Année : 2020

  • Algérie-France : Le Drian à Alger, 48 heures pour les mises au point

    Le chef de la diplomatie se rend aujourd’hui à Alger pour une visite de travail de deux jours. Jeudi et vendredi, donc, Jean-Yves Le Drian fera avec son homologue algérien Sabri Boukadoum, qui l’a invité, le point sur les dossiers bilatéraux et la relation politique et diplomatique entre Alger et Paris.

    Au sujet du déplacement de deux jours du chef du Quai d’Orsay dans notre pays, une symbolique, celle de ne pas tenir compte de la crise sanitaire qui restreint les déplacements officiels même les plus importants et d’aller au contact physique avec les responsables algériens, le chef de l’Etat à leur tête, qui prévoit de recevoir en audience M. Le Drian au siège de la Présidence. Un contexte, également, celui des développements récents au Mali où il a été procédé, contre la libération de l’humanitaire Sophie Petronin, à la libération de plus 200 djihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSM), lié à El-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Une affaire mal perçue par Alger, dont la doctrine antiterroriste est de ne pas souscrire à la demande de rançon ou de répondre favorablement au chantage des prises d’otage et sur laquelle, bien qu’elle concerne le pouvoir de transition au Mali qui a négocié la transaction pour libérer également l’homme politique Soumaïla Cissé, il y aura probablement des discussions. Cela, en raison du mauvais signal envoyé aux groupes terroristes actifs au Mali et dans la bande sahélo-sahélienne.

    La venue du chef de la diplomatie française à Alger, la troisième après celle de janvier et mars derniers, devra être l’occasion d’échanger sur une meilleure régulation du bilatéral algéro-français après la nomination de deux nouveaux ambassadeurs, le Français François Gouyette à Alger, l’Algérien Antar Daoud à Paris, les deux diplomates étant chargés de relancer une relation en dents de scie et surtout en attente d’une cruciale mise à jour en ce qui concerne la question historique et mémorielle liée à la période de la colonisation.

    Selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères, hier, le déplacement de M. Le Drian s’inscrit «dans le cadre des consultations régulières inscrites à l’agenda politique et économique convenu entre l’Algérie et la France pour l’année 2020». Il «permettra de faire le point sur les avancées enregistrées, de part et d’autre, dans la coopération bilatérale marquée ces derniers mois par la concrétisation d’échéances importantes telles que la 6e session du Comité mixte économique algéro-français, tenue à Alger le 12 mars 2020».

    Cette visite donnera également lieu à «un échange de vues sur les questions régionales et internationales d’intérêt commun, notamment la situation au Sahara occidental, le dossier malien et la situation dans la région du Sahel ainsi que la crise en Libye, dont le règlement sera au centre des discussions entre les deux parties», selon le communiqué du ministère des Affaires étrangères.

    Source : Reporters, 15 oct 2020

    Tags : Algérie, France, Mali, Sahel, terrorisme, mémoire, colonisation, crimes contre l’humanité,

  • L’Algérie s’ouvre à l’investissement étranger : Vers la suppression partielle de la règle des 49/51%


    Par Me Fayçal Megherbi*

    Mise en œuvre dans le cadre des lois de finances complémentaires pour 2009 et 2010 complétant l’ordonnance n°01-03 du 20 août 2001 relative au développement de l’investissement, la règle dite des 49/51 dispose à l’article 4 bis de l’ordonnance que « les investissements étrangers ne peuvent être réalisés que dans le cadre d’un partenariat dont l’actionnariat national résident représente au moins 51% du capital social. Par actionnariat national, il peut être entendu l’addition de plusieurs partenaires ».

    Edictée afin de limiter les sorties de devises de l’Algérie, alors que le prix des hydrocarbures diminuait en 2009 de plus de 30%, cette règle constitue un moyen de collaboration imposée entre investisseurs étrangers et sociétés nationales. Elle n’est au demeurant pas nouvelle en droit du commerce international puisque de nombreux Etats l’ont déjà mise en œuvre, comme par exemple le Brésil en matière d’exploitation pétrolière et de télécommunications, l’Inde ou la Corée du Sud jusqu’en 1998 (législation dite du FIPA). Cette règle oblige l’investisseur étranger à négocier et agir de concert avec un partenaire local dans le cadre d’accords de coopération, c’est-à-dire le plus souvent en pratique dans le cadre de contrats de joint-ventures.

    Association de caractère contractuel, à objet limité, comportant la mise en commun de moyens et de risques et un égal accès des participants à la prise de décision (L.O. Baptasta, P. Durand-Barthez, Les joint-ventures dans le commerce international, Bruylant, 2012, p.73), la joint-venture d’investissement permet malgré la contrainte apparente des 49/51% d’assurer un accès au marché du pays qu’un investisseur seul aurait été incapable d’effectuer. Ce partenariat négocié peut, en outre, s’inscrire pour l’investisseur dans le cadre d’une stratégie mondiale de délocalisation ou d’outsourcing qui lui est profitable.

    C’est le cas pour beaucoup d’entreprises étrangères en Algérie, chinoises ou françaises. La règle des 49/51% peut s’avérer dans cette perspective profitable. Pourtant, il arrive que ce cadre réglementaire imposant une participation minoritaire de l’investisseur étranger freine celui-ci. La perte des processus décisionnels, notamment de la stratégie d’entreprise, peut en effet freiner l’engouement de la société investisseuse.

    Le droit du commerce international et la technique contractuelle offrent néanmoins des solutions à l’investisseur minoritaire, et ce, en conformité avec le droit du pays et les exigences réglementaires. En effet, à défaut de garder la propriété de la société (ownership) comme l’exige la règle des 49/51%, l’investisseur peut garder le contrôle de celle-ci. En effet, la propriété de la société n’est pas le contrôle de celle-ci. Comme le rappelle une doctrine autorisée : « Dans la société classique, la plupart des législations autorisent divers procédés -parts de fondateurs, actions à votes multiples, actions privilégiées ou à droits limités, voting trust – permettant de dissocier la propriété des actions de l’exercice du pouvoir », (L.O. Baptista, P. Durand-Barthez, op. cit., p. 111).

