Mois : mai 2011

  • Amnesty International dénonce les exactions marocaines

    Londres, 13 mai 2011 (SPS)- Dans son rapport sur la situation au Maroc et au Sahara Occidental durant l’année 2010, l’organisation internationale de défense des droits humains, Amnesty International a dénoncé la répression exercée par les forces d’occupation marocaines au Sahara Occidental.

    « La liberté d’expression, d’association et de réunion était toujours restreinte, tout particulièrement à propos de questions considérées comme politiquement sensibles, et notamment le statut du Sahara occidental. Cette année encore, des défenseurs des droits humains, des journalistes, des membres du groupe politique interdit Justice et bienfaisance, ainsi que des militants sahraouis ont été harcelés et poursuivis pour des motifs politiques. Plusieurs dizaines de personnes soupçonnées d’infractions liées à la sécurité ont été emprisonnées ; certaines, maintenues au secret, auraient été torturées ou maltraitées. Des affrontements ont éclaté lorsque les forces de sécurité ont fait évacuer par la force des milliers de Sahraouis d’un campement dressé à titre de protestation. Plusieurs personnes ont été tuées et d’autres ont été blessées. Les arrestations et les expulsions collectives d’étrangers se sont poursuivies. Des condamnations à mort ont été prononcées ; aucune exécution n’a eu lieu. Aucune mesure n’a été prise pour traduire en justice les auteurs de violations flagrantes des droits humains commises dans le passé. Les réformes du cadre juridique et institutionnel promises de longue date tardaient à être mises en œuvre », indique le rapport. 

    L’organisation a souligné que « les négociations sur le statut du Sahara occidental entre le Maroc, qui a annexé ce territoire en 1975, et le Front Polisario étaient toujours dans l’impasse. Le Front Polisario réclame la mise en place d’un État indépendant et a constitué un gouvernement en exil autoproclamé. Le Conseil de sécurité des Nations unies a renouvelé en avril le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), qui ne prévoyait aucun mécanisme de surveillance de la situation des droits humains ».


    « L’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental s’est rendu dans la région en octobre et en décembre. Il a ensuite organisé des pourparlers informels entre le Maroc, le Front Polisario et les gouvernements algérien et mauritanien », ajoute le rapport.

    L’organisation rappelle que « En octobre également, des milliers de Sahraouis ont dressé un campement à Gdim Izik, à quelques kilomètres de Laayoune, pour protester contre la marginalisation dont ils se disaient victimes et l’absence d’emplois et de logements. Les forces de sécurité ont démantelé ce campement le 8 novembre. Elles ont évacué par la force plusieurs milliers de Sahraouis, ce qui a provoqué des violences à l’intérieur du campement. De nombreux manifestants ont été frappés et ont vu leurs biens détruits. Des violences entre communautés ont éclaté peu de temps après à Laayoune, où des personnes ont été blessées et des biens endommagés. Treize personnes, dont 11 membres des forces de sécurité, ont trouvé la mort à la suite de ces troubles. Deux cents personnes environ ont été arrêtées ; beaucoup se sont plaintes d’avoir été torturées ou maltraitées durant leur détention. Au moins 145 détenus ont été inculpés de trouble à l’ordre public, entre autres infractions ; 20 d’entre eux, des civils, ont comparu devant un tribunal militaire de Rabat, la capitale » (SPS).
  • Des militants sahraouis appellent à une enquête

    Les militants des droits de l’homme des territoires sahraouis occupés appellent l’Organisation des Nations unies à dépêcher une mission d’enquête.

