Mois : juillet 2012

  • Le Mujao, l’ennemi venu du Sud

    Le Mouvement unicité et jihad en Afrique de l’Ouest a revendiqué, vendredi soir, l’attentat à la voiture piégée qui a ciblé le siège du quatrième commandement régional de la Gendarmerie nationale de Ouargla. Une opération qui confirme aujourd’hui que le Mujao est devenu une véritable menace pour la sécurité intérieure de l’Algérie. 
    Tarek Hafid – Alger (Le Soir) – Les terroristes du Mouvement unicité et jihad en Afrique de l’Ouest n’ont attendu que quelques heures pour revendiquer l’attentat qui a ciblé vendredi matin le siège du commandement régional de la Gendarmerie nationale de Ouargla. «L’attaque contre le siège de la gendarmerie algérienne ce (vendredi) matin à Ouargla a été effectuée par un jeune Algérien de la même ville. (…) Les cellules de la branche Mujao en Algérie ont réussi à asséner une punition rapide pour les autorités algériennes», a rapporté tard dans la nuit de vendredi l’Agence France Presse en citant un message transmis par le porte-parole du Mujao, Adnan Abu Walid Sahraoui. «Sa voiture Toyota 4×4 transportait presque 1 300 kg de matières explosives, et les services de renseignements de l’Algérie n’ont pas estimé la situation comme il faut», a précisé le porte-parole de cette organisation terroriste. Dans son message, Adnan Abu Walid Sahraoui justifie cet attentat en accusant l’Algérie d’avoir poussé le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA, organisation politique des Touareg du Nord-Mali) à combattre le Mujao. «Le MNLA a été poussé par l’Algérie à aller dans une guerre avec les moujahidine perdue d’avance», note-t-il. La piste du Mujao n’a donc pas tardé à se confirmer. Après Tindouf au mois d’octobre 2011, Tamanrasset en mars et Gao en avril, le groupe terroriste est sorti de la zone du Sahel pour remonter vers le nord du territoire algérien et frapper une cible située dans un périmètre hautement sécurisé. 
    Narcotrafic
    Le montage d’une telle opération nécessite la mise en œuvre d’une organisation importante. Le Mujao a vraisemblablement dû monter plusieurs réseaux pour obtenir des renseignements et acheminer le véhicule, les armes et les explosifs. Il a sûrement dû recruter parmi les éléments de certaines «cellules dormantes » d’Al-Qaïda, probablement de Ouargla ou de Oued-Souf. En fait, cette sortie opérée en dehors de sa «zone d’influence» a été rendue possible grâce à un atout-clé : l’argent. Selon certains observateurs de la situation sécuritaire au Sahel, la force du Mouvement unicité et jihad en Afrique de l’Ouest réside dans ses capacités financières. Entré en activité en automne 2011, le Mujao a été créé par des terroristes d’Aqmi suite à un conflit sur le partage de l’argent de la drogue. La «dissidence» avec l’organisation d’origine, évoquée lors de la première opération (le kidnapping des trois ressortissants européens d’un camp de réfugiés sahraouis de Tindouf), n’a aucune base idéologique mais repose uniquement sur la «gestion» du flux du narcotrafic. Ces dernières années, Aqmi et, depuis peu, le Mujao sont chargés de sécuriser le transport de stupéfiants. Car la drogue circule en très grandes quantités dans la sous-région du Sahel. Il y a d’abord le chanvre indien que produit le Maroc en quantité industrielle. Celui-ci traverse les régions frontalières de Tindouf et de Béchar puis la Mauritanie, le Mali, le Niger avant d’être acheminé vers les pays du Moyen-Orient et d’Asie. Il y a ensuite la cocaïne latino-américaine qui arrive par navire jusqu’aux côtes d’Afrique occidentale — notamment la Guinée-Bissau — avant de transiter à travers la sous-région du Sahel et remonter vers les pays européens. La «prestation» offerte aux narcotrafiquants par Aqmi et le Mujao permet à ces deux organisations terroristes d’amasser d’importantes sommes en euro et en dollar américain. Les kidnappings, autre source de financement de ces organisations dans la région, n’a, pour l’heure, pas rapporté grand-chose au Mujao. Contrairement à Aqmi, qui est parvenue à «monnayer» la vie de plusieurs otages ces dernières années.
