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  • Le conflit du Sahara occidental : une histoire sans fin?

    Unique candidat à la succession de Mohamed Abdelaziz, décédé il y a plus d’un mois, Brahim Ghali, 66 ans, vient d’être élu président du Front Polisario, lors du Congrès extraordinaire que vient de tenir le parti saharaoui. Soutenu par l’Algérie, cette figure historique du mouvement Polisario aura la lourde tâche de contribuer à trouver une issue à l’impasse politique dans laquelle le conflit du Sahara occidental se trouve depuis des décennies. Celui-ci est l’une des clefs d’analyse de la géopolitique de la Méditerranée* occidentale en général, et de la géopolitique maghrébine en particulier.
    Héritage de l’époque coloniale (partage du Sahara entre les différentes administrations coloniales françaises, espagnoles et italiennes), les frontières sud et sahariennes du Maghreb sont à l’origine de différends frontaliers. Depuis le départ en 1975 de l’ancienne puissance coloniale, l’Espagne, le contentieux territorial n’est toujours pas résolu. Engagée en 1974, la décolonisation conduit à un conflit armé entre la Maroc et le Front Polisario jusqu’au cessez-le-feu de 1991. Les anciennes zones d’influence sont devenues des frontières nationales des nouveaux États souverains. Or, si ces tracés ont pu créer quelques incidents ponctuels entre la Libye et la Tunisie, ils nourrissent des tensions géopolitiques entre l’Algérie et le Maroc, deux Etats voisins de la rive sud-ouest dont les relations diplomatiques ont du mal à se stabiliser.
    Après la fin du protectorat français en 1956, le Maroc, sous l’impulsion des nationalistes de l’Istiqlal, entend reconstituer l’intégrité territoriale d’un « Grand Maroc » rassemblant toutes les terres qui ont « appartenu historiquement » au royaume à une période ou à une autre. Il revendique tous les territoires contrôlés par les Espagnols et une partie des territoires contrôlés par la France (portion du Sahara autour de Tindouf et Bechar), ainsi que la Mauritanie. L’engagement du processus de décolonisation suscite des tensions entre les parties concernées (Espagne, Maroc, Algérie, Mauritanie) et va conduire à la création du Front Polisario en 1973. Le Maroc annonce l’organisation d’une « Marche verte ». Début novembre 1975, 350 000 civils marocains franchissent pacifiquement la frontière. Le 14 novembre 1975, le gouvernement espagnol signe les accords de Madrid avec le Maroc et la Mauritanie. Le territoire est divisé en deux parties : les 2/3 au nord reviennent au Maroc, le sud à la Mauritanie. Le Front Polisario s’y oppose. Les troupes marocaines et mauritaniennes se déploient.
    Les deux principaux protagonistes dans ce conflit, le Maroc et le Front Polisario, se disputent la souveraineté de ce territoire (d’environ 263 450 km²) qui se situe dans l’espace sahélo-saharien, le tout sous le regard de puissances voisines parties prenantes dans ce litige. Le Maroc administre le territoire qui est inclus dans les trois provinces du sud, sans que cette situation de fait ne soit admise dans son principe même par une partie de la population sahraouie du territoire et des réfugiés des camps de Tindouf (en Algérie), liée au Front Polisario. En 1976, cette organisation a proclamé laRépublique arabe sahraouie démocratique (RASD), laquelle a été immédiatement reconnue par les voisins immédiats du Maroc (Algérie, Mauritanie) et une majorité des Etats membres de l’OUA. L’Espagne s’en tient au droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.
    Avant même l’indépendance officielle de l’Algérie, un accord (conclu en 1961 à Rabat) entre Ferhat Abbas, président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), et Hassan II, roi du Maroc, prévoyait de renégocier le statut des régions algériennes de Tindouf et de Colomb-Béchar. Or, à l’indépendance, l’Algérie de Ben Bella refuse de restituer ces territoires et de reconsidérer sa souveraineté sur des régions acquises sur décision de l’autorité coloniale française. La tension diplomatique et militaire croissante vire au conflit armé d’octobre 1963 à février 1964, après l’incursion des Forces armées royales du Maroc en territoire algérien. Outre le problème frontalier, le déclenchement de cette « guerre des sables » est le fait des convoitises suscitées par la découverte de ressources minérales dans la zone disputée, mais aussi de la tendance expansionniste du royaume chérifien animé par l’idée du « Grand Maroc ». Finalement, après diverses négociations houleuses ou avortées, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) parvient à trouver un accord entre les deux belligérants. L’OUA adopte le principe de l’intangibilité des frontières issues du colonialisme (qui est rejeté par le Maroc) et la frontière suit le tracé qui reprend la délimitation française. Le 15 juillet 1972, Houari Boumediene et Hassan II signent un traité qui délimite leurs frontières en reprenant ce tracé. L’Algérie ratifie le traité le 17 mai 1973, et le Maroc… en mai 1989.
    Ce conflit a installé les deux principales puissances maghrébines dans une relation de défiance, ponctuée par des accrochages à la frontière (les échanges de feu entre garde-frontières algériens et marocains attestent la persistance et la vigueur de l’antagonisme) et une confrontation directe à Amgala (1976), au Sahara occidental. En effet, après la « guerre des sables », l’Algérie arme les indépendantistes du Front Polisario (financés aussi par la Libye) entré en conflit avec le Maroc. Il remporte des succès, notamment en Mauritanie, mène des opérations au Maroc (jusqu’à la construction du « mur », en 1980) qui décide d’annexer la portion sud du territoire.
    Si le Maroc a renoncé en 1989 à revendiquer la partie du Sahara algérien (Tindouf), il revendique le territoire du « Sahara occidental » (non autonome selon l’ONU) qu’il a annexé à 80% (depuis 1979), considérant qu’il fait partie intégrante du royaume. Les indépendantistes sahraouis du Front Polisario proclament le droit à l’autodétermination du « peuple du Sahara occidental ». C’est pourquoi ils ont d’abord combattu la puissance coloniale espagnole (1973-1976), puis le Maroc, à la suite des accords de Madrid (1975) qui partagent la souveraineté du Sahara occidental entre la Mauritanie et le Maroc. L’enjeu est stratégique pour le Maroc, qui ne veut renoncer ni à cette extension territoriale, ni à l’exploitation d’un territoire riche en minerais (phosphates, fer, titane, manganèse, pierres précieuses) et assez fertile pour développer plus (et mieux) encore le secteur agricole (pilier de l’économie nationale). En outre, le contrôle de ce territoire permet de contrôler de facto la partie sud de sa frontière avec la Mauritanie. Le conflit est aussi pour la Monarchie au Maroc une formidable occasion de faire l’union autour du trône et de renforcer une légitimité très entamée par les crises des premières années de la décennie 1970.
    L’impasse n’est pas sans conséquence sur la stabilité et le développement de la région. Ce conflit larvé nourrit d’abord une militarisation de la région, qui comporte une dimension maritime et méditerranéenne malgré la façade exclusivement océanique du territoire. Ensuite, ce contentieux pèse sur les vecteurs institutionnels de coopération régionale– l’Union du Maghreb Arabe– et empêche tout progrès significatif en faveur de l’intégration de la région méditerranéenne au niveau du dialogue 5+5 et de l’Union pour la Méditerranée. Enfin, le statu quo est propice au développement d’un nouveau foyer de trafics et de bases-arrières pour des groupes djihadistes déjà actifs dans les régions du Sahara (Tunisie, Algérie) et du Sahel. La sortie de l’impasse est donc impérieuse pour la stabilité et la sécurité de la rive sud-ouest de la Méditerranée. Seul un règlement définitif dans le cadre des Nations-Unies contribuera utilement à la sécurité et à la stabilisation de la région sahélo-saharienne.
    * Béligh Nabli, Géopolitique de la Méditerranée, Paris, Armand Colin, oct. 2015

