Année : 2020

  • Nicolas Sarkozy et Alassane Ouattara des amis pour la vie !

    Etonnant que le Canard Enchaîné ou Mediapart ou Rue89, bref, les deux ou trois journaux qui ne font pas dans la langue de bois, n’aient pas encore révélé clairement les dessous de la révolution en Côte d’Ivoire et la réalité de l’arrivée au pouvoir du pseudo « sauveur » Alassane Ouattara ! Réalité beaucoup moins noble que celle présentée par les médias estampillés NF, à grands renforts d’annonces et de reportages chocs, « en direct », comme si on y était !

    Mon attention sur ce sujet a été attirée par un mail envoyé par des expatriés d’Abidjan et qu’on peut résumer à ces quelques mots : Tout le monde a bien compris qu’en Côte d’Ivoire le choix c’était la Peste ou le Choléra ! Gbagbo est « capturé » Ouattara est le même genre de dictateur plus ou moins sanguinaire »

    Ce mail m’a incité à me poser quelques questions toutes bêtes auxquelles une simple recherche sur internet a donné les réponses. Des questions que nous ne pensons pas toujours à nous poser, malgré une actualité récente qui nous apporte non pas une mais DES preuves de l’abîme qui sépare monsieur-tout-le-monde des puissants-de-ce-monde et devrait nous rendre méfiants dès qu’un de ces « puissants », en l’occurrence Sarko, se trouve, comme par magie, le « héros » d’une révolution.

    Je vous livre le résultat de mes recherches sur le web, résultat qui serait stupéfiant si on n’était pas vaccinés depuis longtemps sur le fonctionnement de Sarkozy et de ses amitiés très spéciales et atypiques, qui sont le fondement de sa réussite politique. On sait que son carnet d’adresse est prestigieux et qu’il sait renvoyer l’ascenseur. Le problème c’est que pour aider ses amis, Sarko embringue la France dans des combats coûteux, beaucoup plus coûteux que le pseudo « trou » de la sécu ou les postes de fonctionnaires ou nos acquis sociaux que Sarko et sa bande suppriment allègrement sous prétexte d’ « économies ». Vivement les élections de 2012 !

    En attendant voici un Question-Réponse qui vous intéressera peut-être :

    Question : Sarkozy ami de Alassane Ouattara, actuel chef de l’état de la Côte d’Ivoire ?

    Réponse : Cette amitié existe depuis de nombreuses années. Sarkozy se dit l’ami de Alassane depuis 20 ans mais on sait qu’il l’a marié en 1973 quand il était le maire de Neuilly, on peut donc dire que les deux hommes se connaissent depuis 38 ans. Plus d’info ICI. Si on continue d’enquêter on apprend que l’épouse d’Alassanne Ouattara est une certaine Dominique Nouvian, puissante femme d’affaire françaises.

    Question : Qui est l’épouse, Dominique Ouattara ?

    Réponse : (source Wikipedia) (…) Dominique Ouattara est une femme d’affaires, spécialisée dans l’immobilier. Depuis 1979, elle est PDG du groupe AICI International une société qui emploie de nos jours plus de 250 personnes sur trois continents. Après avoir renforcé sa présence en Côte d’Ivoire notamment à Yamoussoukro, Bouaké, San Pedro et Jacqueville, Dominique Ouattara implante, en 1989, AICI en Europe en choisissant la France comme vitrine européenne. Après une première antenne parisienne, AICI poursuit son développement dans le sud de la France, dès 1991, avec le lancement d’une agence à Cannes. En 1993, un cabinet de gestion de syndic de copropriétés, « Malesherbes Gestion », qui gère plus de 200 immeubles parisiens, complète l’expansion du Groupe AICI International. AICI International poursuit son développement en 2001, en s’installant au Gabon puis en 2006 au Burkina Faso. En parallèle, Dominique Ouattara est nommée, en 1996, PDG & CEO d’EJD inc., société qui gère l’Institut Jacques Dessange à Washington. En 1998, elle acquiert les franchises Jacques Dessange aux États-Unis et devient alors PDG de French Beauty Services qui gère toutes les franchises américaines de la marque. Plus d’info ICI

    Question : Date du mariage du couple Ouattara ?

    Réponse : Le mariage de Dominique Nouvian et d’Alassane Ouattara a eu lieu en octobre 1990. Son témoin n’est autre que Martin Bouygues ! Décidément, le monde des « puissants » est comme les w-c, tout petit ! Plus d’info ICI

    Question : Sarkozy et le couple Ouattara amis pour la vie?

    Réponse : (source ICI) (…) Au sein du « Rassemblement des républicains (RDR) », l’information a enchanté plus d’un. Selon le bimensuel d’informations confidentielles « La Lettre du Continent », Alassane Dramane Ouattara, leur leader a pris l’apéro mardi en fin d’après-midi à l’Elysée avec Nicolas Sarkozy. Les deux hommes auraient eu un long entretien en tête-à-tête duquel rien n’a filtré. Quel sens donner à cette réception ? Le leader des républicains, ancien Premier ministre est, on le sait, un vieil ami du président français. Une amitié que les deux hommes partagent également avec plusieurs industriels français dont Bolloré, Bouygues, etc. D’ailleurs, leurs liens dépassent le cadre d’une amitié quelconque puisqu’en 1990, c’est Nicolas Sarkozy alors maire de Neuilly qui a célébré le mariage de Alassane Ouattara et Dominique Nouvian Folleroux.

    Quand on croit que c’est fini il y en a encore !

    Question : Qui est le propriétaire du grand complexe portuaire d’Abidjan ?

    Réponse : Un certain Vincent Bolloré qui n’est autre que l’ex-beau frère de Gérard Longuet, ministre de la défense du gouvernement Sarkozy. Source ICI (…) Classé 451ème homme le plus riche au monde, monsieur Bolloré est en effet très riche. Mais comment d’une petite entreprise familiale de Bretagne, le groupe Bolloré est-il devenu une multinationale qui rachète tout sur son passage. Le mérite ? A-t-il travaillé plus pour gagner plus ? La réponse est bien évidemment NON. Monsieur Bolloré n’est pas un entrepreneur, c’est un financier… La dérégulation de l’économie mondiale (cf. mondialisation) depuis les années 70, signant la fin des accords de Bretton Woods de Roosevelt, a permis un renouveau du système libéral anglo-hollandais, qui avait amené les gros cartels dans les années 20 et 30 à financer les partis fascistes pour « rembourser la dette ». Dénoncé par de nombreuses associations, monsieur Bolloré est le nouveau monsieur Afrique français.

    Que des bons amis de longue date !!!!

    Tout cela ne doit pas nous faire oublier les soupçons de massacre qui pèsent fortement sur les troupes d’Ouattara, en particulier les massacres de Duékoué, 800 morts à la machette et des brûlés vifs, femmes et enfants compris, véritable génocide qui aurait été perpétré par les hommes de Ouattara, mais les preuves n’ont jamais pu être apportées….Plus d’info avec un article du Figaro, lire ICI

    Quelle conclusion tirer de ce survol malodorant sur les petits arrangements entre amis des « grands » de ce monde ? C’est simple et un tantinet décourageant, mais les faits sont là, la seule conclusion est que pour réussir une révolution et renverser un régime il ne faut pas servir le Droit et la Justice mais avoir de bons amis bien friqués, très bien placés, sans aucune éthique morale et humaniste.

    Exit nos illusions, bonjour la dure réalité !

    Source : La Dona de Vora Mar

    Tags : Nicolas Sarkozy, Alassane Ouattara, France, Côte d’Ivoire, Françafrique,

  • Les migrants de Grande Canarie dorment désormais dans des lits touristiques

    Iles Canaries.- Plus de 8 200 migrants sont venus aux Canaries cette année, huit fois plus qu’en 2019. Alors que le flux de touristes se tarit, les migrants africains occupent leurs lits vides.

    Les jeunes Africains vont et viennent à Vista Flor. Les touristes quittant en masse la Grande Canarie cet automne en raison de la couronne, le complexe d’appartements de Maspalomas est utilisé par quelque 500 invités inattendus: des migrants africains à la recherche d’une vie meilleure en Europe. Pour le moment, ils sont bloqués aux îles Canaries.

    Ils fournissent au directeur Domingo Espino Hernández via la Croix-Rouge 45 euros par personne et par jour. « Cela peut sembler étrange, mais de cette façon je peux empêcher la faillite de mon entreprise. » Les migrants, à leur tour, sont agréablement surpris par l’accueil. «Je suis sur un bateau depuis des semaines. C’était l’enfer en mer, mais ici, je regarde lentement vers l’avenir », déclare Souleymane Sané, 24 ans, sénégalais, qui a quitté la Gambie le mois dernier, pour un complexe d’appartements appelé Vista Oasis.

    Les complexes Vista Flor et Vista Oasis offrent une solution inventive, mais pas très structurelle, à deux problèmes inattendus auxquels les îles Canaries sont confrontées cette année. D’une part, l’épidémie de Covid-19 – un Allemand sur l’île de Gomera est devenu le premier patient corona d’Espagne – a entraîné une perte de milliards pour l’industrie du tourisme (15,1 millions de clients en 2019). D’autre part, une ancienne route des migrants de l’Afrique vers l’archipel a été mise en route pour diverses raisons. Plus de 8200 migrants sont venus dans les îles cette année, huit fois plus qu’en 2019. Grâce aux mesures corona, 700 migrants ont été amenés sur le continent jusqu’à présent.

    Le nombre de bateaux augmente désormais si vite que les autorités locales craignent une répétition de «la crise migratoire» de 2006 lorsque 32 000 migrants ont atteint les îles Canaries. À l’époque, l’Espagne a réussi à arrêter le flux en apportant une aide à des pays comme la Mauritanie, le Sénégal et le Maroc sur différents fronts.

    Ces accords ont souvent été édulcorés et un nouveau conflit a éclaté au Mali, entre autres, ce qui alimente le flux migratoire. En outre, la coopération entre l’Espagne et le Maroc pour fermer le détroit de Gibraltar – par lequel un nombre record de 60000 migrants sont venus en Europe en 2018 – se déroule si bien qu’en plus des Subsahariens, de jeunes Marocains choisissent également de traverser vers les îles Canaries. Les deux groupes sont méticuleusement séparés par les autorités espagnoles. Pour éviter la contamination par corona, mais aussi parce que les Marocains illégaux peuvent être renvoyés par l’Espagne sans trop de procédures. Les migrants nord-africains voient leur opportunité maintenant que le Maroc ne reprend personne à cause du virus corona.

    Sous le radar

    La plupart des migrants dans les cayucos ou pateras – surnoms respectivement de « pirogues » africaines et de « chaloupes » marocaines – sont ramassés en mer par les autorités espagnoles une fois à l’intérieur des eaux territoriales et débarqués à bord de grands navires. Parfois, un groupe parvient à rester sous le radar et à atteindre la plage par lui-même. Comme ce vendredi matin à Gran Canaria, où dix-neuf Marocains de la région de Marrakech ont mis les pieds au Castillo Romeral. La police nationale ne tarde pas à les arrêter et à s’en débarrasser. Tout d’abord, ils reçoivent des masques.

