Info-Soir : Dossier sur le Sahara Occidental

Pour que nul n’oublie 
Comme bon nombre d’institutions sahraouies, le Musée national sahraoui de la résistance se trouve dans les camps des refugiés sahraouis de Tindouf (à Rabouni plus précisément). 
Réparti en plusieurs salles, le musée a pour objectif premier «la sauvegarde de la mémoire collective sahraouie en retraçant les grands moments de la guerre de l’indépendance. Dans la cour principale du musée, du matériel militaire dont des tanks, des véhicules de transport de troupes, des canons à longue portée et des véhicules militaires légers «récupérés de l’ennemi» témoignent de la férocité des combats entre le Polisario et les FAR. La première aile jouxtant l’entrée principale, une spacieuse pièce est dédiée au chemin parcouru, depuis la proclamation de la Rasd. Un gigantesque tableau remémore les premiers Etats l’ayant reconnue depuis 1976. Des photographies en noir et blanc retracent également «les moments les plus durs des révolutionnaires sahraouis». La fameuse Land Rover et le dromadaire sont omniprésents. L’hymne national sahraoui et toutes les chansons révolutionnaires sont aussi fièrement transcrits sur des écriteaux. Les héros sahraouis ont également leur part dans le musée puisqu’on y retrouve des photographies du fondateur de la RASD, de ses compagnons et de tous ceux et celles ayant gravé leurs noms en lettre d’or dans l’Histoire d’un peuple « qui aspire toujours à son indépendance ». A l’intérieur, soigneusement sauvegardés, des documents officiels au sigle du Royaume du Maroc et signés par « sa majesté le Roi Hassan II » sont pour la plupart des « Ordres de Missions », « Des Plans de Batailles » et aussi « Plans de restructuration des Armées » sont présentés comme « des preuves formelles des revers subis par les FAR durant le conflit  puisque  récupérés lors des différentes offensives » nous explique notre guide. En sillonnant le musée, on ne peut, ne pas remarquer les dizaines de «cartes d’identité militaire » de simples soldats ou d’officiers marocains et mauritaniens « capturés » ou « tués ». 
Un peuple de guerriers 
L’histoire nationaliste des Sahraouis ne pourrait, en aucun cas, se résumer dans le conflit l’opposant aux troupes des Forces armées royales marocaines (FAR). 
Bien avant, pas encore structurés en l’actuelle Armée populaire de libération du Sahara (ALPS), les combattants sahraouis se sont révoltés contre les Espagnols et les Mauritaniens. Au lendemain de la création de la RASD (République arabe sahraouie démocratique), le 27 février 1976 par le Front Polisario à Bir Lehlou, les combattants sahraouis attaquent les forces marocaines et mauritaniennes par des incursions éclairs (guérilla). C’est le début d’un long parcours pour l’indépendance. Un long chemin parsemé non seulement de toutes formes de brutalités marocaines et de complicités françaises, mais aussi émaillé d’actes de bravoure et d’héroïsme des combattants sahraouis. Ce conflit a fait plus de 16 000 morts. Un cessez-le-feu a été signé entre les deux parties en 1991. En compagnie de Mohamed Lehbib El Ouali, un ancien combattant de l’ALPS, nous avons remonté le temps jusqu’aux premiers instants d’un conflit qui aurait causé la mort de plus de 16 000 personnes. Un vrai parcours de…combattants. Malgré son âge quelque peu avancé (64 ans), Mohamed Lehbib s’en souvient parfaitement. Nous l’avons rencontré dernièrement dans la wilaya de Boudjedour et sur insistance de l’un de ses compagnons d’armes, aujourd’hui cadre de la gendarmerie sahraouie il s’est confié à Info Soir. La tactique du Polisario est très simple, nous dit-il, «elle repose sur la mobilité et la connaissance du terrain également appelée rezzous, elle consiste à attaquer grâce à des colonnes rapides des postes militaires et de se replier le plus rapidement possible». Il ajoute : «A l’époque, on n’avait pas une véritable armée comme de nos jours. C’était juste quelques combattants pas du tout formés. Notre seule motivation était la hantise de défendre à tout prix la terre ancestrale. Le peu d’armes dont on disposait nous parvenait des attaques que nous menions contre les troupes espagnoles, mauritaniennes et marocaines par la suite». Les hommes ne disposaient alors que de quelques uniformes, des fusils et des munitions et des voitures, mais « le désir de l’indépendance faisait de lui et de ses compagnons d’armes, les maîtres des terrains». «Pour tous les combattants sahraouis, l’exemple n’était que celui des valeureux moudjahidines algériens ayant défié l’une des plus puissantes armées de ses temps (armée française) et arraché l’indépendance de l’Algérie au prix fort. Les débuts n’ont certes pas été faciles, mais les choses ont évolué positivement durant les 15 ans qu’aura duré le conflit», a-t-il encore ajouté avant de marquer un temps d’arrêt. «Dur, c’est vraiment dur de repenser à toute cette période. Sur le front, nous parvenaient des échos des populations séquestrées, massacrées, des femmes violées, des enfants maltraités et aussi des ressources naturelles sahraouies spoliées par les Marocains avec la bénédiction de cette France qui ne cesse pourtant de prôner les droits de l’Homme dans le monde», a, en outre, soutenu notre interlocuteur
Une identité, une histoire 
La révolution à Saguia El- Hamra et Ouad Edahab (Rio de Oro) s’est déclenchée parce qu’il existe un peuple. Ce peuple possède son identité nationale, sa propre civilisation, ses propres principes, ses propres valeurs, sa propre organisation. 
