Mois : septembre 2016

  • Le phosphate du sang d’Hillary Clinton

    Stephen Zunes

    La candidate à la présidence américaine doit rompre les relations entre sa Fondation et le Maroc et renoncer à son financement par l’Office chérifien des phosphates, en respect des lois internationales.
    Pendant plus d’un demi siècle, une série de résolutions de l’ONU et de décisions de la Cour internationale de Justice ont confirmé les droits des habitants de pays soumis au colonialisme ou à une occupation militaire étrangère. Entre autres, le droit de « disposer librement des richesses et ressources naturelles » qui « doit être basé sur les principes d’égalité et sur le droit des peuples et des nations à l’auto-détermination ».
    Dès 1962, les Nations unies ont établi que le « droit des peuples et des nations à une souveraineté permanente sur leurs richesses et ressources naturelles doit être exercé dans l’intérêt de leur développement national et du bien-être du peuple du pays concerné », ajoutant que « la violation des droits des pays et des nations à la souveraineté sur leurs richesses naturelles est contraire à l’esprit et aux principes de la Charte des Nations unies ». Ceci reflète le principe légal historique, réitéré par l’Assemblée générale, établissant « le droit des peuples des territoires non autonomes à jouir de leurs ressources naturelles et leur droit à disposer de ces ressources dans leur intérêt ».
    De la même manière, une série de décisions de la Cour internationale de Justice concernant la Namibie, Nauru, Timor-Est et la Palestine a codifié plus précisément les droits des peuples non autonomes au contrôle de leurs ressources naturelles.
    La violation contemporaine sans doute la plus grave de ce principe légal international historique touche la nation du Sahara occidental, l’ancienne colonie espagnole occupée et annexée par le Maroc en 1975. Le Maroc a ignoré les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et une décision capitale de la Cour internationale soulignant le droit du peuple sahraoui – qui est ethniquement et linguistiquement distinct d’une grande partie des Marocains – à l’auto-détermination. La France et les États-Unis membres permanents qui ont un droit de veto et alliés de longue date du Maroc, ont empêché les Nations unies de faire appliquer ses résolutions.
    Le gouvernement marocain et ses alliés se réfèrent aux projets de développement ambitieux et à grande échelle du royaume au Sahara occidental, particulièrement dans les zones urbaines. Plus de $2,5 milliards ont été consacrés à l’infrastructure du territoire, beaucoup plus que ce que le Maroc n’a tiré des ressources du Sahara occidental et plus qu’ils n’obtiendraient dans un futur proche. Pour expliquer cela, les alliés du régime prétendent que les Marocains ont répondu aux exigences concernant les intérêts, le bien-être et les besoins en termes de développement de la population indigène.
    Cependant, la plus grande partie de ce développement infrastructurel dans le territoire occupé n’a pas été conçue pour élever le niveau de vie du peuple sahraoui, mais a, au contraire, été consacrée à l’élaboration d’un système de sécurité interne des bases militaires, des installations de police, de surveillance et d’équipements liés à ce système – construction d’habitations, aides financières et autres subventions attribuées aux colons marocains, aéroport, port et équipements de transport visant à accélérer l’extraction des ressources. Plus fondamentalement, les décisions sur la manière d’utiliser les revenus des mines et de la pêche sont prises par le gouvernement marocain dans la capitale, Rabat, et non par la population soumise.
    En 2002, Hans Corell, alors secrétaire général adjoint pour les Affaires juridiques de l’ONU établissait que l’exploitation des ressources naturelles au Sahara occidental est « une violation des principes de la loi internationale applicable aux activités minières dans les Territoires non autonomes ». Malheureusement, cela n’a pas arrêté les compagnies minières, pétrolières et de pêche du Maroc, d’Europe et des États-Unis de voler le peuple sahraoui ou d’essayer d’influencer leurs dirigeants politiques.
    Par exemple, l’Office chérifien des phosphates (OCP), une compagnie minière d’État qui contrôle l’une des mines de phosphate les plus grandes du monde au Sahara occidental occupé, fut le premier donateur de la conférence Clinton Global Initiative en mai dernier à Marrakech. La Fondation Clinton a reçu de l’OCP un total de $5 millions, ce qui a fait tiquer certains, d’autant qu’Hillary Clinton essayait, en tant que secrétaire d’État, de pousser l’administration Obama à reconnaître l’annexion illégale du territoire par un plan douteux d’ « autonomie » promu par le roi Mohammed VI qui priverait le peuple sahraoui de la possibilité d’indépendance, contrairement à ce qu’exige la loi internationale.
    Il y a environ cinq ans, l’opposition de Michael Posner, alors assistant secrétaire d’État pour la Démocratie et les Droits humains, avec quelques sénateurs démocrates influents et des membres du Conseil national de sécurité, a convaincu la Maison Blanche d’encourager, au contraire, les négociations sous tutelle de l’ONU entre le Maroc et le gouvernement en exile du Sahara occidental, la République arabe sahraoui démocratique, RASD. La RASD a été reconnue par de nombreux gouvernements et est membre à part entière de l’Union africaine dont le Conseil pour la Paix et la Sécurité a appelé à un « boycott international des produits des compagnies impliquées dans l’exploitation illégale des ressources naturelles du Sahara occidental ».
    Depuis qu’elle a quitté son poste dans le cadre de sa campagne présidentielle, Hillary Clinton a continué de s’exprimer en faveur de la monarchie autocratique. Lorsqu’elle s’est adressée au forum de Marrakech, elle a qualifié le Maroc de « plateforme vitale pour les échanges culturels et économiques », remerciant le régime « pour son accueil et son hospitalité ». Un certain nombre de soutiens décisifs comme le juge Justin Gray et l’ancien membre du Congrès Toby Moffett, sont des lobbyistes officiels du régime marocain.
    Cela n’est pas passé inaperçu au Capitole. « Vous avez entendu parler des diamants du sang, mais par maints aspects, on peut dire que l’OCP vend du phosphate du sang », a déclaré le député Joe Pitts. « Le Maroc a pris le contrôle du Sahara occidental pour exploiter ses ressources, et c’est l’une de ses principales compagnies est impliquée ».
    Pitts et le représentant du New Jersey, Chris Smith, président du sous-comité pour les Droits de l’Homme du Comité du congrès pour les Affaires étrangères, ont envoyé une lettre à la Fondation Clinton. « En respect pour les règles internationalement reconnues en matière de droits humains, la Clinton Global Initiative devrait rompre ses liens avec l’OCP et lui rendre tout le financement qu’elle a reçu de cette entreprise ». La Fondation n’a pas répondu.
    En tant que juriste très au fait des affaires internationales, Clinton connaît, sans aucun doute, les questions légales et morales concernant l’occupation marocaine du Sahara occidental et l’inconvenance évidente à accepter de l’argent d’une compagnie d’État qui exploite illégalement les ressources naturelles d’un Territoire non autonome.
    Le fait qu’elle le fasse quand même ne manque pas de poser des questions troublantes.
    Traduction Christine Abdelkrim-Delanne
    Source :
    *Stephen Zunes est professeur de Politique et Président des Études sur le Moyen-Orient à l’Université de San Francisco