  • Un combat légitime

    Personne ne peut dire le contraire. La sphère de la reconnaissance officielle, auprès des organisations et des associations civiles, de la cause sahraouie, à l’échelle internationale, gagne en sympathie et en adhésion. À l’évidence, cela prouve avec force, la légitimité de la revendication du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance, en tant que dernière colonie en Afrique. 
    Il convient de noter que le succès du congrès extraordinaire pour l’élection du Président de la RASD, qui a donné confiance à l’ancien ministre de la Défense et diplomate, Brahim Ghali, à une majorité écrasante, constitue une garantie susceptible d’insuffler une nouvelle dynamique au combat libérateur du Sahara occidental. 
    Heureuse circonstance du calendrier, cette élection coïncide avec le 27e sommet de l’Union africaine, qui aura certainement à examiner la question sahraouie. Notamment que la cause sahraouie a besoin de solidarité active afin de mettre un terme à la colonisation. À chaque occasion, les Sahraouis expriment leur reconnaissance aux pays qui leur sont solidaires et défendent les droits de l’homme bafoués dans le territoire de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). 
    L’occupant marocain, poussant le déni de justice jusqu’à l’excès, est allé expulser, en mars dernier, la composante civile et politique de la MINURSO, après la visite du secrétaire général de l’ONU dans la région. 
    Les déclarations du nouveau Président, qui a pris plus de 93% des voix des participants au congrès extraordinaire, à l’issue du résultat, étaient claires, nettes et précises, en ce qui concerne la MINURSO, qui «devrait être en mesure d’assumer sa mission principale pour laquelle elle a été mise en place en 1991, à savoir l’organisation d’un référendum au Sahara occidental», martelant qu’il est temps pour que les Nations unies et le Conseil de sécurité exercent des pressions et imposent des sanctions contre le makhzen qui continue de saboter les efforts de la communauté internationale. 
    Hamza Hichem
  • L’ONU confirme un retour progressif de son personnel au Sahara occidental Nations unies

    (Etats-Unis), 14 juil 2016 (AFP) – Un premier groupe de 25 experts civils de la Mission de l’ONU au Sahara occidental (Minurso) est arrivé à Laâyoune mercredi soir à la suite d’un accord avec le Maroc, a confirmé jeudi le porte-parole de l’ONU Stéphane Dujarric. Le Maroc avait expulsé en mars la majeure partie des membres civils de cette mission, soit plusieurs dizaines d’experts, après une controverse sur des propos tenus par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon sur le statut contesté de ce territoire. 
    « D’autres membres du personnel (de la mission) devraient rentrer » au Sahara occidental « dans les jours qui viennent », a ajouté M. Dujarric, sans donner de chiffres. Il a réaffirmé que l’ONU avait toujours pour objectif que la mission redevienne « totalement fonctionnelle » comme l’avait demandé le Conseil de sécurité. Celui-ci avait donné jusqu’à fin juillet aux Nations unies et au Maroc pour régler cette querelle. Le retour des 25 experts « fait partie d’un processus » pour rétablir le fonctionnement de la mission, a-t-il souligné. 
    « Nous voulons que la mission soit capable de fonctionner pleinement et de remplir pleinement son mandat ». L’ONU doit déterminer d’ici fin juillet si la Minurso est de nouveau en mesure de fonctionner normalement. L’accord pour le retour des experts a été conclu « après la visite en juin d’une délégation onusienne au Maroc (…) qui a rencontré notamment des conseillers du roi Mohammed VI afin de trouver une solution à la crise avec l’ONU », avait indiqué auparavant un responsable des Nations unies proche du dossier. 
    Le gouvernement marocain avait été fortement irrité par des propos tenus par Ban Ki-moon lors d’une visite dans un camp de réfugiés sahraouis en Algérie. M. Ban avait fait référence à une « occupation » du Sahara occidental, alors que Rabat considère cette ex-colonie espagnole annexée en 1975 comme faisant partie du royaume. Mais ce territoire est aussi revendiqué par les indépendantistes du Front Polisario. Rabat propose comme solution une large autonomie sous sa souveraineté. Le Polisario, soutenu par Alger, réclame un référendum d’autodétermination. La Minurso a été déployée en 1991 afin de veiller au respect du cessez-le-feu entre le Maroc et le Polisario et d’organiser un référendum. avz/sha
  • Sahara occidental, le conflit oublié

    Les Sahraouis fêtent les quarante ans de la République arabe sahraouie démocratique. Ils fêtent aussi quarante ans de résistance et quarante ans d’oubli. Qui se souvient qu’un peuple et son territoire ont été colonisés par le Maroc ? Qui sait que, depuis, environ 150 000 Sahraouis naissent, grandissent et vivent dans des camps de réfugiés près de Tindouf, au sud-ouest de l’Algérie ? Qu’espèrent-ils, sinon voir leur terre libérée ? Que soit organisé le référendum d’autodétermination promis depuis vingt-cinq ans.

