Année : 2020

  • La réforme des retraites, point d’orgue du profond malaise enseignant

    DIRECTEMENT CONCERNÉ PAR LA SUPPRESSION DES RÉGIMES SPÉCIAUX, LE CORPS ENSEIGNANT A ÉTÉ L’UN DES PREMIERS À EMBRASSER LE MOUVEMENT CONTRE LA RÉFORME DES RETRAITES. MAIS POUR LES JEUNES PROFS EN DÉBUT DE CARRIÈRE, CETTE MOBILISATION CACHE UNE COLÈRE PLUS PROFONDE. ENTRE LARMES, COLÈRE ET COMBATIVITÉ, RENCONTRE AVEC DEUX JEUNES PROFESSEURES DE BANLIEUE PARISIENNE.

    Elles exercent depuis deux et trois ans dans des lycées de banlieue parisienne. Mobilisées comme des milliers d’enseignants contre la réforme des retraites, elles incarnent cette nouvelle génération de profs, habituée des baisses de budget et des réformes contestées. Pour elles, la réforme portée par le gouvernement est un symbole de la rupture de confiance entre les enseignants et l’État. « Je la vois comme le symptôme du mépris avec lequel on est traité », explique Justine, 27 ans, prof depuis plus de deux ans dans un lycée de Seine Saint-Denis.

    « Peut-être que je ne me battrais pas autant si je faisais ce métier dans de bonnes conditions. Ce qui me pousse à me mobiliser encore plus, c’est le manque de compréhension total de notre ministre envers notre travail et nos conditions », ajoute-t-elle.

    « Cette mobilisation, on la vit comme un moment décisif. Je vais ressentir un très grand désespoir si la réforme passe », renchérit Agathe, professeure dans un lycée d’Aulnay-Sous-Bois depuis trois ans. En grève les 5, 10, 12 et 17 décembre, cette prof de 34 ans embrasse la lutte actuelle comme la continuité logique des précédentes mobilisations contre les réformes du ministre de l’Éducation, Jean Michel Blanquer : celle de Parcoursup, du baccalauréat et de « l’école de la confiance ».

    LES JEUNES PROFS EN PREMIÈRE LIGNE FACE À LA RÉFORME DES RETRAITES

    Aujourd’hui, la retraite d’un professeur est calculée sur les six derniers mois de sa carrière, soit, pour des revenus basés sur le plus haut échelon, entre 3000 et 3800 euros bruts par mois. Lorsqu’ils commencent leurs carrières, les profs touchent entre 1500 et 2000 euros par mois. Si la réforme passe, leurs retraites seront calculées sur la base des revenus d’une période bien plus large. Seront donc pris en compte des revenus bien plus faibles qu’avant, sans compter les arrêts de travail ou les congés parentaux.

    Malgré les garanties avancées par Jean-Michel Blanquer, qui promet une « sanctuarisation » des pensions de retraite des professeurs, les syndicats – qui s’inquiètent du « flou » des propositions du ministre – assurent que la réforme viendra diminuer les pensions des enseignants.

    Jean-Michel Blanquer n’a d’ailleurs rien arrangé en déclarant que les profs seraient en grève « parce qu’ils ne comprennent pas tout » à la réforme. Une sortie méprisante qui n’a fait que renforcer la colère des enseignants.

    Mais s’ils sont si mobilisés (42 % de grévistes selon le ministère de l’Éducation, 75 % selon les syndicats pour la journée du 5 décembre), c’est aussi pour dire stop à leurs conditions de travail qui se dégradent d’année en année.

    AU-DELÀ DE LA RÉFORME, DES PROFS BROYÉS PAR UN SYSTÈME DÉFAILLANT

    Pour Justine, après deux ans d’enseignement dans un lycée de Sarcelles, en banlieue parisienne, le constat est sans appel. « Nos jeunes sont abandonnés par l’Éducation nationale », lâche-t-elle d’emblée.

    « On est dans un lycée où il n’y a rien pour les élèves : pas de foyer, pas de médiateurs, pas de projets. On entend tout le temps la même chose de la part des élèves : « C’est normal, on est à Sarcelles ». Comme si c’était une fatalité. Ici, il pleut dans l’établissement, les élèves font sport en doudoune, la salle de sport est un genre de hangar sans fenêtres. C’est normal, on est à Sarcelles », répète-t-elle.

    Lorsqu’elle entre en poste dans un lycée d’Aulnay-Sous-Bois il y a trois ans, Agathe découvre des élèves pauvres ghettoïsés dans un établissement où la mixité sociale n’existe pas. Et forcément, les moyens ne suivent pas.

    Petit à petit, elle réalise que l’école, sensée offrir les mêmes chances à tous, faillit à sa mission dans ce lycée juché entre les cités des 3000 et des 1000-1000, dans une commune où un jeune sur trois vit sous le seuil de pauvreté.

    « Quand on demande d’acheter un livre et qu’un élève me dit qu’il n’a pas d’argent, ma première réaction était de me dire que 5 euros, c’est la prix d’un kebab. Plus tard, j’ai vu la mère de cet élève mendier dans le RER, et j’ai vu différemment ce que c’était pour lui, cinq euros », confie-t-elle.

    Agathe s’inquiète des conséquences pratiques des décisions du ministre, comme la suppression de la moitié des fonds sociaux prévus en 2020, qui passeront de 59 à 30,6 millions d’euros l’an prochain. Ces fonds permettent aux élèves les plus précaires d’obtenir une aide, en plus des bourses, pour acquérir du matériel scolaire ou acheter des livres. Argument du ministère : ces fonds ne sont pas bien alloués, ou pas alloués du tout. Ce sont les assistantes sociales d’établissement qui les accordent normalement sur demande des parents. Mais à Aulnay, dans le lycée d’Agathe, il n’y a qu’une assistante sociale pour 1200 élèves.

    « Je vois une assistante sociale dépassée par les événements. Si elle n’alloue pas ces fonds, c’est par manque de temps. Nos élèves ont besoin de cet argent : ça a un impact concret sur notre quotidien et celui de nos élèves. Ce qui me met en colère, ce n’est pas les problèmes de discipline ou de violence, c’est d’être confronté dans notre travail quotidien à des politiques comme celle-ci. Et cette colère s’est décuplée en trois ans », déplore la jeune professeure.

    Confrontée quotidiennement aux inégalités et à la précarité de ses élèves, elle considère que « la réforme des retraites va encore plus impacter les travailleurs pauvres, dont nos élèves vont grossir les rangs ».

    DU MANQUE DE CONSIDÉRATION AU MÉPRIS

    Justine a vécu les pires années de sa jeune carrière à la rentrée 2019. « Le soir, lorsque je rentrais chez moi, je ne pouvais pas parler de ce qu’il se passait dans mon travail, alors je pleurais. Le matin, j’allais au lycée la boule au ventre », confie-t-elle, deux mois après les événements.

    En octobre 2019, des violences ont lieu dans son lycée après l’agression d’un prof par un élève, pour une histoire de casquette. Suivent plusieurs jours de révoltes. Les élèves se montent contre le lycée et son personnel, bloquent les entrées et l’envahissent à plusieurs reprises, causant d’importants dégâts dans l’établissement. Les profs reçoivent la consigne de se cloîtrer dans leur salle, pendant que des pétards explosent dans les couloirs, que des vitres sont brisées, que des extincteurs sont vidés.

    L’équipe pédagogique tente d’alerter la direction et le rectorat en posant un droit de retrait et en faisant des demandes concrètes pour apaiser la situation : embauche de surveillant, d’un deuxième CPE, réparation des bâtiments décrépis. Le rectorat est au courant des problèmes du lycée, qui s’accumulent depuis des années.

    Mais le droit de retrait n’a pas été reconnu par la direction, et le rectorat a refusé toutes les autres demandes, faute de moyens, dit-on.

    À bout, le personnel du lycée à lancé un ultime appel à l’aide, dans un courrier adressé à la médecine du travail, demandant une consultation d’urgence pour tout le personnel, « traumatisé » par les événements et abasourdi par le manque de considération de leurs supérieurs. Le courrier se termine par ces mots lapidaires : « AU SECOURS ! ».

    Toujours aucune nouvelle du rectorat.

    Justine garde un sentiment d’abandon. « J’ai perdu la foi après ça. Je fais mon boulot pour les élèves, mais il y a quelque chose de rompu. Je sais qu’au-dessus, on n’en a rien à foutre de nous. On se sent complètement abandonnés. C’est pour ça que je n’y crois plus », lâche-t-elle. Sa colère n’est pas dirigée vers les élèves, mais vers ses supérieurs qui ont estimé qu’il valait mieux fermer les yeux sur des problèmes qui vont bien au-delà du comportement des élèves.

    « Quand tu mets 1200 gamins dans un lycée prévu pour 800 personnes, des élèves qui vivent dans des conditions de vie difficiles, et qu’il n’y a rien pour les gérer, à un moment ça explose », analyse-t-elle.

    Ces événements ne sont d’ailleurs pas des cas isolés, et tous les profs le savent. Il y a eu le suicide de Christine Renon, directrice d’école à Patin, en septembre 2019, la mort de plusieurs lycéens, tués lors de règlements de compte. Des appels à l’aide, des droits de retrait, partout en France. « La violence à l’extérieur des lycées se répercute directement à l’intérieur. C’est un problème global est rien n’est fait pour le résoudre », s’indigne Justine.

    Combatives, Justine et Agathe comptent faire « bloc » avec leur collègues contre ce qu’elles perçoivent comme un « tournant historique ».

    Le Média, 3 jan 2020

    Tags : France, enseignement, gilets jaunes, réforme des retraites,

  • Réforme du franc CFA : optimisme prudent des experts

     La réforme donnera aux pays plus de contrôle sur leurs monnaies et leurs économies, selon les experts

    Mourad Belhaj | 10.01.2020

    AA – Kigali – James Tasamba

    La réforme du franc CFA, une monnaie soutenue par la France et utilisée par ses anciennes colonies d’Afrique de l’Ouest, pourrait donner aux pays d’Afrique francophone plus de contrôle sur leurs monnaies et leurs économies, selon les experts, même si le scepticisme persiste.

    En décembre dernier, l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) est convenue, avec la France, de renommer le franc CFA, Eco, et de couper certains liens financiers avec Paris qui sous-tendent la monnaie commune de la région depuis sa création en 1945.

    S’exprimant lors d’une conférence de presse conjointe avec le Président français, Emmanuel Macron, à Abidjan, le Président ivoirien, Alassane Ouattara a salué cette décision comme historique pour l’Afrique de l’Ouest.

    Cette annonce fait suite à des entretiens entre des dirigeants ouest-africains, tenus à Abuja, la capitale du Nigéria.

    Dans le cadre de la réforme, ces pays africains n’auront plus à conserver 50% de leurs réserves au Trésor français, mais l’Eco restera ancré à l’euro.

    De plus, il n’y aura plus de représentant français au conseil d’administration de l’union monétaire.

    Davantage de contrôle économique

    Les experts estiment que ce changement privera la France d’épargne et de réserves vitales conservées à Paris, ainsi que de sa capacité à influencer la valeur des devises pour ses avantages commerciaux.

    « Cela donnera à l’Afrique francophone la liberté de fixer la valeur de sa monnaie et de l’ajuster avec les nouveaux développements du commerce mondial, avec des partenaires comme la Chine et l’Asie qui n’étaient pas significatifs en 1945 », a déclaré à Anadolu Fred Muhumuza, analyste basé en Ouganda.