  • Alger «prive» Rabat de la présidence d’un comité du Mouvement des non-alignés

    Une victoire pour la diplomatie algérienne. Le Maroc, qui a fait du parasitage des institutions internationales son credo, ne présidera pas le comité politique du Mouvement des non-alignés, réuni au Venezuela, indique une source au fait du dossier contactée par Algeriepatriotique. Le Maroc a défendu sa candidature à ce poste, en posant comme seul argument le fait de n’avoir jamais assumé aucune présidence de cette organisation depuis sa création en 1961, et en rappelant que le royaume s’était retiré à Alger en 2014 en faveur de l’Equateur, à la demande de l’Algérie. Une supplique qui résonne aussi comme une façon de rejeter, en amont, sur l’Algérie toute responsabilité dans cet énième revers essuyé par la diplomatie marocaine sur la scène internationale. Le Maroc comptait sur cette «incursion» pour redorer son blason. L’agence officielle marocaine MAP avait donné le ton en prétendant que l’Algérie aurait «indisposé» son allié le Venezuela en voulant contrer la candidature du Maroc, et que l’ouverture de la réunion au Venezuela a été suspendue presque toute la journée en raison de l’«adversité algérienne» contre la candidature marocaine au poste de président du Comité politique.
    Par ailleurs, en réaction à la décision de l’avocat général de la Cour européenne de justice, Melchior Wathelet, jugeant que l’accord commercial portant sur les produits agricoles entre le Maroc et l’Union européenne ne s’applique sur le Sahara Occidental, une source diplomatique à Bruxelles a indiqué à Algeriepatriotique qu’il s’agit d’«une grande avancée pour la cause sahraouie, tant les choses sont limpides sur le plan du droit international», estimant que les conclusions de l’avocat général «ne souffrent aucune ambigüité sur l’absence de la moindre once de souveraineté marocaine sur les territoires sahraouis occupés», soutient la source diplomatique. 
    Pour rappel, l’avocat général de la Cour européenne de justice, dans ses conclusions rendues mardi, a clairement signifié que «le Sahara Occidental ne fait pas partie du territoire du Maroc et, partant, ni l’accord d’association UE-Maroc ni l’accord de libéralisation ne lui sont applicables». Dans ses recommandations aux magistrats de la Cour européenne qui doivent rendre leur décision finale dans deux mois, l’avocat général fait constater qu’aucun Etat membre de l’UE ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental.
    «Les accords internationaux conclus par le Maroc ne pourraient donc lui être appliqués», a-t-il souligné dans ses conclusions. Ces accords ne peuvent être étendus à ce territoire car «la pratique de la majorité de ces Etats démontre qu’une telle extension est subordonnée à sa prévision expresse lors de la ratification des traités ou accords», a-t-il expliqué.
    R. Mahmoudi

  • Las verdades del Tribunal Europeo de Justicia

    Es un rayo en un cielo que sólo Marruecos creía sereno. El pueblo saharaui logró ayer una importante victoria judicial, sobre todo desde el punto de vista político al tratarse de su propia existencia. En efecto, el abogado general del Tribunal de Justicia de la Unión Europea (TJUE) ha declarado ni más ni menos, al reexaminar una denuncia del Frente Polisario relativa a la extensión a los territorios saharauis del acuerdo comercial que une la Unión Europea y Marruecos, que « el Sahara occidental no forma parte del territorio de Marruecos », añadiendo que « ni el acuerdo de asociación UE-Marruecos ni el acuerdo de liberalización le son aplicables. »
    Este alto responsable realizó un verdadero acto de pedagogía recordando a aquellos a los que se supone que no ignoran tales elementos como que « el Sahara Occidental está, desde 1963, inscrito por la ONU en su lista de territorios no autónomos sujetos a sa resolución (1514, ndr) relativa al ejercicio del derecho a la autodeterminación de los pueblos coloniales » y « subrayó que la Unión (Europea) y sus estados miembros nunca reconociero que el Sahara occidental forma parte de Marruecos o se encuentra bajo su soberanía ». Y las decisiones relacionadas con esta posición abundan. Es el caso del acuerdo agrícola anulado en diciembre del 2015.
    Esto es exactamente lo que hicieron los Estados Unidos en 2005 al excluir los territorios del Sahara Occidental del acuerdo de libre comercio que se disponían a concluir con Marruecos. Lo cual devuelve las cosas a su punto de partida y llama las cosas por su nombre. Desde hace una veintena de años y a pesar de todas las resoluciones de la ONU y el acuerdo entre el Frente Polisario y Marruecos que los países europeos habían decidido apoyar, Europa intenta alejarse. Cuestión de interés, se decía entonces, hasta el punto de inventar todo tipo de argumentos, falsos, por supuesto, como el que consiste en considerar a Marruecos como una autoridad de facto.
    Sin embargo, es la ONU que, en una opinión jurídica emitida en 2003, había calificado a Marruecos como potencia ocupante, pulverizando este enfoque que permitía a Europa hacer negocios, y a Marruecos imponer su ocupación del Sahara Occidental. Fue suficiente para que la verdad sea puesta de relieve y por encima de los negocios. Pero de nada sirvió y Europa, después de los acuerdos de pesca que incluyen las aguas territoriales saharauis, ha incorporado otros productos provenientes de estos territorios a su acuerdo de asociación con Marruecos.
    Es esta verdad que se ha desvelado en los últimos meses con el recurso del Frente Polisario reconocido como parte concerniente en este conflicto de conformidad con las resoluciones de la ONU y su plan de paz, identificando a las dos partes en el conflicto, siendo Marruecos la otra. Ahora que las cosa se han puesto en claro de nuevo, qué hará Europa, ya que el asunto sigue y seguirá siendo una cuestión de derecho y justicia?
    Mohammed Larbi
    El Watan, 14 sept 2016
  • Pablo-Ignacio de Dalmases antología de viajeros por el Sáhara Occidental en tiempos de la colonia.

    Pablo-Ignacio de Dalmases Olabarria (Barcelona, 1945) es Doctor en Historia y Licenciado en Periodismo. Vivió en el Sáhara español entre 1974-1975 antes de la invasión de Marruecos. Fue director de Radio Sáhara y el diario bilingüe La Realidad del Aiun que la autoridad militar lo clausuró. Hizo la tesis sobre “El Sáhara Occidental en la bibliografía española y el discurso colonial. Ha escrito varios libros sobre la historia del Sáhara Occidental. Nos centramos en “Viajeros por el Sáhara español. Antología de relatos de viajeros”.
    El Sáhara Occidental permaneció virgen para los foráneos hasta bien entrado el siglos XIX, por la dureza del medio natural y la hostilidad de los nativos.
    Pablo-Ignacio de Dalmases recupera las narraciones de los primeros colonos españoles desde 1884 hasta 1976, ya sean militares, aventureros, científicos, escritores o incluso los propios viajeros saharauis que dejaron textos descriptivos.
    “Viajeros por el Sahara español” edita Sial/Casa de África.
    Pablo-Ignacio de Dalmases Olabarria interviene en el programa de Radio Euskadi “La Casa de la Palabra” el miércoles 14 de septiembre 2016.
  • L’accord agricole UE-Maroc n’est pas applicable au Sahara occidental qui ne fait pas partie du territoire du Maroc