    Tranquille, apparemment sûre d’elle, Abeida Mohamed Buzaïd fait face à la salle venue écouter cette conférence consacrée à « l’application du droit international humanitaire au Sahara occidental ». Elle porte un melhfa, l’habit traditionnel des femmes du Sahara, et ne laisse aucune place à l’émotion. Cette jeune femme de 28 ans a la puissance de ses convictions et de son expérience. Pour l’occasion, elle a quitté le camp de Boujdour, un des quatre camps de réfugiés où vivent 150 000 – plus peut-être – Sahraouis. Elle y est née, elle y a grandi. Comme tant d’autres, elle n’a jamais vu son pays. Il s’étend de l’autre côté du mur de sable long de 2 700 kilomètres et truffé de mines antipersonnel qui a été bâti par les Marocains ayant, manu militari, annexé 80 % du territoire du Sahara occidental (voir chronologie).
    Patiemment, Abeida attend qu’on lui donne la parole pour délivrer son message. Elle ne parlera ni du statut juridique de son pays considéré comme un « territoire non autonome »(1) par l’Onu, ni de l’application des Conventions du Sahara occidental – les professeurs de droit international sont là pour le faire. Elle, ce qu’elle veut, c’est que sa voix, la voix d’une Sahraouie, se fasse entendre pour sortir du silence ce conflit oublié dans les sables. Elle veut parler des familles, des blessés, des disparus surtout, de l’impunité de leurs bourreaux.
    4 500 DISPARITIONS EN QUARANTE ANS
    Quand vient son tour, Abeida dit simplement dans un français presque parfait : « Je vous salue au nom de l’Association des familles de prisonniers et de disparus sahraouis, l’Afapredesa. Voilà plus de quarante ans que la disparition forcée a été utilisée par le royaume du Maroc envers plusieurs centaines de Sahraouis comme arme d’État pour essayer de faire taire leur résistance, leur droit à l’autodétermination, pour semer la terreur parmi eux qui n’osaient pas demander des nouvelles de leurs proches de peur de représailles, de disparaître eux-mêmes ou de se retrouver en prison et torturés. » Elle continue sans élever le ton. « La justice espagnole a montré l’an dernier, en reconnaissant les crimes de onze bourreaux marocains jouissant toujours d’une insolente impunité, que la disparition forcée faisait partie d’un plan élaboré par le royaume du Maroc dans le but d’exterminer le peuple sahraoui. Parmi les 400 personnes toujours disparues (dont 351 reconnues par les autorités marocaines), on compte 23 femmes et 19 enfants. Les disparitions au cours de ces quarante dernières années sont au nombre de 4 500. Nous avons besoin de vous toutes et tous pour déchirer le silence de la disparition qui résonne en chaque proche de disparu comme un cri intolérable de souffrance et de non-vie. »
    À peine a-t-elle fini que les Marocains protestent. Ils sont trois. Ils monopolisent la parole, crient : « Au nom de quoi vous autorisez-vous à parler de génocide ? Le Maroc ne colonise rien », l’un d’eux a filmé toute la conférence sans demander l’autorisation, il faudra parlementer pour qu’il promette de ne pas se servir des images. Un des professeurs de droit international prévient : « Si je vois une image de moi sur les réseaux sociaux ou ailleurs, je porte plainte. » Le débat se termine dans les invectives lancées par les Marocains. Une femme à la voix très haut perchée ne cessera de hurler aux Sahraouis présents : « Vous êtes des Marocains, vous êtes des Marocains. » « Bienvenus dans notre monde », notera avec une pointe d’humour Maima Mahamud, la représentante de la délégation sahraouie à Genève, mère de trois enfants, polyglotte, ayant fait des études supérieures en Algérie pour revenir dans les camps diriger une école pour femmes. « C’est toujours comme cela, quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, où qu’on aille. C’est pas grave. » Là, ce n’était qu’une association suisse qui était à l’initiative de cette conférence, alors au niveau international, on imagine bien l’énergie et les menaces que déploie le Maroc pour faire taire les Sahraouis (voir encadré). Sur les 74 pays qui ont reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en 1980 (aucun pays européen), il n’y en a plus que 32. La France quant à elle a choisi le royaume chérifien.
    C’est en 1975, alors que le régime de Franco est à l’agonie, que l’Espagne abandonne sa colonie, laissant le Sahara espagnol à lui-même. Le Maroc, qui a toujours considéré que ces 266 000 km2 de désert entre la Mauritanie, l’Algérie et l’océan Atlantique lui appartenaient, profite de l’occasion pour annexer ce territoire. Au nom de l’« intégrité territoriale du royaume », Hassan II, sans se soucier des résolutions internationales qui donnent aux Sahraouis le droit à l’autodétermination, organise la « marche verte ». 350 000 hommes et soldats marocains viennent coloniser ce territoire. La suite est inéluctable : seize ans de guerre pendant lesquels le Maroc, surarmé, bombarde au napalm, fait fuir les populations qui se réfugient près de Tindouf, au sud-ouest de l’Algérie, pays allié du Polisario (le mouvement armé sahraoui). Cessez-le-feu. Création par l’Onu de la Minurso pour organiser un référendum. Depuis, pas grand-chose. Les Marocains ont consolidé l’annexion des 80 % du Sahara occidental en construisant un mur qui sert de frontière. Les Sahraouis, qui n’ont que les 20 % restant, réclament la libération de leur territoire. Au Maroc, la pêche et l’exploitation du phosphate. Aux Sahraouis, une bande de sable où rien ne pousse, et des camps de réfugiés dont la survie dépend de l’aide humanitaire. Et aucun référendum à venir.
    UNE BOMBE À RETARDEMENT
    Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, vient d’exhorter le Maroc et le Front Polisario à débloquer la situation en entamant un processus de négociation au plus vite. « La frustration croissante parmi les Sahraouis et l’expansion des réseaux criminels et extrémistes dans la région Sahel-Sahara présentent des risques accrus pour la stabilité et la sécurité de la région », a-t-il répété début avril. Christopher Ross, l’envoyé spécial de l’Onu faisant état de l’impasse des négociations, a appelé la communauté internationale à œuvrer pour un règlement urgent du conflit qu’il a qualifié de « bombe à retardement ».
    Quarante ans, c’est long en effet pour obtenir l’application d’un droit voté par l’assemblée générale de l’Onu en 1975. La jeunesse sahraouie, la deuxième génération à vivre dans le provisoire des camps, sans perspective d’avenir, sans travail, s’impatiente. Elle demande des comptes aux aînés : « Qu’avez-vous obtenu pendant toutes ces années d’exil en signant des conventions installant des représentations diplomatiques dans de nombreux pays ? Rien. » Elle veut une solution, vite. Soit partir en Europe ou ailleurs, chercher un emploi, soit se radicaliser et prendre les armes. « Il y a beaucoup de jeunes qui pensent que seule la violence sera efficace », explique Abeida. « En 1991, nous avons donné notre vie, notre espoir, à la communauté internationale pour régler le conflit de manière pacifiste. Nous avons créé notre État dans l’exil, nous sommes les plus alphabétisés de la région, les femmes ont une place importante, nous avons ouvert des hôpitaux. Nous avons déjà payé le prix fort et nous méritons un peu plus de respect que celui qu’affiche la communauté internationale à notre égard. » Mais la jeune militante prône une autre solution. « Je crois que la voie des armes ne nous fera pas gagner », ajoute Abeida qui a créé une association non violente. « Les Sahraouis n’ont jamais fait d’attentats, nous ne nous en sommes jamais pris à la population civile marocaine. Dans les années 70, c’était courant de détourner des avions, de poser des bombes, nous n’avons rien fait de tout cela. Nous avons misé sur la démocratie et la résistance. Nous sommes devenus très résistants. » Tenir, d’accord, mais pour combien de temps encore ?