    Effet Frankenstein 
    Cependant, le Mujao n’est pas une simple organisation terroriste qui brasse des milliards. Ce groupe dispose également d’un agenda politique très précis. Un agenda axé sur le Nord-Mali — qu’il contrôle en partie — et surtout l’Algérie. «Le Mujao est un groupe douteux. Il porte le nom de l’Afrique de l’Ouest mais s’attaque à l’Algérie. Sa première cible a été les camps de réfugiés à Tindouf où il kidnappe des ressortissants étrangers. Cette opération a fait le bonheur du Maroc car l’enlèvement visé a discrédité l’Algérie et le Front Polisario. Ceci avait permis au Maroc et à d’autres de dire que l’Algérie n’a pas la capacité de jouer le rôle de leader au Sahel. Puis il y a l’attaque de Tamanrasset qui ne se trouve pas en Afrique de l’Ouest», souligne Yahia Zoubir, professeur de relations internationales et directeur de recherche en géopolitique à Euromed Management Marseille. Le professeur Yahia Zoubir estime que les véritables initiateurs du Mouvement unicité et jihad en Afrique de l’Ouest ne devaient pas tarder à apparaître au grand jour. «Mais, comme on l’a vu pendant la guerre d’Afghanistan, ce genre de mouvement se retourne contre ceux qui ont permis sa création, c’est ce que l’on appelle l’effet Frankenstein.»
  • « L’Algérie a cette malchance d’avoir comme voisin un narco-Etat » (Me Ksentini)

    « L’Algérie a cette malchance d’avoir comme voisin un narco-Etat ». Cette plainte « fraternelle » est de Me Kesentini qui a plaidé, hier, pour des négociations entre l’Algérie et la Maroc pour faire participer ce dernier à la lutte contre la drogue. « Il faut que des négociations soient engagées et que des propositions soient faites », a-t-il suggéré.  
    Une campagne-pilote de sensibilisation sur la consommation des drogues parmi les enfants, menée à Constantine et appelée à être élargie sur l’échelle nationale, a abouti à des constats qui, le moins que l’on puisse dire, donnent froid dans le dos. 
    Me Fatma-Zohra Benbraham, qui présentait le projet, durant une conférence de presse, en compagnie de M. Farouk Kesentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l’homme (CNCPPDH) ainsi que de Me Krikou Kaouter représentante du bâtonnat régional de Constantine, qui a piloté cette campagne, assurera que « des drogues sont commercialisées en guise de bonbons ». Ce n’est pas tout ! « Des délinquants font appel à des écoliers pour transporter leurs drogues en contrepartie de l’argent ou de friandises », dira Me Benbraham et d’ajouter : « les enfants sont devenus des pourvoyeurs de drogues ». D’où, selon les conférenciers, une meilleure sensibilisation quant à ce phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur. « Jamais, en Algérie, il n’y a eu autant de drogues ! », assurera, pour sa part, Me Kesentini. 
    S’agissant de la réouverture des frontières, le Président de la CNCPPDH s’est dit carrément contre, avançant l’argument que sur le plan économique, cette éventualité n’apportera aucun bénéfice pour l’Algérie. « Nous ne pouvons rien exporter », a-t-il rappelé ; autant protéger les jeunes Algériens des drogues qui nous parviendraient de ce pays.
  • MUJAO, l’organisarion qui ne s’en prend qu’à l’Algérie et aux sahraouis

    Ansar Edine, MUJAO et Aqmi : Les conséquences sur l’Algérie
    Les nouvelles venant du Nord du Mali tombent l’une après l’autre, là où les terroristes de différentes factions assiègent cette vaste partie, voire à quelques kilomètres des frontières algériennes. Les fous de Dieu ont pourchassé les combattants du MNLA des deux villes, Gao et Tombouctou. Ils ont instauré la Charia et détruit des mausolées qui, pourtant, faisaient la fierté du peuple malien. Un pire scénario à l’ »Afghanisatisme ». Quelles sont les conséquences sur la stabilité et la sécurité de l’Algérie ?
    L’Algérie suit de plus près l’évolution inquiétante au Nord du Mali. Une zone à haut risque, d’autant que les terroristes ont réussi de se métamorphoser et ce, à quelques dizaines de kilomètres des frontières algériennes. En effet, les terroristes, au nombre de plusieurs milliers, ont assiégé les grandes villes du Nord du Mali. Un décor propre à celui qui est vécu, actuellement, à l’Afghanistan.
    Des véhicules de type 4X4 sillonnent les rues des villes de Gao, Tombouctou, Agheloc et Kidal, appartenant à Al Qaida, Ansar Edine et Mouvement pour l’Unicité et Jihad en Afrique de l’Ouest.
    Les dépassements des groupuscules terroristes ont atteint le seuil. Ils ont non seulement, installé la Charia dans toutes les villes du nord malien, mais ces fous de Dieu ont, encore plus loin, pourchassé les combattants Azawads suite à plusieurs accrochages sanglants signalés à Gao et Tombouctou.
    Le MNLA qui, au départ, a réussi de contrôler ces villes après avoir traqué l’armée malienne, s’est vu à son tour, pourchassé par les salafistes armés. Un scénario dont le MNLA n’avait pas prévu, lui qui avait déjà annoncé la création de son Etat et déclaré son indépendance. Effet boomerang.
    Du coup, les terroristes ont infligé des pertes colossales au MNLA. On parle déjà de la mort d’une trentaine de combattants de l’Azawad lors d’un violent accrochage à Gao, entre les terroristes du MUJAO et les rebelles du MNLA.