    L’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) Melchior Wathelet a considéré mardi que l’accord UE-Maroc sur la libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche ne s’applique pas au Sahara occidental qui « ne fait pas partie du territoire du Maroc ».
    « (…) le Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Maroc et que, partant, contrairement à ce qui a été constaté par le Tribunal, ni l’accord d’association UE-Maroc ni l’accord de libéralisation ne lui sont applicables », a-t-il écrit dans ses conclusions rendues ce mardi.
    Dans sa recommandation à la Cour qui doit rendre son verdict ultérieurement, l’avocat général de la CJUE a souligné que ni l’UE, ni aucun de ses Etats membres ne reconnaissent la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, un territoire inscrit depuis 1963 sur la liste des territoires non-autonomes de l’ONU.
    « L’Union et ses Etats membres n’ont jamais reconnu que le Sahara occidental fait partie du Maroc ou relève de sa souveraineté », a-t-il affirmé.
    Il a, dans ce contexte, constaté que le Sahara occidental est, depuis 1963, inscrit par l’ONU sur sa liste des territoires non autonomes, qui relèvent du champ d’application de sa résolution portant sur l’exercice du droit à l’autodétermination par les peuples coloniaux.
    L’avocat général a rappelé, à ce titre, que le droit international ne permet pas d’étendre le champ d’application d’un traité bilatéral à un territoire qui constitue une partie tierce par rapport aux parties au traité.
    « Or, le Sahara occidental constitue précisément un tel territoire par rapport à l’Union et au Maroc », a-t-il relevé. Autrement dit, l’accord UE-Maroc sur la libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche signé en 2012 entre les deux parties ne s’applique pas au Sahara occidental.
    Cependant, l’avocat général propose à la Cour, dans le cas où elle déciderait que les accords en cause sont tout de même applicables au Sahara occidental et que le Front Polisario est habilité à contester la décision litigieuse, de considérer que le Conseil a manqué à son obligation d’examiner tous les éléments pertinents des circonstances de la conclusion de l’accord de libéralisation.
    Contrairement à ce qui a été décidé par le Tribunal, l’avocat général considère que le Conseil ne fût pas tenu d’évaluer les effets de la conclusion de cet accord sur l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental.
    Mais, il estime que le Conseil « aurait dû prendre en compte la situation des droits de l’homme dans ce territoire ainsi que l’impact potentiel de l’accord sur cette situation ».
    Dans cette hypothèse, l’avocat général estime que « le Tribunal a procédé à juste titre à l’annulation partielle de la décision contestée en ce qu’elle approuve l’application de l’accord de libéralisation au Sahara occidental, si bien que le pourvoi du Conseil doit être rejeté comme non fondé ».
    La CJUE n’est pas tenue de suivre les conclusions de l’avocat général dont la mission consiste à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans cette affaire qui oppose le Front Polisario au Maroc et son partenaire européen.
    Cependant, une source diplomatique souligne que l’avis de l’avocat général est, généralement, suivi dans la plus part des cas, qualifiant ses conclusions de « victoire politique » pour la cause sahraouie.
    Le tribunal de la CJUE avait annulé le 10 décembre dernier l’accord UE-Maroc sur la libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche signé en 2012 au motif qu’il incluait le territoire du Sahara occidental.
    Le Tribunal a considéré que le Conseil de l’UE qui approuvé cette accord avait manqué à son obligation d’examiner si l’exploitation des ressources naturelles du territoire du Sahara occidental sous contrôle marocain se fait au profit de la population sahraouie.
    Le Conseil de l’UE a introduit, quelques semaines après, un pourvoi devant la Cour de justice à l’encontre de l’arrêt du Tribunal. (Aps)
  • L’avocat général : l’accord UE Maroc ne concerne pas le Sahara

    « Ni l’accord d’association UE-Maroc ni l’accord de libéralisation ne sont applicables  » au Sahara Occidental, dit l’Avocat général de la Cour de l’UE dans ses conclusions aujourd’hui.

    Ci-dessus: les Sahraouis revendiquent à Smara, au Sahara Occidental occupé le respect de leurs droits socio-économiques. Avril 2016.
    L’avocat général de la Cour de justice de l’UE a, ce matin, 13 septembre 2016, publié ses conclusions sur le cas de l’accord UE-Maroc de libre-échange étendu au Sahara Occidental. Dans ce document, l’avocat général Melchior Wathelet estime que le Sahara Occidental ne fait pas partie du territoire marocain et que, par conséquence, ni l’accord d’association UE-Maroc, ni l’Accord de Libéralisation ne lui sont applicables.
    L’avocat général émet donc un avis qui dépasse la décision de la Cour générale du 10 décembre 2015, qui annulait l’accord de libre échange UE-Maroc appliqué au Sahara Occidental sur la base de ce que le Conseil de l’UE avait manqué à son obligation d’examiner à fond les effets de ce commerce sur les droits du peuple vivant dans les régions du Sahara Occidental sous contrôle marocain. L’avis que l’avocat général rend maintenant affirme que le Sahara Occidental ne fait tout simplement pas partie du Maroc, et que les accords avec le Maroc ne sont donc pas applicables au territoire non autonome.
    Télécharger ici le communiqué de presse de l’avocat général, et les 70 pages de l‘avis complet.
    En conséquence, l’avocat général propose à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal, sur la base que le cas requérant, le Front Polisario – internationalement reconnu (et approuvé par l’ONU) comme représentant politique du peuple du Sahara Occidental – n’est pas directement affecté. La Cour en tant que telle avait initialement reconnu le Front Polisario comme partie concernée pour le Sahara Occidental – mais étant donné que ces accords ne peuvent pas et ne doivent pas couvrir le Sahara occidental, le Polisario n’est pas affecté, selon l’avocat général.
    Si la Cour plus tard cette année, dans sa décision finale, conclut que les accords mentionnés ci-dessus sont applicables au Sahara Occidental et que le Polisario a le droit de contester la décision, alors le jugement du 10 décembre 2015 d’annuler partiellement l’accord au Sahara Occidental est valide, a fait valoir l’avocat général.
    Le principal argument des institutions européennes était que la conclusion de l’an dernier devait être rejetée puisque le Polisario n’aurait pas de statut juridique devant la cour de l’UE. L’avocat général, en d’autres termes, rejette complètement cette question, en soulignant que l’accord n’a pas d’application au Sahara Occidental, indépendamment du fait que le Polisario ait ou non un statut juridique.
    L’avocat général note :  » De plus, le Front Polisario ne semble pas être un représentant exclusif du peuple du Sahara occidental dans les relations internationales car il n’est pas exclu que l’Espagne, ancien colonisateur de ce territoire, détienne encore des responsabilités à cet égard.  » Cela fait écho à un avis récent de la plus haute juridiction en Espagne.
    Il convient de relever que le point de départ de l’avocat général est que les accords de l’UE ne sont pas applicables au Sahara Occidental. Dans la pratique, cependant, il semble que l’UE est en train de faire exactement le contraire.
    La moitié des usines de transformation du poisson au Maroc approuvées par l’UE, sont en fait situées dans les parties du Sahara occidental que le Maroc occupe depuis 1975. La liste des producteurs de produits de la pêche approuvée par l’UE – une version mise à jour vient d’être publiée il y a quatre jours – comprend un nombre important d’entreprises qui sont situées dans le Sahara Occidental.
    Un autre évènement intéressant se déroule cette semaine. D’ici un ou deux jours, un navire citerne plein d’huile de poisson du Sahara Occidental va arriver dans l’UE. C’est la cargaison de produits de la pêche destinée à l’UE pour laquelle il y a le plus d’informations, et sûrement celle qui la le plus de valeur depuis la décision 10 décembre 2015.
    La décision du 10 décembre 2015 de ne pas autoriser les produits agricoles et de la pêche provenant du Sahara Occidental à s’inscrire dans le cadre de l’accord commercial UE-Maroc semble être totalement ignorée par les institutions de l’UE. Ni l’UE, ni le Maroc, ni les exportateurs ou les importateurs n’ont pris des mesures pour respecter la décision. Les institutions de l’UE n’ont pas demandé de suspension de la décision de la Cour, et ont continué comme si rien n’a changé.
    Western Sahara Resource Watch apprécie l’avis de l’avocat général. « C’est un argumentaire mûrement réfléchi. Nous espérons que ce processus va guider l’UE à être partisane des principes du droit international et des droits de l’homme – non seulement dans les cas où cela sert les intérêts propres de l’UE. Nous demandons à la Commission de prendre des mesures immédiates pour s’assurer qu’aucun des produits du Sahara Occidental n’entre dans l’Union », a déclaré Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch. S. Eyckmans souligne que l’UE a dorénavant une chance d’agir et de montrer son respect pour la Cour cette semaine, avec l’arrivée de la cargaison géante d’huile de poisson en France.
    Le 10 décembre, le Tribunal de la CJUE avait conclu que l’Accord de libre-échange UE-Maroc devrait être annulé dans la mesure où il s’appliquait au Sahara Occidental – une décision contre laquelle le Conseil de l’UE a décidé de faire appel. L’affaire initiale a été intentée en février 2013 par le Front Polisario, demandant l’annulation de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Maroc, puisqu’il s’étendait aux parties du Sahara Occidental que le Maroc maintient sous occupation militaire.