    « De plus, la monnaie française a depuis longtemps été remplacée par l’euro, qui est entraîné par des dynamiques différentes qui ne peuvent plus être déterminées par Paris », a-t-il noté.

    Muhumuza, professeur d’économie à l’Université de Makerere, l’une des universités les plus anciennes et les plus prestigieuses d’Afrique, a déclaré qu’avec la réforme, la France pourrait également perdre la capacité de gérer la monnaie pour promouvoir son commerce avec l’ancienne zone CFA, dans une situation où l’influence de la Chine dans la région se développe.

    « Cela permet aux pays francophones de mieux contrôler leur économie et leur monnaie mais refuse à la France des réserves vitales qui étaient disponibles presque gratuitement », a-t-il déclaré.

    Le CFA est utilisé dans 14 pays africains, dont la population totale est d’environ 150 millions d’habitants, avec 235 milliards de dollars de produit intérieur brut.

    Mais les changements n’affecteront que la forme ouest-africaine de la monnaie utilisée par la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Sénégal et le Togo dans l’UMOA.

    Hormis la Guinée Bissau, ancienne colonie portugaise, les autres sont d’anciennes colonies françaises.

    Récupérer des décisions souveraines

    Macron a déclaré que c’était la fin de certaines reliques du passé, car il ne voulait pas d’influence par »tutelle ou intrusion ».

    « L’Eco verra le jour en 2020, et je m’en réjouis », a-t-il déclaré.

    Selon Lonzen Rugira, chercheur et commentateur basé au Rwanda, la réforme signifie que les pays auront davantage accès à leurs ressources car »ils empruntaient leur propre argent avec intérêts ».

    « Les pays ouest-africains pourront prendre des décisions souveraines sur la manière de mobiliser des ressources sans nécessairement lier ces décisions à la France. Tout cet argent qu’ils utilisaient pour emprunter leur propre argent peut être affecté à leurs priorités », a déclaré Rugira à l’Agence Anadolu.

    La valeur du CFA par rapport au franc français est restée la même de 1948 à 1994, date à laquelle elle a été dévaluée de 50% dans le but de stimuler les exportations agricoles de la région.

    Suite à la dévaluation, un franc français valait 100 francs CFA et lorsque la monnaie française a rejoint la zone euro, le taux fixe est devenu un euro à 656 francs CFA.

    Balayer le symbole du colonialisme?

    Les analystes soutiennent que le CFA représentait un symbole du colonialisme, de l’ingérence française passée et d’un affront à la souveraineté économique, même si ses partisans disent qu’il a fourni la stabilité financière en période de turbulence dans la région.

    En 2017, Macron a souligné les avantages stabilisateurs du CFA, mais a indiqué qu’il appartenait aux gouvernements africains de déterminer l’avenir de la monnaie.

    La France, sous Macron, essaie de reformuler sa façon de s’engager avec l’Afrique, en parlant d’égalité de traitement, de nouvelles relations et de respect mutuel.

    Rugira pense que la France aurait finalement réalisé que sa survie ne dépendait pas de l’exploitation de ses anciennes colonies.

    « Vous ne pouvez pas parler de relations d’intérêt mutuel lorsque vous avez en place des outils d’oppression. Vous devez supprimer les outils qui ont été identifiés comme étant exploiteurs. Le CFA n’était plus tenable au regard des nouveaux termes suivant lesquels la France souhaite s’engager en Afrique. L’environnement politique nécessite leur requalification », a déclaré Rugira.

    « Les Français ne pouvaient plus continuer à se comporter comme si rien ne se passait, alors qu’il y avait beaucoup de pression contre le CFA », a-t-il insisté.

    Pour Muhumuza, la décision française peut certainement être considérée comme un moyen pour la France de renoncer à son influence en Afrique, »mais seulement dans une faible mesure ».

    « Elle (la France) conserve une influence militaire importante et aura également son mot à dire dans la structure économique de ces pays, qui resteront toujours dépendants de la France, pour de nombreux appuis et aides techniques. La France fait également du lobbying international pour ces pays, dans les domaines de la politique, de l’économie et des flux d’aide », a-t-il déclaré.

    La France a promis de fournir un soutien, sous la forme d’une ligne de crédit, si les pays de l’UMOA connaissent une crise monétaire.

    « Pérennité » contre »optimisme prudent »

    Rugira a souligné la nécessité pour les nations africaines d’avoir leur argent dans leurs propres banques, affirmant que contrôler leur propre trésorerie est »un aspect très important de la souveraineté d’un pays ».

    Sur le succès de l’Eco, Muhumuza a déclaré que les choses peuvent être plus faciles à dire qu’à faire.

    « La gestion de la liberté monétaire exigera un engagement politique fort et une indépendance des technocrates pour prendre les décisions nécessaires, que les politiciens doivent soutenir ; par exemple, au cas où il serait nécessaire de dévaluer ou de demander à un pays membre de gérer son déficit pour éviter d’affecter la valeur totale de la monnaie », a-t-il déclaré.

    Selon Rugira, si le mouvement n’est pas exploiteur, il obtiendra le soutien dont il a besoin pour réussir. Mais s’il est abusif, les Africains auront la même attitude qu’ils avaient envers le CFA.

    Il a exhorté les pays à faire preuve de prudence pour comprendre les moindres détails de la réforme, notant qu’il est nécessaire de renforcer la transparence du régime monétaire.

    « L’histoire de la France en Afrique rend ses motivations douteuses, a-t-il conclu. L’économie de la France a beaucoup bénéficié du contrôle des ressources ouest-africaines. Il se pourrait qu’il y ait quelque chose qui se trame. »

    Anadolou

    Tags : Afrique, France, françafrique, Franc CFA, FCFA, colonialisme,

  • Mauritanie – Hussein Ould Ahmed: 40 ans-2 femmes, 6 enfants, 3 boulots, 1 sourire perpétuel sur les lèvres

    Hussein Ould Ahmed 40 ans, à la Socogim PS, en périphérie de Nouakchott; 2 femmes, 6 enfants, 3 boulots, 1 sourire perpétuel sur les lèvres :

    « Je suis laveur de voitures, gardien de quartier la nuit, et depuis un moment, je récupère les restes alimentaires que je trie, sèche et écrase pour les revendre en sac de 10 à 20 kg à des petits éleveurs.

    Je ne connais que le travail. Et pour mes enfants, particulièrement mes filles, je n’ai pas le droit de ne pas leur offrir de meilleures perspectives que celles que j’ai eues dans ma vie. L’école est donc primordiale à mes yeux. »

    L’une d’entre elle, première de sa classe, avait été présélectionnée pour une des écoles d’excellence de la capitale, Nouakchott, mais dans le système sans méritocratie qui prévaut, la chance ne lui a pas été accordée d’espérer faire franchir un palier social à sa famille. Ce qui est le but originel de ces écoles dites « d’excellence ». Un enfant issu des quartiers chics a bénéficié de sa place.

    – Tu souris tout le temps on dirait !

    – Kane, dis chaque jour Al Hamdoulilahi! Et souris à la vie! Les choses auraient pu être bien pires pour ma famille et moi. Je suis en bonne santé et j’ai la force de faire 3 jobs pour prendre soin d’eux. Pries pour moi juste que je continue à être en bonne santé. Le reste ce n’est que question de courage. Donc je souris. Et comment ne sourirais-je pas avec cet ange sublime à côté de moi Qu’Allah m’a donné comme fille ? Me repond-il en me montrant a coté sa Khadija regardant les images prises de son père et elle.
    – Inchallah tu auras cette santé le plus longtemps qu’Il lui plaira.

    Des sages, des endurant, et des lumières vivent à Nouakchott, et ces honneurs n’habitent pas forcément où on l’on croit.

    Chouounfr.fr, 10 jan 2020

    Tags : Mauritanie, travail, insolite, 

  • Point de presse quotidien du Bureau du Porte-parole du Secrétaire général de l’ONU: 10 janvier 2020

    (La version française du Point de presse quotidien n’est pas un document officiel des Nations Unies)

    Ci-dessous les principaux points évoqués par M. Stéphane Dujarric, Porte-parole de M. António Guterres, Secrétaire général de l’ONU:

    Déplacements du Secrétaire général

    Le Secrétaire général prend part demain à la cérémonie organisée pour lancer le nouveau rôle de Lisbonne comme « Capitale verte européenne ». Ce titre, attribué par la Commission européenne, honore les villes qui ont montré la voie pour une vie urbaine écologiquement saine.

    La cérémonie marquera aussi le lancement de la Décennie de l’action climatique sur la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. Dans une autre manifestation liée à la désignation de Lisbonne comme « Capitale verte européenne » en 2020, le Secrétaire général assistera à l’inauguration d’une installation interactive intitulée « Un » à l’Océanarium de Lisbonne. La Conférence des Nations Unies sur les océans aura lieu cette année dans la capitale portugaise, au mois de juin.

    Le Président et le Premier Ministre du Portugal, ainsi que le maire de Lisbonne, le Commissaire européen à l’environnement, aux océans et à la pêche et le Vice-Président de la Commission européenne sont parmi les personnalités qui prendront part à ces manifestations.

    Lundi 13 janvier, le Secrétaire général ira à Pau, en France, pour participer à un dîner de travail organisé par le Président Emmanuel Macron dans le cadre d’un sommet avec les Chefs d’État du Burkina Faso, du Tchad, du Mali, de la Mauritanie et du Niger, tous membres du G5 Sahel. MM. Joseph Borrell de l’Union européenne, Charles Michel du Conseil européenne, Moussa Faki de l’Union africaine et Mme Louise Mushikiwabo de l’Organisation internationale de la Francophonie devraient être présents. Les participants au dîner vont parler du règlement de la crise au Sahel grâce au renforcement de la collaboration internationale sur les questions de sécurité, humanitaire et de développement.

    Le Secrétaire général devrait être de retour à New York mardi prochain.

    Déplacements des hauts fonctionnaires de l’ONU

    La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, arrive ce dimanche à Dakar, au Sénégal, en prélude à une visite d’une semaine qui la mènera aussi en Guinée-Bissau, au Niger, au Nigéria et au Burkina Faso.

    Dans ses réunions avec les leaders nationaux et régionaux, Mme DiCarlo compte parler de la sécurité et de la situation politique et humanitaire dans la région et voir comment l’ONU peut renforcer son appui aux efforts déployés dans les domaines de la paix, de la sécurité et de la stabilité, y compris la lutte contre le terrorisme.

    Haïti

    Ce dimanche marquera le dixième anniversaire du moment où, à 16 h 53, un tremblement de terre d’environ 35 secondes a changé la face d’Haïti.

    Dans un message vidéo publié aujourd’hui, le Secrétaire général rend hommage à la mémoire des centaines de milliers d’Haïtiens qui ont perdu la vie et aux millions d’autres qui ont perdu leur maison, des membres de leur famille et bien plus encore dans ce tremblement de terre dévastateur. Le Secrétaire général a aussi honoré la mémoire des 102 collègues de l’ONU qui ont perdu la vie ce jour-là et a renouvelé l’engagement des Nations Unies à aider Haïti et son peuple à bâtir un avenir meilleur.

    Dimanche prochain, à Port-au-Prince, tout le personnel de l’ONU en Haïti est invité à assister à une cérémonie commémorative sur le site de l’hôtel Christopher qui abritait à l’époque le siège de l’opération de maintien de la paix des Nations Unies et qui s’est effondré lors du tremblement de terre. Le Sous-Secrétaire général de l’ONU, M. Miroslav Jenča, sera le haut fonctionnaire qui représentera l’ONU à la cérémonie et autres manifestations commémoratives organisées par le Gouvernement haïtien.