    De la même façon, le co-venturer minoritaire peut se voir octroyer – il peut le négocier – le droit de nommer les dirigeants de la société commune de sorte qu’à nouveau, la désignation des organes de direction permet au partenaire étranger, avec le support compétent, de fixer de manière non exclusive les stratégies commerciales, financières et comptables de la joint-venture. Outre ces moyens de contrôles internes stipulés dans le contrat de joint-venture, il existe également des moyens de contrôle externe pour protéger l’investisseur minoritaire. Il s’agit notamment des contrats dits d’application. Ces contrats, parfois plus importants que le contrat de joint-venture lui-même, assurent l’application de la joint-venture et permettent d’orienter le contrôle de la société et son activité commerciale et financière.

    La règle du 49/51% est supprimée pour certains secteurs

    L’article 49 de la loi nº 20-07 correspondant au 4 juin 2020 portant loi de finances complémentaire pour 2020 précise l’article 66 de la loi nº15-18 correspondant au 20 décembre 2015 portant loi de finances pour 2016. En effet, l’article 49 dispose qu’à l’exclusion « des activités d’achat revente de produits et celles revêtant un caractère stratégique », pour lesquelles la règle des 49/51% est maintenue, « toute autre activité de production de biens et services est ouverte à l’investissement étranger sans obligation d’association avec une partie locale ».

    L’article 50 de la présente loi annonce les secteurs considérés comme stratégiques. Parmi eux, l’exploitation du domaine minier national, le secteur de l’énergie, les voies de chemin de fer, les ports et les aéroports et les industries pharmaceutiques « à l’exception des investissements liés à la fabrication de produits essentiels innovants, à fort valeur ajoutée, exigeant une technologie complexe et protégée, destinés au marché local et à l’exportation ».

    Ainsi, les solutions pour l’investisseur étranger s’appliquent dorénavant sur les secteurs cités ci-dessus, à forte valeur ajoutée pour la plupart. Pour les autres secteurs, l’investisseur étranger a un pouvoir décisionnel égal au partenaire étranger dans le cas d’un contrat de joint-ventures, et un pouvoir décisionnel total dans le cas d’autres contrats, ce qui accroît leur attractivité.

    Cette incitation à l’investissement étranger, annoncée par l’actuel ministre ministre de l’Industrie et des Mines Ferhat Ait Ali le 30 septembre 2020, reflète la volonté du gouvernement de relancer l’économie dans un pays ayant extrêmement souffert de la chute des cours des hydrocarbures et de la crise sanitaire.

    Les deux principaux facteurs explicatifs de la satisfaction du partenaire local est la confiance mutuelle et l’environnement réglementaire, facteurs partagés par le « parent étranger ». Ainsi, si la suppression de la règle 49/51% favorise l’environnement règlementaire, un climat de confiance est le principal facteur de réussite de ces co-entreprises. De ce fait l’entrée des investisseurs étrangers dans l’économie algérienne est fortement conditionnée par la confiance des étrangers dans le marché algérien.

    Afin d’assurer aux investisseurs une plus grande confiance, il serait particulièrement intéressant pour l’économie algérienne de faciliter le rapatriement des sommes investies. Cette mesure serait très incitative dans la décision initiale d’investissement, apparaissant comme une assurance pour un investisseur méfiant du marché ou craignant un potentiel désaccord. En effet, selon l’article 24 de la loi n°2016‐09 du 3 août 2016 relative à la promotion de l’investissement « Tout différend né entre l’investisseur étranger et l’Etat algérien, […] sera soumis aux juridictions algériennes territorialement compétentes, sauf conventions bilatérales ou multilatérales […] » qui devront être réglées par un compromis entre les deux parties. De ce fait, l’investisseur n’est pas assuré de pouvoir rapatrier ses capitaux, ce qui constitue un frein potentiel à l’investissement étranger en Algérie.

    *Me Fayçal Megherbi, Avocat au Barreau de Paris

    Algérie1, 17 oct 2020

    Tags : Algérie, investissement, règle49/51, entreprises,

  • La piste marocaine dans l’égorgement du professeur Samuel Paty

    Abdelhakim Sefrioui, un agitateur marocain se trouve en garde-à-vue. La police tente de trouver des liens avec l’assassinat du professeur Samuel Paty, professeur d’histoire égorgé vendredi par un jeune âgé de 18 ans originaire de la Tchetchénie.

    Deux jours après l’initiative de Samuel Paty de montrer les caricatures de Charlie Hebdo, Sefrioui, accompagné de nombreux autres pyromanes, s’est présenté à l’école pour demander à la direction du lycée “la suspension immédiate de ce voyou […] avec la ferme intention de mobiliser devant l’école. »

    Dans une vidéo diffusée le 8 octobre, Sefrioui se présente comme membre d’un certain “Conseil des Imams de France” dont la légalité, selon BFMTV, est mise en doute. D’après Dhaou Meskine, le secrétaire général de cette prétendue entité a désavoué l’attitude de Sefrioui. “Personne n’a été autorisé à parler de cette tragédie ou dans n’importe quelle autre affaire au nom du Conseil des Imams, nous nous désolidarisons de tout ce qui a été dit en notre nom”, a -t-il déclaré.

    Abdelhakim n’est pas méconnu auprès des services de la lutte antiterroriste. En 2004, il a participé à des actions en vue de revendiquer «la liberté des femmes de porter le voile». Ses premières collisions avec le terrorisme en France remontent à l’année 2010 lorsqu’il militait dans l’organisation Forsane Alizza (« Les Cavaliers de la fierté »), un groupuscule radical islamiste, créé en août 2010 à Nantes, en France, par Mohamed Achamlane et dissout le 1er mars 2012 à la demande du ministre de l’intérieur Claude Guéant, qui considérait cette organisation comme incitant à la « lutte armée ».