    http://www.wsrw.org/a111x3569

  • Conclusions de l’avocat général dans l’affaire C-104/16 P Conseil / Front Polisario

    Cour de justice de l’Union européenne 
    COMMUNIQUE DE PRESSE n° 94/16
    Luxembourg, le 13 septembre 2016 
    Conclusions de l’avocat général dans l’affaire C-104/16 P Conseil / Front Polisario
    Selon l’avocat général Wathelet, ni l’accord d’association UE-Maroc ni l’accord UE-Maroc sur la libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche ne s’appliquent au Sahara occidental 
    L’avocat général propose donc à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal ayant jugé que ces accords s’appliquent à ce territoire 
    Le Sahara occidental est un territoire du nord-ouest de l’Afrique, bordé par le Maroc au nord, l’Algérie au nord-est, la Mauritanie à l’est et au sud, et l’Atlantique à l’ouest. Actuellement, la plus grande partie du Sahara occidental est contrôlée par le Maroc qui considère en être le souverain. Une partie de moindre taille et très peu peuplée du Sahara occidental, située à l’est du territoire, est contrôlée par le Front Polisario, une organisation qui vise à obtenir l’indépendance du Sahara occidental. 
    L’Union européenne et le Maroc ont conclu en 2012 un accord prévoyant des mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche (« accord de libéralisation »). Cet accord, dont le champ d’application territorial dépend de celui de l’accord d’association UE-Maroc1 , a été formellement conclu par l’Union européenne par le bais d’une décision du Conseil2 . 
    Le Front Polisario a saisi le Tribunal de l’Union européenne pour demander l’annulation de cette décision. Par son arrêt rendu le 10 décembre 2015 3 , le Tribunal a annulé la décision en question en ce qu’elle approuve l’application de l’accord de libéralisation au Sahara occidental. En particulier, le Tribunal a considéré que le Conseil avait manqué à son obligation d’examiner, avant la conclusion de cet accord, s’il n’existait pas d’indices d’une exploitation des ressources naturelles du territoire du Sahara occidental sous contrôle marocain susceptible de se faire au détriment de ses habitants et de porter atteinte à leurs droits fondamentaux. 
    Le Conseil a introduit un pourvoi devant la Cour de justice à l’encontre de l’arrêt du Tribunal. Dans ses conclusions lues ce jour, l’avocat général Melchior Wathelet considère que le Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Maroc et que, partant, contrairement à ce qui a été constaté par le Tribunal, ni l’accord d’association UE-Maroc ni l’accord de libéralisation ne lui sont applicables. 
    En effet, en premier lieu, l’avocat général constate que le Sahara occidental est, depuis 1963, inscrit par l’ONU sur sa liste des territoires non autonomes, qui relèvent du champ d’application de sa résolution portant sur l’exercice du droit à l’autodétermination par les peuples coloniaux4 . 
    S’agissant de la question de savoir si la portée des traités ou accords internationaux conclus par les États administrant des territoires non autonomes s’étend également à ces territoires, l’avocat général relève que la pratique de la majorité de ces États démontre qu’une telle extension est subordonnée à sa prévision expresse lors de la ratification des traités ou accords. Or, les deux accords précités ne comportent aucune disposition visant à étendre leur champ d’application au Sahara occidental et une telle extension n’a pas été prévue non plus lors de la ratification de ces accords par le Maroc. 
    En deuxième lieu, l’avocat général souligne que l’Union et ses États membres n’ont jamais reconnu que le Sahara occidental fait partie du Maroc ou relève de sa souveraineté. En troisième lieu, l’avocat général réfute les arguments selon lesquels la reconnaissance de l’extension de la portée des deux accords en cause au Sahara occidental s’impose au motif que ces accords seraient de toute manière appliqués, de fait, à ce territoire. En effet, les éléments examinés dans la présente affaire ne suffisent pas pour établir l’existence d’une pratique générale et de longue durée qui irait, en toute connaissance des parties concernées, à l’encontre des termes mêmes de ces accords, termes qui limitent le champ d’application des accords au seul territoire du Maroc. Or, seule une telle pratique serait susceptible de constituer un nouvel accord entre les parties sur l’extension du champ d’application territorial des deux accords précités. 
    En quatrième lieu, l’avocat général rappelle que, en principe, le droit international ne permet pas d’étendre le champ d’application d’un traité bilatéral à un territoire qui constitue une partie tierce par rapport aux parties au traité. Or, le Sahara occidental constitue précisément un tel territoire par rapport à l’Union et au Maroc. 
    En raison de l’inapplicabilité des accords précités au Sahara occidental, l’avocat général propose à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal et de rejeter le recours du Front Polisario comme irrecevable car ce dernier n’a plus d’intérêt à faire annuler la décision contestée. Par ailleurs, même si les deux accords étaient applicables au Sahara occidental, l’avocat général est d’avis que le Front Polisario n’est pas directement et individuellement concerné par la décision litigieuse et que, partant, son recours devrait également être rejeté à ce titre. 
    En effet, le Front Polisario n’est reconnu par la communauté internationale que comme le représentant du peuple du Sahara occidental dans le processus politique destiné à résoudre la question de l’autodétermination du peuple de ce territoire et non comme ayant vocation à défendre les intérêts commerciaux de ce peuple. De plus, le Front Polisario ne semble pas être un représentant exclusif du peuple du Sahara occidental dans les relations internationales car il n’est pas exclu que l’Espagne, ancien colonisateur de ce territoire, détienne encore des responsabilités à cet égard. 
    Pour le cas où la Cour déciderait que les accords en cause sont tout de même applicables au Sahara occidental et que le Front Polisario est habilité à contester la décision litigieuse, l’avocat général relève, à l’instar du Tribunal, que le Conseil a manqué à son obligation d’examiner tous les éléments pertinents des circonstances de la conclusion de l’accord de libéralisation. En particulier, bien que, contrairement à ce qui a été décidé par le Tribunal, le Conseil ne fût pas tenu d’évaluer les effets de la conclusion de cet accord sur l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental, il aurait dû prendre en compte la situation des droits de l’homme dans ce territoire ainsi que l’impact potentiel de l’accord sur cette situation. 
    Dans cette hypothèse, l’avocat général estime que le Tribunal a procédé à juste titre à l’annulation partielle de la décision contestée en ce qu’elle approuve l’application de l’accord de libéralisation au Sahara occidental, si bien que le pourvoi du Conseil doit être rejeté comme non fondé. 
    RAPPEL: Les conclusions de l’avocat général ne lient pas la Cour de justice. La mission des avocats
    généraux consiste à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l’affaire dont ils sont chargés. Les juges de la Cour commencent, à présent, à délibérer dans cette affaire. L’arrêt sera rendu à une date ultérieure.
    RAPPEL: La Cour de justice peut être saisie d’un pourvoi, limité aux questions de droit, contre un arrêt ou une ordonnance du Tribunal. En principe, le pourvoi n’a pas d’effet suspensif. S’il est recevable et fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Dans le cas où l’affaire est en état d’être jugée, la Cour peut trancher elle-même définitivement le litige. Dans le cas contraire, elle renvoie l’affaire au Tribunal, qui est lié par la décision rendue par la Cour dans le cadre du pourvoi. 
    1 Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part, signé à Bruxelles le 26 février 1996 et approuvé au nom desdites Communautés par la décision 2000/204/CE, CECA du Conseil et de la Commission, du 24 janvier 2000 (JO 2000, L 70, p. 1).
    2 Décision 2012/497/UE du Conseil, du 8 mars 2012, concernant la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, au remplacement des protocoles nos 1, 2 et 3 et de leurs annexes et aux modifications de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO 2012, L 241, p. 2).
    3 Arrêt du Tribunal du 10 décembre 2015, Front Polisario/Conseil (T-512/12).
    4 Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU du 14 décembre 1960, 1514 (XV) sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.
  • Duro golpe para Marruecos – Bruselas propone mantener el Sáhara fuera de los acuerdos con Marruecos