    (1) La liste des territoires non autonomes selon l’Onu est une liste de pays que l’Organisation des Nations unies considère comme non décolonisés mais « dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes ». 


    http://www.sinemensuel.com/reportage/sahara-occidental-le-conflit-oublie/
  • Moroccoleaks : Problème de délimitation des frontières maritimes avec l’Espagne

    Le Maroc traîne dans le traçage des délimitations des frontières maritimes avec l’Espagne comme moyen de pression contre l’Espagne. Rabat souhaite des concessions espagnoles dans la question du Sahara Occidental. Madrid ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur les côtes de son ancienne colonie espagnole.
    Selon un email envoyé le 26 juin 2014 par la ministre déléguée Mbarka Bouaida à l0un des conseillers du roi Mohammed VI, des incidents arrivent souvent entre les deux pays à ce sujet. 
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    Nature du document : email
    Date du document : 26 juin 2014
    Expéditeur : Mbarka Bouaida
    Destinataire : Conseiller du roi Boitebox1975@gmail.com
    Objet : Compte rendu de la reunion avec l’ambassadeur espagnol
    M. Le Conseiller de Sa Majesté,
    Suite aux hautes instructions de Sa Majesté que Dieu l’Assiste, j’ai reçu, ce jour a 18H30, M. L’Ambassadeur d’Espagne a Rabat, et ce, en présence de M. Nasser Bourita, Secrétaire General du. Ministère.
    Lors de cette réunion d ‘information, qui s’inscrit dans un esprit de collaboration et d’échanges habituels entre nos deux pays, j’ai mis l’accent sur les éléments ci-après:
    – Un bateau  » BGP prospecteur » opérant pour la société KOSMOS partenaire de l’ONHYM effectue une campagne d’acquisition des données sismiques dans les eaux de Tarfaya, depuis avril 2014.
    – Ce bateau tire des lignes dans la zone marocaine. Pour des exigences de manoeuvre, le bateau a du dépasser légèrement la médiane.
    – La marine espagnole a adressé une lettre d’avertissement au commandant du bateau en date du 4juin.
    – En date du 23 juin, un avion espagnol a survolé l’arrière du bateau, et un appel radio de la marine espagnole a interpellé l’officier de garde sur le bateau demandant des renseignements, qui lui ont été fournis par le commandant.
    – il s’agit d’un incident benin sans aucune gravite.
    – la question de la médiane s’est toujours posée entre nos deux pays et fait objet d’échanges réguliers entre nos deux autorités. Ce point est toujours réglé dans un climat de confiance et de serenite qui caractérise nos relations, toujours dans le respect du droit international.
    – le Maroc est pret a reprendre les discussions sur la delimitation maritime toujours dans le respect du droit international.
    – Meme en l’absence de delimitation, le Maroc s’est toujours astreint a la retenue et eviter tout ce qui pourrait provoquer une tension inutile.
    – La visite du Roi Felipe VI est très attendue, et nous souhaitons ensemble réussir cet événement.
    – le Maroc pourrait envisager une coopération en matière d’exploration commune si l’Espagne est intéressée.
    En guise de réponse, M. L’Ambassadeur d’Espagne a:
    – remercié le Maroc pour cet esprit de collaboration.
    – indiqué qu’il n’est pas au courant de ce fait
    – Qualifié ce fait comme « pas quelque chose de sérieux ».
    – Souligné que lors d’une rencontre a Casablanca avec le commandant d’une frégate espagnole Santa, ce dernier n’ a pas évoqué le bateau en question, ce qui confirme qu’il n’y a aucun problème.
    – reconnu que la question de la médiane est une grande source de préoccupation et devrait être réglé le plutôt possible. 
    – précisé que la prochaine visite du Ministre Espagnol de l’énergie serait l’occasion pour aborder cette question.
    – affirmé que la visite du roi Felipe VI est une visite familiale.
    – conclu en se félicitant de la coopération entre nos différents services 
    – a relancé quant a l’affaire de Melilla, et informé de l’appel téléphonique de son Ministre M. Margallo demandant plus d’informations a ce sujet. M. L’Ambassadeur attire l’attention du Maroc sur l’intérêt que porte l’opinion publique espagnole a cette affaire.
    Haute Considération
  • Sahara Occidental: Retour du premier groupe de la composante civile de la Minurso expulsé par le Maroc

    WASHINGTON- Les premiers effectifs de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) expulsés par le Maroc devraient revenir aux territoires sahraouis occupés mercredi ou jeudi, a appris l’APS mercredi auprès d’une source onusienne.
    Le premier groupe composé de 16 employés de la Minurso qui se trouvent actuellement à Las palmas devraient retourner aujourd’hui ou au plus tard demain jeudi aux territoires sahraouis occupés pour reprendre leur mission.
    Il sera suivi par un deuxième groupe de neuf personnes qui sont actuellement dans leurs pays d’origine.
    La même source précise que le retour des autres employés de la Minurso se fera rogressivement jusqu’à la reconstitution des effectifs de la Minurso tels qu’ils étaient début mars, quand le Maroc a pris des mesures de rétorsion contre cette mission.
    Le nouveau président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), et Secrétaire général du Front Polisario, M. Ibrahim Ghali, a souligné dans son discours devant les participants du Congrès extraordinaire du Front que « la Minurso devrait être en mesure d’assumer sa mission principale pour laquelle elle a été mise en place en 1991, à savoir l’organisation d’un référendum au
    Sahara occidental », regrettant que cette mission se transforme en un gardien du fait accompli colonial marocain et du cessez-le- feu ».
    « Il est temps pour que les Nations Unies et le Conseil de sécurité exercent des pressions et impose des sanctions contre le Maroc qui continue de saboter les efforts de la communauté internationale devant mettre fin à l’occupation de la dernière colonie en Afrique », a-t-il souligné.
  • Ressources naturelles et intifada : pétrole, phosphates et résistance au colonialisme au Sahara occidental (Première partie)