«Ce peuple existe et survivra à la trahison du colonialisme, à l’agression des régimes réactionnaires et à leurs manœuvres», disait Mustapha El Ouali Sayed, secrétaire général du Front Polisario. La guerre d’indépendance des Sahraouis commence en 1973. Le congrès constitutif du Polisario, début mai 1973, se déroule sous le slogan «C’est par le fusil que nous arracherons la liberté» et c’est la prise du poste d’El-Khanga, le 20 mai 1973, qui constitue le déclenchement de la lutte armée. A l’époque, selon les historiens, il s’agit de harceler la puissance coloniale et les troupes espagnoles présentes sur le territoire. A partir d’octobre 1975 et le début de l’invasion militaire marocaine, puis mauritanienne en décembre de la même année, la situation change. Aussi le Polisario va-t-il devoir rechercher une aide extérieure, même si ses succès sur le terrain lui permettent déjà de récupérer le matériel pris à l’ennemi. De 1973 à 1975, le bras armé du Front Polisario – qui deviendra à partir du deuxième congrès, en août 1974, l’Armée de libération populaire sahraouie, ALPS – est peu et mal équipé, sans grande formation ou instruction militaire, et de ce fait, réduit à une guerre de guérillas à petite échelle. En fait, après la prise d’El-Khanga, où pas un seul coup de feu n’est tiré, en 1973, il y a eu seulement trois attaques du Polisario contre les postes espagnols. Deux raisons d’un côté, de la très grosse concentration de troupes espagnoles, très bien équipées, disposées pour faire face à toute menace marocaine. Celles-ci comptent notamment l’aviation et des hélicoptères destinés aux opérations de repérage et de poursuite, de l’autre, le sous-équipement en armes, munitions et moyens de déplacement du Front ainsi que le nombre encore réduit de combattants en ses rangs. En 1973, le Front limite ses actions de guérilla et privilégie à travers tout le territoire l’action militante. Entre 1974 et 1975, le Front Polisario se constitue en organisation équipée en armes automatiques, avec ses camps d’entraînement. Parallèlement, son implantation au Sahara occidental devient totale. Sa branche militaire a désormais des ramifications dans tout le territoire, notamment parmi les troupes nomades et la police territoriale. Les désertions sahraouies des troupes nomades qui rejoignent le Polisario s’accompagnent de prises d’armes, de munitions et de matériel. Par ailleurs, elles permettent à l’ALPS de bénéficier de la formation et de l’expérience militaire de ces nouvelles recrues. «Les opérations d’attaque, qui plutôt qu’à un affrontement direct visant à éveiller le sentiment national, doivent être envisagées avec soin, en calculant bien le temps d’approche de l’objectif, consistent en coups d’éclat effectués de nuit et garantissent un repli sans problèmes jusqu’à une position choisie à l’avance où peut être tendue une embuscade contre les forces de poursuite. Telle est la tactique adoptée pendant l’année 1974. Cette stratégie est optée pour obliger les Espagnols à des négociations. F .H. 
Une armée «prête» à tout 
L’Armée de libération populaire sahraouie effectuait en avril dernier, des manœuvres dans les territoires libérés. 