    El abogado general del Tribunal de Justicia Europeo estimó en conclusiones publicadas el martes que el acuerdo comercial relacionado con los productos agrícolas firmado en 2012 entre el Reino de Marruecos y la Unión Europea (UE) no se aplica al Sahara occidental, dada su cndición de territorio no autónomo bajo supervisión de la ONU.
    Duro golpe para Marruecos. El abogado general del Tribunal de Justicia Europeo (TJE) consideró, este martes 13 de septiembre que « el Sahara Occidental no forma parte del territorio de Marruecos y que, por lo tanto, contrariamente a lo que fue constatado por el Tribunal en su decisión del 10 de diciembre de 2015, ni el Acuerdo de Asociación UE-Marruecos ni el acuerdo de liberalización le son aplicables », indicó un comunicado del tribunal.
    Se trata de una recomendación que precede la decisión final de los jueces de la Corte, prevista en dos meses en este espinoso asunto que opone Marruecos y su socio europeo desde hace 10 meses.
    « En general las recomendaciones del Abogado General son seguidas por el 70% de los jueces, pero puede que estos últimos dén una opinión diferente », precisa un agregado de prensa contactado por Jeune Afrique.
    El Tribunal de Justicia de la Unión Europea anuló el 10 de diciembre de 2015 el acuerdo comercial agrícola firmado en 2012 entre el Reino de Marruecos y la Unión Europea (UE).
    El Tribunal reconoció entonces la posibilidad de demandar del Frente Polisario como persona moral y declaró recurso admisible a trámite porque el Frente Polisario fue directa e individualmente afectado por el acuerdo. En cuanto al fondo, el Tribunal decidió anular el acuerdo porque se aplica al Sahara Occidental.
    Una decisión que provocó la ira de Marruecos, que incluso había anunciado la ruptura de las relaciones diplomáticas con la Unión Europea. Lo cual llevó al Consejo de la Unión Europea a introducir un recurso ante el Tribunal de Justicia reclaamando la anulación de la decisión.
    En sus conclusiones presentadas el martes, el Abogado General, Melchior Wathelet, constata que el Sahara Occidental está, desde 1963, inscrito por la ONU en su lista de territorios no autónomos. « Los acuerdos internacionales concluidos por Marruecos no podrían, por lo tanto, serle aplicados », se afirma en las conclusiones.
    Para él, estos acuerdos no pueden extenderse al territorio porque « la práctica de la mayoría de los Estados demuestra que dicha extensión está sujeta a su expresa previsión en el momento de la ratificación de los tratados o acuerdos. Sin embargo, los dos acuerdos antes mencionados no incluyen disposiciones para extender su campo de aplicación al Sahara Occidental y dicha extensión tampoco ha sido prevista en la ratificación de estos acuerdos por parte de Marruecos « .
  • La campagne d’Europe de Daech