    Le 28 octobre 2013, la compagnie US Kosmos, l’écossaise Cairn Energy et l’Office National des Hydrocarbures et des Mines du Maroc (ONHYM) ont annoncé leur projet commun d’effectuer des forages pétroliers dans « l’un des derniers systèmes pétroliers non exploités le long de la « Marge Atlantique » (Maxted 2013). Simon Thomson, PDG de Cairn Energy a déclaré que la part de sa compagnie dans l’accord de prise d’intérêt s’appuierait sur sa « présence stratégique » existante au « Maroc » (Thomson 2013). Son erreur essentielle était que le secteur à explorer – le site Cap Boudjour Offshore – ne se trouve pas du tout au Maroc, mais au large des côtes du Sahara occidental, la dernière colonie d’Afrique.
    L’histoire du Sahara occidental, riche en ressources naturelles, faiblement peuplé et occupé brutalement et illégalement par le Maroc depuis 1975, a été dans une large mesure déterminée par ses immenses ressources naturelles. De fait, celles-ci ont toujours été au centre du conflit du Sahara occidental. Elles constituaient une revendication clé des protestations contre l’occupation espagnole au début des années 1970.
    L’Espagne a exploité les abondantes réserves de phosphates du Sahara occidental, et le Maroc continue de profiter des richesses naturelles du pays. Cette dernière appropriation est illégale, puisque la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental n’est pas reconnue internationalement, et qu’une puissance occupante ne peut pas légalement exploiter les richesses naturelles du pays occupé sans l’accord des populations indigènes de ce pays. Je tenterai de montrer ici que ce n’est que récemment que la souveraineté sur ces ressources est devenue une revendication majeure des résistants sahraouis à l’occupation marocaine. Comme je l’indique ci-après, les Territoires Occupés ont une longue histoire de résistance, principalement non-violente, mais, depuis l’invasion marocaine, celle-ci se focalisait traditionnellement sur les questions des droits de l’homme et de l’indépendance. Dans ces conditions, quels facteurs ont déterminé la récente réorientation des revendications des protestataires en direction des ressources naturelles, et quelles sont les implications plus larges de ce changement ?
    Cet article repose sur vingt entretiens individuels (enregistrés), plusieurs conversations et communications personnelles, et deux groupes de discussion (l’un réunissant sept participants à Agadir le 22 avril 2014 et l’autre, six participants à Marrakech le 23 avril 2014) avec des Sahraouis, tenues à El Ayoune occupée en août 2014, à Rabat, Marrakech et Agadir en avril et mai 2014, à Saragosse, Espagne, en novembre 2014, et dans les camps de réfugiés de l’État en exil en décembre 2015, ainsi qu’une conversation téléphonique avec un militant de solidarité (un membre fondateur et ex-président du groupe basé en Europe Western Sahara Resource Watch (WSRW), et sur l’observation d’un atelier de quatre heures sur les ressources naturelles où participaient 22 militants sahraouis, organisé par le groupe Campagne sahraouie contre le Pillage (SCAP), au camp de Boudjour en Algérie en décembre 2015. Depuis juin 2015 je préside WSRW, après avoir milité dans l’organisation depuis 2009. Cet article s’appuie donc aussi, dans une certaine mesure, sur mes propres expériences personnelles.
    Les personnes interrogées ont été choisies, dans la plupart des cas, pour le rôle qu’elles ont joué à la tête de campagnes contre l’exploitation des ressources naturelles. Toutefois, dans les villes marocaines, les militants nationalistes qui participaient aux groupes de discussion n’avaient pas forcément de liens avec les campagnes ciblant les ressources naturelles. De même, cinq entrevues (avec Nguia Haouasi, Soukaina Yaya, Hassana Aalia, Fatan Abaali and Hayat Rguibi) et une conversation en tête-à-tête (avec Ali Salem Tamek) ont été menées dans le but de recueillir les points de vue et les expériences de militants actifs dans la résistance sahraouie au sens plus général et pas nécessairement centrées sur la question des ressources, et l’une d’entre elles, avec le représentant adjoint de l’État sahraoui en exil au Royaume-Uni, pour s’assurer du point de vue officiel du POLISARIO. Cette enquête fait partie d’une recherche doctorale plus large sur Genre et Résistance au Sahara occidental et en Guinée équatoriale, financée par l’Université de Leeds.
    Dans la première partie de l’article, je décris l’émergence des mouvements indépendantistes sahraouis face au colonialisme espagnol, et comment la question de l’exploitation des ressources naturelles s’est insérée dans le combat nationaliste. J’examine ensuite brièvement le mouvement sahraoui de résistance non-violente dans la partie du Sahara occidental occupée suite à l’invasion marocaine, et pourquoi ses revendications ont été occultées dans un premier temps, pour ensuite ressurgir, centrées plus précisément sur les questions des droits humains, les griefs socio-économiques et l’indépendance. En troisième lieu, je me concentre sur les événements du 8 novembre 2010 à El Ayoune, où les revendications liées aux ressources naturelles se sont à nouveau fait entendre de façon explicite. J’explore ensuite plus profondément les raisons pour lesquelles les revendications concernant l’exploitation des ressources naturelles n’ont refait surface chez les militants civils que récemment, avant d’analyser en dernier lieu les implications de ce changement d’orientation.
    La période de la colonisation espagnole et la découverte des gisements de pétrole
    Aujourd’hui les richesses naturelles du Sahara occidental sont sous contrôle marocain, et ce sont le roi Mohammed VI et les membres du makhzen (membres de l’élite monarchiste et de l’appareil étatique) qui profitent le plus souvent personnellement de leur extraction. Néanmoins on peut faire remonter leur exploitation économique à l’époque de la colonisation espagnole. La colonisation du Sahara occidental fut l’œuvre de quelques impérialistes et marchands espagnols, suivis d’une poignée de petites entreprises. En effet, l’entreprise espagnole de colonisation eut au départ un caractère exclusivement commercial. (Munene 2008, 91). Son objectif était de créer une série de petits bastions fortifiés le long des côtes du Sahara. Le premier fut construit à l’endroit qui allait devenir la capitale coloniale, Villa Cisneros, aujourd’hui Dakhla, en 1884-1885 (San Martin 2010, 26). Ultérieurement des bâtiments furent construits à Tarfaya et à Lagwirah, respectivement en 1916 et 1920 (Zunes et Mundy, 2010, 100). Les Espagnols purent profiter des importantes ressources halieutiques et du commerce avec les tribus sahraouies ou autres qui parcouraient la route caravanière traditionnelle en provenance du Sénégal1.
    Timbre espagnol de 1924
    Des expéditions géologiques privées effectuées en 1947, suivies d’études commandées par le gouvernement et réalisées entre 1952 et 1962 ont découvert des gisements pétroliers tant sur la terre ferme qu’au large des côtes. Cependant, en raison de la faiblesse des prix, de la médiocre qualité et du manque d’infrastructures, aucune compagnie n’a investi dans ce domaine (San Martín 2010, 51). La découverte des plus importantes réserves de phosphates au monde (essentiels dans la production d’engrais pour l’agriculture) étant considérée potentiellement beaucoup plus lucrative, la colonisation s’orienta vers l’intérieur des terres. La compagnie minière espagnole EMINSA (renommée PHOSBUCRAA) a créé la mine de Fos Boukraa en 1968, avec une bande transporteuse de 96 kilomètres de long (la plus longue du monde) pour acheminer la production jusqu’à l’océan Atlantique pour son exportation. Quarante-six ans plus tard, le Maroc utilise cette mine pour dominer le marché des phosphates avec 85 % de la production mondiale. Rien qu’en 2014, Boukraa a produit environ 2,1 millions de tonnes de phosphates, d’une valeur estimée à environ 230 millions de dollars par an (Western Sahara Resource Watch 2015).
    Bien que déjà dans les années 1960, les Nations Unies aient fait pression sur l’Espagne pour qu’elle mette fin à la colonisation2, l’expansion du projet colonial a amené de plus en plus d’Espagnols à s’installer au Sahara occidental, dorénavant considéré comme une province espagnole. Beaucoup de Sahraouis se sont sédentarisés. Beaucoup d’hommes travaillaient à la mine de phosphate, des femmes et hommes dans l’industrie de la pêche, fournissant une main-d’œuvre bon marché pour l’exploitation des ressources, pendant que d’autres travaillaient pour l’administration coloniale. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de ségrégation. Elle existait bel et bien, et, bien évidemment, les richesses du territoire étaient partagées très inégalement en faveur des Espagnols. Le mécontentement des exploités, allié à l’effondrement des formes d’organisation sociale fondées sur les liens de parenté, a favorisé l’émergence d’un nouveau sentiment d’appartenance à une collectivité. Comme l’a montré un recensement de la population espagnole de 1973, les Sahraouis ne s’identifiaient plus comme membres d’une tribu spécifique. Au contraire, ils disaient en plaisantant que tous les Sahraouis étaient membres de la tribu corvéable de basse caste des Znagas et payaient leur tribut aux Espagnols (San Martín 2010, 55). 