    Frissonnants, les jeunes maghrébins, dont trois mineurs, attendent entre des tas de pierres. Leur bateau est désert sur la plage. Ils enveloppent leurs smartphones hors du plastique. Lorsqu’un des hommes allume une cigarette, l’un des agents prend immédiatement des mesures. Il est interdit de fumer à proximité d’autrui selon les mesures corona. Après une première bouffée rapide, le cul s’éteint. «Nous voulons aller à Barcelone ou à Madrid», explique Hamid El Araoui, 39 ans, dans un mélange de français et d’arabe, avant que la police ne l’emmène à Arguineguín en camionnette avec les autres.

    La ville portuaire méridionale de Gran Canaria est, tout comme il y a quatorze ans, le premier lieu d’accueil des migrants. Ces derniers jours, les bateaux orange de Salvamento Marítimo ont largué des centaines de migrants sur le quai entièrement bouclé. Sous la direction de la Croix-Rouge, les Africains se livrent à une opération presque militaire dans laquelle les contrôles de santé et les tests corona sont la première priorité. La presse est maintenue à une distance appropriée.

    Les tentes de la zone portuaire d’Arguineguín sont l’hébergement des migrants pendant les 72 premières heures. À intervalles réguliers, ils reçoivent des couvertures, de l’eau et de la nourriture en prévision de la prochaine étape. Les îles Canaries ne sont guère la destination de personne. Ces dernières années, l’arrivée de migrants a été si limitée que les migrants ont pu se rendre temporairement dans des centres d’accueil. Ces complexes sont trop petits et dépassés pour répondre à l’afflux soudain d’hommes du Mali, du Sénégal, de la Mauritanie, de la Gambie et du Maroc. Alors que le flot de touristes se tarissait en août, le refuge était inondé de migrants qui risquaient leur vie lors d’un voyage de plusieurs semaines en mer.

    Suspicion au sein de la population locale

    Début septembre, Domingo Espino Hernández, avec d’autres entrepreneurs, a pris l’initiative de transformer son logement d’un paradis de vacances en un abri sobre. Cela n’a pas été sans lutte. Le plan a suscité la méfiance parmi les habitants et le maire de Maspalomas, Conchí Narváez, a tenté en vain de l’empêcher. Le Néerlandais Tom Smulders a joué le rôle de porte-parole important des entrepreneurs locaux, qui ont su convaincre les autorités régionales. «C’est bien sûr une très bonne solution. La population montre non seulement qu’elle se sent solidaire des migrants, mais elle aide en même temps les entrepreneurs dans le besoin », déclare le vice-président néerlandais de la Fédération de l’hôtellerie et du tourisme (FEHT) de Gran Canaria. « L’abri est maintenant si bon que le gouvernement national de Madrid considère les protocoles comme un modèle pour les autres. »

    Il faut un certain temps pour s’habituer à Espino Hernández pour recevoir des visiteurs de différentes régions d’Afrique, qui, en raison de la crise corona, ne savent pas combien de temps attendre avant d’entamer une procédure d’asile sur le continent. Espino est heureux depuis longtemps que 480 des 800 lits soient désormais occupés. Comme une sorte de pater familias, l’Espagnol parcourt son complexe et veille sur ses hôtes. Outre un lit, il leur donne également trois repas par jour.

    Néanmoins, Vista Flor a une apparence différente de ce qu’il était il y a quelques mois. «La piscine et les courts de tennis sont fermés», explique Espino. «Avant que vous ne le sachiez, des images circulent dans le monde de migrants en vacances. Et ce n’est bien sûr l’intention de personne. Mais pourquoi ne pas offrir aux personnes dans le besoin une solution humaine en ces temps difficiles? »

    Source : NRC.NL, 19 oct 2020

    Tags : Canaries, migration, pateras, subsahariens, Maspalomas, Vista Flor, Senegal, Maroc, Mauritanie,

  • Maroc : L’histoire du «Khashoggi» marocain, opposé à son roi

    Le socialiste Ben Barka, principal opposant à Hassan II, a été kidnappé, torturé et assassiné à Paris par des agents de la plus haute confiance du monarque.

    FRANCISCO PEREGIL

    À Rabat, il y a une avenue appelée Mehdi Ben Barka, une rue connue dans la ville dans le monde entier, avec sa salle de sport ultramoderne, les supermarchés les plus modernes et ses restaurants visités par des diplomates des ambassades voisines. Tout se passe comme si l’Etat marocain voulait soigner une énorme plaie encore ouverte. Le crime a eu lieu à Paris le 29 octobre 1965, en plein jour, à 12h15, devant la taverne Lipp, au 151 avenue Saint-Germain. Ben Barka savait que les services secrets d’Hassan II étaient sur ses traces, il ne lui serait jamais venu à l’esprit d’entrer au consulat du Maroc à Paris, comme l’a fait le journaliste saoudien Jamal Khashoggien à Istanbul. Entre autres, parce que la justice marocaine l’avait condamné à mort pour rébellion.

    Cependant, Ben Barka est allé à un rendez-vous devant la taverne Lipp avec le cinéaste Georges Franju, qui envisageait théoriquement de faire un film sur la décolonisation intitulé Enough! En réalité, tout cela faisait partie d’un piège tendu par les services secrets marocains.

    Ben Barka est né en 1920 dans la médina de Rabat. Enfant, il a accompagné son frère aîné à l’école et est resté à la porte à l’attendre. Comme dans tant de familles pauvres, seules les plus âgées ont le droit d’aller à l’école. Un jour, le professeur l’a invité et a remarqué que le garçon était brillant. Si brillant qu’il finirait par devenir l’un des meilleurs mathématiciens du pays et tuteur du prince de son pays, le futur Hassan II. Il serait également l’un des principaux fondateurs de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), principal parti de gauche au Maroc. Il était un allié du futur roi alors que tous deux aspiraient à l’indépendance du pays. Mais après l’arrivée sur le trône d’Hassan II en 1961, Ben Barka est devenu son principal adversaire.

    Ben Barka était une référence pour une grande partie de la gauche dans le tiers monde. En 1965, avec Fidel Castro et Che Guevara, il prépare la première conférence tricontinentale qui se tiendra finalement à La Havane l’année suivante. Il savait qu’il avait des ennemis très puissants, mais il ne voyait pas venir le piège que la longue main des services secrets marocains préparait depuis des mois. Ce matin-là, il y a à peine 53 ans, deux individus qui se sont identifiés comme des agents français l’ont détenu devant la taverne. On sait qu’il a été transféré dans un chalet à Paris et torturé à mort. Mais son cadavre n’est jamais apparu. Plusieurs procès ont eu lieu à Paris, des milliers d’articles ont été écrits, plusieurs livres, des films ont été réalisés. Après des années d’enquête, il est devenu clair que l’enlèvement avait été organisé et exécuté par le général Mohamed Ufkir, qui était non seulement le ministre de l’Intérieur de Hassan II, mais aussi le directeur des services secrets, le bras droit incontesté du roi. Ufkir était accompagné de son adjoint, le major Ahmed Dlimi.

    Dans un acte sans précédent en droit international, la justice française a condamné à la réclusion à perpétuité un ministre des Affaires étrangères en exercice, le général Ufkir. Mais Hassan II a refusé de le remettre. Et cela a conduit au gel des relations diplomatiques pendant deux ans entre la France du général de Gaulle et le Maroc.

    Des années plus tard, Ufkir finira par participer au coup d’État de 1972 contre Hassan II et fut arrêté et fusillé. L’une des versions dit qu’ils l’ont tué, d’autres qu’il s’est suicidé. La version qui a été établie dans une partie de la société marocaine est que « il s’est suicidé avec une balle dans le dos », un coup que Hassan lui-même lui aurait donné. Mais revenons au Khashoggi marocain. Quelle était l’implication de Hassan II? A-t-il ordonné le meurtre ou était-ce juste un accident? Quel a été le rôle de la direction des services secrets français? Y a-t-il eu négligence grave ou complicité?

    En tout cas, la réaction de la communauté internationale a été très accommodante envers Hassan II. Eric Goldstein, directeur de Human Rights Watch au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, a écrit un article dans le Washington Post, le journal où Khashoggi a écrit, le 19 octobre, intitulé: « Un assassinat similaire a subi un régime brutal il y a cinquante ans. » Goldstein rappelle que ces deux années de distance entre la France et le Maroc ont été mises à profit par d’autres pays occidentaux pour initier des relations stratégiques avec Rabat. Dès l’arrivée au pouvoir du président George Pompidou en 1969, il reprend ses relations avec Rabat.

    Goldstein souligne que l’Occident devrait tirer certaines leçons de l’affaire Ben Barka en relation avec l’Arabie saoudite: «L’échec [des puissances occidentales] à tenir [Hassan II] responsable d’un crime commis sur le sol français a peut-être enhardi le roi. Au cours du quart de siècle suivant (…) leurs agences de sécurité ont fait disparaître des opposants par centaines, ou les ont emprisonnés après les avoir systématiquement torturés, parfois dans des prisons secrètes ».

    Ce 29 octobre, les descendants de Ben Barka et certains de ses fidèles se retrouveront à nouveau sur l’avenue Saint-Germain, à Paris, pour exiger l’ouverture des dossiers que l’État français refuse toujours de révéler. Les intérêts de l’Etat, de la France et du Maroc, écrasent depuis 53 ans le désir des proches de Ben Barka de connaître la vérité.

    Source : El País, 29 oct 2018

    Tags : Maroc, Mehdi Ben Barka, Hassan II, Khashoggi,

  • Ce que le ministre français des Affaires étrangères n’a pas dit de sa mission en Algérie


    Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a détaillé les dossiers dont il a discuté avec les responsables algériens lors de la visite qui l’a conduit en Algérie, mais il n’a pas évoqué le vrai dossier pour lequel il a effectué cette visite, à savoir les détails de la libération de l’otage français au Mali, Sophie Pétronin.

    Selon des sources concordantes, la visite du responsable français en Algérie visait à aplanir l’atmosphère avec l’Algérie, qui a reçu avec une grande colère, le versement d’une rançon de plusieurs millions d’euros par la France et la libération d’environ 206 terroristes d’al-Qaïda en activité dans la région du Sahel, et qui comprenait des Algériens recherchés par la justice algérienne, car ils ont la double nationalité algéro-malienne.

    L’Algérie est considérée comme le propriétaire de la proposition de criminaliser l’octroi de rançons aux preneurs d’otages, qui a été adoptée par les Nations Unies en 2014, et cette proposition est venue, comme on le sait, en réponse aux fonds déboursés par plus d’un pays européen, sous forme de rançon en échange de la libération d’otages européens enlevés dans la région du Sahel, et au Mali en particulier.

    Des sources médiatiques identiques, telles que l’agence de presse russe «Spoutnik» et le quotidien «Al-Arab» publié à Londres, ont déclaré que le ministre français des Affaires étrangères s’était rendu en Algérie en tant qu’envoyé du président français, Emmanuel Macron, pour expliquer la Position française sur les raisons de la libération de l’otage français au Mali.

    Le quotidien français «Le Monde» a cité l’un des médiateurs dans l’affaire de l’otage Petronin, affirmant que 6 milliards de francs CFA, soit environ 9,1 millions d’euros, ont été déboursés, en plus de la libération de 206 jihadistes.