    Ses relations aussi avec Rabat ont été révélées par le quotidien français Le Point. Sa participation répétitive dans des actes de violence liées à la défense de l’Islam lui ont valu une procédure de déchéance de la nationalité française. La procédure entamée par le chef des renseignements généraux a été empêché en raison de “la bienveillance dont il jouissait auprès des autorités marocaines”, précise Le Point.

    Ses agissements dévoilent une collision avec l’agenda du Maroc visant à mettre la main sur les principales mosquées de la France. A la tète de son “Collectif Cheikh Yassine” (du nom du fondateur du Hamas, tué par l’armée israélienne en 2004), il organise durant des mois des manifestations devant la mosquée de Drancy, où officie le tunisien Hassen Chalghoumi, imam de cette mosquée qui finira par s’en aller, victime de ces tensions.

    Dans ce contexte, sa fondation s’en est pris aussi à l’imam Dalil Boubakeur en raison de son origine algérienne. L’ancien recteur de la Mosquée de Paris a été victime de nombreux actes d’intimidation dirigés par Sefrioui en personne. C’est dire si la déstabilisation de Chalghoumi n’est pas un incident isolé mais bien une opération destinée à contrôler l’Islam de France tel que souhaité par Rabat.

    Selon des informations rapportées par Le Parisiem qui cite le journal Libération, les autorités françaises auraient “sérieusement envisagé” en 2014 “la dissolution de ce collectif”. « Cheikh Yassine, composé d’une trentaine de « frères » issus de la région parisienne, animerait, seul, le site de l’association cultuelle Ansar-al Haqq, une plateforme œuvrant au recrutement pour le djihad », pouvait-on lire alors, ajoute la même source.

    Ainsi donc, se précise la piste marocaine dont les traces se trouvent derrière tous les attentats commis en Europe depuis 2004. Une réalité que les responsables français tentent de dissimuler au peuple français pour des raisons géo-politiques.

    tags : France, Maroc, Islam, Abdelhakin Sefrioui, terrorisme, Samuel Paty, caricatures, Charlie Hebdo,

  • Algérie : Le souvenir du massacre du 17 octobre 1961 hante le pays

    17 octobre 1961-2020 : Honneur à celles et ceux qui sont tombés pour la Justice et la Liberté !

    Le 17 octobre 1961, après la décision du préfet de Paris Maurice Papon d’établir un couvre-feu discriminatoire contre les ressortissants algériens (enfants, femmes, hommes), le Front de Libération Nationale décide d’appeler à une manifestation pacifique de protestation. Bien entendu cette manifestation est interdite.

    De nombreux travailleurs algériens et leurs familles vivent à cette époque dans des bidonvilles, dans une misère indescriptible, avec seulement quelques points d’eau. Les hivers sont très froids à cette époque, le sol est gelé, et seuls des chauffages rudimentaires permettent de faire cuire la nourriture, se laver. L’éclairage est fait de bric et de broc.

    Le bidonville le plus peuplé est celui de Nanterre. C’est de là que vont partir des milliers d’algériens en cortège vers le centre de Paris où doit se dérouler la manifestation. Le chemin est long.

    Le courage et la détermination des manifestations malgré la fatigue de la journée de travail exercé dans des métiers pénibles et dangereux comme la chaîne à l’usine, le bâtiment, le nettoyage, etc.

    Arrivé à hauteur du Pont de Neuilly, un immense barrage de police est déployé. Il bloque la manifestation et attaque le cortège pacifique avec une violence incroyable. Les manifestants sont frappés à coups de crosse de fusil, tirés à vue, frappés à coups de matraque, et pour finir, nombre d’entre eux, ensanglantés, morts, évanouis, sont jetés par-dessus le pont de la Seine où ils se noient dans l’eau glacée.

    Les autres manifestants ou ceux partis d’autres endroits sont raflés par milliers le jour même et les jours suivants, matraqués, jetés comme des chiens dans les paniers à salade. Sur le pont St Michel, les manifestants sont encerclés et tabassés, jetés dans la Seine. Au cinéma Rex où est prévu le regroupement pour démarrer la manifestation, la police tire sur la foule. C’est la grande rafle, comme celle menée par la police parisienne de nuit contre les juifs qui furent concentrés au Vél’d’Hiv puis remisés à Beaune la Rolande en attendant leur départ parqués pire que des bêtes dans des wagons à bestiaux scellés, jusque dans les camps de la mort, où ils seront exterminés. A cette époque, Maurice Papon, fonctionnaire scrupuleux au service de l’Etat fasciste et collaborationniste de Vichy, signait sans état d’âme à Bordeaux l’arrestation de centaines de juifs qui finiront gazés à Auschwitz.

    De nombreux personnages criminels, tortionnaires du type Papon et autres ont été déclarés irresponsables, n’ayant fait qu’obéir, d’autres furent blanchis comme Bousquet dont Mitterrand est resté l’ami malgré ses turpitudes. La plupart n’ont encourus que de courtes peines, certains furent ignorés, voir aidés à se cacher ou à s’enfuir pour servir contre le communisme, les travailleurs, les mouvements de libération nationale comme le FLN, en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie, etc.

    Le 17 octobre 1961, le fascisme, le racisme a montré son visage au grand jour. Ce n’était pas un « incident » passager. La bête immonde tenue en laisse par la classe dominante et son appareil d’Etat est en réserve. Aujourd’hui même il faut être vigilant. Une forme de « fascisme moderne » se fait jour au moyen de l’appareil d’Etat, car ces idées ne sont pas véhiculées que par l’extrême-droite, les groupes fascistes ou néonazis. La montée de cette forme nouvelle peut se développer en utilisant les vieilles méthodes du passé comme le racisme pour diviser les travailleurs. Les conciliateurs et réformistes, en faisant croire que l’on peut dompter le système, le mettre au service de l’homme, paralysent la volonté de la majorité de notre peuple en semant les illusions.