    Entre-temps, la ferveur révolutionnaire s’étendait à l’ensemble du continent africain, et le Sahara occidental ne devait pas y échapper. Mohammed Bassiri, un intellectuel sahraoui, nationaliste modéré et bien au fait des courants panarabistes, socialistes et anticolonialistes qui traversaient l’Afrique à cette époque, contribuait à répandre ce genre de discours politiques dans la population sahraouie. À mesure que se répandaient dans tout le Sahara le sentiment d’une identité collective sahraouie et la variété de nationalisme de Bassiri, les graines d’un mouvement indépendantiste germaient. Cependant, après une manifestation rassemblant 5000 Sahraouis sur la place Zemla à El Ayoune le 17 juin 1970, plusieurs dirigeants du mouvement ont été arrêtés ou abattus, et Bassiri a “disparu”. Cette violente répression d’un mouvement pacifique a poussé les nationalistes sahraouis à la lutte armée. À propos de ces événements, des femmes sahraouies ont déclaré à des dirigeantes espagnoles de la Section Féminine franquiste au Sahara : “le moment historique a été le 17 juin 1970. Nous ne pouvons plus vous faire confiance…”(Mateo 1974, 8). Peu de temps après le massacre, inspiré par les événements de Zemla et le groupe de Bassiri, Harakat Tahrir (Mouvement de libération), un groupe de jeunes universitaires sahraouis qui étudiaient au Maroc ont formé le « Frente Popular de Liberación de Saguia el Hamra y Río de Oro » (Front populaire de Libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro, POLISARIO), dirigé par le charismatique El Ouali Mustafa Sayed (plus communément appelé ‘El Ouali’).
    C’est ainsi qu’a commencé la lutte armée. Tout d’abord, El Ouali et ses camarades ont parcouru clandestinement le territoire pour recruter des sympathisants pendant que des militantes comme Fatima Ghalia Leili commençaient à former les femmes aux méthodes d’action directe (Entretien avec Soukaina Yaya, militante née pendant la période espagnole, El Ayoune, 22 août 2014). Le Polisario et sa section féminine ont poursuivi le travail idéologique commencé par Bassiri.
    L’idéologie nationaliste du POLISARIO faisait appel aux discours révolutionnaires et socialistes qui insistaient sur le rôle central des masses populaires dans le changement révolutionnaire, et au principe que les intérêts collectifs devraient toujours primer sur les intérêts individuels. Le POLISARIO envisageait une société égalitaire et communautaire, dans laquelle l’esclavage serait aboli et dont l’un des objectifs serait l’émancipation des femmes. (Allan 2010, 190).
    Le discours nationaliste sahraoui a inauguré une nouvelle lecture de la société qui, suivant ce que Laclau et Mouffe ont appelé la « logique de la mise en équivalence », essayait de diviser le champ de la discursivité en deux blocs idéologiques opposés pouvant se nier l’un l’autre tout en “décontestant” et en rendant équivalents toute une série de discours, de conflits et de griefs plus particuliers (1987). La discrimination contre les employés à la mine de Boucraa, le manque d’accès à l’éducation et aux emplois pour les femmes sahraouies, les obstacles dressés contre la participation à la politique des jeunes générations de Sahraouis, la discrimination raciale subie par les esclaves noirs et les harratines (anciens esclaves), ont tous été mis sur un pied d’égalité, prenant la valeur de différents aspects d’une même oppression : celle de l’ennemi colonialiste – d’abord l’Espagne, et plus tard le Maroc et la Mauritanie (Allan 2010, 190).
    Combattante sahraouie, par Christine Spengler, 1976
    Pendant la période espagnole, la libération du joug colonial s’exprimait dans le discours du Polisario sous la forme de l’indépendance pour le peuple sahraoui et de la souveraineté sur ses ressources naturelles. Les archives espagnoles de cette période montrent combien, dès 1974, ce type de discours devenait hégémonique dans la population sahraouie. Un rapport espagnol sur les opinions politiques des femmes sahraouies, par exemple, notait que les femmes étaient presque sans exception en faveur de l’indépendance et de l’autodétermination, opposées à toute intégration à un autre pays quel qu’il soit, et soutenaient le POLISARIO. Les femmes sahraouies avaient conscience d’être “riches mais les Espagnols leur prenaient ce qui leur appartenait (Mateo 1974 , 20) et la phrase “nous sommes riches et nous avons du phosphate”(Mateo 1974 , 3) revenait systématiquement, ont rapporté les chercheurs espagnols. Deux événements contribuent à illustrer encore plus combien la souveraineté sur les ressources naturelles était indissociablement associé, dans le discours nationaliste naissant, au rêve de l’indépendance.
    En octobre 1974, une écolière sahraouie de 15 ans a rassemblé toutes ses camarades de classe pendant la récréation pour organiser une protestation contre la présence espagnole dans le territoire. Les filles se plaignaient de ce que les Espagnols n’avaient rien fait d’autre dans le territoire que d’y “découvrir du phosphate” et de “l’emporter chez eux” (Mateo 1974 , 9). Dans la nuit du 19 de ce mois, des guérilleros du POLISARIO ont saboté en deux endroits la bande transporteuse de Boukraa, infligeant à l’Espagne des pertes économiques « très sérieuses » (Mateo 1974). Grâce aux idées nationalistes qu’il avait semées et réussi à imposer, le POLISARIO avait fait des richesses naturelles un point central des revendications de la résistance sahraouie contre les Espagnols. Nous verrons plus bas dans quelle mesure cette revendication a refait surface dans le mouvement de résistance non-violente contre l’occupation marocaine.
    Vers la fin de 1974, sous la pression croissante, de l’ONU à l’extérieur et du mouvement sahraoui à l’intérieur, l’Espagne annonça son intention de tenir un référendum d’autodétermination pour le peuple sahraoui, et réalisa un recensement dans ce but. Mais le Maroc et la Mauritanie avaient d’autres objectifs et revendiquaient le Sahara comme leur appartenant. Ces deux pays portèrent leur revendication devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) en 1975. Soutenus par tous les États arabes, ils demandèrent un avis consultatif qui les aiderait à mener à bien légalement leur projet de conquête. Pourtant la CIJ ne rendit pas l’avis que le Maroc espérait. Pour la CIJ, il n’existe pas d’éléments historiques “établissant un lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental, le Royaume du Maroc et l’entité mauritanienne” ; ces éléments montraient qu’à l’époque précoloniale, le Sultan du Maroc n’avait aucun contrôle sur le Sahara occidental, et que le sultanat ne prétendait pas que le territoire était sous son contrôle (Cour Internationale de Justice, 1975).
    Ainsi, la CIJ encourageait l’application de la résolution 1514 (XV) pour “la décolonisation du Sahara occidental, et en particulier du principe d’autodétermination par l’expression libre et authentique de la volonté des peuples du Territoire” (Cour Internationale de Justice 1975).
    Le lendemain de la décision du CIJ le roi Hassan II a annoncé à la télévision marocaine que la Cour avait tranché en sa faveur, et qu’en conséquence, il conduirait une Marche Verte “pacifique” de plus de 300 000 civils marocains au Sahara occidental. L’Espagne, peu désireuse de s’engager dans une guerre impopulaire et coûteuse avec le Maroc et la Mauritanie, accepta par un accord tripartite signé le 14 novembre 1975 de diviser le Sahara occidental entre ses deux voisins africains. En échange de la trahison de sa colonie, l’Espagne se verrait attribuer 35% du produit de toute exploitation minière à venir, ainsi que certains droits sur la pêche (Zunes and Mundy 2010 , Chapitre 1).
    En novembre 1975, 350 000 civils marocains se mirent en route à pied en direction des villes du Sahara occidental. En même temps, l’armée marocaine y faisait son entrée équipée de chars et d’avions. Elle bombarda des groupes de Sahraouis qui s’enfuyaient (environ la moitié de la population était restée dans la région du Sahara occidental qui devait être occupée) au napalm et au phosphore blanc (San Martín 2010 , 2). Ces civils se dirigeaient à pied vers l’Algérie, qui leur avait offert l’asile dans sa Hamada, la partie la plus aride et la plus inhospitalière du désert, où les réfugiés sahraouis demeurent encore à ce jour. C’est là que le POLISARIO a installé son État en exil, la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée à l’origine à Bir Lahlou, dans la partie libérée du Sahara occidental, le 27 février 1976.
    Les forces mauritaniennes ne faisaient guère le poids face aux tactiques de guérilla du POLISARIO. La Mauritanie battit en retraite en 1979, signant un accord de paix avec les Sahraouis, à un moment où le Maroc avait été presque entièrement chassé du territoire (La Mauritanie a depuis lors reconnu la RASD). Cependant, malheureusement pour le POLISARIO, au cours de la décennie suivante, la tendance s’est inversée en faveur du Maroc grâce à ses alliés de longue date, l’Arabie saoudite, la France et les USA, qui lui ont offert un soutien financier et militaire, ainsi que leur parrainage pour la construction du plus long mur militaire en activité (Zunes and Mundy 2010 , Chapter 1). Mesurant environ 2700 kilomètres de long, le “Mur de la Honte”, comme le nomment les Sahraouis, sépare les territoires contrôlés par le POLISARIO des zones occupées par les Marocains. Il est lourdement renforcé par d’imposants champs de mines (San Martín et Allan 2007 ).
    Cela a mis le Maroc dans une position de force pour négocier quand l’ONU est rentrée en scène pour essayer d’établir un cessez-le-feu en 1991. Celui-ci était fondé sur la promesse d’un référendum d’autodétermination pour les Sahraouis. Pourtant ce vote avait été bloqué de manière répétée par le Maroc, mettant la solution que promouvait l’ONU dans une impasse. Depuis lors, le POLISARIO, qui ne dispose plus d’une option militaire réaliste face à la supériorité militaire du Maroc et de ses puissants alliés occidentaux (ce qui n’a pas toutefois empêché des appels à la guerre de plus en plus pressants), reste sur la même position politique, sans perspectives apparentes. Entre-temps, dans les Territoires Occupés, un mouvement non-violent de civils sahraouis a fait son apparition. Sa résistance fera l’objet de la prochaine partie de cet article.
    Joanna Allan
    Traduit par Jacques Boutard
    Edité par Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي
    Date de parution de l’article original : 22/04/2016
    1 Le premier lieu fortifié, Villa Cisneros, avait pour objectif de vendre des vêtements, de la nourriture, des armes, des miroirs, des barres d’acier, des ânes et des chevaux aux nomades des environs, et de leur acheter des chameaux, des fourrures de gazelles, de l’or, de la gomme arabique et des plumes d’autruches, mais le commerce ne démarra jamais vraiment en raison des raids sahraouis récurrents contre les Espagnols.
    2 La première Résolution de l’Assemblée Générale sur la question (numéro 2229, XXI) de décembre 1966 appelait l’Espagne à accorder l’autodétermination aux peuples des territoires de Sidi Ifni et du Sahara occidental.
  • La brouille diplomatique entre Paris et Rabat confirmé : le Maroc perd le bras de fer contre Ban Ki-moon