    Selon l’agence russe, le chef de la diplomatie française a été chargé par l’Elysée de fournir les éclaircissements nécessaires aux responsables algériens concernant la libération des jihadistes de l’organisation terroriste, mesure considérée comme une menace pour la sécurité de l’Algérie, qui a une frontière terrestre avec son voisin du sud qui s’étend sur une longueur de 1 200 km, constatant que le ressentiment algérien de telles pratiques n’est pas né aujourd’hui, et qu’il remonte à plus d’une décennie.

    L’Agence russe, citant des sources algériennes qui n’ont pas révélé leur identité, a exclu que le responsable français ait réussi à dissiper l’énervement des autorités algériennes face à ce que Paris avait fait au Mali, malgré ses éloges pour les efforts du président Abdelmadjid Tebboune pour reconstruire les institutions de l’État par le référendum sur la constitution.

    L’un des signes de la colère algérienne à Paris, selon Spoutnik, est le report de la visite qui devait conduire le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en Algérie, qui devait arriver en fin de semaine depuis le Maroc.

    Le quotidien «Al-Arab» a déclaré: «La libération du nombre susmentionné de jihadistes constitue un nouveau fardeau pour les efforts de l’Algérie dans la guerre contre le terrorisme qu’elle mène à la frontière sud et une contribution à l’alimentation des activités terroristes dans la région et le monde en général, et négocier avec ces groupes sous prétexte de protéger la vie des victimes est une forme de normalisation avec eux et de soumission à leurs revendications ».

    Le journal a évoqué une divergence de visions entre les Algériens et les Français sur ce qui se passe au Mali, qui a entravé «la réalisation d’une approche identique malgré le rapprochement et les contacts continus entre eux», notamment avec l’émergence d’intentions françaises coupables cela a commencé à apparaître depuis que l’armée française a renversé le chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, Abdelmalek Droudkal, au Mali sans impliquer l’Algérie.

    Echourouk online (traduction non officielle de l’anglais)

    Tags : Algérie, France, Mali, Sahel, terrorisme, rançons, Pétronin, Al Qaïda,

  • Espagne : La police obligée d’intervenir au consulat du Maroc à Bilbao

    Des centaines de Marocains s’entassent quotidiennement devant le consulat du Maroc à Bilbao, le seul qui dessert tous les habitants du nord de l’Espagne, rapporte des médias espagnols.

    Le consulat général du Royaume du Maroc à Bilbao est le seul au nord de l’Espagne, c’est donc l’administration compétente pour tous les résidents marocains des Asturies, Cantabrie, Castille et León, Galice, La Rioja, Navarra et Euskadi pour mener à bien leur formalités

    Vous ne pouvez pas prendre de rendez-vous en ligne ou par téléphone: le seul moyen est d’y aller en personne. Une fois les noms écrits, le fonctionnaire du consulat donne un numéro et il les fait entrer un par un. Pour éviter d’éventuelles infections au COVID-19, les responsables ne peuvent s’occuper que de 10 personnes simultanément.

    Trois patrouilles de l’Ertzaintza, la police basque, sont venues pour disperser la foule. Un des officiers, muni d’un mégaphone, leur demande de faire une file d’attente et de ne pas bloquer la rue. « C’est comme ça tous les jours depuis au moins deux mois. On suppose qu’ils allaient ouvrir un autre consulat à San Mamés car dans celui-ci ils étaient déjà saturés, mais ils continuent comme ça. On vient, on les sépare, mais rien ne change, ni distance ni rien », a déclaré un policier.

    Tags : Espagne, Maroc, consulat de Bilbao, coronavirus, covid 19, pandémie,

  • Algérie : Des rapports complexes avec la France

    par Daniel Junqua

    l est de tradition de présenter les relations franco-algériennes depuis l’indépendance comme marquées du sceau de la difficulté, de l’incompréhension, de la méfiance. Comment en effet ne pas évoquer les crises — du vin en 1967-1968, du pétrole en 1970-1971, de l’émigration ensuite — qui jalonnèrent ces rapports que des divergences en politique étrangère ont encore aigris à partir de 1975 ? La France giscardienne intervenait alors activement en Afrique pour aider ses amis et clients « conservateurs » alors que l’Algérie de Boumediène aspirait à être le chef de file du camp progressiste. Alger parlait volontiers des « occasions manquées » par une France, figée dans un esprit de domination hérité du passé, qui n’avait pas su établir une « coopération exemplaire » et agir en commun avec l’Algérie dans l’arène internationale contre le tête-à-tête des deux superpuissances.

    La visite à Alger en avril 1975 de M. Giscard d’Estaing, premier chef d’État français à se rendre en Algérie en voyage officiel depuis l’indépendance, avait suscité des espoirs à la mesure des désenchantements qui suivirent, lorsque Paris prit le parti de Rabat dans le conflit du Sahara occidental. Cette nouvelle crise atteignit son paroxysme lorsque les Jaguar attaquèrent les maquisards du Polisario, lesquels, il est vrai, avaient enlevé plusieurs techniciens français travaillant en Mauritanie ; leur libération à la Noël 1977, après plusieurs mois de détention, fit retomber la tension, mais une fois de plus se vérifiait la formule de Boumediène : « Les relations entre la France et l’Algérie peuvent être bonnes ou mauvaises, elles ne peuvent être banales. »

    M. Claude Cheysson, ministre des relations extérieures, entrait dans cette logique lorsqu’en août 1981, venu préparer une visite de M. Mitterrand, il parlait à Alger d’un « coup de passion » entre les deux pays. Passionnées, certes, les relations franco-algériennes l’ont été tout au long de ces vingt dernières années. Elles n’ont même été que cela. Pouvait-il en être autrement ? Y a-t-il eu dans le monde — Vietnam mis à part — décolonisation plus complexe et plus traumatisante ?

    En France, la droite n’a toujours pas vraiment accepté ce qui lui apparaît encore comme une défaite, un renoncement, une amputation. Les « pieds-noirs » entretiennent le souvenir d’une Algérie qui était trop exclusivement la leur. La gauche, communistes inclus en dépit de leurs efforts pour récrire l’histoire et en supprimer des passages gênants, tel le vote en 1956 des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet, reste culpabilisée. Le P.S. lui-même, bien qu’il compte dans ses rangs nombre de militants de la lutte anticoloniale venus de l’UNEF, du P.S.U. ou de la C.F.T.C., ne peut totalement ignorer l’héritage de la S.F.I.O., de l’envoi du contingent en Algérie à l’expédition de Suez en 1956. C’est aussi dans les rangs de cette gauche que l’Algérie a trouvé des « compagnons de route » romantiques ou honteux qui ont contribué à former l’image d’une révolution algérienne mythique, pure et dure, bâtissant à marches forcées un paradis socialiste.

    Les gaullistes ont contribué à l’entreprise : sans doute ont-ils eu le courage d’avoir mené à son terme la décolonisation, mais ils ne peuvent ignorer qu’elle s’est achevée dans un bain de sang et au prix d’équivoques peu glorieuses. Ils avaient rêvé d’une Algérie indépendante étroitement liée à la France par la coopération et où subsisterait une importante minorité française. Or les accords d’Évian (18 mars 1962) ont été vidés de leur contenu par l’exode massif des Européens au printemps et à l’été 1962, exode que les éléments « durs » du F.L.N. n’ont rien fait pour freiner, bien au contraire.

    Des plaies à vif

    La guerre d’Algérie, pour toutes les familles politiques françaises, constitue une des pages les plus noires de leur histoire contemporaine, page d’autant plus douloureuse qu’elle a été marquée du sceau infamant de la torture. Que les plaies soient encore à vif au bout de deux décennies, il n’est pas permis d’en douter. En témoignent les polémiques suscitées par les récentes mesures gouvernementales d’amnistie pour les faits liés à la guerre. En témoignent encore les débats suscités par le film de Pierre Schoendorfer l’Honneur d’un capitaine, qui raconte l’histoire d’un officier qualifié publiquement de tortionnaire vingt ans après sa mort sur la ligne Morice, à la frontière tunisienne, et dont la veuve veut laver la mémoire. (Lire l’article de Christian Zimmer.)

    En témoigne aussi la tempête soulevée par l’initiative d’un ministre socialiste proposant innocemment d’ériger au rang de date de « recueillement national » l’anniversaire du 19 mars 1962, qui vit l’entrée en vigueur du cessez-le-feu en Algérie. Comment d’ailleurs oublier ce que furent les « départements français d’Algérie » alors que les séquelles en sont encore présentes au cœur même de la société française ? Si les rapatriés sont intégrés, économiquement et socialement sinon psychologiquement, il n’en est pas de même des harkis, ces supplétifs « coupables » d’avoir « choisi » la France, moisissant aux marches de la société française et dont les fils rejoignent dans une même frustration et une identique révolte les émigrés de la « seconde génération », ballottés, eux aussi, entre deux cultures et rejetés des deux côtés de la Méditerranée.

    L’Algérie reste donc un problème intérieur français, vivace et douloureux. Elle va jusqu’à constituer un thème décisif dans certaines élections locales. C’est une liste « Algérie française » qui, en juin 1978, a chassé les socialistes de la mairie d’Aix-en-Provence. Les rapatriés constituent toujours un enjeu, et leurs voix sont sollicitées dans toutes les consultations. Déçus par M. Giscard d’Estaing, hostiles par tradition aux gaullistes « qui les ont trompés », ils n’ont sans doute pas été tout à fait étrangers à la victoire socialiste du 10 mai 1981.

    En va-t-il différemment de l’autre côté de la Méditerranée ? Les relations avec la France jouent un rôle majeur dans le débat interne, même si l’opacité d’un régime qui ne tolère pas d’expression autre qu’officielle ne permet pas de cerner exactement l’importance du phénomène. Le pouvoir se réclame plus que jamais aujourd’hui de l’ « héritage de novembre » (du 1er novembre 1954) et célèbre d’autant plus les vertus des moudjahidin que ceux-ci végètent souvent dans d’humbles emplois administratifs lorsqu’ils n’ont pas choisi, comme nombre d’anciens dirigeants de la fédération de France du F.L.N., de vivre dans l’ancienne métropole. La presse exalte périodiquement les exploits des combattants, justifiant du même coup le rôle dominant joué par l’armée dans la vie politique depuis l’indépendance. Le régime fonde de plus en plus sa légitimité sur le combat libérateur. Les Français sont-ils les mieux placés pour s’en étonner ou s’en scandaliser, la référence à la résistance contre l’occupation allemande constituant encore une donnée politique essentielle et la collaboration avec les nazis une tache infamante ? Paradoxalement, les adversaires les plus résolus d’hier sont ceux qui ont aujourd’hui à l’égard de la France la plus grande marge de manœuvre. Les responsables qui, au contraire, n’ont rejoint que tardivement le F.L.N. n’hésitent pas toujours à recourir à la surenchère nationaliste pour se faire pardonner leurs tiédeurs passées.

