatalement au destin. «Alors camarades, vous allez en Espagne?» demandes-je aux deux Subsahariens. Interloqués, les deux blêmissent. Passablement énervé, Omar intervient: «Laisse-les tranquilles…Je t’ai pourtant prévenu de ne pas poser trop de questions!» Notre ange gardien nous explique alors que nous devons attendre la relève des soldats. Mauvais calcul ou mauvais sort? Toujours est-il qu’à ce moment précis, une voix enrouée surgit des broussailles : «Halte!» Mes tripes se sont mises à gargouiller à la vue du tabor, le bidasse marocain. J’ai réalisé alors que nous sommes sous le ciel et sur les terres du «Commandeur des croyants». Déjà au Maroc !
    «Sidi, c’est le premier convoi»
    «Le tourisme va bien? Allez, vos papiers! Nous sommes le serviteur de Sa Majesté», ordonne le tabor en braquant sa vieille mitraillette sur nous. Un des passagers se met à trembloter. Nullement impressionné, en guise de documents de voyage, notre passeur refile au soldat des billets de banque pliés, en accompagnant son geste d’un chuchotement à l’oreille de celui qui nous nous menace toujours avec son arme. «Sidi, c’est le premier convoi», explique doctement Omar le passeur. « Y’en a pas assez», entonne le gardien du temple en tenue kaki. Je ne sais pas quelle mouche m’a piqué lorsqu’avec un sourire qui se veut rassurant, je réponds: «En effet, nous ne sommes que six, si j’exclus le passeur.»
    «Celui-là, je l’emmène au poste»
    «La ferme, toi ! Il ne parle pas du nombre, mais de l’oseille», coupe le passeur. ll sourit hypocritement et renchérit: «Ya Sidi, celui-là ne fait pas partie du lot. Il est, comme dirait l’autre, en surcharge.». Le guide vient de me désigner comme une charge de plus dans ce convoi des braves qui veut rallier le Maroc. «Celui-là, je l’emmène au poste», tranche le militaire, son armé encore braquée sur nous. Le passeur tente de sauver les meubles. «Sidi, excusez son innocence arrogante, il va seulement voir sa mère qu’il n’a pas revue depuis la fermeture des frontières», plaide-t-il. «Où habite-t-il, demande le tabor d’un air goguenard. Je ne l’ai jamais vu, je dois le fouiller!». Puis, en s’adressant à mon auguste personne, il m’ordonne d’enlever mes chaussures.
    «Il n’en a pas l’air…Tu es Algérien, toi?»
    «Il n’a rien, Sidi, plaide Omar, il n’a jamais traversé la frontière ou peut-être une seule fois dans sa vie, c’est un pauvre ouvrier qui trime du matin au soir comme un forçat.» Méfiant, le soldat, sans doute le résultat d’une longue expérience acquise à surveiller cette frontière officiellement fermée mais ouverte de toutes parts «Il n’en a pas l’air…Tu es Algérien, toi?», me demande-t-il. Pour éviter plus de désagréments, il faut recourir au mensonge. «Moitié-moitié…Ma mère est marocaine, mon père algérien» A vrai dire, c’est un presque un demi-mensonge. Dans cette bande frontalière entre l’Algérie et le Maroc, des milliers de personnes sont issues de familles et de couples mixtes. Mon mensonge semble avoir davantage attisé la cupidité du bidasse. «Dans ce cas, il doit payer plus cher. Que vaut l’argent quand il s’agit de l’amour de sa mère?», dit-il d’un air cynique de celui qui est rompu à la pratique du racket et du rançonnement.
    « Mon boulot est de faire passer des gens et de les ramener à bon port, le reste ne me concerne pas»
    Mes compagnons se murent dans un silence sépulcral et tentent gauchement d’éviter de se croiser leurs regards. Ils sont trahis par leur attitude d’hommes traqués. Le tabor, qui semble éprouver un malsain plaisir à nous torturer, revient à la charge en me regardant avec mépris. Son collègue lui fait signe discrètement de nous relâcher. Il a consenti, enfin, à nous libérer le passage, mais à condition de lui ramener, à mon retour, un démodulateur pour paraboles. J’ai accepté sans prononcer un mot, sans comprendre pourquoi moi, je dois payer une surtaxe. Il est clair que les membres du convoi ne sont pas tous logés à la même enseigne. Devant mon air de chien battu, Omar me glisse à l’oreille : «Les autres doivent s’acquitter d’un droit de passage spécial, eux casquent en euros et quant à moi, mon boulot est de faire passer des gens et de les ramener à bon port, le reste ne me concerne pas», m’ explique notre guide. Nous reprenons le chemin comme si nous revenions d’un enterrement, mon nez toujours collé au dos d’un des Subsahariens. Nous croisons deux baudets dont les bâts sont lourdement chargés. Des animaux convoyeurs de marchandises de contrebandiers. La première partie de la traversée s’est achevée. Il reste encore à s’enfoncer dans les terres marocaines avant d’arriver au premier village.