    La campagne d’Europe de Daech : l’Allemagne (1/3)
    Daech considère le continent européen comme un théâtre intégré d’opérations terroristes. La fermeture toute récente du corridor d’accès des djihadistes à la Turquie est intervenue trop tard pour casser l’élan de la campagne d’Europe, lancée par le bien mal-nommé Etat islamique depuis le printemps 2014. C’est pourquoi il faut élargir les problématiques hexagonales, au mieux franco-belges, pour appréhender la menace djihadiste dans sa réalité européenne. L’Allemagne constituera la première de ces études de cas, suivie du Danemark et de l’Espagne.
    UNE DYNAMIQUE FRANCO-ALLEMANDE
    La carte ci-dessous rend compte des actions menées ou inspirées par Daech durant un seul mois, de la mi-juillet à la mi-août 2016. Cette carte présente de sérieux problèmes de méthode, ne serait-ce que pour la date annoncée du 16 juillet 2016, alors qu’elle prend en compte l’attentat de Nice l’avant-veille. Mais elle met en lumière le caractère coordonné de la campagne djihadiste à l’échelle du continent. On ne peut dès lors que regretter que ce soit un think tank basé à Washington, et non une institution européenne, qui ait élaboré ce document, présenté ici par défaut.
    C’est par Francfort qu’était revenu de Syrie Mehdi Nemmouche, le djihadiste français qui a « ouvert » la campagne de Daech en Europe avec l’attaque du Musée juif de Bruxelles (4 morts en mai 2014). Et c’est la reddition d’un djihadiste syrien en France, en février 2016, qui a permis le démantèlement, quatre mois plus tard, d’une cellule de trois autres djihadistes syriens, entrés en Allemagne comme réfugiés, entre mars et juillet 2015. Les trois terroristes projetaient un attentat-suicide dans une rue commerçante de la vieille ville de Düsseldorf.
    LA CIBLE DES RÉFUGIÉS
    De même que l’obsession de Daech est de provoquer la sédition inter-communautaire en France, une obsession comparable voit l’organisation djihadiste chercher avec constance à « impliquer » les réfugiés en Allemagne. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de déstabiliser une société démocratique en alimentant une escalade de violences poussant, par la terreur, certains groupes contre d’autres. La prise des musulmans de France en otages par Daech renvoie à une prise d’otages tout aussi collective des réfugiés moyen-orientaux en Allemagne. A cela s’ajoute la virulente campagne de Daech à l’encontre des réfugiés syriens, accusés d’avoir fui la terre supposée « bénie » du califat autoproclamé.
    On a ainsi assisté en juillet 2016, en écho des tueries de Nice, Magnanville et Saint-Etienne-du-Rouvray, à deux attaques djihadistes en Allemagne, l’une à la hache par un demandeur d’asile afghan de 17 ans, dans un train à Würzburg, l’autre de type kamikaze par un réfugié syrien de 27 ans, contre un festival de musique à Ansbach. Dans les deux cas, les terroristes, loin d’être des « loups solitaires », avaient reçu des instructions depuis le Moyen-Orient juste avant leur passage à l’acte, qui n’a heureusement fait aucune victime mortelle.
    800 DJIHADISTES ALLEMANDS
    Un peu plus de 800 personnes ont rejoint la Syrie et l’Irak depuis l’Allemagne ces dernières années, la plupart pour s’enrôler dans Daech. L’un d’entre eux, Reda Seyam, a même gravi les échelons de la hiérarchie djihadiste jusqu’à en devenir « ministre de l’éducation » (sic), mais sa mort a été annoncée dans un bombardement en Irak en décembre 2014. Le chef du « contingent » allemand serait aujourd’hui un Berlinois né en Autriche, Mohammed Mahmoud, un « vétéran » du djihad médiatique, qui a mis au service de Daech ses compétences acquises auprès d’Al-Qaida (il est apparu en septembre 2015 sur une vidéo d’exécution à Palmyre). Cent quarante djihadistes allemands seraient déjà morts, dont au moins 14 dans des attentats-suicides.
    La police fédérale allemande, le BKA, a étudié le profil de 677 de ces djihadistes. Il en ressort que 61 % sont nés en Allemagne (contre 6 % en Turquie, 5 % en Syrie et 5 % en Russie) et 64 % ont la nationalité allemande. 21 % sont des femmes et 18 % des convertis, une proportion légèrement inférieure à celle enregistrée en France. Un de ces convertis, Christian Emde, a acquis une notoriété certaine après avoir été interviewé sur place par le journaliste allemand Jürgen Todenhöfer, instrument volontaire de la propagande de Daech en décembre 2014.
    L’OMBRE DE L’AMNI
    Nils Donath, arrêté en Allemagne peu après les attentats de janvier 2015 à Paris, a reconnu avoir été membre de l’Amni, la branche sécuritaire de Daech qui, sur le modèle des « services » de Saddam, a évolué des besognes de basse police vers les actions en territoire « ennemi ». L’Amni, surnommé « la Gestapo de Daech » par certains analystes allemands (et parfois transcrit Emni dans la presse anglo-saxonne), est aujourd’hui responsable de la planification terroriste internationale. L’Amni avait ainsi au moins tenté de recruter Harry Sarfo, un autre djihadiste interpellé en Allemagne en juillet 2015. Un troisième djihadiste, arrêté en avril 2016, aurait même été « infiltré » dans les filières de réfugiés par nul autre qu’Abdelhamid Abaaoud, le responsable du massacre du 13 novembre 2015 à Paris, tué peu après à Saint-Denis.
    C’est l’éventualité d’un triangle opérationnel entre l’Allemagne, la France et la Belgique, qui préoccupe le plus les spécialistes allemands du contre-terrorisme. Mais leur pire cauchemar serait bien entendu un attentat sanglant perpétré par un réfugié, qui déchaînerait les passions populistes, voire racistes. Pour l’heure, l’Allemagne a échappé à ce scénario-catastrophe, même si la vigilance est de rigueur outre-Rhin.
    Nous verrons dans le prochain post comment le défi djihadiste se pose, cette fois au Danemark.
    La campagne d’Europe de Daech : le Danemark (2/3)
    En termes de menace jihadiste, le Danemark représente en Europe un cas très particulier du fait de la conjonction de trois facteurs : une longue histoire de complots terroristes depuis 2005 ; une très forte proportion de « volontaires » du jihad, partis en Syrie plutôt qu’en Irak ; un programme de «déradicalisation » tout à fait innovant, source de nombreux débats.
    D’AL-QAIDA A DAECH (2005-2015)
    C’est en 2005 qu’est mise en ligne la proclamation de la création d’une branche d’« Al-Qaida pour l’Europe du Nord ». Le service de sécurité danois (PET)démantèle peu après une cellule jihadiste à Glostrup, une banlieue de Copenhague. Les interpellations, liées à des arrestations opérées en Bosnie et en Grande-Bretagne, laissent ouverte la question de la localisation des cibles de cette « cellule de Glostrup », soit des institutions au Danemark, soit des ambassades occidentales à Sarajevo.
    Deux ans plus tard, c’est dans une autre banlieue de Copenhague, Glasvej, que huit personnes sont arrêtées sur l’accusation de préparer des attentats à la bombe. Deux d’entre elles, d’origine pakistanaise et afghane, seront condamnées à 12 et 7 ans de prison. Selon un processus bien connu, par exemple en France, des liens sont établis entre les cellules de Glostrup et Glasvej. En revanche, les deux attaques de 2010 visant le Jyllands-Posten, le journal ayant publié en 2005 les caricatures du prophète Mohammed, apparaissent comme des raids, heureusement inaboutis, menés à partir de l’étranger (en janvier, la tentative de meurtre d’un de ses dessinateurs par un jihadiste somalien ; en septembre, l’explosion anticipée d’une bombe blessant un extrémiste tchétchène, vivant en Belgique).
    Les 14 et 15 février 2015, Omar el-Hussein, un Danois de 22 ans, d’origine jordano-palestinienne, tue deux personnes à Copenhague dans deux attaques à l’arme automatique, l’une contre une réunion littéraire (photo ci-dessous), l’autre contre la Grande Synagogue, avant d’être lui-même abattu. Le terroriste, au passé délinquant déjà lourd, venait d’être libéré de prison, où son ralliement affiché aux thèses de Daech avait été signalé au PET. Loin d’être un « loup solitaire », il bénéficiait d’un réseau de soutien d’au moins quatre complices, eux aussi issus de bandes criminelles. Cette affaire conduit à la démission du chef du PET.
    LES « VETERANS » DE SYRIE