    Nous devons rester vigilants, nous organiser pour que les crimes et horreurs du passé ne soient de nouveau utilisés par la classe dominante pour conserver ce système pourrissant qui porte en lui la guerre comme l’orage porte la tempête.

    Pour en finir avec l’horreur capitaliste ce système, il ne suffit pas de renverser un dictateur ou changer de gouvernement. Les fantastiques révoltes populaires arabes qui sont un pas en avant montrent leurs limites actuelles. Sans direction, sans parti révolutionnaire, la bourgeoisie peut reprendre en main l’appareil d’Etat en repeignant simplement la façade.

    Ceux qui sont morts il y a 59 ans pour la justice et la liberté, pour un monde meilleur, sous les coups des « chiens de garde » de la classe dominante, nous regardent. Nous avons le devoir de poursuivre leur combat pour la justice et la liberté.

    Tags : Algérie, France, massacre, 17 octobre 1961, mémoire, répression, colonisation, colonialisme,

  • Algérie : La visite de Le Drian écourtée

    Malgré la rude concurrence des puissances émergentes, Paris veut garder la haute main dans cette région du nord de l’Afrique. Jean-Yves Le Drian est venu à Alger solliciter le soutien d’Alger qui condamne pourtant les interventions militaires comme moyen de règlement des conflits.

    Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian était invité pour un séjour de deux jours à Alger, les jeudi 15 et vendredi 16 octobre courant. À l’invitation de Sabri Boukadoum. Selon le communiqué du ministère des Affaires étrangères, « cette visite permettra de faire le point sur les avancées enregistrées, de part et d’autre, dans la coopération bilatérale ».

    Elle donnera également lieu à un échange de vues sur les questions régionales et internationales d’intérêt commun, notamment la situation au Sahara Occidental, le dossier malien et la situation dans la région du Sahel ainsi que la crise en Libye, dont le règlement sera au centre des discussions entre les deux parties », souligne le communiqué.

    L’éminence grise du Quai d’Orsay, accompagnée d’une forte délégation, n’est pas venue à Alger avec sous le bras des accords économiques ou la relance d’autres actuellement en souffrance, comme le projet de construction automobile Peugeot ou la question de la fermeture de l’usine de montage Renault.

    Au demeurant, il se contentera de revenir sur le nombre des entreprises françaises implantées en Algérie et leur « contribution à l’emploi et à la prospérité de l’économie algérienne », donc à défaut d’une annonce qui pèsera dans le futur sur les rapports entre les deux pays, longtemps dans l’ornière de l’attentisme.

    Le diplomate français, à son arrivée à l’aéroport d’Alger, sera accueilli tout juste par un cadre du ministère des Affaires étrangères. Il déclarera, néanmoins : « Je suis venu à Alger marquer la solidité des liens d’amitié entre nos deux pays », car pour la France, l’Algérie est un partenaire incontournable et de premier plan dans le règlement des crises régionales, dira-t-il. C’est la troisième visite qu’effectue à Alger Jean-Yves Le Drian et sera reçu par le Président Abdelmadjid Tebboune, ainsi que le Premier ministre Abdelaziz Djerad.

    Cette escale, qui devait durer deux jours vu l’acuité des questions à l’ordre du jour, sera écourtée d’une journée, la partie algérienne exprimant de la sorte son courroux, quand bien même on n’en sait pas plus sur les raisons des divergences de vues. Si le premier diplomate français a esquivé la conférence de presse qu’il devait tenir en janvier dernier au siège du ministère des Affaires étrangères, pour cette fois-ci, il se contentera d’une déclaration lue à sa sortie de la présidence de la République.

    Il évoquera notamment le Hirak dont seuls les Algériens sauront traduire les revendications, une clarification qu’il tenait à faire, sachant que ce fut une pomme de discorde entre Alger et Paris suite aux déclarations du Président Emmanuel Macron quant à la légitimité du scrutin présidentiel qui n’ont pas été du tout du goût du nouveau locataire du palais d’El-Mouradia, et n’a pas manqué de l’exprimer publiquement, haut et fort. Un épisode qui poussera Jean-Yves Le Drian à tenter de réparer les dégâts pour aboutir à une réconciliation entre les deux chefs d’État, à la faveur du Congrès de Berlin sur la crise libyenne.

    Dans la foulée de cette prédisposition à l’endroit des autorités du pays, dans sa déclaration, il exprimera le soutien au référendum du 1er novembre sur la révision de la Constitution chère au Président Tebboune. Mais au-delà des déclarations de bonnes intentions, dans le fond diplomatique, l’on reproche à Paris son jeu trouble tant dans ses relations de deux poids deux mesures avec les pays du Maghreb, avec une forte propension à s’aligner sur les positions marocaines, en particulier sur la question du Sahara Occidental, question inscrite dans l’agenda de cette nouvelle rencontre d’Alger.

    Cette préférence, estime-t-on, ne saurait cacher des soubassements politiques. Il est donc juste de revendiquer des rapports exempts de toute discrimination. L’embellie que semblait dessiner la restitution des restes mortuaires de premiers résistants algériens à la colonisation devait aller dans le sens du travail de mémoire, loin des passions et dans le cadre de la vérité historique. Si cette question a été rappelée dans la déclaration de l’hôte français, il est clair que pour Alger, il faut aller vers des « excuses officielles » de l’État français afin de refermer, une fois pour toutes, les querelles de mémoires qui pèsent de tout leur poids pour des relations apaisées entre l’Algérie et la France. Cette reconnaissance a toute son importance, s’il faut considérer les rapports entre les deux pays sur un pied d’égalité et de respect de la souveraineté. Or, c’est loin d’être le cas.