    « Avant que je n’oublie, tu me dois une rallonge de 2000 dinars »
    Nous dévalons une pente qui aboutit à la rivière. Omar nous intime l’ordre de nous arrêter une seconde fois. Il n’est plus crispé. J’en profite pour demander l’autorisation de fumer une cigarette. J’en ai proposé aussi aux autres passagers. Ne sont-ils pas soulagés d’avoir parcouru une partie de l’itinéraire? Je commence à m’inquiéter et à perdre patience : «Décidément, il y a trop d’escales, Omar! Nous sommes arrivés en principe, qu’attendons-nous pour continuer?». «Tant que nous n’avons n’a pas traversé la rivière, nous sommes jamais arrivés, tranche-t-il avant d’ajouter d’un ton martial. Avant que je n’oublie, tu me dois une rallonge de 2000 dinars car je sais que tu ne ramèneras jamais ce foutu démodulateur au tabor et, dans ces conditions, c’est moi qui serais dans de mauvais draps. Alors, je préfère prendre mes précautions. Ce n’est pas pour un bout de métal que je vais bousiller mon business, tu dois comprendre ça aussi…» Le passeur est apparemment inquiet, mais il ne s’oppose plus à mes interventions. La censure est levée comme par enchantement.
    Au bout de la traversée, un concert de Cheba Zahouania à Oujda
    Quinze minutes se sont écoulées quand trois personnes arrivent à notre hauteur. Omar, devenu jovial comme par magie, les accueillie avec des embrassades. «On part», dit l’un d’eux. Omar, d’un ton exagérément solennel, s’arrête brusquement pour nous confier à nos nouveaux sbires. « Ma mission s’achève ici, dit-il. Désormais, vous appartenez à vos nouveaux anges gardiens, courage et que Dieu vous protège!.» Un de mes nouveaux anges gardiens m’accompagne jusqu’au centre de la ville d’Ahfir, précisément au café de La paix. Il m’explique que je devais me pointer au même endroit le lendemain à 16h. Une fois le thé à la menthe avalé, je prends normalement un taxi sur Oujda. Direction, café de France où un de mes amis marocains, Rachid, professeur de français, m’attend. « Tu as de la chance, ce soir, il y a Chaba Zehouania au festival du raï qui se déroule sur la place Ennour!», m’annonce-t-il. Je lui raconte que la traversée était trop protocolaire comparativement aux précédentes. Il m’explique alors que la venue de Mohamed VI dans le Maroc Oriental a obligé les responsables marocains à renforcer les mesures de sécurité. Visiblement, cela n’a pas empêché notre tabor de prélever sa dime. Il me reste à refaire le chemin inverse pour retourner en Algérie.
    DNA-Algérie, 22/8/2010

  • Sahara occidental Des civils violemment agressés

    Les forces d’occupation marocaines s’en sont prises violemment, hier lundi à l’aube, à de nombreux citoyens sahraouis dans la ville d’El Ayoun occupée.
    L’agression a fait des dizaine de blessés dont deux espagnols et des membres d’une délégation de militants des droits de l’homme, a indiqué un communiqué de l’ambassade de la République arabe sahraouie démocratique (RASD).
    « Des militants et citoyens sahraouis qui s’apprêtaient à accueillir la 7e délégation des militants des droits de l’homme et des observateurs espagnols ont été grièvement blessés ». précise le communiqué. La délégation des militants des droits de l’homme est arrivée, dimanche soir (20:30 heure locale), dans la ville d’El Ayoun qui subit un étau sécuritaire drastique, ajoute le communiqué qui rappelle que les autorités d’occupation ont procédé « a des fouilles individuelles provocantes ».