    La semaine prochaine, un certain nombre d’autres manifestations auront lieu pour marquer l’anniversaire. Lundi à Tunis, l’ONU inaugurera le hall Hedi Annabi, à la mémoire du Chef de l’opération de maintien de la paix en Haïti, mort quand l’hôtel Christopher s’est effondré. Hedi Annabi a été pendant longtemps Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix ici au Siège de l’ONU. À Genève, mercredi, une autre manifestation aura lieu au Palais des Nations avec entre autres participants, le Ministre haïtien des affaires étrangères.

    Enfin le vendredi 17 janvier, le Secrétaire général prendra part à une cérémonie ici au Siège avec les représentants des pays qui ont perdu leurs ressortissants en Haïti. Ceux qui souhaitent rendre hommage aux victimes pourrait aussi visiter le mémorial qui, venu d’Haïti, a été installé sur la Pelouse Nord pour honorer la mémoire de tous les collègues qui sont morts ce jour-là, il y a 10 ans.

    République démocratique du Congo (RDC)

    Un nouveau rapport indique que les tueries, les viols et les autres formes de violence contre la communauté hema dans la province de l’Ituri s’apparentent peut-être à des crimes contre l’humanité.

    Le rapport, qui est le fruit d’une enquête du Bureau conjoint des droits de l’homme en RDC, indique que les groupes armés lendu sont de mieux en mieux organisés pour mener des attaques et que l’un de leurs objectifs est de prendre le contrôle des terres et des ressources appartenant aux Hema.

    Entre décembre 2017 et septembre de l’année dernière, au moins 700 personnes ont été tués et 168 autres blessés pendant des affrontements interethniques entre Hema et Lendu. Au moins 142 personnes ont subi des violences sexuelles. Les actes de représailles des Hema contre les Lendu sont aussi documentés.

    Le rapport exhorte les autorités à mener une enquête impartiale et indépendante sur la violence et à garantir le droit des victimes à la réparation et leur accès aux soins médicaux et psychosociaux.

    Éthiopie

    Les agences humanitaires indiquent qu’en raison de la crise climatique et d’autres crises créées par l’homme, quelque 8,4 millions de personnes ont besoin d’aide. C’est ce que confirme le rapport rédigé par l’ONU et d’autres partenaires, en consultation avec le Gouvernement éthiopien.

    La plupart des gens dans le besoin vivent dans les régions d’Oromia, de Somali et d’Amhara.

    Le Plan de réponse humanitaire pour 2020 est en train d’être finalisé.

    El Salvador

    Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a salué aujourd’hui la nouvelle loi salvadorienne sur la protection des déplacés.

    La loi ouvre à des dizaines de milliers de victimes des déplacements forcés dans le pays l’accès à une aide humanitaire vitale et au rétablissement de leurs droits, y compris le droit à la justice. La loi ouvre aussi la voie à la création d’un système national global réunissant un large éventail d’institutions publiques pour répondre aux déplacements forcés et les prévenir.

    Le texte a été rédigé avec l’appui technique du HCR, en conformité avec les Principes directeurs de l’ONU sur les déplacements internes.

    Jeux Olympiques

    Le HCR doit être félicité pour avoir reçu la Coupe olympique du Comité international olympique pour l’aide qu’il apporte aux réfugiés et aux communautés d’accueil, à travers le sport.

    En acceptant son prix, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi, a déclaré que la Coupe est un hommage aux personnes et aux communautés déplacées que le HCR sert, qui comprennent le pouvoir de transformation du sport et ont saisi les occasions qui leur ont été offertes. Le CIO a créé une deuxième équipe olympique de réfugiés qui prendra part aux Jeux olympiques d’été en 2020.

    Contributions financières

    Le 3 janvier, alors que beaucoup de gens étaient encore en vacances, les trois premiers États membres payaient déjà leur contribution au budget ordinaire de l’ONU pour 2020. Aujourd’hui, l’Inde s’est ajoutée à l’Arménie, au Portugal et à l’Ukraine.

    Par ailleurs, 146 pays avaient payé l’intégralité de leur contribution au budget 2019.

    UN Press Release, 10 jan 2020

    Tags : Antonio Guterres, Rosemary DiCarlo, Haïti, République démocratique du Congo (RDC), Ethiopie, El Salvador, Jeux Olympiques,

  • Tunisie : Un front parlementaire de 90 députés pour négocier avec le président

    Constitution d’un FRONT PARLEMENTAIRE de plus de 90 députés pour mener des consultations avec le Président de la République

    Tout de suite après l’annonce des résultats du vote de confiance qui a fait entrer le gouvernement de Mohamed Habib Jemli dans les annales négatives de l’histoire, grâce à un vote de 134 voix « contre » – 72 voix « pour » et 3 abstentions, les blocs parlementaires de Qalb Tounes, Mouvement Echaab, la Réforme nationale, l’Avenir, et Tahya Tounes, ont tenu une conférence de presse commune, sous la coupole du Parlement, lors de laquelle ils ont annoncé la constitution d’un FRONT PARLEMENTAIRE composé de plus de 90 députés, pour présenter une initiative nationale dont l’objectif est de mener des consultations avec le Président de la République, Kais Saïed, autour de la prochaine période.

    Ce front a été annoncé par Nabil Karoui, Président du parti Qalb Tounes et les présidents des autres blocs concernés.

    Source

    Tags : Tunisie, parlement, Ennahdha, Qalb Tounes, Tahya Tounes, Kaïes Saïed, El Ghannouchi,

  • 15e congrès du Front Polisario: La paix pour sortir de l’impasse

    Fin décembre s’est tenu le 15e congrès du Front Polisario, à Tifariti, dans les territoires libérés. Mille quatre cents délégués participaient aux travaux en présence de nombreuses délégations étrangères1.

    En dépit de la Charte et des résolutions des Nations unies qui appellent de leurs voeux l’organisation d’un référendum d’autodétermination sur l’indépendance, le Maroc occupe illégalement le Sahara occidental depuis 1975 entravant le processus de décolonisation de la dernière colonie d’Afrique. L’enlisement du conflit et le statut-quo actuel constituent une remise en cause flagrante de la légalité internationale, favorisent la violation des droits humains notamment dans les territoires occupés et encouragent le pillage des ressources naturelles du peuple sahraoui.

    L’Espagne, comme ancienne puissance coloniale, porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Pour sa part, la France, par le soutien inconditionnel qu’elle apporte à la monarchie chérifienne, cautionne l’intransigeance marocaine jusqu’à anéantir, par ses prises de positions, tous les espoirs de paix. Le sabotage constant par Paris de l’action de l’émissaire de l’ONU, Horst Kohler, a accéléré sa démission. Rappelons par ailleurs que la France s’est opposée à l’extension des prérogatives de la Minurso sur la protection des droits humains dans les terriroires occupés et use de tout son poids pour promouvoir la prédation coloniale. En effet, le gouvernement français a été à la manoeuvre au sein de l’Union européenne pour imposer l’extension des tarifs douaniers préférentiels aux territoires occupés du Sahara occidental et ce en violation des arrêts de la Cour européenne de justice.

    Le Front Polisario, représentant du peuple Sahraoui a multiplié, en vain ces dernières années, les initiatives de paix en faisant d’innombrables concessions afin de créer les conditions d’une confiance mutuelle. Il s’est heurté à une fin de non-recevoir de Rabat dont le nationalisme expansionniste constitue une source de tension dans la région. Le projet du « Grand Maroc » englobe en effet le Sahara occidental mais aussi une partie de la Mauritanie, le nord du Sénégal, 40% de l’Algérie et le nord-ouest du Mali. Cet état de guerre permet au makhzen d’asseoir sa légitimité sur l’occupation mais de faire subir aussi au peuple marocain l’oppression.

    Ce congrès avait pour objectif de trouver les chemins pour sortir de l’impasse. Le Président de la République et secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali a appelé la communauté internationale à assumer ses responsabilités en faisant appliquer le droit à l’autodétermination et à l’indépendance qui sont non-négociables. Il a rappelé que le Front Polisario utilisera tous les moyens permis par la légalité internationale pour imposer les droits du peuple saharaoui. Il a exhorté le secrétaire général de l’ONU à nommer sans tarder un nouvel émissaire afin de compléter les efforts de son prédécesseur. Faute de quoi, la reprise de la lutte armée pourrait constituer une pespective.

    Alors que l’Afrique du Nord connaît une période de forte instabilité, que des mécanismes de fragmentations sont à l’oeuvre, que l’autoritarisme brime l’aspiration démocratique des peuples, la France doit changer radicalement de politique au Sahara occidental afin de faire prévaloir une paix juste et respectueuse du droit des peuples. Les Sahraouis forment un peuple pacifique qui font vivre une démocratie moderne respectueuse du droit international. Ils sont un atout pour la stabilité et la coopération régionale. Face aux défis sécuritaires comme le terrorisme, les trafics humains et de drogue, la France ne peut s’appuyer sur le Maroc. Ce pays est l’un des premiers producteurs de drogue au monde et ce trafic qui se structure autour de bandes criminelles et d’organisations terroristes ne fait l’objet d’aucune sanction, n’est jamais inquiété voire protégé.

    Le Parti communiste français a rappelé sa solidarité pleine et entière avec le peuple sahraoui. Il considère que le blocage actuel est avant tout politique et qu’il s’agit de mobiliser avec plus de force les opinions publiques pour que la France réponde à la main tendue par le Front Polisario pour imposer une paix durable.

    Pascal TORRE
    responsable-adjoint du secteur international du PCF
    chargé du Maghreb et du Moyen-Orient

    PCF-FG, 9 jan 2020

    Tags : Sahara Occidental, Front Polisario, Maroc, 15ème congrès,

  • Assassinats, coups d’Etat. Tout sur le passé trouble qui lie la France au Maroc

    Le Maroc et la France partagent une histoire occulte écrite par des truands et des mercenaires utilisés par les services secrets des deux pays pour exécuter leurs coups tordus et leurs basses œuvres. Plongée dans le monde des barbouzes.

    Nous sommes à la fin des années 1950. Le gouvernement français a constitué une “war room”, conseil de guerre ultrasecret et restreint, chargé de dresser “une liste de personnalités acquises au F.L.N” et “d’hommes publics particulièrement ennemis de la France” à neutraliser ou à liquider. Allal El Fassi est le premier homme à abattre.

    Dans ses mémoires, le colonel Le Roy-Finville, chef du service 7, spécialisé dans l’obtention de renseignements pour le compte du S.D.E.C.E (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage), le décrit comme “un Marocain vigoureusement anti-français et allié virulent au F.L.N”. “L’idée, écrit Le Roy-Finville, est de faire sauter El Fassi et les autres chefs de l’Istiqlal à l’occasion d’une de leurs rencontres à Tétouan, en zone espagnole”, prévue à l’hôtel Dersa. Le service 7 se charge de fournir au service Action toutes les indications techniques : poids d’explosif nécessaire, épaisseur des murs, systèmes de sécurité, etc. “Du travail tout mâché”, rapporte le colonel. Sauf que “les militaires ne veulent pas se salir les mains” et constituent “un petit groupe de repris de justice qui se disent prêts, eux, à faire la sale besogne. Contre une bonne récompense (…) et des protections pour leurs petites affaires”.