    La France a à son actif plusieurs points de litiges avec son voisin de la rive sud de la Méditerranée qui ne facilitent guère le règlement de contentieux qui tendent plutôt à prendre le dessus sur les bonnes intentions d’Alger. Parce que Paris entend, sur nombre de questions, garder la main haute. À commencer par le Mali et le Sahel où les autorités françaises successives prennent un malin plaisir à saborder les efforts d’Alger à établir la paix et réussir à rapprocher les positions des belligérants qui ont fini par signer les Accords d’Alger de 2016.

    L’ingérence militaire de la France au Mali a débouché sur la grave crise en cours et la radicalisation des groupes armés qui sèment la mort dans l’un des pays les plus pauvres du monde. Idem en Libye, devenue un pot-pourri des ingérences étrangères et de trafiquants d’armes, un tremplin de l’immigration clandestine, cauchemar de l’Europe. S’il va de soi que l’Élysée veut sauvegarder ses intérêts économiques dans la région qu’il considère comme zone d’influence exclusive, l’évidence montre que les rapports de force ne sont plus en sa faveur.

    Paris est en perte de vitesse dans de plusieurs de ses anciens bastions, que ce soit au Mali ou en Syrie, sans oublier le Sahel. Les aventures militaires sont fermement dénoncées par Alger qui n’a de cesse d’appeler au règlement des crises politiques par le dialogue.

    À Alger, Jean-Yves Le Drian rejoint les thèses algériennes, et tout en reconnaissant son rôle, ne cherche pas moins son soutien ! Sans aucune contrepartie. La réponse d’Alger est cinglante, l’Algérie ne veut pas d’un rôle de sous-traitant au service de la France. La visite de travail est alors réduite à une seule journée, Le Drian est rentré dans son pays hier vendredi matin.

    Brahim Taouchichet

    Le Soir d’Algérie, 17 oct 2020

    Tags : Algérie, France, Jean-Yves Le Drian, mémoire, colonisation, Sahara Occidental, Maroc,

  • Algérie-France : Pari (s) sur l’avenir

    On s’y attendait un petit peu. Que pouvait bien faire en Algérie le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française Jean-Yves Le Drian, en pleine campagne pour le référendum sur la révision de la constitution qui suscite une controverse ? « Le Président Tebboune a affiché ses intentions de réformes des institutions pour renforcer la gouvernance, l’équilibre des pouvoirs et les libertés », a-t-il lâché lors de sa rencontre avec les médias.

    Avant de commenter cette petite phrase dans le fond, il convient, d’abord de souligner sa forme. Est-il vraiment opportun de se fendre d’une déclaration sur le processus politique interne à l’Algérie comme si nous étions un Dom Tom (département ou territoire d’outre-mer) ? Pourquoi Le Drian s’est-il permis de fourrer son nez dans nos affaires internes sachant que son pays, n’a pas encore assumé son devoir de mémoire et reconnu les crimes atroces que sa soldatesque a commis sur cette terre arrosée du sang des chouhadas ?

    Par quelque bout que l’on prend les propos du chef du Quai d’Orsay, elle paraît tout à fait déplacée, inopportune et tendancieuse. Il n’est pas exagéré non plus de penser qu’elle confine à de l’ingérence étrangère en bonne et dûe forme. La France est sans doute le dernier pays au monde à donner des leçons sur la démocratie et les droits de l’homme au monde bien qu’elle traine cette fausse médaille de « patrie des droits de l’homme ». Encore plus en Algérie, où elle a commis l’innommable mais s’obstine, 62 ans après l’indépendance à ne pas le reconnaître.

    En réalité, Paris fait dans la Realpolitik. À travers cette phrase moralement inacceptable de Jean-Yves Le Drian, elle montre pattes blanches devant le régime du président Tebboune et lui donne son onction diplomatique. L’enjeu c’est de protéger et défendre ses intérêts, pas uniquement en Algérie mais surtout au Sahel où elle traine les pieds dans le bourbier du Mali et en Libye où elle est reléguée derrière après l’entrée en lice des Américains et des Russes. Il serait naïf de croire que Le Drian se soit fendu de sa « belle phrase » juste pour les beaux yeux du président Tebboune.

    Malins, les français savent que le contexte politique dans lequel évolue le nouveau pouvoir en Algérie, leur ouvre la porte au possible retour en grâce sur la scène régionale notamment sur le dossier Libyen et malien. Ils savent aussi qu’une alliance avec l’Algérie sur ces deux dossiers chauds leur serait très bénéfique voire décisive. Un petit « baiser » de Paris ne serait tout compte fait pas de trop. Mieux encore, il a toutes les chances d’être le bienvenu auprès du pouvoir qui a tant besoin, ici et maintenant, d’un coup de main de l’ennemi…intime. Eh oui ! La France parie sur l’avenir. Le pouvoir aussi.

    Imane B.

    L’Est Républicain, 17 oct 2020

    Tags : Algérie, France, Jeans-Yves Le Drian, mémoire, Mali, Sahel, terrorisme,

  • ONU-Mali : La résolution 2133 de l’ONU ignorée ?

    par Abdelkrim Zerzouri


    La libération des quatre otages au Mali contre la libération de quelque 200 djihadistes a encore rompu le dogme, déjà très mal respecté, par les Etats occidentaux notamment, où la forte influence des sociétés, qui se solidarisent avec les otages et leurs proches, contraint les dirigeants de ces pays à nouer des tractations avec les groupes terroristes pour payer des rançons, ou autre monnaie d’échange, contre la libération de leurs ressortissants enlevés. De nombreux pays ont exprimé leur désapprobation face à cette libération négociée de quatre otages, « payée chèrement », selon le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré.

    Cette libération de 200 djihadistes, parmi lesquels figurent de dangereux terroristes, ne peut qu’ajouter à l’inquiétude d’un pays qui a subi, pas plus tard que mercredi 14 octobre, une série d’attaques djihadistes qui ont fait une vingtaine de morts, selon les déclarations du président burkinabé.