    De façon générale, les dirigeants algériens se sont abstenus — et cela mérite d’être souligné — de cultiver démagogiquement la haine et d’entretenir ou de susciter les rancœurs. « Certes, nous disait l’un d’entre eux, il faut que les jeunes générations sachent de quel prix a été payée l’indépendance nationale, non pas pour entretenir un stérile esprit de vengeance, mais pour se montrer dignes des aînés et consentir les sacrifices nécessaires pour donner à cette indépendance un contenu économique, social et culturel. »

    La presse algérienne n’exploite pas les macabres découvertes faites en différents points du territoire dans d’anciens camps de détention ou des centres d’interrogatoire de l’armée française. Récemment encore, en janvier 1982, la mise au jour d’un immense charnier à Khenchela, dans l’est du pays, sur les contreforts des Aurès, a été rapportée par El Moudjahid en termes sobres, sans insistance. Mais les responsables algériens n’ont pas été mécontents de l’écho donné à cette affaire en France par une enquête de Libération qui a suscité de vives controverses et a révélé aux jeunes Français un aspect soigneusement occulté de la guerre d’Algérie.

    L’accueil de la population aux Français, coopérants, techniciens des sociétés privées, rares touristes, est empreint de dignité et souvent même de chaleur, surtout chez les plus de trente ans. Le ton change avec les jeunes qui n’ont pas connu la guerre et ont de la colonisation une vision manichéenne. Ils ne peuvent imaginer la complexité de la société coloniale et l’ambiguïté des rapports qui existaient entre colonisateurs et colonisés dans un système caractérisé par la présence d’une forte population européenne — modèle et repoussoir à la fois — et par une volonté d’intégration et donc une politique d’acculturation des « indigènes » qui, par son ampleur, n’a sans doute pas eu d’équivalent ailleurs.

    Bilinguisme de fait

    Dans la société algérienne elle-même, les attitudes face à la France, pour n’être pas mesurables — faute de pouvoir se manifester publiquement — n’en sont sans doute pas moins très diverses. Il est impossible d’évaluer le rôle et la place des familles qui s’étaient jadis « compromises » avec le colonisateur et ont été écartées du pouvoir politique. De même, il est difficile de cerner l’importance et l’influence de courants ou de sensibilités incarnés dans le passé par des hommes comme Messali Hadj ou Ferhat Abbas. Il est douteux cependant qu’ils aient un impact sur une jeunesse « désinformée » par quinze ans de boumediénisme. L’ancien chef de l’Etat ne tolérait qu’une histoire du nationalisme algérien expurgée et ne faisait pas mystère de son aversion pour la notion de « chefs historiques », sans doute, disent ses adversaires, parce qu’il n’en faisait pas partie. Ces jeunes, en revanche, peuvent être sensibles aux discours des intellectuels arabes tournés vers le Proche-Orient. Ils militent pour un « retour » à une « authenticité » et à une « identité » arabes, vivement contestées d’ailleurs par les berbérophones, tout en affichant, leur hostilité à la langue et à la culture françaises.

    Le français garde, pourtant, de très fortes positions malgré la politique d’arabisation officiellement proclamée. Il a fallu attendre, il est vrai, la mise en place d’une nouvelle équipe sous la houlette du président Chadli Bendjedid pour que se manifeste concrètement la volonté d’appliquer la partie de la Charte nationale de 1976, qui fait de l’arabisation l’axe de la révolution culturelle. Mais, en raison des tensions qui se sont manifestées dans la rue en 1980 par une double agitation des étudiants arabisants et des Kabyles berbérophones et francisants, les autorités n’avancent que pas à pas, avec une grande prudence.

    L’objectif poursuivi est d’instaurer un bilinguisme de fait. Il est loin d’être atteint, le français restant très largement dominant dans les circuits économiques, la plupart des administrations, à l’Université et dans les moyens d’information. « Nous avons plus fait pour répandre la langue française que la colonisation en cent trente ans », nous disait, non sans raison, un responsable de l’éducation nationale. Le français est enseigné partout — grâce à la politique de scolarisation — à raison de deux heures par jour au moins dès la quatrième année de scolarité lorsque commence, à l’âge de dix ans, le second cycle de l’école fondamentale (1). Il constitue la langue de travail des universités et des instituts scientifiques et technologiques où se trouvent la majeure partie des étudiants. Le principal quotidien du pays, El Moudjahid, rédigé en français, tire à plus de 300 000 exemplaires, soit près du double des trois quotidiens en arabe.

    L’hebdomadaire Algérie-Actualités, réalisé par une équipe jeune et dynamique, vend chaque semaine quelque 100 000 numéros. La télévision, en revanche, est largement arabisée, et le bulletin d’information du soir, le plus important, car largement écouté sur tout le territoire, est présenté en arabe. Mais une station de radio, la chaîne 3, dite « internationale », fait la part du lion au français, les émissions en espagnol et en anglais n’occupant qu’un court créneau d’une heure chaque soir. Les ministères de la justice et de l’intérieur mis à part, l’emploi du français est largement répandu dans les administrations. Il suffit pour s’en convaincre de lire les circulaires internes affichées sur les panneaux placés dans les halls d’entrée. Enfin, nombreux sont les Algériens qui écoutent Radio-Monte-Carlo ou France-Inter. Sur le littoral, les gens aisés se procurent, en général par l’intermédiaire d’émigrés, un téléviseur bistandard et une antenne spéciale permettant de capter TF 1 et Antenne 2 (2).

    Cette pratique du français explique pour une très large part la familiarité des relations bilatérales telles qu’elles sont vécues au niveau populaire. Pour nombre d’Algériens des classes moyennes, la France constitue un prolongement naturel de leur pays : ils en connaissent les produits et rêvent devant les publicités dans les hebdomadaires féminins français des derniers gadgets ménagers. La communauté émigrée en France, forte de près de 1 million de personnes, sert de relais, de point d’appui, de base d’accueil. Tel jeune fonctionnaire, par ailleurs très nationaliste et partisan des options du régime, passe chaque année ses vacances à Quimper. Depuis plusieurs années, le gouvernement n’importe plus de voitures françaises, préférant conclure des contrats avec le Brésil, les pays de l’Est et, plus récemment, le Japon. Mais les Renault et les Peugeot ramenées et vendues par les émigrés n’en restent pas moins très prisées : elles constituent encore l’essentiel du parc automobile algérien (3). On pourrait multiplier les exemples de ce type. Toutes ces importations invisibles ne sont pas prises en compte par la balance commerciale officielle, mais représentent des montants très élevés, que l’on pouvait chiffrer, en 1980, à quelque 4 ou 5 milliards de francs.

    Un double sentiment d’attraction-répulsion

    Dans le domaine de la santé, la Sécurité sociale algérienne n’accepte, en principe, de prendre en charge les frais entraînés par une hospitalisation en France que pour des cas ne pouvant être traités en Algérie, faute de spécialistes ou de moyens. En fait, les dérogations se multiplient, le citoyen algérien ne manifestant qu’une confiance limitée au système hospitalier national, pourtant entièrement gratuit. Il en résulte des charges financières lourdes pour l’Etat, elles-mêmes génératrices de contentieux.

    La proximité géographique, les liens créés par l’histoire — les familles comptant des membres ayant opté à l’indépendance pour la nationalité française sont plus nombreuses qu’on ne le pense, — la densité des relations économiques, conduisent à une situation qui n’a sans doute pas d’équivalent dans le monde. Les nouvelles générations, particulièrement, éprouvent une double réaction d’attraction-répulsion mêlées. Lors du congrès de l’Union nationale de la jeunesse algérienne (UNJA), en janvier 1979, un orateur exprimait à sa façon ce sentiment en se prononçant contre l’octroi de bourses en France à des étudiants. « Ils sont victimes du racisme, disait-il, doivent subir de perpétuelles vexations et brimades », et il dressait un sombre tableau des conditions de vie en France avant de conclure : « De surcroît, cet investissement n’est pas rentable, car nombre de ces étudiants, une fois leur diplôme acquis, ne reviennent pas au pays. » A trop vouloir prouver !

    Certains dirigeants rêvent de trancher dans le vif, de baisser un « rideau de fer » qui isolerait enfin leur pays et donnerait toutes ses chances à la politique d’arabisation afin de préserver et de développer l’ »héritage arabo-islamique ».

    Mais l’Algérie n’est pas la Chine ou l’U.R.S.S. Et comment traiter la France en pays étranger au même titre que les autres alors qu’existe une telle osmose, que des romanciers algériens — et non des moindres — comme Mouloud Mammeri, leur doyen, Rachid Boudjedra, Rachid Mimouni, des historiens comme Mohamed Harbi et même un ancien président du G.P.R.A. comme Ferhat Abbas éditent leurs œuvres à Paris ; que des hommes d’affaires par centaines investissent en France, achetant des boutiques, des stations-service, des agences de voyages ; et qu’existe désormais dans l’ancienne métropole une communauté algérienne profondément enracinée pour qui la réinsertion outre-Méditerranée ne relève plus que du mythe pieusement entretenu par les aînés ? « S’agissant des familles, explique le sociologue algérien Ahsène Zehraoui, les parents disent : « Nous attendons, pour rentrer, la fin des études des enfants », et ces derniers répondent : « Nous verrons quand les parents seront à la retraite. Et il conclut : « La présence de cette communauté interroge la société française sur ses capacités à être pluriethnique et pluriculturelle, à vivre et à accepter les différences. »

    Les relations entre les deux pays vont sans doute évoluer d’ici à la fin du siècle vers une plus grande complexité et poser de part et d’autre de redoutables problèmes humains et culturels. Deux facteurs surtout vont y contribuer. L’évolution des techniques de communication et leur développement conduisent à la mise en place, en principe à partir de 1985, de satellites au-dessus de la Méditerranée. Ils vont permettre la diffusion sur les côtes d’Afrique du Nord de programmes télévisés français qui atteindront ainsi toutes les couches de la population avec toutes les incidences que cela suppose. En revanche, le poids de la démographie algérienne — la population du pays devrait atteindre au minimum trente-cinq millions dans vingt ans — va inévitablement se faire sentir sur une France en proie à la dénatalité, et que tout prédispose à être une terre d’accueil préférentielle.

    Telle est la toile de fond permanente des relations algéro-françaises. Ignorer ces réalités ne peut conduire qu’à des impasses. L’Algérie le sait, qui est toujours restée prudente dans ses rapports avec Paris, défendant avec pugnacité ses intérêts, tentant constamment d’obtenir le maximum de concessions sans jamais pousser les différends trop loin. Le poids de la France est trop grand dans la société algérienne pour qu’une rupture soit possible, si souhaitée soit-elle par certains. Mais tous sont animés par le souci constant de limiter autant que faire se peut une influence gênante : modèle culturel pour beaucoup, la France peut être aussi un modèle politique (4).

    A Paris, M. Giscard d’Estaing, après avoir adopté une ligne d’action « dure », contrant l’Algérie au Sahara occidental et tentant d’obtenir le départ des travailleurs immigrés, avait assoupli son attitude après l’effondrement, en juillet 1978, du régime de M. Ould Daddah en Mauritanie et la mort de Boumediène en décembre de la même année. L’arrivée au pouvoir d’un nouvel interlocuteur, M. Chadli Bendjedid, facilitait la reprise du dialogue souhaitée de part et d’autre. Le souci du nouveau chef de l’Etat, désireux de sortir son pays d’un certain isolement, en pratiquant une politique de « bon voisinage actif », ne pouvait exclure la France.