    Ces spécialistes des coups tordus, connus sous le terme de barbouzes, sont dans leur grande majorité des truands employés par les services secrets français pour les basses œuvres. Ils sont notamment utilisés dans les “contrat homo”, expression désignant l’élimination physique de personnes gênantes pour les intérêts de la France. A la tête des truands engagés par les services spéciaux pour assassiner Allal El Fassi, Jo Attia et Georges Boucheseiche, deux barbouzes connus des renseignements de police en France et proxénètes chevronnés au Maroc. Ceux-là mêmes qui seront impliqués, quelques années plus tard, dans l’affaire Ben Barka. Massacreurs professionnels sur le papier, ces “types du milieu” sont loin d’être des enfants de chœur et ont un CV de malfrat long comme un jour sans pain.

    Le fiasco Attia

    Pourtant, ils s’avèrent être des dilettantes du crime dans la tentative d’assassinat de Allal El Fassi. Comme dans un San-Antonio loufoque, Leroy-Finville surnomme la tentative avortée d’éliminer le chef de l’Istiqlal le “fiasco Attia”. C’est que Jo Attia et Georges Boucheseiche, “le grand Malabar” et “le petit gros”, sont à la discrétion ce que l’hippopotame est à la grâce. A l’aéroport d’Orly où ils embarquent pour Tanger, les deux rossards se font remarquer par des effusions grandiloquentes, sous les yeux ébahis des voyageurs. Attia embrasse goulûment sa petite amie, “une petite brune piquante, très jolie”. Il faudra attendre que l’hôtesse de l’air lance un appel pour embarquement immédiat pour que les deux acolytes détalent “en direction de la salle de départ, en se retournant encore dix fois pour faire des signes à la fille”.

    Dans l’avion Air Atlas qui les mène vers Tanger, Boucheseiche et Attia retrouvent “deux hommes à eux, Nottini, dit la Béquille, et Palisse, autre future ‘célébrité’ de l’affaire Ben Barka”. Durant le vol, “Attia et les trois autres branquignols, sablant le champagne aux frais de la princesse, laissent tomber par inadvertance un sac de grenades qui roulent sous les sièges des passagers”. à quatre pattes, les malfrats, que les passagers prennent pour des plaisantins ivres, récupèrent les bombes, “qui ricochent comme des billes, au gré du balancement de l’appareil”. Les négligences perdurent à leur arrivée au Maroc : la première valise piégée installée à l’hôtel Dersa explose dans la mauvaise direction. La seconde, installée par les soins d’Attia dans la villa de Allal El Fassi, est retrouvée et désamorcée par la police espagnole. Le premier “contrat homo” est un échec.

    Des truands très show-off

    Après cette tentative d’assassinat avortée, la presse ne parle que d’eux. La police locale se lance aux trousses de la bande. Les barbouzes, en arrivant au Maroc, se font remarquer en faisant “la tournée des grands ducs dans les boîtes”, “en menant grand tapage”. Le gang se sépare : Palisse et Boucheseiche cavalent en zone française, tandis qu’Attia et Nottini la Béquille rebroussent chemin pour Tanger. Là-bas, Attia se fait passer pour un agent du S.D.E.C.E auprès d’un gérant de bar français. Ce dernier leur présente Antoine Lopez, chef d’escale de l’aéroport de Tanger. Ce futur agent secret, bientôt impliqué dans le kidnapping de Ben Barka, peut les rapatrier en France en leur évitant police et douane.

    “Empotés comme il n’est pas permis”, décrit Le Roy-Finville, Attia et Nottini brillent encore une fois par leur amateurisme. En voyant le déploiement de policiers à l’aéroport, Attia panique et se souvient qu’il a encore un revolver sur lui. Il s’engouffre dans les toilettes de l’aérogare et décide de cacher l’arme dans la cuvette. Sauf que le poissard a encore des balles dans sa poche. Il garde les munitions dans sa paume droite et décide, en feignant une poignée de main, de les tendre à Lopez. Sauf que le chef d’escale ne comprend pas. “Les balles tombent, rebondissent sur l’asphalte dans un crépitement métallique”, devant une flopée de policiers, qui se jettent sur le gang et mettent les brigands étourdis sous les verrous…

    L’affaire Ben Barka

    Malgré ce plantage, on refait appel quelques années plus tard à la bande de Boucheseiche. Elle est chargée d’organiser, le 29 octobre 1965, l’enlèvement de Mehdi Ben Barka devant la brasserie Lipp avec l’aide de policiers français. Maurice Buttin, avocat de la famille de l’opposant marocain, rapporte que c’est d’abord Jo Attia qui reçoit “une demande des Marocains d’éliminer physiquement Ben Barka”. La consigne : procéder à l’assassinat à “Genève, avec un fusil à lunettes”. Un “contre-ordre” lui fait savoir que le pouvoir préfère “ramener Ben Barka vivant au Maroc”. On l’informe qu’à Paris, un certain Georges Figon doit se charger de la question. Attia n’accorde aucune confiance à ce personnage naviguant entre milieux intellectuels parisiens et malfrats de la capitale. Il préfère donc “refiler l’affaire à son lieutenant, Boucheseiche”.

    Georges Boucheseiche est à la tête de plusieurs maisons closes, au Maroc et en France, qu’il gère avec son épouse. La barbouze est introduite dans les hautes sphères du pouvoir marocain, organise des soirées pour le beau monde et rêve d’ouvrir, sous les cieux du royaume, le plus grand bordel sur terre. “Un établissement fabuleux installé à Aïn Diab, au bord de l’océan, pas trop loin du centre des affaires, tout près de l’aérodrome”, rapporte un article de presse de l’époque. Pour le convaincre de participer au kidnapping de l’opposant à Hassan II, on lui aurait fait miroiter l’espoir qu’il obtiendrait, une fois sa mission accomplie, son lupanar…

    Boucheseiche mouillé jusqu’au cou

    C’est Antoine Lopez, le chef d’escale qui devait, quelques années plus tôt, faciliter la fuite d’Attia après l’attentat contre Allal El Fassi, qui est chargé d’accueillir le leader du mouvement tiers-mondiste à l’aéroport et de prévenir ses ravisseurs de son arrivée. Une fois le rapt effectué, Ben Barka est amené, ce vendredi 29 octobre, dans la villa de Boucheseiche, à Fontenay-le-Vicomte, dans l’Essonne. Y est réunie sa bande, constituée de Jean Palisse, Pierre Dubail et André Le Ny. Avant l’arrivée du général Oufkir et du colonel Dlimi, Ben Barka aurait été enfermé au premier étage de la demeure. Parmi les innombrables versions dédiées au décès de l’opposant marocain, des éléments rapportés aux gendarmes par le fils de Le Ny, retranscrits par Maître Maurice Buttin dans Ben Barka, Hassan II, De Gaulle : “ce que je sais d’eux : Ben Barka aurait été transporté dans la villa de Boucheseiche, puis transféré à Ormoy, chez Lopez. Dlimi et Oufkir l’avaient torturé dans la cave (…) C’est Boucheseiche qui l’avait frappé en premier, car Ben Barka ne se laissait pas faire. D’un coup de poing, il lui avait cassé les cervicales. Ils l’avaient ensuite attaché (…) et Oufkir et Dlimi l’avaient un peu ‘bousculé’. C’est là que Ben Barka est décédé”.

    Dans le même ouvrage, Maurice Buttin cite un commissaire de police français retraité : “J’ai rencontré Palisse (…) Il m’a dit avoir assisté à la mort de Ben Barka, par accident, sur un mauvais coup que lui avait porté Boucheseiche”. à l’annonce de la disparition de Mehdi Ben Barka, c’est le royaume tout entier et l’Elysée qui se mettent en branle. Le 4 novembre 1965, Georges Boucheseiche prend la fuite pour le Maroc. Quatre jours plus tard, un mandat d’arrêt international est lancé contre lui. Sa bande ne tarde pas à le rejoindre. Le 7 juin de la même année, la barbouze est condamnée, par contumace, à la perpétuité. Malgré les mandats d’extradition qui pèsent sur leurs têtes, Boucheseiche et ses complices coulent des jours heureux au royaume. Les truands prospèrent, sous la surveillance, ou plutôt la protection de la police marocaine. Boucheseiche reprend les affaires dans ses bordels. Son paradis artificiel, sous les cieux marocains, prend fin quelques années plus tard.

    Des hommes qui en savaient trop

    Boucheseiche, Le Ny, Palisse et Dubail sont arrêtés, au lendemain de la tentative de coup d’Etat de Skhirat, en 1971. La bande, dans sa quasi-totalité, est enfermée au Point Fixe 3 (centre secret de torture et de détention installé à Rabat). Pierre Dubail y entame, de novembre 1973 à avril 1974, un dialogue avec son voisin de cellule. Il s’agit de Ali Bourequat, l’un des trois frères que Hassan II fait prisonnier dans les geôles de Rabat puis de Tazmamart. Dans son livre Dix-huit ans de solitude (Ed. Michel Lafon), il recoupe les informations que lui distille Dubail : “Nous savons trop de choses. (…) Nous avons travaillé sous les ordres d’Oufkir, pour le compte du roi”. Les barbouzes connaissent personnellement Hassan II. “Il nous tapait sur le ventre. Il nous invitait à dîner, nous emmenait en balade. Notre façon de parler l’amusait…”

    Dubail voudrait que Ali Bourequat, à sa sortie, se rende au Henry’s Bar à Rabat, sur le boulevard Mohammed V. “Tu verras un homme qui, le dimanche, à l’heure du tiercé, boit un perroquet (…) Il est des nôtres”. Dubail voudrait que Bourequat prenne un billet de tiercé et y inscrive les chiffres 2 9 1 0 6 5, correspondant à la date de l’enlèvement de Mehdi Ben Barka. “Il te fournira tout ce dont tu as besoin, assure Dubail à Bourequat. En échange, donne-lui de nos nouvelles. Dis-lui que nous sommes ici, au PF3. Dis-lui que nous avons peu de chances de nous en sortir”. Dans les épanchements de Dubail, une révélation reste à ce jour invérifiée. Au centre du niveau 2, devant la cellule 14 du PF3, se trouverait une tombe “un peu spéciale”. Ce qu’elle contiendrait ? “La tête de Ben Barka”, affirme Dubail. “On la lui a tranchée après sa mort. (…) Hassan II voulait la voir”.

    Selon le récit de Bourequat, “Dubail, Boucheseiche et Le Ny quittent le PF3” en avril 1974. “Boucheseiche reviendra le premier, le 29 octobre”, date anniversaire de la disparition de Ben Barka. “Le Ny le suivra le 14 novembre. Dubail, lui, reviendra le 16 novembre 1974. Ni lui ni les autres ne seront alors en mesure de communiquer avec qui que ce soit”. La phrase est interprétée comme une métaphore macabre. Des enquêtes publiées sur l’affaire supposent que ce retour est posthume, et que ce sont les dépouilles des barbouzes qui sont reconduites au PF3. Une seule chose est sûre : le sort de Boucheseiche et de ses compères est presque aussi nébuleux que l’affaire Ben Barka…

    Bob Denard entre en ligne

    Intimement imbriquée à la politique française dans ses anciennes colonies, la barbouzerie prend un tournant nouveau durant les années 1970. Le caractère occulte des relations franco-africaines est désormais définit par le néologisme “Françafrique”, expression qui dénonce les coups d’Etat et interventions sur le continent noir menés par des mercenaires à la solde de l’Etat français, relayés parfois par les Marocains. C’est que dans le contexte de guerre froide des années 1970, Hassan II a choisi son camp : ce sera l’Ouest. Le Maroc apporte notamment son soutien au dictateur Mobutu, l’assassin du leader de gauche Patrice Lumumba. Le royaume va jusqu’à accueillir des mercenaires en route pour déstabiliser des régimes de gauche africains. “Le marché des missions secrètes est si prospère en Afrique que je ne tarde pas à être de nouveau sollicité. Le contact vient cette fois d’un agent marocain”, raconte dans ses mémoires le célèbre mercenaire Bob Denard. Courant 1977, à Paris, où Denard a établi sa base arrière, l’agent des services secrets marocains lui aurait fait rencontrer le docteur Emile Derlin Zinzou, l’ancien président du Dahomey, destitué en juillet 1969 suite à un coup d’Etat. Le Dahomey, devenu la république populaire du Bénin, est désormais gouverné par le général Mathieu Kérékou qui a instauré un régime d’inspiration marxiste-léniniste. Bob Denard raconte avoir été contacté par le Maroc car Kérékou embarrasse le royaume depuis qu’il a pris parti pour le Front Polisario en reconnaissant la république sahraouie. L’homme gêne aussi la France qui désire le renverser pour “le remplacer par quelqu’un de plus proche des vues françaises”, raconte Jacques Foccart, l’éminence grise de l’Hexagone pour les affaires africaines. Ce dernier connaît très bien Bob Denard pour avoir déjà fait appel à ses services afin d’organiser des opérations militaires et des coups d’Etat sur le continent noir.