    Ban Ki-moon avec la MINURSO à Bir Lehlou.
    Sahara Press Service a annoncé ce matin que le Maroc a finalement accepté le retour au Sahara Occidental de la composante civile de la MINURSO expulsée au mois de mars dernier. Ce qui veut dire que Rabat a perdu le bras de fer contre Ban Ki-moon. Ce dernier a fini par avoir le soutien du Conseil de Sécurité dans sa volonté de garder la totalité du contingent de la MINURSO en vue de garantire sa pleine fontionnalité.
    La victoire de Ban Ki-moon a été possible parce que le Maroc n’a pas trouvé le soutien qu’il attendait de la France. De là, la décision de Rabat d’annuler provisoirement la visite du Ministre français des Affaires Etrangères, Jean-Marc Ayrault. Le blog Diaspora Saharaui était le premier à se faire écho de la dispute entre les deux alliés. 
    Encore une fois, les autorités marocaines ont fait preuve d’immaturité dans la gestion du conflit du Sahara Occidental. 
    Rabat cherche à gagner du temps en attendant la fin du mandat du Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-moon. Leur seul de moyen de parvenir à leurs fin est jouer à l’enfant gâté. Jusqu’à quand? Une question que, apparemment, ils ne se posent pas.
    Dans le but de cacher leur énième revers, les autorités marocaines prétedent que le retour de la MINURSO est « conditionné » pour ne pas dire qu’il a été imposé au risque d’affronter des sanctions de la part du Conseil de Sécurité.
  • Agenda chargé du nouveau président de la RASD : Brahim Ghali, Alger avant le sommet de l’UA à Kigali