    Un échange de visites — M. Jean François-Poncet, ministre des affaires étrangères, à Alger en juin 1979, et M. Benyahia, à Paris en janvier 1980 — permit d’enclencher une négociation marathon pour normaliser les relations et liquider les contentieux qui s’étaient accumulés dans tous les domaines. Rude tâche, menée inlassablement dans le secret durant quinze mois par une petite équipe (5) décidée à conclure. Ces discussions aboutissaient, en septembre 1980, lors d’un déplacement à Alger de M. François-Poncet, à la signature d’une série d’accords. Du côté français, on renonçait à obtenir un départ massif des travailleurs émigrés, alors que M. Stoléru voulait programmer trente-cinq mille retours par an. Les deux cent quatre-vingt mille ressortissants algériens installés en France avant le 1er juillet 1962 se voyaient reconnaître un statut « privilégié » ; leur certificat de résidence étant automatiquement prolongé pour dix ans, conformément aux dispositions de l’accord sur la main-d’œuvre de 1968. Les autres, quatre cent mille environ, obtenaient un sursis de trois ans et trois mois qui arrivera à expiration le 31 décembre 1983. La France s’engageait à ne prendre que des mesures « incitatrices » au retour et à déployer un effort exceptionnel en matière de formation professionnelle. D’autres textes permettaient de liquider de vieux contentieux en matière financière et de Sécurité sociale. Au-delà de ces dispositions, on se félicitait de part et d’autre de la sincérité et de la qualité des discussions.

    Un élan nouveau

    L’arrivée au pouvoir de la gauche en mai 1981 a donné un élan nouveau à cette évolution et elle a surtout permis, ainsi que le souhaitait M. Mitterrand, de créer un climat de confiance, de dissiper les suspicions anciennes. Les mesures immédiatement prises par M. Defferre, ministre de l’intérieur et de la décentralisation, pour stopper toute expulsion de jeunes Algériens nés en France ou y résidant depuis plus de dix ans, fussent-ils délinquants, les déclarations officielles reconnaissant l’importance de la contribution apportée par l’immigration au développement économique français, la régularisation de la situation des clandestins, dont quinze mille Algériens ont bénéficié, tout cela a fait à Alger la meilleure impression. Ont été appréciées également les options « tiers-mondistes » du nouveau chef de l’Etat et son désir de relancer le dialogue Nord-Sud par une négociation globale aux Nations unies.

    Le voyage à Alger de M. Mitterrand en novembre 1981, suivi deux mois plus tard d’un accord sur le prix du gaz naturel donnant satisfaction aux thèses algériennes, a concrétisé de façon décisive la volonté de Paris d’entretenir avec l’Algérie des relations de qualité fondées sur l’amitié dans le respect des options réciproques et la prise en considération des préoccupations de chacun. Sur le plan extérieur, les efforts déployés par le président Chadli Benjedid pour prendre une certaine distance à l’égard de l’U.R.S.S. et revenir à un non-alignement rigoureux sont suivis avec sympathie par Paris, où l’on se dit prêt à faciliter cette évolution. A l’inverse, la réelle neutralité française dans l’affaire du Sahara occidental comme les efforts déployés par M. Mitterrand pour aider à une solution du problème palestinien font l’objet à Alger de jugements positifs.

    Le climat est donc meilleur qu’il n’aura jamais été. Les visites ministérielles se succèdent de part et d’autre. Mais… mais le problème délicat de la nationalité des jeunes Algériens nés en France après l’indépendance n’est toujours pas résolu, l’Algérie refusant la notion de double nationalité. Les jeunes sont donc condamnés soit à faire un choix douloureux, et souvent impossible à leur âge, soit à effectuer un double service militaire tant que les discussions en cours n’auront pas abouti. Mais… les dispositions prises pour les immigrés prennent fin dans un an sans que les principales données du dossier aient évolué, la situation de l’emploi restant en France préoccupante : quatre mille huit cents travailleurs seulement ont bénéficié des dispositions « incitatrices » de l’ »aide au retour », et la formation professionnelle a encore moins de succès.

    La police algérienne filtre elle-même les voyageurs partant en France (6) pour détecter les « faux touristes », chômeurs espérant y trouver du travail, et il faut désormais en Algérie justifier d’un emploi pour obtenir un passeport. Cela n’empêche pas le nombre des « refoulements » opérés dans les aéroports français d’augmenter dans des proportions considérables. Le dispositif mis en place est par ailleurs inefficace contre la fuite des « cerveaux », intellectuels ou cadres qui décident de s’expatrier sacrifiant pour des raisons culturelles et politiques une situation confortable pour repartir de zéro.

    Le réchauffement des relations n’a pas permis non plus, en dépit des engagements pris sur ce point par l’Algérie, de régler les problèmes de la petite communauté « pied-noir » restée en Algérie après l’indépendance et dont les effectifs, composés pour l’essentiel de personnes âgées, fondent un peu plus chaque année. Ils ne sont plus que trois mille cinq cents et ne peuvent toujours pas, en pratique, vendre leurs biens, appartements, villas ou commerces pour rentrer finir leurs jours en France. Les conditions de vie et de travail des coopérants français, enfin, se sont largement détériorées au fil des années et leur nombre va diminuant sans cesse.

    On retrouve là, au-delà des déclarations optimistes des dirigeants, la réalité prosaïque et quotidienne des relations franco-algériennes vouées pour très longtemps encore à l’ambiguïté et à la difficulté, des relations telles que peuvent en entretenir des couples séparés après une longue vie commune et qui n’en finiraient pas de régler les problèmes nés de leur divorce, éprouvant entre des crises d’exaspération, et parfois de colère, de subits accès de tendresse et d’émotion.

    Daniel Junqua

    Journaliste, auteur de « La Presse écrite », CFPJ-Editions, Paris, 1995

    Source : Le monde diplomatique, novembre 1982

    Tags : Algérie, France, colonisation, mémoire, guerre de libération, FLN,

  • UA : Les enjeux du Conseil de paix et de sécurité

    Créé en 2004, le Conseil de paix et de sécurité (CSP) est sans doute l’innovation institutionnelle la plus ambitieuse de l’Union africaine. Chargé de la prévention des conflits et du maintien de la paix, le CSP consacre le principe de « non-indifférence », inspiré du « devoir d’ingérence », en cas de violations graves des droits de l’homme par un Etat du continent.

    par Delphine Lecoutre
    Le Monde diplomatiqueLes enjeux du Conseil de paix et de sécurité↑

    Institution-clé dans un continent encore marqué par la guerre (République démocratique du Congo, Somalie, Tchad, etc.) et l’instabilité politique (deux coups d’Etat en 2008, en Mauritanie et en Guinée, un à Madagascar en 2009), le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine a été lancé à l’occasion de la Journée de l’Afrique, le 25 mai 2004. Cet organe panafricain, qui s’est déjà réuni plus de deux cents fois depuis sa création, a remplacé l’organe central du mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), dont les insuffisances étaient patentes.

    Le CPS a pour fonctions prioritaires la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité ; la prévention, la gestion et le règlement des conflits ; la consolidation des processus de paix et de reconstruction postconflit ; l’action humanitaire et la gestion des catastrophes. Les principes qui guident son action sont caractérisés, d’un côté, par la confirmation des règles héritées de la Charte de l’OUA (non-ingérence dans les affaires internes des Etats membres, respect des frontières issues de la colonisation) et, de l’autre, par l’apparition de nouveaux concepts tels que le droit, voire le devoir, d’ingérence.

    Un compromis a en effet été trouvé entre Etats pour faire cohabiter deux approches antinomiques : la première se réfère aux principes classiques de souveraineté et de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays ; la seconde pose le droit de l’Union africaine à intervenir, malgré ces règles, dans certaines circonstances graves : crimes de guerre, génocide et crimes contre l’humanité. Par une « ambiguïté constructive », les fondateurs de la nouvelle organisation panafricaine souhaitent tirer les leçons des insuffisances de l’OUA, qui n’a pas pu ou su intervenir militairement pour mettre un terme aux violations massives des droits de l’homme par les régimes d’Idi Amin Dada en Ouganda et de Jean Bédel Bokassa en République centrafricaine dans les années 1970, ou lors du génocide des Tutsis du Rwanda en 1994 (1). Il s’agit donc, tout en affirmant le principe d’égalité souveraine des Etats et d’inviolabilité de leurs frontières, de permettre à l’Union africaine d’assumer, dans des circonstances définies, sa « responsabilité à protéger » les populations en danger, inscrite dans son Acte constitutif, en entreprenant des interventions humanitaires (2).

    Pas de droit de veto
    Le CPS promeut également le règlement pacifique des différends, le respect de l’Etat de droit et des libertés fondamentales. Il doit en outre contribuer à la mise en œuvre d’une politique de défense commune et de lutte contre le terrorisme. Enfin, il agit en coopération avec les Nations unies dans la préservation et le maintien de la paix, et échange régulièrement des vues avec les membres du Conseil de sécurité, alternativement à Addis-Abeba et à New York.

    Le CPS est composé de quinze membres, dont cinq détiennent un mandat de trois ans et dix un mandat de deux ans (3). La distribution des sièges est basée sur le principe de l’équité ; il a permis l’attribution de davantage de sièges aux régions comprenant le plus d’Etats, soit quatre pour l’Afrique de l’Ouest, trois pour l’Afrique centrale, trois pour l’Afrique de l’Est, trois pour l’Afrique australe et deux pour l’Afrique du Nord (4).

    Théoriquement, le CPS ne comprend ni membres permanents ni droit de veto. Ce choix s’explique par la volonté des pays africains de ne pas reproduire ce qu’ils considèrent comme une injustice au sein du Conseil de sécurité et qu’ils condamnent énergiquement dans le cadre de la réforme des Nations unies (5). Il traduit aussi le souci de faire prévaloir l’égalité et la solidarité en évitant de donner trop de puissance à certains Etats et en permettant la rotation des sièges (6). L’Angola a ainsi succédé à l’Afrique du Sud en janvier 2007, tandis que le Gabon promet de céder sa place à la Guinée-Equatoriale en janvier 2010.

    Cependant, certains pays dotés des mandats les plus longs (trois ans) sont parfois tentés par l’idée d’exercer en permanence. Ce sont des Etats confrontés, dans leur voisinage plus ou moins immédiat, à de graves enjeux de sécurité. C’est le cas de l’Ethiopie par rapport à la Somalie ; de l’Algérie pour le Sahara occidental, la Mauritanie et la lutte antiterroriste ; ou encore du Nigeria. A cela s’ajoute que les Etats membres du CPS gros contributeurs financiers de l’Union — à l’instar de l’Algérie et du Nigeria, qui apportent chacun 15 % du budget ordinaire de l’organisation — disposent indéniablement d’un « veto de fait » dans le processus décisionnel.

    Les pays candidats à un siège au CPS doivent remplir certains critères, dont la présence de missions permanentes auprès de l’Union et de l’Organisation des Nations unies (ONU) (7) bien dotées en personnels et en moyens. Toutefois, en pratique, la rotation dans le cadre des jeux politiques régionaux prime la capacité réelle de l’Etat concerné à contribuer au maintien de la paix et de la sécurité.

    Le CPS innove de manière significative par rapport aux mécanismes existant précédemment. Son premier atout réside dans la permanence de sa structure, ce qui se traduit par la convocation — au niveau des ambassadeurs — de cinq réunions par mois en moyenne, avec la possibilité d’en tenir une à tout moment pour examiner, en urgence, l’éclosion d’une crise. Des réunions doivent également être organisées, au moins une fois par an, respectivement au niveau des ministres et des chefs d’Etat et de gouvernement. Le CPS dispose d’autre part, depuis juillet 2005, d’un secrétariat très actif, installé au sein du département paix et sécurité de la Commission de l’Union.