    La France marchant main dans la main avec le Maroc, Bob Denard estime qu’il peut s’engager dans cette affaire car il bénéficiera “d’appuis sérieux et de fonds conséquents”. “Mister Bob”, comme on le surnomme, dépêche un jeune officier en reconnaissance dans la capitale béninoise, Cotonou. Se faisant passer pour un touriste, ce dernier séjourne une semaine sur place pour évaluer les forces armées de Kérékou. Fort du rapport de son espion, Bob Denard juge qu’une opération militaire menée par des mercenaires serait le moyen le plus efficace de blackbouler Kérékou du pouvoir. Il en fait part aux parties prenantes dans l’opération, et notamment à Hassan II qui lui aurait fait “un premier versement de cent quarante cinq mille dollars” pour amorcer l’opération.

    Benguerir, base de chiens de guerre

    Bob Denard lance une campagne de recrutement de mercenaires, employant des Béninois exilés, qui seront épaulés par des Européens enrôlés grâce à des petites annonces publiées dans des quotidiens français. Bob Denard se fait appeler “colonel Maurin” pour les besoins de l’opération. Il n’informe aucune de ses recrues de la nature de la mission. Tous ignorent leur destination. Ce n’est qu’à l’aéroport, en recevant leurs billets d’avion, qu’ils découvrent leur port d’arrivée : le Maroc. Les chiens de guerre arrivent par petits groupes au royaume où, toujours selon Bob Denard, ils sont accueillis par des membres de la Gendarmerie royale. Ils sont ensuite conduits sur la base militaire de Benguerir qui, à l’époque, est considérée comme la base d’intervention du 13ème régiment de parachutistes français, une unité qui fournit le service action du SDECE en hommes de main.
    Bob Denard et son armée privée, composée de quatre-vingt-dix soldats de fortune, s’entraînent un mois complet sur la base de Benguerir. Ils sont équipés de fusils d’assaut, de mitrailleuses, de mortiers et de lance-roquettes. Bob Denard affirme avoir rencontré deux fois Hassan II pendant les préparatifs de l’opération. Le souverain lui aurait garanti, pendant l’un de leurs entretiens, son soutien plein et entier. “Après avoir versé son obole, le roi du Maroc nous garantit par contrat que le docteur Zinzou (ancien président du Bénin) nous allouera, pour sa part, quatre cent mille dollars”, raconte-t-il dans ses mémoires. Le 15 janvier 1977, Bob Denard et ses mercenaires sont passés en revue par le colonel Dlimi. Ils s’apprêtent à embarquer pour le Gabon, avant de débarquer au Bénin. Nom de code du coup d’Etat en cours : opération Crevette.

    Denard, barbouze de Sa Majesté

    A leur arrivée à Cotonou, “Mister Bob” et son armée privée rencontrent une opposition farouche. Denard n’arrive pas à prendre le contrôle de Cotonou et doit réembarquer l’après-midi même avec ses troupes. L’opération est un fiasco total, le commando de Denard en déroute est rapatrié au Gabon, avant de rejoindre le sud du royaume, “en accord avec les autorités marocaines”, écrit le mercenaire. L’opération Crevette aurait pu rejoindre la longue liste des coups d’Etat foireux d’après-indépendance en Afrique, restés auréolés de mystère. Sauf que là, Bob Denard abandonne derrière lui une caisse de munitions contenant les documents de l’expédition. La “Crevette” est décortiquée par Kérékou qui met en cause le Maroc et ses alliés français et gabonais. Pour ne rien arranger, les documents oubliés par Bob Denard sont intégralement publiés par la revue Afrique-Asie et établissent l’implication du Maroc dans le complot contre Kérékou. (…)

    telquel-online.com, 20 août 2013

    Photo : Bob Denard aux Comores

    Tags : Maroc, France, services secrets, Bob Denard, Algérie, Sahara Occidental, Mathieu Kérékou, Bénin, Dahomey, mercenaires, Mehdi ben Barka,

  • Medi1, une radio créée par la France et le Maroc pour contrer l’influence de l’Algérie

    Au Maroc, la France finance Medi1, vieillissante voix du roi

    Ex-journalistes à Medi 1, Elodie Font et Marion Guénard racontent le fonctionnement particulier d’une radio surveillée de près par le pouvoir, et où le moindre impair à l’antenne peut coûter cher. Et rappellent que le financement de ce…

    Par Elodie Font et Marion Guanard

    Ex-journalistes à Medi 1, Elodie Font et Marion Guénard racontent le fonctionnement particulier d’une radio surveillée de près par le pouvoir, et où le moindre impair à l’antenne peut coûter cher. Et rappellent que le financement de ce média très institutionnel est assuré en partie par la France, via une subvention pour la rédaction française. Y.G.

    (De Tanger) Au dernier étage d’une imposante villa qui domine le mythique détroit de Gibraltar, au nord du Maroc, journalistes, animateurs et techniciens s’activent. « Sept heures trente sur Medi 1 ! » Comme chaque matin, depuis trois décennies, le jingle retentit. C’est parti pour un quart d’heure d’informations maghrébines et internationales.

    Radio Méditerranée Internationale, plus connue sous le nom de Medi1, a soufflé il y a quelques jours ses trente bougies. Depuis 1980, elle émet vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en arabe et en français. D’après ses propres chiffres (il n’existe pas d’instituts statistiques), elle serait écoutée par plus de 20 millions d’auditeurs.

    Il y a trois décennies, Medi 1 était un ovni dans le paysage médiatique maghrébin : seuls les relais officiels des différents régimes sont alors autorisés. Les auditeurs découvrent la matinale, avec un ton plus direct et des informations fiables sur l’actualité internationale. Une station innovante, qui semble indépendante.

    Hassan II en est pourtant à l’origine : le roi cherche alors à contrer la couverture algérienne du conflit au Sahara. L’idée séduit le président français, Valéry Giscard d’Estaing, qui y voit un moyen de pérenniser l’influence française au Maghreb.

    Medi 1, un vent de liberté vite essouflé

    L’accord est scellé : Medi 1 sera possédée à 51% par le Maroc et à 49% par la France, par l’intermédiaire de la Compagnie internationale de radio et télévision (le CIRT), que nous avons joints pour obtenir davantage de détails, mais personne n’a souhaité nous répondre.

    Un vent de liberté qui s’essouffle rapidement. Medi 1 n’échappe pas à la règle : impossible pour la radio de repousser certaines limites. Principal mot d’ordre : ne jamais offenser le pouvoir royal, qu’il soit incarné par Hassan II, puis par son fils Mohammed VI.

    A sa prise de pouvoir, en 1999, le roi, jeune trentenaire, semble pratiquer l’ouverture. Pourtant, aujourd’hui, Medi 1 n’a jamais été autant assujettie au palais. C’est d’ailleurs la station qui diffuse le plus longuement les activités royales -davantage que la Radio Télévision Marocaine, fidèle parmi les fidèles. Par activité royale, comprenez le récit détaillé de l’emploi du temps du roi, quel qu’il soit.

    Voici l’extrait d’un communiqué (pris au hasard), publié par la MAP, l’agence de presse officielle du Royaume :

    « SM le Roi inaugure à Agadir un centre de formation professionnelle mixte et un centre de consolidation des compétences des femmes, d’un coût total de 12 millions de dirhams.

    Agadir – Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a inauguré, mardi à Agadir, un centre de formation professionnelle mixte et un centre de consolidation des compétences des femmes, réalisés par la Fondation Mohammed V pour la solidarité pour un coût global de 12 millions de dirhams. [1 million d’euros, ndlr] »
    Sur l’antenne, les journalistes ont le droit d’oublier le « Sa Majesté » et le « que Dieu l’assiste. » Pour le reste, tous les mots sont repris. Tant pis si, finalement, l’information peut paraître obscure. Le plus important, c’est de recracher la dépêche le plus rapidement possible à l’antenne. Et d’en faire l’ouverture.

    Explication du nouveau PDG de la radio, Hassan Khyiar :

    « Quand le roi, après avoir inauguré un centre, remonte dans sa voiture, il veut l’entendre sur Medi 1 le plus vite possible. »

    Pas question de se tromper à l’antenne : Medi 1 est la voix du roi

    Et pour cause : avec 20 millions d’auditeurs, une diffusion dans tout le Maghreb, Medi 1 est devenue progressivement la voix du roi. Au Maroc, bien sûr, mais aussi pour les observateurs extérieurs. Pas question donc de se tromper sur un chiffre ou sur un nom.

    En mai, l’une de nous deux en a fait les frais. Le roi d’Arabie saoudite venait de faire un don au Maroc, et il fallait rapidement donner l’information à l’antenne. Dans la précipitation, elle parle du « président de l’Arabie saoudite ».

    Dans une monarchie, c’est l’erreur à ne pas faire. A peine le flash terminé, le téléphone sonne dans le bureau des rédacteurs en chef. Plusieurs dizaines de fois. Au bout du fil, très en colère, l’ambassade d’Arabie saoudite et le Palais royal.

    En une heure, la radio est sens dessus dessous. Personne ne comprend réellement ce qui se trame. Ni elle, ni ses collègues.

    Une heure après, elle présente un nouveau flash. En sortant du studio, son rédacteur en chef l’attend. Le visage grave, il lui annonce : « On demande ta tête. » Une exigence du Palais. Pour cette erreur, elle a finalement été mise à pied pendant trois jours.

    Medi 1 parle plus librement de l’Algérie, mais n’enquête guère

    Pour éviter tout dérapage, tous les sujets de politique intérieure et de société passent à la trappe. A part pour quelques domaines chers à la famille royale (comme la lutte contre le cancer), Medi 1 ne s’autorise pas à parler du Maroc.

    La radio parle plus librement de l’Algérie. Dans les années 1990, le GIA algérien y diffusait d’ailleurs ses communiqués – comme dans l’affaire des moines de Tibéhirine. Les nombreux auditeurs algériens cherchent sur les ondes marocaines une vision plus critique de leur pays.

    Sur certains sujets, ils sont servis. La question du Sahara, par exemple – ce qu’on appelle en France le Sahara occidental. Medi 1, comme les autres stations marocaines, ne peut se permettre aucune nuance : le Maroc a forcément raison, l’Algérie toujours tort.

    Medi 1 est très écoutée en Algérie et pourtant la station n’a que deux correspondants réguliers à Alger. Alors, pour parler du pays, chaque matin, le premier réflexe des journalistes est d’éplucher la presse algérienne (El Watan, Liberté, L’Expression), d’en ressortir une poignée d’informations qui datent souvent de l’avant-veille, et de les redonner à l’antenne. En ne les vérifiant jamais.