    Les militants sahraouis qui attendaient les membres de la délégation ont été empêchés manu militari d’accès à l’aéroport par les autorités marocaines. Suite à cette agression, le président sahraoui, secrétaire général du Front Polisario, M. Mohamed Abdelaziz a appelé le secrétaire général des Nations-Unies, M. Ban Ki-moon à intervenir pour protéger les citoyens et militants sahraouis contre la répression des autorités de l’occupation marocaine. Dans une lettre adressée au secrétaire général de l’ONU, le président sahraoui a dénoncé ces violations perpétrées par le Maroc en l’absence d’un mécanisme de contrôle des droits de l’Homme au Sahara Occidental, a indiqué hier, lundi,l’agence de presse sahraouie (SPS). « La répression barbare et les violations des droits de l’Homme que les forces marocaines viennent de perpétrer contre des citoyens sans armes et des militants dans les territoires occupés du Sahara Occidental, est un acte grave, non seulement contraire à la légalité internationale mais aussi au fait que le Sahara Occidental soit un territoire relevant de la responsabilité directe des Nations-Unies en attendant l’organisation d’un référendum libre, équitable et juste pour l’autodétermination et la décolonisation de la dernière colonie en Afrique », lit-on dans la lettre du président Abdelaziz.
    Il a par ailleurs affirmé la condamnation du Front Polisario de « cette violente répression » imputant au gouvernement marocain la totale responsabilité des conséquences de ces graves dépassements. Le président sahraoui a appelé le SG des Nations-Unies à prendre toutes les mesures urgentes à même d’assurer la protection des droits de l’Homme au Sahara Occidental occupé à travers la mise en place d’un mécanisme onusien efficace à même de mener le gouvernement marocain à se plier à la légalité internationale et à cesser ces violations graves des droits de l’Homme.
    Algeria ISP, 21/8/2010
  • Melilla, le rêve européen au Maghreb

    Le territoire tristement célèbre par les rapports Nord/Sud qu’il représente est l’objet de convoitises. Poste avancé de l’Espagne qui en a fait une de ses deux forteresses africaines, le Maroc voudrait bien le récupérer pour des questions territoriales. Quant aux droits de l’homme la question ne se pose même pas…et de ce fait les manifestations de ces derniers jours font plus penser à une opération montée par le pouvoir qu’à une lutte émancipatrice
    Un mariage bat son plein au Café Del Real. Trois invités, Mina, Aziza et Karim, ont passé la moitié ou la totalité de leur vie à Melilla. Ils sont d’origine marocaine, mais leur attitude est espagnole. « Si le Maroc fait la loi ici, je pars en face », commente Karim, faisant allusion à l’Espagne continentale. Mais sur un point ils sont bien marocains : Mina, Aziza et Karim ne veulent pas que leur nom de famille figure dans le journal. Leurs propos sur Melilla ne sont pas dans la ligne de la position de l’Etat marocain et ils ne veulent pas causer des problèmes à leur famille qui y vit.
    Melilla, où 80 000 personnes habitent dans 12 km2 entourés de barbelés, est un sujet sensible au Maroc. Pour Rabat, c’est un territoire occupé, un point de vue confirmé récemment par son Premier ministre Abbas El Fassi. Celui-ci avait eu un entretien téléphonique avec le gouvernement espagnol sur « l’occupation » de Melilla et Ceuta, l’autre enclave espagnole du nord du Maroc. L’Espagne avait réagi immédiatement en affirmant que, la « souveraineté et l’identité espagnoles » de Ceuta et Melilla ne pouvaient être remises en cause.
    Pour le Maroc, Melilla est un vestige du colonialisme
    Mina, Aziza et Karim profitent de la démocratie espagnole, d’un enseignement de bonne qualité et d’un accès aux soins de santé abordable. En outre, les salaires sont plus élevés que de l’autre côté de la frontière. « Et beaucoup de produits sont plus chers au Maroc. Une brique de lait coûte 50 centimes d’euro à Melilla contre 80 centimes au Maroc », dit Aziza. Il n’y a donc pas de raison que les Marocains de Melilla souhaitent que leur belle vie prenne fin.
    La fête de mariage au Café Del Real est mixte : la mariée, Rabiaa, est marocaine, et le marié Juan Miguel, est espagnol. Selon Antonio Portillo Gómez, un habitué du café, »toute la population de Melilla est multiculturelle » : « Il y a eu de nombreuses civilisations ici, Melilla a une longue histoire, bien avant que les Marocains aient pris le pouvoir. Alors pourquoi le Maroc considère-t-il que Ceuta et Melilla sont marocains ? » En 1497 Melilla était déjà espagnole et Ceuta est venue s’y ajouter en 1578. Au siècle dernier, le royaume espagnol étendit son influence à l’ensemble du nord du Maroc, mais lorsque le pays devint indépendant, en 1956, l’Espagne a rendu ce territoire, à l’exception de Ceuta, Melilla, et de trois îles minuscules devant la côte africaine qui lui appartiennent depuis des siècles.