    Il agit non seulement avec l’ensemble des départements de l’exécutif panafricain — en particulier les analystes de la division gestion des conflits du département paix et sécurité et les bureaux régionaux de l’Union — mais aussi avec les Communautés économiques régionales (CER) (8), les organisations internationales ou encore les « organisations de la société civile », considérées comme des éléments-clés de nombreux processus de paix.

    Un outil politique important
    Deuxième atout, le CPS dispose d’un ordre du jour flexible. Il est élaboré conjointement par le président tournant (rotation mensuelle) et le commissaire paix et sécurité de la Commission de l’Union et est adopté au début de chaque réunion. Le pouvoir de proposer, de fixer, de libeller et d’amender l’ordre du jour est d’ailleurs un outil politique important. Lors d’une réunion, début mai 2009, le libellé même du point inscrit conditionnait ainsi le fait de permettre (débat sur la situation interne du Tchad) ou non (débat sur les relations entre le Tchad et le Soudan) à l’ambassadeur du Tchad de rester présent dans la salle lors des discussions à huis clos, mais aussi le fait d’adopter un communiqué ou un communiqué de presse en l’absence de la partie soudanaise. En revanche, certaines questions, telles les relations conflictuelles latentes entre l’Ethiopie et l’Erythrée, n’ont pas encore été inscrites à l’ordre du jour.

    Les statuts du CPS soulignent l’interdépendance entre paix, sécurité et développement. Certains Etats militent donc pour l’extension des discussions à des thèmes directement liés à la sécurité humaine tels que le réchauffement climatique ou encore les pandémies comme le VIH-sida.

    Le troisième atout de l’institution est la possibilité de conduire de véritables débats constructifs dans la partie des réunions se déroulant à huis clos. Les travaux se déroulent généralement ainsi : lors des séances publiques, le CPS écoute les rapports de la Commission et, si cela est nécessaire, les parties concernées par le conflit examiné et d’autres Etats ou organisations invités — par exemple, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) ou le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Après les éventuels échanges de points de vue et questions, les protagonistes du différend et les invités quittent la salle pour permettre aux membres du CPS de délibérer à huis clos. Les discussions aboutissent généralement à l’adoption d’un communiqué (équivalant à une décision) ou d’un communiqué de presse (équivalant à une prise de position).

    Le quatrième atout se trouve dans la réalisation de missions dans les zones de conflits ou de reconstruction postconflit. Cela permet d’enrichir l’expertise par la recherche d’observations de terrain et de témoignages, et signale aux populations et communautés victimes d’un conflit qu’une procédure est en cours. Des missions ont ainsi été effectuées au Soudan, au Tchad et en République centrafricaine en 2007 ainsi qu’en Guinée-Bissau et en Côte d’Ivoire en 2009.

    Sanctions contre les coups d’Etat
    Enfin, vient le travail de communication et de pédagogie. A la fin de son mandat, le président en exercice rédige une communication à l’intention des pays de l’Union non membres du CPS. Ce document leur permet de prendre connaissance de ses activités et de se familiariser avec ses techniques de travail. Il s’agit aussi de les sensibiliser aux enjeux de la paix et de la sécurité.

    Dans le même ordre d’idées, le CPS organise aussi des « réunions ouvertes » à la communauté diplomatique et aux organisations tant intergouvernementales que non gouvernementales installées à Addis-Abeba, où siège l’Union. Y sont présentées certaines actions entreprises : stratégie antiterroriste, traité de Pelindaba sur l’exemption du nucléaire sur le continent (9), action humanitaire en Afrique.

    En cinq ans d’existence, le CPS est déjà intervenu dans nombre de dossiers-clés. Il en est ainsi de la création de la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS) et du renforcement de son mandat afin d’améliorer son efficacité sur le terrain et d’assurer une véritable mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu (10). Des mesures relatives au désarmement des milices janjawids (11), à la protection des populations civiles et à la facilitation des livraisons d’aide humanitaire ont notamment été adoptées.

    Le CPS a décidé en outre de l’application automatique de sanctions en cas de coup d’Etat, jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel (Togo en 2005, Mauritanie en 2005 et 2008, Guinée en 2008, Madagascar en 2009). Il a même participé, avec l’Armée nationale de développement des Comores, à une intervention militaire éclair destinée à chasser le colonel putchiste Mohamed Bacar, sur l’île d’Anjouan, au printemps 2008. Le CPS a statué sur les violences postélectorales au Kenya en 2007-2008 (12) et travaille sur la manière de mobiliser des fonds afin de rétablir un certain ordre dans des pays en faillite institutionnelle et sécuritaire, en proie à l’instabilité et aux rébellions (République centrafricaine), etc.

    Cependant, malgré de nets progrès par rapport aux mécanismes de paix et de sécurité prévus par l’OUA, l’action du CPS demeure limitée par la faiblesse des instruments juridiques dont il dispose. Par exemple, la Charte africaine pour la démocratie, les élections et la gouvernance adoptée en janvier 2007 améliore la lutte contre les changements anticonstitutionnels de gouvernement en prévoyant notamment la condamnation des manipulations effectuées par un chef d’Etat en vue de se maintenir au pouvoir. Toutefois, elle n’a pas encore pu entrer en vigueur, par manque de ratifications. Seuls deux Etats, l’Ethiopie et la Mauritanie, y ont jusqu’à maintenant souscrit. Il en résulte que le CPS doit se contenter de s’appuyer sur les sanctions minimales de la déclaration de Lomé (notamment la suspension de participation aux réunions des organes de l’organisation et l’interdiction de recrutement de personnel originaire dudit pays) pour faire face aux coups d’Etat.

    Protéger les populations civiles
    De plus, si le CPS formule des ambitions claires et prend des décisions, il n’arrive pas toujours à les faire appliquer, en raison du manque de moyens matériels et humains dont souffre l’Union. Ainsi, le faible nombre de pays contributeurs en troupes et la déficience en moyens matériels envoyés limitent les capacités de la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom), une intervention de maintien de la paix particulièrement difficile. Seuls l’Ouganda et le Burundi sont présents sur place, avec quelque quatre mille hommes, alors que le double était initialement requis.

    Par ailleurs, le Comité d’état-major (CEM) destiné à conseiller et à assister le CPS sur toutes les questions militaires et de sécurité du continent n’est pas encore pleinement opérationnel, victime d’un manque de volonté politique évident de la part des Etats membres. Les réunions se tiennent donc irrégulièrement, et le quorum est souvent difficile à obtenir. De même, l’adoption de ses règles de procédures, pourtant mise à l’ordre du jour en octobre 2005, a encore été reportée : les discussions butent sur la présidence des réunions, la participation réelle du CEM dans le processus décisionnel au sein du CPS, le droit à la parole et la prise en compte de la composante civile dans les opérations de soutien à la paix. Enfin, les attachés de défense sont en nombre insuffisant (six Etats membres du Conseil sur quinze en avaient un en 2004 ; aujourd’hui, neuf en ont un), la plupart n’étant pas spécialisés en planification d’opérations (13).

    Enfin, les relations entre le département paix et sécurité de la Commission de l’Union et le CPS sont parfois conflictuelles. Dans le passé, la Commission avait ainsi tendance à distribuer les rapports qu’elle rédigeait sur certains conflits peu de temps avant les réunions, c’est-à-dire la veille au soir ou le matin même. Il était dès lors très difficile pour les représentants des Etats au CPS de les étudier et de recevoir à temps les instructions de leurs capitales.

    Depuis la réunion de Dakar (Sénégal) consacrée aux méthodes de travail, en juillet 2007, la Commission fait des efforts pour remettre les rapports trois ou quatre jours avant la réunion du Conseil. Certains Etats reprochent par ailleurs à l’exécutif panafricain de vouloir les mettre devant le fait accompli. Ainsi, en avril 2006, lors de discussions sur l’envoi d’une force militaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) pour neutraliser les groupes armés étrangers, certains pays ont reproché à la Commission de s’être prononcée en faveur de l’envoi rapide d’une force avant même le déroulement de l’élection présidentielle. L’exécutif panafricain invoquait le devoir de protection des populations civiles pour pousser les Etats membres à agir.

    Malgré ces difficultés, le CPS se montre d’ores et déjà actif, visible, et tente d’avoir un véritable impact politique dans la gestion des crises continentales. Réfléchissant à l’amélioration de ses méthodes de travail, il dispose d’un groupe des sages, mis en place en 2007, chargé de l’appuyer et de le conseiller. Cette instance est composée de cinq personnalités africaines hautement respectées, d’une grande intégrité et indépendance, qui ont apporté une contribution exceptionnelle au continent dans les domaines de la paix, de la sécurité et du développement. Ils ne doivent pas occuper de poste politique actif au moment de leur nomination et tout au long de leur mandat en qualité de membres du groupe des sages.

    Au-delà de son caractère éminemment politique, le CPS a l’obligation morale de débattre en temps opportun pour tenter de trouver des solutions appropriées et durables à des conflits synonymes, pour les populations, de fatalité, de vengeance, de destruction, de souffrance, d’injustice, de pauvreté et de retard dans le développement. A cet égard, il doit poursuivre ses efforts collectifs pour prendre les « bonnes décisions » dans la résolution des conflits dans l’intérêt commun continental, et non pour des intérêts nationaux ou régionaux égoïstes…

    Delphine Lecoutre

    Doctorante en sciences politiques à l’université Paris-I – Panthéon-Sorbonne, attachée à l’Institut d’études éthiopiennes de l’université d’Addis-Abeba et au Centre français des études éthiopiennes (Addis-Abeba).

    (1) Lire Ben Kioko, « The right of intervention under the African Union’s constitutive act : From non-interference to non-indifference », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 85, n° 852, Genève, décembre 2003.

    (2) Lire Tim Murithi, « The responsibility to protect, as enshrined in article 4 of the constitutive act of the African Union », African Security Review, vol. 16, n° 3, Johannesburg, 2007.

    (3) Union africaine, « Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité », Durban (Afrique du Sud), 9 juillet 2002.

    (4) La composition actuelle du CPS est la suivante : pour l’Ouest, Nigeria (trois ans), Burkina Faso, Bénin et Mali (deux ans) ; pour le Centre, Gabon (trois ans), Burundi et Tchad (deux ans) ; pour l’Est, Ethiopie (trois ans), Ouganda et Rwanda (deux ans) ; pour la partie australe, Angola (trois ans), Swaziland et Zambie (deux ans) ; pour le Nord, Algérie (trois ans) et Tunisie (deux ans).

    (5) Lire « L’Afrique et la réforme des Nations unies », Le Monde diplomatique, juillet 2005.

    (6) Lire « Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, clef d’une nouvelle architecture de stabilité en Afrique ? », Afrique contemporaine, Paris, hiver 2004.

    (7) D’autres critères sont fixés, dont le respect de la gouvernance constitutionnelle, de l’Etat de droit et des droits de l’homme.

    (8) Le continent comporte plusieurs organisations économiques régionales : la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ; la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD) ; la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ; l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) ; le Marché commun des pays de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe (Comesa) ; la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) ; la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac).