    Brahim Ghali est le nouveau secrétaire général du Polisario et président de la RASD depuis avant-hier samedi. Il succède ainsi à feu Mohamed Abdelaziz décédé le 31 mai dernier après une longue maladie. Et comme il fallait s’y attendre, l’Algérie sera la première halte officielle du nouveau président sahraoui élu.
    Une annonce que Brahim Ghali a faite samedi soir à partir de Dakhla (camps des réfugiés sahraouis) lors de sa première rencontre avec la presse quelques instants seulement après avoir prêté serment. «L’Algérie sera ma première destination avant mon départ pour participer au sommet de l’UA», prévu du 10 au 18 juillet à Kigali, a, en effet, indiqué le président sahraoui qui s’est félicité de «la participation massive de toutes les classes de la population sahraouie au congrès». «L’union du peuple sahraoui est un message pour l’occupant marocain.» 
    «Le peuple sahraoui et la direction du Front ont relevé le défi et ont pu assurer leurs missions en organisant ce congrès», a souligné à propos Brahim Ghali qui auparavant, dans son allocution à l’issue du Congrès extraordinaire du Front Polisario, appelait les cadres du Front à «engager des réformes qualitatives en faveur du renforcement de l’édification organisationnelle et institutionnelle». 
    «Nous sommes appelés à opérer une mutation qualitative en termes de consolidation de la construction organisationnelle politique de sorte que toutes les composantes nationales soient présentes sur le terrain et que toutes les forces vives puissent relever les défis qui se posent actuellement à la cause sahraouie sur tous les plans et dans tous les domaines», a indiqué le président Ghali. Il a insisté à l’occasion sur «la poursuite des efforts en faveur du renforcement et du rajeunissement de l’Armée de libération sahraouie à travers la diversification de la formation et de l’instruction, de sorte à ce que notre armée puisse faire face à tous les défis, y compris la lutte armée». 
    Le président sahraoui a, par ailleurs, insisté sur la poursuite de «l’intifadha» pour l’indépendance en tant qu’élément essentiel où tout un chacun est appelé à en assurer le soutien avec tous les moyens aux plans interne et externe. Il a, également, souligné la nécessité de «doubler d’efforts à l’égard des jeunes et des femmes qu’il convient de placer en tête des priorités de nos programmes nationaux, tout en veillant à assurer une présence plus élargie de ces deux catégories sur tous les fronts». 
    Par ailleurs, pour le président sahraoui, il est nécessaire de «continuer à renforcer l’action extérieure en insistant sur les droits de l’Homme, les ressources naturelles et les aspects juridique, médiatique et culturel». Le SG du Front Polisario a en outre appelé à «se dresser face aux tentatives d’atteinte aux acquis nationaux, remportés au prix de lourds sacrifices et à lutter contre les dysfonctionnements enregistrés en matière de gestion». 
    «L’ONU et le Conseil de sécurité sont appelés à assumer leur responsabilité et à faire pression sur l’occupant marocain qui œuvre depuis 25 ans à saper les efforts de règlement du conflit», a conclu le président sahraoui. 
  • Ouverture d’une représentation diplomatique sahraouie à Nouakchott

    Cet isolement du Makhzen marocain est sans précédent depuis le rapprochement opéré par la Mauritanie avec l’Algérie et le Front Polisario.
    Et partant, un froid est en train de s’installer entre Rabat et Nouakchott, ce qui va accentuer la crise dans la région et ce, après l’annonce probable de l’ouverture d’une représentation diplomatique sahraouie à Nouakchott après la participation d’une délégation mauritanienne de haut rang au Congrès extraordinaire du Front Polisario à Dakhla près de Tindouf.
    En effet, le congrès extraordinaire du Front Polisario, qui s’est déroulé les 8 et 9 juillet, a vu la présence d’une forte délégation mauritanienne conduite par l’ancien ministre de la Justice. Ainsi, la Mauritanie se rapprochant davantage du Sahara occidental a envoyé une délégation conduite par Sidi Ould Zine, membre du Bureau politique du parti l’Union pour la République, au pouvoir actuellement, et ancien ministre de la Justice. La mission comprend également le président de la formation de l’Union des forces du progrès ainsi que des députés membres du groupe d’amitié parlementaire entre la Mauritanie et le Polisario. L’arrivée de cette importante délégation confirme l’impasse dans laquelle se trouvent les relations entre Nouakchott et Rabat. Pour mémoire, le président mauritanien avait décrété trois jours de deuil à la suite du décès de Mohamed Abdelaziz et dépêché son ministre aux Affaires islamiques et à l’enseignement originel, Ahmed Ahl Ould Daoud, pour assister à la cérémonie d’inhumation de l’ancien chef du Polisario et président de la RASD à Bir Lahlou. Bien qu’il n’y ait eu aucun commentaire officiel du Maroc après tous ces signes, cependant, la participation de la délégation mauritanienne à ce congrès est une reconnaissance implicite du Front Polisario, seul représentant légitime du peuple sahraoui. Pour rappel aussi, le 24 mai dernier, le ministre des Affaires étrangères, Isselkou Ould Ahmed Izid Bih, est venu en Algérie, ce qui a mis un terme à une année de brouille à la suite de l’expulsion du premier conseiller de l’ambassade algérienne à Nouakchott, accusé d’être derrière un article critique sur le Maroc paru sur un site d’information mauritanien. L’article en question publié sur le site Al-Bayan Assouhoufi, affirmait que la Mauritanie avait déposé une plainte aux Nations unies contre le Maroc l’accusant d’inonder le Nord du pays de drogue. Sans oublier les demandes aux personnels marocains de Mauritel et d’une banque du royaume de quitter le pays. Cette crise diplomatique qui éclate au grand jour intervient après plusieurs tentatives infructueuses du ministre des Affaires étrangères de se réunir avec les hauts responsables de l’Etat Marocain afin de leur transmettre une invitation de la Présidence mauritanienne pour le prochain Sommet arabe qui se tiendra les 25 et 26 juillet dans la capitale mauritanienne.
    A toutes ces données, qui accentuent cet isolement du Maroc, s’ajoutent les vives critiques de la communauté internationale et du SG de l’ONU, après l’expulsion du personnel de la Minurso et les tergiversations du Maroc à apporter une solution durable à la question sahraouie.