    La France, l’Italie et le Mali ne peuvent que se féliciter de la libération des quatre otages, une Française, deux Italiens et une haute personnalité malienne, personne ne peut d’ailleurs ressentir autre chose que de la satisfaction après la libération des otages, mais les négociations avec les kidnappeurs, le prix à payer et les retombées attendues en matière de lutte antiterroriste dans cette région, poussent plus à la crainte de voir les groupes terroristes renforcer leur capacité de nuisance, sans oublier que cette victoire les encouragera à sévir encore en multipliant ces rapts qui se confirment forts bénéfiques, non seulement pour le moral des troupes, mais également pour la trésorerie et l’armement, grâce au soutien de la récolte des rançons et la libération des leurs.

    Ainsi, ce dernier coup, éclatant pour la nébuleuse terroriste en activité au Sahel, augmente les soucis sécuritaires à travers le risque accru d’attentats terroristes au Mali et les pays limitrophes, avec lesquels il partage 7.420 km de frontières, particulièrement l’Algérie (au Nord), le Niger et le Burkina Faso (à l’Est) et la Côte d’Ivoire (au Sud).

    L’Algérie, qui a plaidé avec acharnement à l’ONU, dès le début des années 2000, pour la criminalisation du paiement des rançons aux groupes terroristes contre la libération d’otages, ayant abouti en 2014 à la prise de la résolution 2133, qui interdit « de mettre des fonds, avoirs financiers ou ressources économiques ou autres services connexes directement ou indirectement à la disposition de personnes qui commettent ou tentent de commettre des actes de terrorisme et d’empêcher les terroristes de profiter directement ou indirectement de rançons ou de concessions politiques », garde un silence pesant sur ces tractations qui ont abouti à la libération de quatre otages contre l’élargissement de 200 djihadistes, parmi lesquels figurent de simples suspects arrêtés lors d’opérations de ratissage et également des responsables de certains des attentats les plus meurtriers de ces dernières années dans la région, selon des sources bien informées à ce sujet, notamment des militaires français déployés au Mali dans le cadre de l’opération ‘Barkhane’, qui se sont exprimés sous l’anonymat.

    Même si on attribue les tractations en question au Mali, qui a négocié seul avec le camp des preneurs d’otages, la France qui ne s’est pas moins sentie impliquée dans cette situation, vu son importante influence au Mali et la nationalité française de l’un des otages, a vite réaffirmé sa volonté de ne pas dévier du cadre de la lutte antiterroriste pour réconforter ses militaires au Mali, dont le moral a subi un sérieux contrecoup, ainsi que les familles qui ont perdu l’un des leurs dans les combats dans ce pays, et rassurer Alger en y dépêchant son ministre des Affaires étrangères immédiatement dans le sillage de ces évènements.

    Le Quotidien d’Oran, 17 oct 2020

    Tags : Algérie, Mali, France, terrorisme, rançons, Sahel, Barkhane,

  • Maroc : L’état de santé de Mohamed VI en question

    L’absence prolongée du roi du Maroc pose à nouveau la question sur son état de santé. À la mi-juin dernière, Mohamed VI a subi une lourde opération chirurgicale au cœur. Depuis lors, hormis une vidéo montrant les images supposées êtres celles du roi en villégiature marine, sur les côtes de Ceuta, « Sa Majesté » a raté tous les rendez-vous officiels, dont les prérogatives royales lui confèrent pourtant d’être présent.

    C’est le cas par exemple de la rentrée parlementaire marocaine, ouverte le 9 octobre dernier. À l’occasion, le roi a brillé par son absence sous prétexte de la crise sanitaire qui l’aurait contraint à procéder par visioconférence à l’ouverture de la session du parlement. Or, il ne s’agit là que d’une énième absence d’une longue série qui tient en haleine le peuple marocain.

    Ses sujets, pour mieux dire, auxquels le roi n’accorde d’intérêt que lorsqu’il s’agit d’imposer un plan d’austérité, pour ne rappeler que son discours du mois d’août passé, le dernier d’ailleurs depuis son éclipse prolongée.

    Le pire, c’est qu’à cette seule, l’état de santé dégradé du roi peut expliquer, le pouvoir sécuritaire incarné par le Makhzen a doublé de répression contre le peuple. Il n’y a qu’à considérer la gestion sécuritaire à outrance de la crise sanitaire, caractérisé par le prolongement de l’état d’urgence dans le pays, pour comprendre la débandade dans la gestion des affaires politiques.

    Une hégémonie du Makhzen qui fait que le ministre de l’Intérieur règne en maitre absolu, à tel titre que les décisions du gouvernement s’agissant de la crise sanitaire sont remises en cause. Un état de fait, accentué faut-il le relever de l’absence du roi et dont le « vide royal » a laissé place à des frictions et des tensions à l’intérieur de l’appareil du pouvoir marocain.

    Donc, à vouloir cacher la maladie du roi, le pouvoir alaouite fait face à ses propres contradictions quant au prétexte farfelu de crise sanitaire. Par exemple, comment prétendre ne pas ouvrir la session du parlement alors que les écoles sont autorisées à reprendre les cours ? C’est dire la panique dans laquelle s’est retrouvé l’entourage du roi qui, à son absence prolongée qui attise l’inquiétude des Marocains quant à une situation sociale explosive, s’ajoute la crise sanitaire du Covid-19, dont les cas se comptent par milliers au quotidien.

    Farouk Bellili

    Le Courrier d’Algérie, 17 oct 2020

    Tags : Maroc, Mohammed VI, coronavirus, covid 19,

  • Emprisonné et torturé au Maroc, Ali Aarrass raconte son calvaire

    Premier interview d’Ali Aarrass : « Je suis hanté par l’injustice que j’ai subie » (par Baudouin Loos, Le Soir)

    Condamné à 12 ans de prison au Maroc pour des faits de terrorisme qu’il a toujours niés, Ali Aarrass s’exprime pour la première fois depuis son retour en Belgique cet été.