    S’inspirer de la presse algérienne, c’est une vieille tradition dans la rédaction. Preuve parmi d’autres de la faible évolution du traitement de l’information. Après trois décennies, les journalistes sont toujours obligés de passer par le standard pour appeler à l’extérieur ; il n’y a toujours pas d’invité en direct -pour éviter ce qui est arrivé à la station privée Radio Mars ; toujours pas de reportage.

    Les subventions françaises accordées à la radio augmentées en 2010

    Pourtant Medi1 ne manque pas de financements. Fait rare en ces temps de vaches maigres, les subventions françaises reçues ont même augmenté cette année. En 2010, l’Etat lui a versé 1,6 million d’euros, pour financer la rédaction francophone -composée d’une quinzaine de journalistes.

    Même si elle est encore une référence aujourd’hui, la vieille Medi 1 est en train de se faire rattraper de toute part par des radios concurrentes bien plus aventurières (2M ou Aswat).

    Pour stopper l’hémorragie, la nouvelle direction va lancer en octobre une nouvelle grille. Un des principaux objectifs : développer le numérique. Alors que le journalisme citoyen est apparu il y a déjà plusieurs années, le site ne propose aucune forme d’interactivité avec les auditeurs.

    Medi 1 était à ses débuts un appel d’air sans précédent, un vrai laboratoire d’idées. C’est aujourd’hui une radio bien difficile à dépoussiérer.

    Rue89, 20 septembre 2010

    Tags : Maroc, médias, radio, Medi1, roi du Maroc, Valery Giscard d’Estaing,

  • Voilà pourquoi le Maroc demande l’ouverture des frontières

    Le trabendo continue de faire rage à nos frontières ouest Une économie souterraine au service du développement du Maroc.

    Le trafic transfrontalier est un phénomène presque universel qui se limite dans la majorité des pays à un échange informel de produits rares ou onéreux dans l’un ou l’autre entre les populations riveraines, sans pour autant porter atteinte à la sécurité nationale de son pays, saigner son économie et détruire son potentiel infrastructurel.

    Ce qui se passe à nos frontières ouest n’est plus une affaire de simple trabendo, mais une grave entreprise criminelle organisée, planifiée, sans scrupule, sans aucun sentiment nationaliste et décidée à user de tous les moyens funestes pour satisfaire les commandes, toujours plus exigeantes et ciblées, des acolytes de l’autre côté de la frontière, pour ne pas dire les commanditaires attirés eux aussi par le gain facile, mais qui, contrairement à nos trabendistes, participent indirectement au développement socioéconomique de leur région en particulier, et de leur pays en général.

    Ils ne s’aventurent guère, à titre d’exemple, à voler les câbles téléphoniques ou électriques d’Oujda, Berkane, Ahfir ou Saïdia, pour ne citer que les villes frontalières, pour approvisionner en précieux métal de cuivre les ateliers algériens, ni priver leurs concitoyens de médicaments sensibles et très chers pour «se solidariser» avec nos hôpitaux et cliniques et enfin piller toute leur économie pour uniquement s’enrichir et créer une plus value, à moindre coût, dans nos régions frontalières.

    Les trabendistes marocains obéissent à un diagramme bien étudié dans les hautes sphères de la monarchie marocaine et ils l’exécutent à la lettre.
    Leurs activités sont encouragées et supervisées par la DST marocaine, avec laquelle ils sont tenus de collaborer, en lui fournissant tous les renseignements dont elle a besoin. Ces révélations nous ont été rapportées par un ancien baron de la drogue, D. Hachemi, condamné à de lourdes peines pour trafic de drogue par le tribunal militaire de Mers El-Kébir d’Oran dans les années 80, aujourd’hui retiré de ce milieu après avoir purgé 20 ans de prison. Il gère actuellement un grand café à Maghnia.

    «Je reconnais mes erreurs du passé sauf que nous avons acheté la drogue avec notre argent. Je peux vous affirmer que nous n’avons jamais bradé les produits de première nécessité ou un quelconque équipement pour acheter la drogue. Au contraire tous les produits que les trabendistes algériens ramenaient du Maroc étaient payés cash.» Et de souligner que «le trabendo a pris maintenant une grave dérive, sinon comment expliquer que des Algériens puissent saboter les équipements de leur pays ou priver leurs concitoyens de produits et médicaments vitaux pour le bien-être des populations d’un autre pays?»

    Il conclura en disant substantiellement que «tous les trabendistes marocains ne peuvent exercer leurs activités sans l’aval et la bénédiction du Makhzen qui régule ce trafic et leur impose une liste de produits qu’ils doivent obligatoirement ramener pour subvenir aux besoins des populations pauvres et sans aucune ressource économique, de l’Est- marocain, et en même temps prélever une dime sur chacune de ces transactions pour financer les collectivités locales, ‘’Aamala’’ de ces régions frontalières qui ne survivent que grâce au trabendo».

    Les trabendistes et le royaume

    Au moment où le trafic d’alcool en provenance du Maroc battait son plein, des distilleries clandestines ont été érigées le long de la bande frontalière pour mettre en péril la santé de nos compatriotes, avec des alcools frelatés, notamment les spiritueux et le Ricard qui ne répondent à aucune norme de sécurité sanitaire.

    Des millions de bouteilles ont été écoulées sur le marché national avant qu’un drame n’emporte 11 personnes à Sidi Bel-Abbès après avoir consommé cette boisson toxique, confirmée par des analyses biologistes.
    Ce «poison» était échangé à l’époque avec des médicaments subventionnés par l’Etat à coup de devises fortes, comme le Tagamet, un antiulcéreux inaccessible pour les bourses marocaines et tant d’autres médicaments vendus presque symboliquement par nos officines. D’autres échangeaient ces produits stratégiques contre des effets vestimentaires de qualité médiocre ou des fruits exotiques.

    Depuis l’ouverture de notre économie nationale, le trabendo marocain s’est reconverti en un véritable outil au service du développement et s’est transformé en une véritable connexion politico-financière et stratégique avec l’introduction de nouveaux acteurs influents ou autres décideurs pour faire pression sur l’Algérie afin qu’elle renonce à son soutien indéfectible à la cause sahraouie.

    L’argent de la drogue est mis alors au service du grand banditisme et du terrorisme. Le soutien et l’asile accordé à l’«émir» El-Ayada est la plus grande preuve de ce complot qui est loin de connaître son épilogue. Les campagnes médiatiques marocaines menées à ce jour contre notre pays confortent la thèse que «tant que l’Algérie continue de soutenir le Polisario, la manipulation marocaine est loin de s’arrêter».

    L’on sait la virulence avec laquelle a été accueillie au Maroc la chute de Kadhafi et comment les services marocains ont accueilli, hébergé et participé directement et indirectement au financement de la rébellion avec l’argent de la drogue. Le Maroc utilise donc la filière du trabendo pour, d’un côté, subvenir aux besoins des populations d’une région pauvre et sans ressources économiques, et, de l’autre, comme d’une arme au service du renseignement, de l’affaiblissement de l’économie algérienne et de son instabilité politique.

    Carburants, médicaments, produits alimentaires de première nécessité, engins agricoles et cheptel, tout y passe. Quant au cuivre, des unités de sa transformation ont été créées dans les zones frontalières. Et nos œufs, par jerricans, alimentent quotidiennement les usines marocaines de shampoings, sans omettre tous les matériaux de construction. Des villes entières se sont développées grâce à cet apport, à l’instar
    d’Ahfir ou Berkane qui n’étaient que des petites agglomérations, il n’y a pas si longtemps et qui sont devenues de grandes cités construites avec nos matériaux issus de la contrebande. En contrepartie, les trabendistes marocains ne nous livrent que de la drogue, quelques effets vestimentaires déclassés et certains produits alimentaires, de surcroît impropres à la consommation comme les olives dénoyautées dont 200 quintaux ont été saisis l’année dernière par les garde-frontières. Après analyses, il s’est avéré que ce produit représente un danger pour la santé publique.

    Une activité encouragée par le Makhzen

    A Araboz, commune de Bâb El-Assa, Roubane, Béni-Boussaid, Chébikia, Akid Lotfi, Sidi-Embarek, Douar Ouled Kaddour, Boukanoune, Mersat Ben-Mehidi, Sidi-Boudjenane, Souani et la région d’El-Aachach, toutes situées à la limite de la bande frontalière avec le Maroc, il existe des dépôts entiers pour stocker toutes sortes de marchandises destinées à la contrebande avec le Maroc.

    Sauf que chaque baron a sa limite territoriale et son créneau d’activité. Un genre de deal entre ces parrains de la «ruine» de l’Algérie.

    Hadj Rabah connaît très bien ce milieu et ne veut pas se cacher pour dénoncer cette situation qui met en péril notre économie et compromet notre sécurité nationale. «Jeune, j’ai fait du trabendo sans toucher aux choses interdites, mais détruire notre économie ou nos équipements comme le font certains voleurs et saboteurs relève d’un crime impardonnable», dira-t-il.

    Et de s’insurger : «Comment quelqu’un qui se dit Algérien détruit les installations de son pays pour développer un autre pays ? C’est de la haute trahison, ce n’est pas du trabendo. L’Etat doit revoir les sanctions vis-à-vis de ces traîtres», avant de souligner : «On échangeait des cigarettes, de l’huile, du café, du thé, du sucre avec des pantalons jeans, mais jamais je ne suis arrivé à un point où pour satisfaire un Marocain je prive tout un village d’électricité ou de téléphone.»

    Il s’est proposé de nous faire vivre et découvrir, de nuit, les dessous de cette économie souterraine. «Il ne faut pas faire un amalgame entre ceux qui font du trabendo par nécessité et les barons de la contrebande qui n’ont ni nationalité, ni moralité», dira-t-il alors que l’on roulait à bord de sa Mercédès. Et de se rappeler cette anecdote qui lui a coûté six ans de prison ferme.

    «Il y avait une grande crise de lait infantile en Algérie dans les années 80 à cause du trafic avec le Maroc où des quantités énormes ont été introduites, à un moment où ce produit était cédé à un prix dérisoire. Un soir, je devais réceptionner ma marchandise, des jeans et des habits pour femmes, au douar Salah où d’autres contrebandiers chargeaient à partir de leur dépôt des milliers de boîtes de lait infantile. J’ai alors chargé ma marchandise, mais je n’avais pas la conscience tranquille.

    En cours de route, je me suis dirigé tout droit vers la brigade de la gendarmerie de Sidi-Embarek, qui a arrêté les trabendistes et saisi le lait.
    Toujours est-il que ce contrebandier reconverti en homme d’affaires nous a permis, au cours de cette virée nocturne, de découvrir l’ampleur de ce trafic, malgré la présence de nos garde-frontières et le renforcement des dispositifs de contrôle. Il nous expliqua que le problème ne réside pas dans nos forces de sécurité, mais dans la complicité du Makhzen avec les contrebandiers marocains qu’il aide dans son entreprise.

    «Nos forces de sécurité combattent le trabendo parce qu’il porte atteinte à notre économie, sans parler de la drogue, mais le Makhzen n’a rien à craindre de ce trabendo qui n’est rien d’autre qu’une richesse pour l’économie marocaine.» Il dira, ironiquement et à juste titre, que l’un de ses amis, au moment où les frontières terrestres étaient encore ouvertes, avait tenté de faire introduire légalement un kg de pois chiches de qualité supérieure, dans l’intention de le faire semencer en Algérie.
    Il s’est vu opposer un refus catégorique de la part des douanes marocaines qui ont saisi le produit avec l’affirmation «que ce produit est interdit d’exportation par le Maroc».