    En avril 2016, le PET estime à au moins 135 le nombre de jihadistes partis du Danemark en Syrie, plutôt qu’en Irak. La moitié serait d’ores et déjà de retour et 35 auraient été tués sur place. A titre de comparaison, cela fait une proportion de « volontaires » pour le jihad moyen-oriental de 24 pour un million, contre 10 pour un million dans l’Allemagne voisine. Shiraz Tariq, qui animait précédemment le groupe « Appel de l’Islam » (Kaldet til Islam) à Copenhague, a joué un rôle pionnier dans ces « montées au jihad », jusqu’à sa mort en Syrie en septembre 2013.
    Jakob Sheikh, journaliste au quotidien danois Politiken, a enquêté sur un de ses amis d’enfance, devenu combattant d’Al-Qaida en Syrie, avant de rallier Daech. Il a depuis interviewé 16 jihadistes, au Moyen-Orient et au Danemark. Il a été frappé par la défiance exprimée par les sympathisants de Daech envers les mosquées au Danemark, les réseaux militants s’étant clairement constitués en dehors des lieux de culte, voire en opposition à eux. Par ailleurs, l’attachement à « l’Etat » (islamique) et la volonté de « revanche » pour restaurer « l’honneur » perdu reviennent comme des mantras dans ces entretiens.
    LE PARI D’ARHUS
    La deuxième ville du Danemark, Arhus, est aussi la seconde base de départ pour le jihad moyen-oriental, après Copenhague. Un programme inédit de « déradicalisation », inspiré de l’action déjà menée pour détourner les jeunes des gangs, y a été mis au point sous le nom d’Exit. Il vise à la fois, d’une part, à prévenir l’embrigadement jihadiste, chez des jeunes identifiés comme vulnérables, et, d’autre part, à favoriser la réinsertion de « vétérans », traités pour leurs traumatismes de guerre, au-delà d’un bagage jihadiste toujours soumis à surveillance.
    « Le Monde » avait également rapporté l’expérience tout aussi pionnière du club de foot de Charlotteager, dans la banlieue de Copenhague, mêlant « repentis » du monde des gangs et de la mouvance jihadiste. La prise en compte de la perméabilité entre ces deux milieux est sans doute la dimension la plus originale de l’expérience danoise. De fait, aucun attentat n’a été à déplorer au Danemark depuis février 2015 (Daech a revendiqué la fusillade du 1er septembre 2016 dans le quartier de Christiania, à Copenhague, qui a fait trois blessés, mais les autorités affirment que l’auteur, mortellement blessé au cours d’une intervention policière, était un trafiquant de drogue).
    Nous verrons dans le troisième et dernier post de cette série comment le défi jihadiste se pose, cette fois en Espagne.
    La campagne d’Europe de Daech : l’Espagne (3/3)
    Après l’Allemagne et le Danemark, nous complétons cette série sur la campagne de Daech en Europe par une troisième et dernière étude de cas : l’Espagne.
    Le 11 mars 2004, l’Espagne a été frappée par ce qui demeure à ce jour, avec 192 morts, le pire attentat djihadiste sur le continent européen. Rappelons que ce carnage avait, trois jours plus tard, contribué à la défaite électorale du gouvernement conservateur, du fait de son refus d’accepter la réalité djihadiste et de son entêtement, au prix des pires manipulations, à accuser le terrorisme basque de l’ETA.
    L’Espagne a tiré les leçons de cette terrible tragédie en recentrant de manière volontariste ses moyens de prévention, de police et de renseignement sur l’ETA vers la menace djihadiste. Ceci est tout particulièrement vrai au niveau des services centraux, Garde civile, Corps National de Police (CNP) et Centre National du Renseignement (CNI), dont le directeur, ancien chef d’Etat-Major, a rang de secrétaire d’Etat. Mais cette priorité accordée à la menace djihadiste a aussi opéré au niveau des Mossos d’Esquadra, la police autonome de la Generalitat de Catalogne.
    CEUTA, MELILLA ET CATALOGNE
    Les deux principaux foyers de propagande, voire de recrutement djihadiste apparaissent comme étant la Catalogne d’une part, les villes de Ceuta et de Melilla, enclavées en territoire marocain, d’autre part. En avril 2015, les Mossos d’Esquadra ont ainsi procédé à onze arrestations, dont sept à Terrassa, non loin de Barcelone. La cellule djihadiste démantelée comportait six convertis, cinq de nationalité espagnole et un Paraguayen. Le coup de filet était lié à l’interception, cinq mois plus tôt en Bulgarie, de trois djihadistes partis rejoindre Daech en Syrie.
    Le journaliste Ignacio Cembrero vient de publier le fruit d’années d’enquête dans L’Espagne d’Allah, le titre de son livre (ci-dessous). Cette étude très fouillée mériterait une traduction en français, même si le sous-titre (« Les Musulmans sont de retour »), sans doute imposé par l’éditeur, est un peu dérangeant. L’auteur dresse le portrait contrasté et passionnant d’une communauté en plein essor, mais aussi en profonds débats sur sa place dans la société espagnole. La dimension djihadiste est loin d’être centrale alors même que, en Espagne comme en France, c’est trop souvent selon ce prisme que les musulmans sont jugés.
    Cembrero démontre par ailleurs que la collaboration antiterroriste tant vantée entre les services espagnols et marocains (DGED) connaît ses limites (par exemple, quand un imam marocain, enrôlé sous la bannière de l’indépendantisme catalan, est expulsé en mai 2013 car agent de la DGED). L’agitation pro-djihadiste à Ceuta et Melilla peut aussi être analysée comme un prolongement de ce mouvement au Maroc même (qui ne compte pas moins de 1500 combattants dans les rangs de Daech), plutôt que comme un défi spécifiquement espagnol (c’est aussi la conclusion à laquelle parvenait dès 2015 l’universitaire Luis de la Corte dans une étude très documentée).
    PROFILS DJIHADISTES
    L’Espagne a atteint aujourd’hui un total de quelque 160 djihadistes engagés au Moyen-Orient (29 sont morts sur place et 20 sont revenus), un chiffre comparable à celui du Danemark, dont la population est pourtant huit fois moins élevée. Ce niveau relativement bas peut, entre autres, s’expliquer par une action préventive très volontariste, puisque plus de cinquante opérations policières ont été menées contre les réseaux favorables à Daech en Espagne, entre juin 2013 et mai 2016 (dont huit effectuées en collaboration avec le Maroc).
    C’est sur la base des profils des 124 personnes arrêtées au cours de ces opérations que Fernando Reinares et Carola Garcia-Calvo, deux chercheurs de l’institut Elcano, ont élaboré la recherche statistique à ce jour la plus poussée sur le djihadisme espagnol. Il en ressort que 17% des djihadistes sont des femmes, avec de nombreux cas de « montée au djihad » d’une famille entière. 45% ont la nationalité espagnole et 41% sont des sujets marocains (39% sont nés en Espagne et 46% au Maroc). 30% résidaient à Barcelone, 22% à Ceuta et 15% à Madrid.
    14% sont des convertis, mais cette proportion relativement faible doit être analysée à la lumière du fait que 11% seulement ont une connaissance digne de ce nom de l’Islam. Près de 45% ont des antécédents pénaux, ce qui conforte l’image d’un « blanchiment » de la délinquance par le djihad, sans véritable substrat religieux. L’immense majorité des détenus ont basculé dans le djihadisme en groupe, sous l’influence d’un ou de plusieurs proches. Un tiers des détenus ne cachaient pas leur détermination à mener des attentats en Espagne même. Cela illustre une fois l’inanité du mythe des « représailles » djihadistes : l’Espagne n’est en effet engagée dans aucune opération militaire au Moyen-Orient.
    UNE BASE ARRIERE ?
    L’Espagne a fort heureusement été épargnée à ce jour par le terrorisme de Daech. Mais les responsables espagnols n’en tirent aucune raison pour baisser la garde, bien au contraire. Leur pays est apparu comme un chaînon essentiel, voire une base arrière dans la commission d’attentats djihadistes dans d’autres pays européens : 
    Amedy Coulibaly, le tueur de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, en janvier 2015, avait pris soin, avant le carnage, d’exfiltrer sa compagne Hayat Boumediene depuis l’aéroport de Madrid vers le sanctuaire syrien de Daech, via Istanbul ; 
    Ayoub El Khazzani, auteur de l’attaque avortée dans le Thalys Bruxelles-Paris, en août 2015, avait résidé en Espagne, entre Madrid et Algésiras, de 2007 à 2014 (les services espagnols l’avaient interpellé, à la faveur d’une affaire de drogue, en septembre 2012, et signalé comme « potentiellement dangereux » d’un point de vue djihadiste). 
    Ces deux éléments, parmi tant d’autres, mettent en lumière, au-delà des études de cas nationaux, le caractère coordonné de la campagne de Daech à l’échelle du continent européen.
  • TJUE : Conclusions de l’avocat général