    (9) Entré en vigueur le 15 juillet 2009, ce traité, qui couvre l’ensemble du continent africain ainsi que ses îles environnantes, interdit le développement, la fabrication, le stockage, l’acquisition, la possession et l’utilisation d’armes nucléaires dans tous les pays du continent.

    (10) Lire Gérard Prunier, « Paix fragile et partielle au Soudan », Le Monde diplomatique, février 2005.

    (11) Les janjawids sont des milices issues des tribus « arabes ». Leur nom signifie approximativement « cavaliers armés de kalachnikovs ».

    (12) Lire Jean-Christophe Servant, « Affrontements très politiques au Kenya », Le Monde diplomatique, février 2008.

    (13) Lire « Revitaliser le Comité d’état-major de l’Union africaine », Géopolitique africaine, n° 24, Paris, octobre-décembre 2006.

    Source : Le Monde diplomatique, septembre 2009

    Tags : Afrique, Union Africaine, Conseil de Paix et de Sécurité,

  • Le Sénégal vu par Le Monde Diplomatique en 1974

    Le fonctionnement des institutions : Démocratie et parti dominant

    par Dmitri-Georges Lavroff

    ituée sur le point le plus occidental de la côte africaine, la République du Sénégal occupe une place privilégiée parmi les Etats de l’Afrique au sud du Sahara. C’est une terre de rencontre qui a su combiner harmonieusement le fonds de civilisation négro-africaine avec les apports successifs de l’islam arabo-berbère et des valeurs et techniques de l’Occident. La République du Sénégal, parce qu’elle est ouverte vers l’extérieur et constitue la porte occidentale d’une partie du continent africain, s’efforce, ayant conscience de la diversité et de la complémentarité des civilisations, d’être un lieu dans lequel la modération et l’équilibre sont des valeurs fondamentales.

    La loi-cadre du 23 février 1956 permit au Sénégal, comme aux autres anciennes colonies, de se donner une assemblée territoriale élue au suffrage universel et au collège unique, et un conseil de gouvernement.

    Avec le référendum sur l’adoption du projet de Constitution de 1958, le pays allait franchir une étape décisive de son développement politique. Il se prononça massivement en faveur de l’adoption du projet de Constitution et opta pour le statut d’Etat membre de la Communauté. La Constitution du 24 janvier 1959 établissait un régime parlementaire comportant une prépondérance de l’exécutif. Avec une assemblée élue pour cinq ans au suffrage universel direct et un gouvernement dirigé par un président du conseil responsable, la Constitution sénégalaise de 1959 adoptait la plupart des mécanismes établis par la Constitution française de 1958. En même temps, le Sénégal tenta avec le Soudan, au sein de la fédération du Mali, une expérience d’organisation fédérale pour essayer de pallier les inconvénients de la « balkanisation » de l’Afrique noire. Elle échoua : fondée au mois de janvier 1959, la Fédération du Mali éclata le 20 août 1960. Le Sénégal devenait un Etat unitaire, indépendant et souverain.

    Du modèle parlementaire au régime de type présidentiel

    La Constitution du 20 août 1960 tirait les conséquences de l’évolution politique de la République. Elle établissait un régime parlementaire très proche de celui défini par la Constitution française de 1958. Le président de la République, élu par un corps électoral comparable à celui établi alors en France, politiquement irresponsable et assurant par son arbitrage le fonctionnement régulier des institutions, exerçait les fonctions habituellement attribuées au chef de l’Etat en régime parlementaire. En face, le gouvernement dirigé par le président du conseil était investi par l’Assemblée nationale et politiquement responsable devant elle. Chargé de la détermination et de la conduite de la politique de la nation, le gouvernement assurait l’exécution des lois et disposait pour ce faire de l’administration et de l’armée.

    Quant à l’Assemblée nationale élue au suffrage universel direct pour une durée de cinq ans, elle exerçait le pouvoir législatif dans un domaine limité selon la technique de la Constitution française de 1958. L’aménagement constitutionnel mis en place contenait les germes de la crise qui devait éclater au mois de décembre 1962. Le dualisme de l’exécutif entraîna une opposition entre le président de la République, qui, bien que politiquement irresponsable, ne pouvait pas se contenter de « régner », et le président du conseil, qui devait être l’homme le plus important dans une interprétation classique du régime parlementaire. Finalement la thèse défendue par le président de la République l’emporta : il conclut que la crise avait démontré que, pour le moment, le dualisme de l’exécutif ne correspondait pas aux besoins du Sénégal.

    Le président de la République élabora un projet de Constitution qui fut soumis au référendum le 7 mars 1963. Les leçons de l’expérience passée furent effectivement tirées. Le modèle parlementaire était abandonné au profit d’une Constitution de type présidentiel. Quatre organes constitutionnels étaient créés : le président de la République, élu au suffrage universel direct pour une durée de quatre ans, gardien de la Constitution et titulaire du pouvoir exécutif ; l’Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct au scrutin majoritaire sur une liste nationale, qui détient le pouvoir législatif ; la Cour suprême, les cours et tribunaux qui exercent le pouvoir judiciaire, et un conseil économique et social, qui a un rôle consultatif. Les rapports entre les organes étaient, en principe, dominés par la règle de séparation entre les pouvoirs, fondamentale dans le modèle présidentiel.

    La séparation des pouvoirs était effectivement respectée sur le plan organique ; le président de la République ne pouvait pas être renversé par l’Assemblée nationale et il n’avait pas le droit de la dissoudre. Par contre, il n’existait pas de véritable séparation fonctionnelle car le président de la République participait, notamment par l’initiative et le droit de recourir au référendum, à l’exercice de la fonction législative, il avait des pouvoirs exceptionnels et le pouvoir législatif de l’Assemblée nationale était limité. Ce déséquilibre en faveur de l’exécutif fut aggravé par la révision constitutionnelle du 20 juin 1967 qui attribuait, entre autres dispositions, au président de la République le droit de dissoudre l’Assemblée nationale au cours de la quatrième et de la cinquième année de son mandat.

    Dualisme de l’exécutif et « domaine réservé »

    Le 22 février 1970, le peuple sénégalais approuvait par référendum un nouveau projet de révision constitutionnelle préparé par le président de la République et soumis par lui à la Cour suprême et à l’Assemblée nationale. C’est ce texte, promulgué le 26 février 1973, qui est l’actuelle Constitution de la République du Sénégal. Les modifications importantes ainsi apportées à l’ancienne organisation transforment, à notre avis, la nature du régime présidentiel établi en 1963. La révision de la Constitution de 1963 introduit des éléments de régime parlementaire dans l’ancien cadre présidentiel. Il est probable que la crise que le Sénégal connut en 1968-1969 avec l’agitation étudiante et syndicale ainsi que la crainte des effets d’une « usure du pouvoir » résultant de la concentration de trop de responsabilités entre les mêmes mains expliquent le sens de la réforme.

    Les organes constitutionnels ne sont pas fondamentalement modifiés. Le constituant de 1970 a maintenu le président de la République qui, politiquement irresponsable devant l’Assemblée, est élu au suffrage universel direct au scrutin majoritaire à deux tours pour une durée de cinq ans. Il n’est rééligible qu’une seule fois. L’unité de l’exécutif, déclarée indispensable en 1963, n’est pas maintenue. En effet, la Constitution crée un premier ministre qui, nommé par le président de la République, est placé à la tête du gouvernement. Le Sénégal est donc revenu à un dualisme de l’exécutif, mais il est aménagé pour maintenir la suprématie du président de la République. Celui-ci est le chef de l’Etat et dispose des pouvoirs qui sont traditionnellement attribués à cette autorité (droit de grâce, nomination des ambassadeurs, attribution des décorations, etc.). En outre, et c’est là une innovation, il dispose d’un « domaine réservé » qui comprend : les affaires étrangères, la défense nationale, les relations avec le pouvoir judiciaire. Dans ces matières, le président de la République agit directement, sans contreseing ministériel. Il exerce en outre un pouvoir général d’arbitrage et de direction qui s’exprime par la nomination du premier ministre et des ministres, la dissolution de l’Assemblée nationale quand celle-ci adopte une motion de censure, par des messages qu’il peut adresser à la nation et par le recours à la Cour suprême. En période de crise, il dispose des pouvoirs très étendus que lui donne l’article 47 de la Constitution, en vertu duquel il peut prendre « toute mesure tendant à rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et à assurer la sauvegarde de la nation à l’exclusion d’une révision constitutionnelle », « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate ».

    Le gouvernement n’a pas de pouvoir autonome. Il applique la politique de la nation sous la direction du premier ministre dans tous les domaines qui ne sont pas réservés au président de la République. Il est bien évident que la nature des rapports entre le président de la République et le premier ministre est fondamentale. La Constitution établit une incontestable prédominance du premier qui, maître du domaine qui lui est réservé, contrôle le reste de la politique menée par le premier ministre, qu’il a choisi et nommé. Pourtant les choses ne sont pas aussi simples en fonction des rapports qui s’établissent entre le premier ministre et l’Assemblée nationale.

    L’Assemblée nationale est l’organe législatif. Elle est élue au suffrage universel et au scrutin majoritaire sur une liste nationale. La conséquence importante de ce mode de scrutin est l’homogénéité politique de l’Assemblée nationale, qui comprend des représentants d’un seul parti. Ses pouvoirs sont essentiellement législatifs : « l’Assemblée nationale détient le pouvoir législatif. Elle vote seule la loi » (art. 56 de la Constitution). Son domaine d’intervention est limité par la détermination de matières législatives hors desquelles elle ne peut légiférer. Les dispositions inscrites dans l’article 34 de la Constitution française de 1958 ont fait école en Afrique noire ! Elle vote le budget, donne l’autorisation de ratifier les traités internationaux, intervient dans la procédure de révision de la Constitution.

    Les organes judiciaires, dont la Cour suprême, qui est juge de la constitutionnalité, le Conseil économique et social et la Haute Cour de justice complètent ces organes constitutionnels.

    La nature constitutionnelle du régime établi par le texte de 1970 dépend des rapports entre les organes. Il y a à cet égard matière à controverse entre spécialistes de droit constitutionnel. Les hautes autorités sénégalaises ont insisté sur la nature présidentielle du régime établi. L’irresponsabilité politique du président de la République, le fait que, élu au suffrage universel, il représente la souveraineté populaire au même titre que l’Assemblée nationale, peuvent être invoqués en faveur de cette interprétation. Mais, d’un autre côté, plusieurs arguments permettent de la mettre en cause.

    Il y a le fait que la séparation organique et fonctionnelle, qui est le critère essentiel du régime présidentiel, n’est pas appliquée. Sur le plan fonctionnel, le président de la République participe à l’exercice du pouvoir législatif par l’initiative des lois, le droit de demander une seconde lecture des textes votés, la possibilité de légiférer par ordonnances soit sur habilitation, soit en vertu de ses pouvoirs exceptionnels. Sur le plan organique, la séparation des pouvoirs n’est pas non plus appliquée : le droit de dissolution de l’Assemblée nationale appartenant au président de la République est l’illustration de cette situation ; dans le même sens, le droit attribué à l’Assemblée de voter une motion de censure pour obliger le premier ministre à démissionner manifeste une interdépendance organique entre l’Assemblée nationale et un élément de l’exécutif.