    Zoudj Bghal ou Zoudj Fakou, l’âne reste incontournable

    Zoudj Bghal, devenu dans le jargon populaire local le poste frontalier «Zoudj Fakou», est presque désert, tout comme le poste de Boukanoun dont la commune n’est qu’à quelques mètres des frontières avec le Maroc. Mais c’est à partir de Chébikia et Sidi Boudjenane que nous apercevons des convois d’ânes chargés de marchandises et de jerricanes de carburant, sans guide, prendre le chemin des frontières.

    Notre guide nous éclairera en nous disant que «ces ânes connaissent la destination et n’ont besoin de personne pour s’orienter». Le reflexe de Pavlov nous est revenu à l’esprit sans pour autant négliger que le prix de l’une de ces bêtes dépasse, selon notre interlocuteur, «les vingt millions de centimes».

    La bande frontalière est très animée, y compris la nuit, malgré le nombre important de postes de contrôle. Dans cette économie souterraine et ce monde versatile, l’âne est l’élément central de ce vaste trafic. A ce sujet, Hadj Rabah nous dira que «les barons ne s’affichent jamais et ceux qui possèdent des dépôts le long des zones frontalières ne sont en fait que des intermédiaires.

    Les ânes qui sont chargés de marchandises commandées par les Marocains, à partir de ces dépôts, connaissent parfaitement les lieux de livraison.
    C’est un moyen de trafic utilisé uniquement entre l’Algérie et le Maroc. Entre l’Espagne, à travers Ceuta et Melilla par exemple, ce sont les femmes qui sont chargées de convoyer les effets du trabendo, essentiellement des habits dont la plus grande partie arrive jusqu’en Algérie.

    Les Espagnols ferment les yeux sur ce trafic, car il leur est fortement favorable et ne porte aucun préjudice à leur économie, comme c’est le cas de notre pays où cette région frontalière consomme l’équivalent de dix wilayas. Les chiffres ne sont pas utopiques.

    En carburant, le volume n’est plus à démontrer, de l’avis même des responsables de Naftal et des services de sécurité qui ont saisi, au cours des dix premiers mois de cette année, 335 000 litres de mazout. Quant aux semoules et farines, les préjudices sont énormes.

    Il existe dans la wilaya de Tlemcen 6 minoteries-semouleries, dont deux à Maghnia et une à Souani avec des surplus de production, sans compter l’unité d’Ouled-Mimoun qui couvrirait à elle seule les besoins de trois wilayas. Cette année la contrebande de ces deux produits a connu un regain sans précédent, après que le Maroc eut décidé de revoir à la hausse le prix des céréales.

    Ce qui a poussé des centaines de boulangeries à menacer de fermer chez nous, alors que, selon nos sources, toutes les boulangeries de l’Est-marocain sont approvisionnées grâce au trabendo avec l’Algérie.

    Une manne financière de plus de 6 milliards de dirhams par an
    D’après les spécialistes, le trabendo en provenance de l’Algérie rapporte au Maroc une manne financière de plus de 6 milliard de dirhams, soit 22 fois plus que ce que lui rapporte sa principale ressource, le phosphate et 150 fois la valeur des exportations de ses ressources agricoles vers l’Union européenne.

    Les raisons sont simples selon les analystes économiques : les populations de l’Est marocain, estimées à plus de 4 millions d’habitants, dont Oujda à elle seule compte plus de 2 millions d’âmes, vivent à 80% de produits algériens, se soignent avec nos médicaments, circulent avec notre carburant, construisent avec nos matériaux de construction et tous leurs étalages ne sont garnis que par nos produits : du chocolat jusqu’aux espadrilles en plastique.

    Lors de la décennie noire à ce jour, mais à des degrés moindres, fil chirurgical, sérum et vaccins prenaient le chemin des hôpitaux marocains à un moment où, des malades marocains se faisaient opérer dans nos cliniques et nos hôpitaux moyennant quelques dirhams.

    Ce qui représente une énorme charge en moins pour l’Etat marocain et une plus value pour son économie pour laquelle elle n’a investi aucun dirham.
    Pire, notre datte est exportée à partir d’Oujda sous le label marocain et les contrebandiers algériens achètent des palmeraies entières à Biskra et Tolga pour alimenter ce trafic. Que peut-on dire de toute cette catégorie de personnes qui a vendu son âme et sa conscience au diable pour quelques dirhams de plus, sans se soucier des intérêts suprêmes de son pays ?
    Des individus qui mettent en péril notre économie nationale, du fait qu’ils ne reculent devant rien. Seul l’appât du gain prime pour eux, avant des considérations nationaliste, patriotique ou économique. C’est là où réside le danger.

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    Tags : Algérie, Maroc, frontières, contrebande,

  • Comment le Maroc détourne les ressources du Sahara Occidental

    Le Maroc, en refusant la tenue du référendum d’autodétermination décidé par l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1991, cherche à gagner du temps dans son conflit avec le Sahara Occidental pour maintenir un statu quo en sa faveur. En effet, cette situation lui permet de détourner les ressources naturelles du peuple sahraoui, en complicité avec des firmes multinationales qui y trouvent leur profit. Loin d’être un simple bout de désert sans intérêt, ce pays est assis sur de grandes richesses, dont l’exploitation de type colonial se poursuit à nos jours. Il s’agit bien d’un cas de décolonisation inachevée.

    Après une guerre de guérilla déclenchée le 4 mars 1976 par l’Armée de libération populaire sahraouie (ALPS) contre les forces d’occupation du Maroc et de la Mauritanie, qui ont occupé le Sahara Occidental après le départ des Espagnols en 1975 (Accords de Madrid), un cessez- le-feu entre le Maroc et le Front Polisario (la Mauritanie s’étant retirée du conflit en 1979) est imposé en 1991 par l’ONU, avec un plan de règlement comprenant l’organisation d’un référendum d’autodétermination.

    56 sociétés internationales autorisées par Rabat à opérer au Sahara occupé

    Depuis la fin d’une guerre qui a duré 16 ans, Rabat tergiverse pour contourner le plan de décolonisation de l’ONU. Alors que le précédent roi du Maroc, Hassan II, l’avait accepté, son héritier, Mohamed VI, le refuse et tente de lui opposer depuis 2006 une autre option : l’autonomie. Mais celle-ci est rejetée à son tour par le Polisario, puisqu’elle ne reconnaît pas l’indépendance et la souveraineté du peuple sahraoui et son droit de choisir son destin et de gérer librement son territoire et ses ressources.

    Pour les Sahraouis, la France, qui soutient le plan marocain d’autonomie, est «le plus grand obstacle» à l’autodétermination. Bassiri Moulay Hassen, membre de la représentation du Front Polisario en Belgique, a déclaré récemment que l’opposition de la France, membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, à la tenue du référendum est dictée par le souci de «préserver ses intérêts économiques» dans la région. Ce soutien français confère une sorte d’impunité à Rabat qui défie ainsi les Nations unies qui ont inscrit depuis 1966 le Sahara Occidental sur la liste des territoires non autonomes, en vertu de la Résolution de 1960 sur l’indépendance aux pays et peuples coloniaux.

    Ce statu quo est mis à profit par les autorités marocaines pour exploiter au maximum les richesses des Sahraouis, qui sont eux réduits à la pauvreté et à l’exploitation sous l’occupation ou à l’exil, vivant de l’aide internationale dans des camps de réfugiés, à Tindouf, en Algérie, pays voisin qui soutient (comme d’autres Etats africains) le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.

    Les ressources naturelles du Sahara Occidental sont ainsi livrées à un pillage organisé par les autorités marocaines, avec la complicité de plusieurs firmes étrangères et l’appui de puissances occidentales, comme la France et l’Espagne, qui y’trouvent leur compte. Aucun embargo, aucun boycott, aucune sanction, pourtant utilisés dans le cas d’autres pays, n’ont été décrétés par la communauté internationale contre des entreprises qui violent le droit international en matière d’exploitation des ressources d’un pays sous occupation.

    Un statu quo qui profite au Maroc et aux multinationales

    «Sans doute que le pillage illégal des ressources naturelles du Sahara Occidental par la monarchie marocaine et ses alliés est un grand obstacle qui alimente la continuité du conflit, car, à travers ces revenus, le Maroc achète les armes, finances les lobbies et achète les positions des pays pour cautionner son occupation. Et ceci ne peut que retarder le référendum et augmenter les souffrances du peuple sahraoui», soutient le président de l’autorité sahraouie du pétrole, le docteur Ghali Zubair.

    Selon lui, pas moins de 56 sociétés, de différentes nationalités et de différents continents, ont signé des contrats avec le Maroc et sont présents dans divers domaines d’activités économiques dans le territoire du Sahara Occidental. Il y a 9 entreprises dans la pêche, 18 dans l’exploration pétrolière et gazière, 7 dans l’électricité et les énergies renouvelables, 18 dans les phosphates, 4 dans l’exploration minière, 2 dans l’agriculture et autant dans le financement et les services.

    Mais le combat mené de longue date par le peuple sahraoui, soutenu par des ONG européennes, contre ce pillage commence à porter ses fruits, comme l’invalidation par la Cour européenne de justice (CJUE) de l’accord de pêche Maroc-UE signé en 2014 permettant à des bateaux de pêche européens d’opérer dans les eaux du Sahara Occidental.

    Cet accord est invalidé le 10 janvier 2017 par l’avocat général de la CJUE, Melchior Wathelet, «du fait qu’il s’applique au Sahara Occidental et aux eaux y adjacentes». Il a estimé qu’en concluant cet accord, l’union, qui a violé son obligation de respecter le droit du peuple du Sahara Occidental à l’autodétermination, «n’a pas mis en place les garanties nécessaires pour assurer que l’exploitation des ressources naturelles du Sahara Occidental se fasse au bénéfice du peuple de ce territoire non autonome».

    Cependant, selon les dernières informations, la Commission européenne a renégocié l’accord en question et signé le 31 janvier 2018 à Bruxelles un avenant avec le gouvernement marocain, sans tenir compte de la décision de la Cour de justice européenne (CJUE) qui, dans son arrêt du 21 décembre 2016, disposait que le Sahara Occidental est un territoire «séparé et distinct» du Maroc, et que, par conséquent, le consentement de ses représentants à tout accord commercial ou d’association de l’UE affectant leur territoire est obligatoire.

    La Commission européenne «fait preuve d’un mépris flagrant pour le jugement de la Cour de justice et entrave les efforts de paix de l’ONU au Sahara Occidental», estime l’Observatoire des ressources du Sahara Occidental (WSRW), qui joue un grand rôle dans la lutte contre le pillage des ressources du Sahara Occidental. Selon l’observatoire, d’autres pays européens, «tels que la Norvège, la Suisse, l’Islande, le Liechtenstein, et les Etats-Unis ont des accords commerciaux légaux avec le Maroc qui ne s’appliquent explicitement pas au Sahara Occidental. L’UE, sous la pression française, hésite à suivre cette voie».

    Le ministre délégué auprès de l’Europe et membre du secrétariat national du Front Polisario, Mohamed Sidati, invité par la Commission européenne à Bruxelles, a exprimé sa «préoccupation» devant «les tentatives en cours pour inclure le Sahara Occidental dans les accords commerciaux UE-Maroc sans le consentement du peuple sahraoui à travers son représentant légitime, le Front Polisario». Ce dernier s’oppose à «tout accord économique entre l’UE et le Maroc qui n’exclut pas explicitement le Sahara Occidental du champ d’application».