    Ali Aaarrass est libre. Depuis le 2 avril. Et après 12 ans de prison en Espagne puis surtout au Maroc où il a été condamné pour « terrorisme ». Une sombre affaire. Et des méthodes d’instruction réduites à la torture. Qui a bouleversé la vie de ce Belge d’origine marocaine qui n’avait jamais vécu au Maroc. Le voilà désormais revenu auprès des siens à Bruxelles en quête d’une nouvelle vie. Il nous a reçus dans le petit appartement qu’il loue avec sa femme.

    Quel sentiment dominant gardez-vous après les épreuves vécues 12 ans durant ?

    L’injustice ! Depuis le premier jour de mon arrestation en Espagne le 1er avril 2008, et cela chaque jour, même depuis ma libération début avril cette année, je suis hanté par ce sentiment d’injustice. Je le vis au quotidien. Je souhaite par-dessus tout que justice me soit rendue. Torture, maltraitance, détention arbitraire : et pour quels crimes ? Des accusations de terrorisme jamais prouvées. Les traces de cette injustice ne s’effacent pas, elles laissent des séquelles tant psychiques que physiques.

    Lors de votre arrestation à Melilla en 2008, vous avez compris ce qu’il se passait ?

    J’ignorais pourquoi on m’arrêtait. Je n’ai pas eu accès aux informations, la police espagnole ne m’a rien dit. Une fois transféré à Madrid, à l’Audience nationale, j’ai vu plus clair : des accusations de trafics d’armes venaient du Maroc, pays qui voulait que je sois extradé sans tarder. J’ai évidemment nié les accusations et refusé d’être extradé. Amnesty International est déjà intervenu en ma faveur à l’époque. J’ai ensuite dû faire environ 45 jours de préventive à l’isolement total dans des conditions déplorables. Les juges espagnols ont alors décidé que je resterais en prison pendant l’instruction en raison, disaient-ils, des craintes que je prenne la fuite. Je suis resté emprisonné en Espagne deux ans et huit mois. Pourtant, après 20 mois, le juge Balthazar Garzon, qui instruisait mon dossier, a rendu une ordonnance de non-lieu ! J’ai fait trois grèves de la faim pour protester.

    Comment se fait-il que vous ayez été extradé malgré ce non-lieu en Espagne ?

    Je savais que ma non-libération était liée aux efforts du Maroc en vue de m’extrader. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, organisme de l’ONU, est même intervenu pour tenter d’empêcher l’extradition, mais ils ne voulaient pas me lâcher. Mon avocat m’a dit que c’était le gouvernement espagnol, dominé par le PSOE (socialiste, NDLR), qui avait pris mon cas entre ses mains. À quoi servait donc la justice espagnole ? En tout cas, j’ai été extradé le 14 décembre 2010 sans d’ailleurs que ma famille ou mes avocats soient avertis autrement qu’a posteriori par la presse.

    Durant votre séjour carcéral en Espagne, avez-vous fait appel à la Belgique ?

    Oui, j’ai averti l’ambassade belge à Madrid dès mon arrivée dans la capitale espagnole et demandé son aide. Ils ont répondu qu’ils allaient venir me rendre visite en prison. Je les ai attendus en vain : ils sont arrivés le 15 décembre 2010, au lendemain de mon extradition ! Ma sœur Farida, qui déployait déjà maints efforts pour m’aider, sollicitait sans arrêt à Bruxelles les Affaires étrangères et à Madrid l’ambassade belge, sans résultat. Le diplomate chargé de mon cas à Bruxelles, Théo Dierickx, lui a même affirmé pour la rassurer que le Maroc ne torturait pas, il était dans un déni total de la réalité.

    Car c’est bien la torture qui vous attendait au Maroc…

    J’en étais à mon 24e jour de grève de la faim, ils ont dû me réanimer et me porter dans l’avion de la RAM (compagnie marocaine, NDLR). De Casablanca, on m’a transféré directement au centre d’interrogatoire de Temara, où j’ai été torturé pendant dix jours. Je sentais que j’étais condamné à l’avance quoi que je dise. Les tortionnaires frappaient d’abord, posaient des questions ensuite. Ils ont voulu me faire signer des aveux rédigés en arabe, langue que je ne lis pas, j’ai d’abord refusé puis, à force d’être frappé, j’ai fini par céder.

    La torture s’est arrêtée donc au dixième jour ?

    Ils avaient fini leur sale boulot. J’étais incapable d’encore marcher. À Rabat, ensuite, je n’ai pas vu le procureur. J’ai vu un juge d’instruction qui semblait avoir l’habitude puisqu’il n’a pas voulu prendre ma déposition sur les tortures endurées. J’ai alors été mis en prison sans le moindre contact, du 26 décembre jusqu’en février. Je n’oublierai jamais mon arrivée à la prison de « Salé 2 » : les matons se sont acharnés sur moi comme pour me dire « tu es entre nos mains ». Mon calvaire continuait. Ils m’ont totalement déshabillé et ont pris des photos de mes hématomes datant de mon passage à Temara, semblant vouloir garder une preuve que ce n’était pas eux qui m’avaient torturé. Mais les mauvais traitements n’ont pas arrêté. J’ai fait sept grèves de la faim, dont une de 72 jours. C’était ma seule défense, je me sentais impuissant et au moins cela freinait un peu les mauvais traitements. J’espérais que ces grèves soient connues à l’extérieur et y suis arrivé. Parfois on pouvait donner un bref coup de téléphone, parfois c’était un autre détenu qui faisait passer l’info ou même un maton trop bavard.

    Comment avez-vous pris contact avec le monde extérieur ?