C’était dans la région d’Aghouinit précisément. Ces manœuvres ont été menées dans la zone sud par les unités 1, 3 et 7 de l’ALPS. Le début de cette manifestation militaire a été marqué par une allocution du chef d’état-major de l’ALPS, qui a indiqué que ces manœuvres s’inscrivent dans le cadre du programme annuel du ministère de la Défense sahraoui et font suite aux récents agissements de l’occupant marocain qui sont de nature à saper les négociations entre les deux parties (le Maroc et le Front Polisario). Elles intervenaient notamment après l’expulsion par le Maroc de la composante civile de Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), déployée sur décision du Conseil de sécurité et ayant pour mission l’organisation d’un référendum libre et intégré en faveur de l’autodétermination du peuple sahraoui. Ces manœuvres visent en outre, «la préparation des troupes en prévision de toute urgence». Pour sa part, Youcef Ahmed, membre du secrétariat général du Front Polisario a indiqué que cette manifestation se veut un message de l’Armée de libération populaire sahraouie (ALPS), en tant qu’aile armée du Front Polisario, pour «la libération des territoires occupés du Sahara occidental». «Cette libération est notre principal objectif», a-t-il dit. Le ministre sahraoui de la Défense, Abdelah Lehbib a affirmé que l’Armée de libération populaire sahraouie (ALPS) était prête à faire face à tout imprévu de la part du Maroc. Intervenant à l’issue des manœuvres militaires M. Lehbib a indiqué que «l’Armée est dotée de moyens humains et du matériel nécessaire pour faire face à toute escalade, eu égard au constat positif fait suite à ces manœuvres, concernant l’efficacité, et la célérité». Il a mis en garde, par ailleurs, contre «un retour à la lutte armée qui déstabiliserait la région tout entière», ajoutant toutefois que «le retour au combat serait l’unique solution face à l’intransigeance de l’occupant marocain». 
Une date, une référence 
Evènement n La célébration du 43e anniversaire de la lutte armée sahraouie constitue un évènement historique requérant la valorisation, la protection et la défense des acquis réalisés dans tous les secteurs. 
«Cette valorisation nécessite une action judicieuse pour réaliser davantage d’acquis et de victoires ainsi que la défaite de l’occupant marocain et son expulsion des terres sahraouies, irriguées du sang des glorieux martyrs», a affirmé dans le camp des réfugiés sahraouis d’Aousserd, le responsable du secrétariat de l’organisation politique du Front Polisario, Brahim Ghali. Pour ce responsable, «la lecture de l’histoire exige de s’en souvenir, de s’en inspirer et d’y puiser les enseignements de cette longue période de lutte armée, avec ses épopées, ses victoires et ses sacrifices, en plus de l’édification des institutions et l’investissement dans la ressource humaine sahraouie, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation». «Cette période a connu, en dépit de multiples dangers et de difficultés, d’importantes mutations politico-économiques et socioculturelles, comparativement aux circonstances d’avant le 20 mai 1973», a-t-il ajouté en signalant que «les acquis obtenus sont le fruit des sacrifices de l’Armée de libération sahraouie». «Ces profondes mutations se reflètent à travers la notoriété et la place qu’incarne aujourd’hui la cause sahraouie de par le monde, suite aux victoires diplomatiques obtenues avec le soutien des amis du peuple sahraoui à travers le monde et nécessitant, a-t-il dit, la mobilisation des compétences nationales sahraouies pour gagner la dernière étape de la bataille décisive». Selon M. Ghali, «la célébration du 43e anniversaire de la lutte armée sahraouie intervient dans des conditions particulières de l’évolution de la lutte pour la liberté et l’indépendance et marquées, à l’échelle locale, par une mobilisation et un rassemblement des points de force et de résistance pour faire face aux éventualités pouvant découler de l’intransigeance marocaine et de sa démarcation de la légitimité internationale». «Le Front Polisario, le peuple sahraoui et la communauté internationale ne resteront pas indifférents face à l’intransigeance continue du Maroc et son entrave aux démarches onusiennes et africaines visant le parachèvement du processus de décolonisation dans la dernière colonie en Afrique», a encore assuré le responsable sahraoui. «Le colonisateur marocain, au ban aussi bien de la communauté africaine qu’internationale, vit un isolement international en raison de son déni des droits immuables du peuple sahraoui liés à la liberté et l’indépendance et de son refus de se soumettre à la légalité internationale», a-t-il poursuivi. Au terme de son intervention, le responsable sahraoui a appelé à rendre hommage aux glorieux martyrs, à leur tête le martyr de la liberté et de la dignité, El-Ouali Mustapha Sayed. F. H.
INFO-SOIR, 26/05/2016

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