    Du point de vue espagnol, la situation actuelle est juste, compte tenu de l’histoire. Ce n’est pas l’opinion du Maroc. Lorsque Juan Carlos, le roi d’Espagne, a visité Ceuta et Melilla pour la première fois, en novembre 2007, cela a provoqué une crise diplomatique. Le Maroc avait rappelé son ambassadeur en Espagne et le Premier ministre El Fassi avait déclaré que le temps du colonialisme était « irrévocablement révolu ». C’est ainsi que le Maroc le ressent : un vestige de l’époque coloniale. C’est pourquoi il a fermement l’intention de récupérer les deux enclaves. Le port de Tanger Med s’est construit juste à côte de Ceuta et un complexe portuaire similaire est en cours de création juste à côté de Melilla. Le but est d’endiguer l’activité économique des enclaves de manière à les rendre, à terme, trop coûteuses à entretenir pour l’Espagne.
    12 000 Marocains entrent tous les jours à Melilla
    De toute manière, les deux petits territoires sont déjà très chers parce que l’Espagne y attire des Espagnols de la péninsule ibérique par des avantages fiscaux et des salaires plus élevés pour les employés de la fonction publique. Mais pour l’instant, la situation financière des enclaves est bonne, notamment grâce aux Marocains. Ceux qui habitent à proximité des enclaves y ont accès sans visa et de ce fait 12 000 d’entre eux entrent chaque jour à Melilla. Ils y achètent des objets bon marché, comme du lait, du shampoing et des couvertures, pour les revendre avec un petit bénéfice côté marocain. La chaîne de télévision française M6 avait diffusé en avril le documentaire « Les femmes-mulets », sur des femmes marocaines qui transportent sur leur dos 60 à 80 kilos de marchandises, mêmes enceintes ou très âgées. Parfois la police les rassemble comme du bétail à coups de matraque près de la frontière espagnole. Le journal marocain Akhbar Alyoum avait qualifié le film de « choquant ».
    Les Marocains font-ils l’objet de discrimination de la part des Espagnols de Melilla ? « Mais non, pas du tout », dit Karim. C’est ce que les habitants aiment croire : que Melilla est un état modèle multiculturel. Ils savent néanmoins que les Ibériques de la Péninsule les regardent un peu de haut parce qu’ils habitent en Afrique, et ils se remontent le moral en songeant à la mixité qu’il y règne. Ils aiment cultiver l’image d’une oasis de civilisation dans un désert de barbarie. « Au Maroc, les femmes n’ont aucun droit de parole, mais ici ce n’est pas le cas », se vante une résidente espagnole de Melilla.
    Par Greta Riemersma le 05/08/2010 source De Volkskrant Amsterdam
    Post Scriptum :
    Des Marocains bloquent la frontière de l’enclave espagnole de Melilla
    L’entretien téléphonique entre le roi d’Espagne Juan Carlos et le roi du Maroc Mohamed IV, mercredi 11 août, n’a pas apaisé la tension entre les deux pays, qui se focalise sur le poste-frontière de l’enclave espagnole de Melilla, dans le nord du Maroc. Les manifestants marocains rassemblés à la frontière ont empêché le 12 août l’approvisionnement de l’enclave en produits frais. Protestant contre le comportement de la police espagnole à la frontière, jugé raciste, ils entendent poursuivre leur action la semaine prochaine, selon le quotidien espagnol El País.
    A côté de pancartes dénonçant les violences policières, note le quotidien madrilène, on pouvait en voir d’autres revendiquant la souveraineté marocaine sur Melilla et Ceuta, l’autre enclave espagnole. Derrière les actions de protestation se trouve le Comité national pour la libération de Ceuta et Melilla. Pour la police espagnole, les membres de ce collectif sont une trentaine de « provocateurs » et d’ »agitateurs ». Eux se considèrent comme des « activistes » et des « militants » de causes humanitaires et nationalistes. Ils assurent constituer un groupe d’environ 70 personnes, émanant de nombreuses ONG du nord du Maroc. Mais, à en croire El País, ils sont parfois accusés d’être liés aux « services secrets locaux ».
    Source El Païs le 13/08/2010
    Rouge Midi, 16/8/2010