    94/2016 : 13 septembre 2016 – Conclusions de l’avocat général dans l’affaire C-104/16 P
    Cour de justice de l’Union européenne
    COMMUNIQUE DE PRESSE n° 94/16
    Luxembourg, le 13 septembre 2016
    Presse et Information 
    Conclusions de l’avocat général dans l’affaire C-104/16 P
    Conseil / Front Polisario
    Selon l’avocat général Wathelet, ni l’accord d’association UE-Maroc ni l’accord UE-Maroc sur la libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche ne s’appliquent au Sahara occidental
    L’avocat général propose donc à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal ayant jugé que ces accords s’appliquent à ce territoire
    Le Sahara occidental est un territoire du nord-ouest de l’Afrique, bordé par le Maroc au nord, l’Algérie au nord-est, la Mauritanie à l’est et au sud, et l’Atlantique à l’ouest. Actuellement, la plus grande partie du Sahara occidental est contrôlée par le Maroc qui considère en être le souverain. Une partie de moindre taille et très peu peuplée du Sahara occidental, située à l’est du territoire, est contrôlée par le Front Polisario, une organisation qui vise à obtenir l’indépendance du Sahara occidental.
    L’Union européenne et le Maroc ont conclu en 2012 un accord prévoyant des mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche (« accord de libéralisation »). Cet accord, dont le champ d’application territorial dépend de celui de l’accord d’association UE-Maroc1, a été formellement conclu par l’Union européenne par le bais d’une décision du Conseil2.
    Le Front Polisario a saisi le Tribunal de l’Union européenne pour demander l’annulation de cette décision. Par son arrêt rendu le 10 décembre 20153, le Tribunal a annulé la décision en question en ce qu’elle approuve l’application de l’accord de libéralisation au Sahara occidental. En particulier, le Tribunal a considéré que le Conseil avait manqué à son obligation d’examiner, avant la conclusion de cet accord, s’il n’existait pas d’indices d’une exploitation des ressources naturelles du territoire du Sahara occidental sous contrôle marocain susceptible de se faire au détriment de ses habitants et de porter atteinte à leurs droits fondamentaux.
    Le Conseil a introduit un pourvoi devant la Cour de justice à l’encontre de l’arrêt du Tribunal.
    Dans ses conclusions lues ce jour, l’avocat général Melchior Wathelet considère que le Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Maroc et que, partant, contrairement à ce qui a été constaté par le Tribunal, ni l’accord d’association UE-Maroc ni l’accord de libéralisation ne lui sont applicables.
    En effet, en premier lieu, l’avocat général constate que le Sahara occidental est, depuis 1963, inscrit par l’ONU sur sa liste des territoires non autonomes, qui relèvent du champ d’application de
    1 Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part, signé à Bruxelles le 26 février 1996 et approuvé au nom desdites Communautés par la décision 2000/204/CE, CECA du Conseil et de la Commission, du 24 janvier 2000 (JO 2000, L 70, p. 1).
    2 Décision 2012/497/UE du Conseil, du 8 mars 2012, concernant la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, au remplacement des protocoles nos 1, 2 et 3 et de leurs annexes et aux modifications de l’accord euro-méditerranéen établissant une
    association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO 2012, L 241, p. 2).
    3 Arrêt du Tribunal du 10 décembre 2015, Front Polisario/Conseil (T-512/12).
    sa résolution portant sur l’exercice du droit à l’autodétermination par les peuples coloniaux4. S’agissant de la question de savoir si la portée des traités ou accords internationaux conclus par les États administrant des territoires non autonomes s’étend également à ces territoires, l’avocat général relève que la pratique de la majorité de ces États démontre qu’une telle extension est subordonnée à sa prévision expresse lors de la ratification des traités ou accords. Or, les deux accords précités ne comportent aucune disposition visant à étendre leur champ d’application au Sahara occidental et une telle extension n’a pas été prévue non plus lors de la ratification de ces accords par le Maroc.
    En deuxième lieu, l’avocat général souligne que l’Union et ses États membres n’ont jamais reconnu que le Sahara occidental fait partie du Maroc ou relève de sa souveraineté.
    En troisième lieu, l’avocat général réfute les arguments selon lesquels la reconnaissance de l’extension de la portée des deux accords en cause au Sahara occidental s’impose au motif que ces accords seraient de toute manière appliqués, de fait, à ce territoire. En effet, les éléments examinés dans la présente affaire ne suffisent pas pour établir l’existence d’une pratique générale et de longue durée qui irait, en toute connaissance des parties concernées, à l’encontre des termes mêmes de ces accords, termes qui limitent le champ d’application des accords au seul territoire du Maroc. Or, seule une telle pratique serait susceptible de constituer un nouvel accord entre les parties sur l’extension du champ d’application territorial des deux accords précités.
    En quatrième lieu, l’avocat général rappelle que, en principe, le droit international ne permet pas d’étendre le champ d’application d’un traité bilatéral à un territoire qui constitue une partie tierce par rapport aux parties au traité. Or, le Sahara occidental constitue précisément un tel territoire par rapport à l’Union et au Maroc.
    En raison de l’inapplicabilité des accords précités au Sahara occidental, l’avocat général propose à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal et de rejeter le recours du Front Polisario comme irrecevable car ce dernier n’a plus d’intérêt à faire annuler la décision contestée.
    Par ailleurs, même si les deux accords étaient applicables au Sahara occidental, l’avocat général est d’avis que le Front Polisario n’est pas directement et individuellement concerné par la décision litigieuse et que, partant, son recours devrait également être rejeté à ce titre. En effet, le Front Polisario n’est reconnu par la communauté internationale que comme le représentant du peuple du Sahara occidental dans le processus politique destiné à résoudre la question de l’autodétermination du peuple de ce territoire et non comme ayant vocation à défendre les intérêts commerciaux de ce peuple. De plus, le Front Polisario ne semble pas être un représentant exclusif du peuple du Sahara occidental dans les relations internationales car il n’est pas exclu que l’Espagne, ancien colonisateur de ce territoire, détienne encore des responsabilités à cet égard.
    Pour le cas où la Cour déciderait que les accords en cause sont tout de même applicables au Sahara occidental et que le Front Polisario est habilité à contester la décision litigieuse, l’avocat général relève, à l’instar du Tribunal, que le Conseil a manqué à son obligation d’examiner tous les éléments pertinents des circonstances de la conclusion de l’accord de libéralisation. En particulier, bien que, contrairement à ce qui a été décidé par le Tribunal, le Conseil ne fût pas tenu d’évaluer les effets de la conclusion de cet accord sur l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental, il aurait dû prendre en compte la situation des droits de l’homme dans ce territoire ainsi que l’impact potentiel de l’accord sur cette situation. Dans cette hypothèse, l’avocat général estime que le Tribunal a procédé à juste titre à l’annulation partielle de la décision contestée en ce qu’elle approuve l’application de l’accord de libéralisation au Sahara occidental, si bien que le pourvoi du Conseil doit être rejeté comme non fondé.RAPPEL: Les conclusions de l’avocat général ne lient pas la Cour de justice. La mission des avocats généraux consiste à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l’affaire dont ils
    4 Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU du 14 décembre 1960, 1514 (XV) sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.
    sont chargés. Les juges de la Cour commencent, à présent, à délibérer dans cette affaire. L’arrêt sera rendu à une date ultérieure.RAPPEL: La Cour de justice peut être saisie d’un pourvoi, limité aux questions de droit, contre un arrêt ou une ordonnance du Tribunal. En principe, le pourvoi n’a pas d’effet suspensif. S’il est recevable et fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Dans le cas où l’affaire est en état d’être jugée, la Cour peut trancher elle-même définitivement le litige. Dans le cas contraire, elle renvoie l’affaire au Tribunal, qui est lié par la décision rendue par la Cour dans le cadre du pourvoi.
    Document non officiel à l’usage des médias, qui n’engage pas la Cour de justice. Le texte intégral des conclusions est publié sur le site CURIA le jour de la lecture.
    Contact presse: Gilles Despeux  (+352) 4303 3205
    Des images de la lecture des conclusions sont disponibles sur « Europe by Satellite »  (+32) 2 2964106