    Le premier contact a été un avocat envoyé par ma famille. Je me méfiais de lui ! Il a dû revenir trois fois avant que j’accepte de lui parler, il était porteur d’une lettre de Farida. J’ai attendu 5 mois avant de pouvoir parler au téléphone à ma sœur. Des premiers mois difficiles. Dans cette prison flambant neuve construite pour les « terroristes », il n’y avait pas encore de douches. J’ai passé cinq mois sans pouvoir me laver, même pas les dents ! En 2016, j’ai été transféré à Tiflet, encore à l’isolement, une seule cellule sur 38 occupée à mon étage, la mienne. Ils voulaient m’éloigner car je ne pouvais me taire à propos des maltraitances infligées aux autres détenus et à moi-même.

    Mais comment tenir sans craquer dans ces conditions ?

    Je voulais résister. J’ai toujours été habité par la conviction très forte que je ne pouvais laisser faire ces humiliations et ces injustices. Je n’aurais pas pu me taire.

    Vous avez été jugé deux fois, condamné d’abord à 15 puis à 12 ans de prison…

    Oui, sur la seule base de mes « aveux ». Ils ont essayé de me compromettre avec Abdelkader Belliraj (un autre Belgo-Marocain également emprisonné au Maroc, NDLR), mais ils ont refusé une confrontation demandée par ma défense. Une enquête de l’ONU a ensuite confirmé que j’avais été torturé avant de signer mes aveux.

    Le Maroc vous a fait purger votre peine jusqu’au dernier jour. Le 2 avril, vous êtes libéré mais coincé là-bas par le coronavirus et la fermeture des frontières…

    Oui, j’ai eu la chance d’être hébergé pendant trois mois dans une famille belge à Rabat. J’ai pu prendre un avion le 15 juillet seulement. Avant que cet avion décolle, j’ai eu du mal à y croire, j’étais angoissé, malgré que j’avais un billet en main. Il y a eu plusieurs contrôles le jour même, des motards et voitures de la police autour de notre voiture vers l’aéroport. À la douane, je n’avais qu’un sac à dos mais ils ont prétendu qu’il était trop lourd et j’ai dû laisser les livres que j’emportais. Le consul belge a juste fait le service minimum en me remettant le document nécessaire prouva nt que j’avais un domicile en Belgique, celui de ma mère.

    Une fois en Belgique via l’aéroport de Paris, c’était le soulagement… Comment vous sentez-vous ?

    À Paris, j’ai eu mon premier frisson de joie et mon premier vrai sourire, quand j’ai retrouvé Farida. Et son comité pour ma libération m’a bien fêté à Bruxelles. C’était très émouvant. Depuis, je suis en train de passer une longue série d’examens médicaux. J’ai 58 ans et je suis marqué. J’ai du mal à reprendre ma place, je me sens comme décalé et encore coupé du monde. La technologie moderne me dépasse. Heureusement que ma famille et mes amis me soutiennent même si le Covid complique les choses. J’ai pu m’installer avec ma femme dans cet appartement. J’ai dû m’inscrire au CPAS, ce que je n’avais jamais fait de ma vie. Cet organisme m’aide bien pour les factures médicales. J’espère pouvoir retravailler. Avec mes avocats, nous avons un projet d’expertise faite par des médecins français et américains selon le Protocole d’Istanbul (ensemble de directives internationales pour les investigations et la documentation de la torture, NDLR). Cela va nous coûter cher et nous cherchons de l’aide. Nous comptons poursuivre l’Espagne pour l’extradition illégale que j’ai subie. L’idée est éventuellement d’aller jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme.

    Source : Freeali, 16 oct 2020

    Tags : Maroc, Belgique, Ali Aarrass, terrorisme, torture, droits de l’homme,

  • Sarkozy & Ouattara : une « association de malfaiteurs » en Côte d’Ivoire

    Nicolas Sarkozy vient d’être mis en exament par la justice de son pays. Cela veut dire que kes juges ont accumulé assez d’éléments pour l’accuser de financement illégale pendant sa campagne électorale de 2007.

    Sarkozy a bien pris le soin de supprimer l’un des principaux témoins dans cette affaire: le leader libyen, Moamar Kadhafi. Dans ce but, il n’a pas hésité à manipuler la communauté internationale.
    Avec l’assassinat du guide de la Jamahiriya, Sarkozy voulait tuer deux oiseaux d’une pierre: faire taire à jamais Kadhafi et mettre la main sur le pétrole libyen qui suscite tant de convoitise sans oublier le leadership africain de l’ancien Chef d’Etat libyen qui avait mis à disposition des pays africains des énormes moyens financiers pour les arracher au contrôle maléfique de l’Occident. Il avait même proposé de financer une monnaie africaine pour substituer le France CFA.

    Sarkozy prétend avoir agi par humanisme. Cependant, il peine à faire preuve de son « humanisme » pour éviter une nouvelle guerre civile en côte d’Ivoire en invitant son ami, Alassane Ouattara à renoncer à un troisième mandat au détriment de ce qui est prévu par la Constitution du pays.

    En vue de pérenniser son assise sur le trône ivoirien, Ouattara n’a pas hésité à accepter de jouer le rôle de Cheval de Troye et s’opposer à la suppression du Franc CFA pour mieux défendre l’intérêt de la France et maintenir le perpétuel pillage du continent africain par l’Elysée.

    En 2011, Sarkozy n’a pas hésité à investir le palais présidentiel ivoirien en vue de le remettre à Ouattara, son ami. Ne dit-on pas que « qui se ressemblent s’assemblent »?. Ils se ressemblent en cruauté, manipulation et mensonge.

    L’ami de Sarkozy, en tant qu’imposteur, est incapable de la grande humanité dont font preuve les peuples d’Afrique. Par contre, il excelle en arrogane, convoitise, manigance et prédation à l’image de tous ces Chefs d’Etats qui représentent la Françafrique en Guinée Conakry, au Sénégal, au Mali, au Niger, au Tchad, au Burkina Faso…

    Tags : Nicolas Sarkozy, Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire, fraançafrique, France CFA, FCFA,