    Si on devait qualifier juridiquement ce régime constitutionnel, on ne pourrait que le déclarer « sui generis ». Il y a un mélange d’éléments du régime présidentiel en ce qu’ils renforcent l’autorité du président de la République et de pratiques propres aux régimes parlementaires rationalisés. De toute manière, le problème du constituant n’est pas de faire une Constitution qui satisfasse les professeurs de droit constitutionnel désireux (il y en a) de trouver exprimés dans un texte les modèles théoriques établis par la doctrine. Il s’agit de mettre en place un aménagement juridique qui, respectant la liberté des citoyens, assure un bon fonctionnement des institutions, compte tenu des circonstances de temps et de lieu et des objectifs politiques poursuivis. A cet égard, la Constitution de 1970 paraît satisfaisante. L’existence d’un président de la République, incarnation de l’unité de la nation, statuant seul dans les domaines les plus importants, assure la stabilité. La présence d’un premier ministre, responsable devant l’Assemblée nationale et le président de la République, qui mène la politique journalière sous le contrôle des représentants du peuple, permet au président de la République de prendre du recul et d’éviter l’usure du pouvoir. Bien sûr, il ne faut pas oublier l’hypothèse théorique d’un premier ministre qui, s’appuyant sur une majorité dans l’Assemblée, s’opposerait au président de la République. Ce n’est plus alors un problème de textes mais d’hommes et de circonstances politiques.

    Le rôle de l’Union populaire sénégalaise

    Le fonctionnement du régime dépend très largement des conditions politiques, économiques et sociales dans lesquelles les mécanismes constitutionnels sont amenés à fonctionner. Les partis politiques jouent un rôle fondamental. Le nombre et la nature des partis politiques modifient le sens des règles constitutionnelles.

    Le Sénégal a, comme la très grande majorité des Etats d’Afrique noire, renoncé au pluripartisme qui était la règle au moment de l’indépendance. Il fut déclaré responsable de tous les maux : obstacle à l’unification nationale, facteur d’instabilité gouvernementale, gêne pour le développement économique, etc. Ces arguments, dont certains ont une valeur sûre et d’autres le sens d’un plaidoyer pro modo, ont conduit à la généralisation du parti unique dans les Etats d’Afrique noire. Au Sénégal, on a préféré la formule du parti dominant. Si le pluripartisme est constitutionnellement possible et s’il existe effectivement plusieurs formations, l’Union progressiste sénégalaise (U.P.S.) est le parti largement dominant. Majoritaire au moment de l’indépendance, l’U.P.S., au cours des années, a absorbé la plupart des partis d’opposition.

    Les mécanismes électoraux favorisent largement sa position dominante. Le système de l’élection sur une liste nationale fait que l’U.P.S. est certaine de conquérir tous les sièges de l’Assemblée nationale. Dès lors, les partis d’opposition, dont les chances d’une victoire électorale sont nulles, sont contraints soit à la fusion avec l’U.P.S., soit à la lutte clandestine avec les risques que cela comporte.

    La présence d’un parti dominant fait que le gouvernement est composé de ministres appartenant à une même famille politique. Ainsi les mécanismes constitutionnels perdent de leur intérêt. A quoi sert-il de prévoir, avec un grand luxe de détails, des procédures destinées à assurer une séparation entre les pouvoirs quand les membres de l’Assemblée nationale et les membres du bureau politique de l’U.P.S. délibèrent en commun des projets qui, voulus par le gouvernement, seront ultérieurement soumis à l’Assemblée nationale ? Dire du président de la République qu’il est politiquement irresponsable ne l’empêche pas d’être soumis à la confiance des membres du parti, dont les députés, en tant que secrétaire général de l’U.P.S.

    Il apparaît que les structures constitutionnelles ont surtout un rôle de légitimation juridique des décisions qui sont arrêtées par les organes du parti. Il en va ainsi à tous les niveaux. Lors des élections, le peuple ratifie le choix des candidats, que l’on sait devoir être élus, par les organes du parti. La loi est la volonté du parti, corrigée par les avis de la Cour suprême, confirmée par l’Assemblée nationale composée comme on sait. Les ministres sont les membres les plus influents du parti, et le président de la République en est le secrétaire général et le premier ministre le secrétaire général adjoint.

    Les gouvernants africains ont fait le choix d’une méthode pour concilier les impératifs du gouvernement de pays en voie de développement économique et de la construction nationale avec leur idéal démocratique. Le parti unique ou dominant présente d’incontestables avantages, mais il a l’inconvénient de faciliter les tentations autoritaires. En fin de compte, la réalisation de la démocratie ne dépend pas tellement des structures constitutionnelles, mais surtout de la volonté démocratique des dirigeants et de l’organisation démocratique du parti.

    (2) Voir les chiffres cités par J.-L. Marques, la Politique financière et le développement économique du Sénégal, thèse, Clermont-Ferrand, 1971.

    Dmitri-Georges Lavroff

    Directeur du département de droit public et science politique de l’université de Bordeaux-I.

    Le Monde diplomatique, février 1974

    Tags : Sénégal, Afrique, Maghreb, démocratie, partis politiques,

  • L’incroyable lettre de Muhammad Ali à Nelson Mandela

    La conscience politique de Muhammad Ali était aussi forte que ses uppercuts.

    La lettre incroyable de Muhammad Ali à Nelson Mandela exhumée près de 20 ans après avoir été écrite

    Le court message avait été envoyé par le boxeur de légende au révolutionnaire sud-africain quelques jours avant la rencontre des deux hommes prévue pendant la visite de Ali dans le pays en Afrique du Sud en 1993.

    The Daily Mirror, 9 décembre 2016

    Une lettre envoyée par Mohamed Ali à Nelson Mandela, deux des plus grandes personnalités du 20ème siècle, a été portée à la connaissance du public par la secrétaire nerveuse qui l’avait dactylographiée.

    Le court message avait été envoyé par le boxeur de légende au révolutionnaire sud-africain quelques jours avant leur rencontre prévue pendant la visite d’Ali dans le pays en 1993.

    A l’époque, le camarade de Mandela à l’African National Congress, Chris Hani venait juste d’être assassiné et Ali avait envoyé à Mandela un bref message de condoléances.

    Mais dans la nervosité et l’excitation d’avoir à faire un travail pour un client d’une telle renommée, elle avait mal orthographié le prénom d’Ali.

    L’erreur avait été décelée seulement après que la lettre avait été transmise pour signature à l’ancien champion de boxe. Une deuxième version avait été immédiatement tapée et envoyée à M. Mandela.

    Aujourd’hui, 23 ans plus tard, la femme qui est quadragénaire et vit dans le sud-ouest de l’Angleterre vend la lettre historique pour £8 000 (environ €9 530).

    Dans une lettre d’authentification fournie par la vendeuse, cette dernière écrit : « Du fait de mon excitation nerveuse de devoir taper une lettre d’une telle importance historique, j’avais mal orthographié le nom Muhammad, remplaçant le ‘a’ par un ‘e’.

    « La lettre avait été apportée à Muhammad Ali qui l’avait dûment signée avant que quelqu’un remarque l’erreur et me la retourne. Je l’avais retapée mais avais gardé l’exemplaire avec la faute pour la postérité. »

    Andrew Aldridge, de Henry Aldridge and Son, commissaires priseurs à Devizes, Wiltshire, qui vend la lettre déclare : « Cette lettre représente une rare opportunité pour un collectionneur d’acquérir une lettre d’une des personnalités les plus emblématiques et charismatiques du 20ème siècle à un des plus grands hommes de l’histoire

    « Vous auriez beaucoup de mal à trouver une autre lettre envoyée par et pour deux personnalités plus importantes.

    « »Il se trouve que fortuitement, l’erreur de notre vendeuse avait été décelée après que Ali l’eut signée, sinon sa valeur aurait été considérablement moindre.

    « Elle a tout pour elle. Sa provenance est superbe, son contenu excellent, elle est signée et datée et est unique.

    « Elle séduira toutes sortes de collectionneurs. Ceux qui collectionnent des souvenirs concernant la boxe et, bien sûr, les personnes qui se spécialisent dans des objets emblématiques de l’histoire. »

    En Avril 1993 Ali était en Afrique du Sud pour encourager le développement de la boxe là-bas et il avait rencontré Mandela le 19 Avril.

    Chris Hani avait été tué le 10 avril et Ali qui séjournait à l’hôtel Elengeni de Durban avait écrit sa lettre

    Elle est adressée à M. Nelson R. Mandela, président de l’ANC et elle dit : « Cher M. Mandela, permettez-moi de vous présenter ainsi qu’à l’ANC mes regrets les plus profonds devant la nouvelle de la mort de Chris Hani.

    « Mes prières vont à la famille de M. Hani et au peuple d’Afrique du Sud en ces jours difficiles.

    « Je vous donne les informations suivantes sur mon itinéraire au cas où vous souhaiteriez me rencontrer (avant notre rencontre prévue le 19 avril 1993).

    L’itinéraire précisait qu’Ali devait se trouver à Cape Town du 13 au 16 avril et à Johannesburg du 16 au 22 avril.

    Une deuxième lettre envoyée par Ali à Oliver Tambo, président de l’ANC à l’époque, est aussi incluse dans le lot.

    Elles seront mises en vente le 17 décembre.



  • Algérie : Distribution d’un second lot de 30 bus scolaires à Tlemcen

    Une cérémonie de distribution d’une trentaine de bus scolaires s’est déroulée, dimanche, au siège de la wilaya de Tlemcen, présidée par le chef de l’exécutif de wilaya, Amoumene Mermouri, en présence des responsables et des élus locaux.

    Cette opération qui intervient à quelques jours de la rentrée scolaire permettra selon le wali d’offrir les conditions nécessaires aux élèves résidant dans les zones éloignées et dans les zones d’ombre de rejoindre leurs établissements sans contraintes aucunes. Le wali, a par ailleurs, souligné que cette opération est la seconde après celle organisée en été dernier ou 40 bus ont été distribués à toutes les communes de la wilaya.

    Après cette seconde opération, un autre lot d’une trentaine de bus scolaires sera également distribué le premier novembre prochain, a indiqué Mermouri qui a exhorté les maires à bien déterminer les zones ou le manque de transport se fait sentir, à utiliser les bus exclusivement pour le transport des élèves et à veiller à l’entretien régulier de ces bus.

    Le renforcement des moyens de locomotion doivent permettre de faciliter les déplacements des jeunes élèves et aussi de consolider les bons résultats acquis cette année notamment au BAC, à travers la wilaya de Tlemcen, a-t-il souligné. La wilaya de Tlemcen qui s’apprête à l’instar des autres wilayas du pays à accueillir les élèves pour l’année scolaire 2020/2021 a réalisé selon le directeur de l’éducation de la wilaya quelques 14 écoles primaires dont la majorité va ouvrir ses portes aux jeunes élèves dès ce mois en attendant l’achèvement d’autres, dont les délais sont fixés à décembre prochain.

    La réception de quatre CEM et deux lycées est également envisagée prochainement dans l’optique de faire face à la pression du nombre sans cesse croissant des élèves par classe.

    Ouest Tribune, 19 oct 2020

    Tags : Algérie, Tlemcen, bus scolaire, enseignement, transport public,