    Mais certains pays comme la Suède ont d’ores et déjà exprimé leur rejet de cette reconduction. Le ministre des Affaires rurales, Sven Erik Bucht, a annoncé que son pays votera «non» et qu’il « refusera chaque nouvel accord de partenariat entre l’UE et le Maroc dans le domaine de la pêche tant qu’il inclura les eaux territoriales sahraouies».

    Il pourrait être suivi par le Danemark, dont la ministre de l’Egalité des chances, Karen Ellemann, a indiqué que le gouvernement danois examinera tout accord de partenariat avant son adoption pour s’assurer de sa conformité à la légalité internationale. L’Association danoise des amis de l’ONU avait appelé à voter «non» et exhorté «la Commission européenne à prôner la stabilité et la paix dans la région, à les placer au-dessus des intérêts commerciaux avec le Maroc».

    Après son invasion en 1975, lors de la «marche verte», pour annexer le Sahara Occidental, le Maroc exploite les ressources naturelles de ce pays sans vergogne. Cette exploitation «lui a permis, en partie, de financer la guerre et d’ancrer durablement cette occupation coloniale», estime Sahara Info, le site de l’Association des amis de la République arabe sahraouie démocratique. En 1998, le Maroc, qui occupe 80% du territoire sahraoui, construit un mur de séparation pour mieux isoler le «Sahara utile» et en exploiter les ressources «en toute sécurité».

    Selon plusieurs témoignages publiés dans la presse internationale, sur la route reliant Laâyoune à Dakhla (où le roi Mohammed VI a inauguré la nouvelle halle au poisson en février 2016), de nombreux camions transportent poulpes et poissons blancs pêchés dans les eaux sahraouies, qui sont parmi les plus poissonneuses au monde. La pêche dans les «provinces du Sud» (nom donné par le Maroc au Sahara Occidental) représente 78% des captures marocaines et «génère une richesse immense», d’après un reportage du mensuel français Le Monde Diplomatique en mars 2014.

    Tout comme les poissons, les produits agricoles sont quotidiennement convoyés au Maroc, avant d’être expédiés vers le marché européen. La tomate de Dakhla est acheminée à Agadir, au Maroc, où elle est conditionnée sous le label «Maroc», puis commercialisée sur les marchés européens sous les marques Etoile du Sud, Idyl, Azura, qui sont des sociétés franco-marocaines. La France est le premier partenaire commercial et le principal investisseur étranger au Maroc (70% des IDE).

    «La France contribue activement à ce statu quo en défaveur des Sahraouis», estime Le Monde Diplomatique, en soulignant que «les autorités marocaines déploient une intense activité pour convaincre que l’exploitation économique profite à la population du territoire». Elles multiplient les annonces de nouveaux programmes d’investissement (…) et «le Makhzen (le palais) fait tout pour accréditer l’idée que les Sahraouis profitent des richesses naturelles».

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    Le Maroc a lancé en 2013 un gigantesque programme d’investissement de plus de 12 milliards d’euros sur une période de dix ans visant à créer 120 000 emplois pour «développer les provinces du Sud». «Le roi Mohammed VI veut développer et pacifier le Sahara Occidental en attendant un règlement du conflit aux Nations unies», note Le Figaro.

    Les firmes Glencore, Kosmos et Capricorn se retirent

    Le retrait de Glencore, multinationale pétrolière suisse, de l’exploration pétrolière a été suivi par celui de Kosmos Energy (Etats-Unis) et Capricorn Exploration & Development Company Ltd (Royaume-Uni), dans le même bloc Boujdour, où elles opéraient depuis plusieurs années avec une licence octroyée par l’Office national des hydrocarbures et des mines du Maroc (ONHYM).

    Le retrait de Glencore, présente depuis 2013 sur le bloc Boujdour, intervient après les pressions exercées par plusieurs investisseurs internationaux, des banques et des bailleurs de fonds, qui ont refusé de s’impliquer dans ces projets illégaux du fait qu’ils concernent un territoire occupé. L’ONU avait énoncé en 2002 qu’aucune exploration pétrolière ne peut avoir lieu sans le consentement du peuple sahraoui.

    Pour l’observatoire WSRW, le retrait de Glencore «peut contribuer au processus de paix», car «tant que le Maroc continue de signer des accords avec des entreprises étrangères pour l’exploration pétrolière dans le territoire qu’il occupe, il rejettera toute proposition onusienne de négociation».

    Les pressions juridiques et éthiques contre les sociétés étrangères impliquées dans des projets marocains ont fini par avoir gain de cause de la société canadienne Nutrien, «le plus gros importateur» des phosphates, qui a annoncé le 25 janvier dernier son intention d’arrêter ses importations suite à la fin du contrat entre la société canadienne Agrium et l’OCP en 2018. Il faut savoir qu’Agrium et Potash Corp (Etats-Unis) ont été mises sur la liste noire de plusieurs investisseurs institutionnels pour non-respect du droit international et des droits humains au Sahara Occidental.

    Le pillage des phosphates, ressource historique du Sahara Occidental, a rapporté plus de 300 millions de dollars en 2013 à l’Office chérifien des phosphates (OCP) et plus de 200 millions de dollars en 2016, selon WSRW. La mine à ciel ouvert de Boucraâ, qui fournit l’un des meilleurs minerais au monde, est exploitée depuis 1962. «Après le départ des colons espagnols», le Maroc «a pu contrôler Phosboucraâ», en accord avec l’occupant antérieur, l’Espagne, qui en est «restée actionnaire jusqu’en 2002», a révélé Le Monde Diplomatique.

    Sur le plan judiciaire, la lutte menée par le Front Polisario et les ONG contre les acteurs du commerce illégal du phosphate du Sahara Occidental a connu au cours de l’année écoulée plusieurs succès, comme le cas du navire NM Cherry Blossom qui transportait 55 000 tonnes, en route pour la Nouvelle-Zélande et qui a été arraisonné à Port-Elizabeth, en Afrique du Sud. Trois semaines après, en mai 2017, un second bateau, le danois Ultra Innovation, faisant route vers le Canada, a été stoppé au moment où il traversait le canal de Panama.

    Outre les riches gisements de phosphates découverts par l’Espagne en 1947, le sous- sol sahraoui contient d’autres minerais et matières premières qui suscitent bien des convoitises des multinationales, tels que le fer, le titane, le manganèse, l’uranium, le titanium et le vanadium, et probablement, l’antimoine et le cuivre, selon le site de ressources documentaires Irénées. Il faut ajouter le sel et le sable illégalement exportés vers la France et les Iles Canaries.

    Afin de contrer la politique coloniale de spoliation et de pillage, les militants sahraouis, aidés par des ONG européennes solidaires, mènent un combat de longue date. Mais cette résistance va connaître un essor à partir de 2010, avec les nouvelles générations de Sahraouis vivant sous l’occupation, à travers notamment la naissance du mouvement de masse Gdeim Izik de Laâyoune. Celui-ci a mis au centre de ses revendications «la souveraineté sur les ressources naturelles».

    Ce mouvement fut du reste violemment réprimé par les forces d’occupation marocaines et ses animateurs arrêtés, dont le président du Comité sahraoui pour la protection des ressources naturelles au Sahara Occidental, S. Lemjiyed, condamné à la prison à vie. Une campagne internationale de dénonciation est toujours en cours pour exiger sa libération et celle de ses camarades.

    Le Maroc, qui a interdit l’entrée dernièrement à deux avocates françaises venues rendre visite à des détenus politiques, vient d’être interpellé pour manque de respect des droits des 23 prisonniers politiques de Gdeim Izik, dont «le choix des avocats». Des ONG ont rappelé que la condamnation en juillet 2017 de ces prisonniers à de lourdes peines, dont certaines à la réclusion à perpétuité, s’est faite suite à un «procès manifestement inéquitable».

    La résistance sahraouie face à l’occupation ne date pas d’aujourd’hui, elle plonge ses racines dans le combat mené par les tribus berbéro-arabes dès les premières incursions coloniales, notamment françaises et espagnoles, qui dominaient le Sahara et la région de l’Afrique de l’Ouest au XIXe siècle. Le plan de partage établi à la Conférence de Berlin de 1885, qui dessina les nouvelles frontières en fonction des intérêts des empires coloniaux de l’époque, a attribué à l’Espagne le Rio de Oro, qu’elle occupera réellement qu’après 1934, suite à la découverte de la mine de phosphate de Boucraâ.

    Cette résistance, qui s’est radicalisée avec la naissance du mouvement de libération national sahraoui représenté par le Front Polisario, qui a déclenché le 20 mai 1973 la guerre à l’Espagne, puis contre le nouvel occupant marocain, se poursuit aujourd’hui sur le plan politique et diplomatique, avec comme principal enjeu économique, le contrôle des matières premières et des richesses halieutiques.

    Le Maroc, en rejetant le référendum et les négociations directes avec le Polisario, a mis au point mort le plan de paix onusien, avec le risque d’un possible retour aux armes, car le Front Polisario ne peut laisser durer éternellement ce statu quo en sa défaveur. Il menace régulièrement de reprendre la lutte armée, surtout que les nouvelles générations de Sahraouis sont moins patientes et veulent en découdre avec l’occupation et l’oppression.

    Mais une nouvelle guerre est-elle dans l’intérêt des peuples de la région, qui souffrent de la crise économique et sociale, avec ses conséquences sur la jeunesse, comme le chômage et l’émigration clandestine ? La communauté internationale peut peser de tout son poids pour amener les deux parties à reprendre les négociations directes et «sans conditions préalables» afin de trouver une solution à ce conflit, comme l’a recommandé le dernier sommet de l’Union africaine (UA).

    Les efforts du nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU au Sahara Occidental, Horst Köhler, l’ancien président allemand, pour relancer le processus de paix seront-ils soutenus par la communauté internationale ? Pour l’instant, il vient de recevoir l’appui du Royaume-Uni, dont le ministre d’Etat chargé des affaires du Commonwealth, Alistair Burt, a indiqué, après un «échange de vues très utile» avec Horst Köhler (en marge de la conférence de Munich sur la sécurité), que «le Royaume-Uni soutient pleinement le processus mené par l’ONU pour parvenir à une solution politique durable et mutuellement acceptable» dans le conflit du Sahara Occidental.

    Un autre pays membre permanent du Conseil de sécurité, et non des moindres ; la Russie, vient également d’annoncer son soutien au processus de paix onusien, par la voix de son chef de la diplomatie. «La Russie soutient la tenue de négociations directes entre les deux parties en conflit du Sahara Occidental, à savoir le royaume du Maroc et le Front Polisario», a indiqué Sergueï Lavrov lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, en visite de travail à Moscou.

    Avec de tels soutiens affichés, Horst Köhler pourra-t-il convaincre le Maroc de s’assoir à la table des discussions avec le Polisario ? Si la Chine et les Etats Unis, membres permanents du Conseil de sécurité, décident d’en faire autant, la France ne sera-t-elle pas amenée à revoir sa copié ? La communauté internationale saura-t-elle prendre les mesures qui s’imposent pour contraindre les entreprises qui font du commerce illégal au Sahara Occidental et à contraindre le Maroc à appliquer le droit international ? Il faut l’espérer, car la zone de l’Afrique du Nord Moyen-Orient n’a pas besoin d’une nouvelle guerre, alors que de nombreux foyers sont encore allumés.

    Par Houria Aït-Kaci

    Algérie Patriotique, 24 fév 2018

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, ressources naturelles,