    C’était le cas aussi à Tombouctou, là où les terroristes d’Ansar Edine ont réédité le coup en tuant plusieurs rebelles Azawadis, obligeant ainsi au MNLA de quitter rapidement cette ville.
    Plus grave également, des mausolées ont été détruits par la branche armée malienne, Ansar Edine, à Tombouctou.
    Une ville symbolique du Mali, là où autrefois, des pèlerins venus des quatre coins de l’Afrique, se rendaient visite pour visiter le mausolée du Saint Sidi Mahmoud.
    Un patrimoine mondial inscrit sur les annales de l’Unesco est en péril. Cela nous rappelle les agissements des talibans en Afghanistan, lorsqu’ils ont fait explosé les statuts de Bouddhistes en février 2001.
    Le MUJAO, le mystérieux groupe terroriste qui s’en prend à l’Algérie
    Le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), est une organisation terroriste créée récemment. Etrangement, depuis sa naissance en mars 2011, cette organisation criminelle s’en prend uniquement à l’Algérie. Des attaques terroristes ont été opérées par ce groupe sanguinaire ciblant, bizarrement, la ceinture sécuritaire de l’Algérie. A Tindouf comme à Tamanrasset et récemment à Ouargla, les villes « symboliques » algériennes ont été le théâtre des attentats commis par le MUJAO. Le dernier attentat kamikaze exécuté par ce groupe mystérieux est fait avant-hier seulement. C’est à Ouargla, là où les sbires d’Abou Gaâgaâ, chef sanguinaire de cette organisation terroriste, avaient frappé en exécutant un attentat suicide ciblant le corps de la Gendarmerie Nationale. Pourquoi maintenant ? C’est la question à laquelle des observateurs de la scène sécuritaire tentent de trouver une réponse quant à l’attentat suicide qui a ciblé, avant-hier, à 5h, le siège du Commandement régional de la Gendarmerie nationale de Ouargla. L’attentat, revendiqué, dans la même journée, en milieu d’après-midi, par le Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), intervient, au lendemain de violents affrontements armés entre cette organisation terroriste et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) à Gao, ville du nord du Mali. Des affrontements au bout desquels le Mujao s’est entièrement emparé de Gao et Tombouctou, deux villes du nord du Mali. Elle intervient, surtout, après la déclaration faite par le directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), le Général-Major Abdelghani Hamel, que « les jeunes citadins ne rejoignent plus les maquis terroristes », le déplacement, récent, du Général-Major Ahmed Bousteilla, commandant de la Gendarmerie nationale, aux frontières algéro-marocaines et les instructions données aux garde-frontières (GGF) de renforcer la lutte contre les narcotrafiquants, ainsi que celle faite par le général du corps d’armée Gaïd Salah, à l’ occasion de la sortie de la quarantième promotion, mercredi dernier, à l’Académie militaire inter-armes de Cherchell, en présence du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, confirmant le refus de l’Algérie d’abandonner la lutte contre le terrorisme. L’attentat suicide d’hier est-il une réaction à l’un de ces événements ? A-t-il été décidé par le mystérieux Mujao pour toutes ces déclarations ? Le mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (qui, rappelle-t-on, sévit bizarrement en Afrique du Nord), est présenté comme étant une « dissidence » d’Aqmi. La création de cette organisation terroriste dirigée par un chef terroriste connu sous le pseudonyme de Abou Gaâgaâ, d’origine mauritanienne, en décembre 2011, impose nombre de questions dont celle relative à sa capacité de nuisance. En effet, comment le Mujao a, en seulement quelques mois, pu se doter d’une telle capacité de nuisance qu’Aqmi, dont il serait issu, ne dispose pas ? L’organisation terroriste a, rappelle-t-on, revendiqué l’enlèvement de trois Occidentaux, deux Espagnols et une Italienne, dans les camps de réfugiés sahraouis, à Tindouf, l’attentat suicide perpétré, le 3 mars 2012 contre un siège de la Gendarmerie nationale dans la wilaya de Tamanrasset, et le rapt, le 5 avril de la même année, de sept diplomates algériens à Gao, ville du nord du Mali. La même organisation terroriste a, rappelle-t-on, exigé le versement d’une rançon de 15 millions d’euros et la libération de détenus « Djihadistes » en Algérie ; faute de quoi le Mujao assassinerait les otages, menaçant, aussi, de perpétrer de nouveaux attentats contre l’Algérie. La justice algérienne, bien au contraire, poursuit la programmation de procès contre les chefs et éléments d’Aqmi. C’est ainsi qu’il y a trois jours, l’actuel émir national d’Al Qaïda au Maghreb islamique, a été condamné à la peine capitale au terme d’un procès ayant eu lieu au tribunal criminel près la cour d’Alger. C’est donc la détermination de l’Algérie, dans sa lutte contre toutes les formes du crime organisé et transfrontalier, dont le narcotrafic, face à l’acharnement terroriste représenté par Aqmi et le Mujao, qui est visée. 
    Par Lotfi Itou
    Les Débats, 1/07/2012