    L’objectif : enquêter sur les violations des droits de l’homme perpétrées par l’occupant marocain dans la région. Invités par le Comité algérien de solidarité avec le peuple sahraoui (CNASPS), quinze militants des droits de l’homme ont animé, jeudi, à Alger, une conférence de presse. Ils ont dénoncé les violations commises par l’occupant marocain, notamment dans les prisons. «C’est un viol aux droits de l’homme», ont-ils dénoncé. Afin de mettre toute la lumière sur ces dépassements, cette délégation a appelé l’Organisation des Nations unies à dépêcher une mission d’enquête dans la région. 
    Nguia Haouès et Yayet Reguibi ont été détenues toutes les deux lors des événements du camp de Gdeim Izik, en novembre 2010, près d’El Ayoun au Sahara occidental. Ces anciennes détenues ont livré leurs témoignages sur les conditions de détention difficiles dans les geôles marocaines. Elles racontent avoir subi des tortures physique et morale ainsi que des dépassements. «J’ai été arrêtée le 8 décembre 2010 lors des événements de Gdeim Izik alors que je m’apprêtais à me rendre en Algérie. J’ai été menottée et insultée puis conduite au poste de police. On m’a inculpée de détention d’arme blanche et de destruction de bien de l’Etat, je risquais 20 ans de prison. Une fois en prison, nous n’avons pas le droit de voir aucun membre de nos familles, les visites et les conversations téléphoniques nous ont été interdites», a raconté Nguia Haouès. 
    La détermination de Hayet Reguibi, qui a connu les mêmes conditions d’incarcération est loin d’être entamée. «Nous poursuivrons le combat jusqu’au bout pour défendre le droit du peuple sahraoui à la liberté», a-t-elle ajouté. Elle adresse un message à l’Etat français pour permette au peuple sahraoui d’exprimer librement sa volonté à travers un référendum d’autodétermination. La France, dit-elle, soutient la répression marocaine contre un peuple qui revendique ses droits pacifiquement.
  • Violation des droits de l’homme au Sahara occidental : des militants sahraouis interpellent l’Onu

    ALGER – Des défenseurs des droits de l’homme des territoires sahraouis occupés ont appelé jeudi à Alger l’Organisation des Nations unies à dépêcher une mission pour enquêter sur les violations des droits de l’homme perpétrées par l’occupant marocain au Sahara occidental.

    Hayat Reguibi, arrêtée lors des événements (novembre 2010) du camp de Gdeim Izik près d’El Ayoun (capitale occupée du Sahara occidental), a mis l’accent dans son témoignage sur les conditions de détention dans les geôles marocaines où, a-t-elle dénoncé, les détenus sahraouis subissent des tortures et des dépassements quotidiennement.

    Mme Reguibi, qui a passé 15 mois à la Carcle negra (prison noire, réputée pour ses conditions de détention très dures) d’Al Ayoun, se trouve à Alger dans le cadre de la visite d’une délégation de 15 militants et militantes sahraouis des droits l’homme des territoires occupés, devant regagner vendredi la ville d’El Ayoun.

    Les membres de la délégation, qui ont pris part au Festival de cinéma du camp des réfugiés sahraouis de Dakhla à Tindouf, ont animé une conférence de presse au siège du Comité national algérien de solidarité avec le peuple sahraoui (CNASPS).

    Cette jeune militante, qui a été confrontée aux méthodes « brutales » des forces d’occupation marocaines, a tenu à mettre en relief le combat des 20 détenus politiques sahraouis qui observent une grève de la faim depuis 25 jours, et qui attendent d’être déférés devant la juridiction militaire de Salé (près de Rabat).

    Elle a souligné, dans ce cadre, que « l’abnégation » des Sahraouis qui sont dans les prisons marocaines et défendent le droit de leur peuple à la liberté et à exprimer librement sa volonté à travers un référendum d’autodétermination, est un « message à l’Etat français » sur la réalité de l’occupation au Sahara occidental qu’il soutient.

    De son côté, Neguia El Houassi, qui a connu les mêmes conditions d’incarcération, a récusé la thèse marocaine qui tente de réduire la révolte de Gdeim Izik à une « contestation sociale ».

    Il s’agit, a-t-elle soutenu, « d’un acte de résistance à l’occupation et à la répression marocaine contre un peuple qui revendique ses droits pacifiquement ». Elle a indiqué, au sujet de son incarcération, qu’elle a été conduite de l’aéroport, en compagnie de Hayat Reguibi, vers un poste de police et mise dans une geôle dont le sol était recouvert de sang. « La torture des Sahraouies est systématiquement pratiquée dans les centres de détention marocains », a-t-elle affirmé.

  • La résolution 1979 (2011) un échec retentissant de la politique expansionniste du Maroc

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    Dans un rapport publié au mois d’avril et présenté au Conseil de Sécurité de l’ONU, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, se déclare préoccupé par la détérioration de la sécurité dans le Sahara occidental, qui résulte de l’absence d’accord de paix entre le Maroc et le Front Polisario et du maintien du statu quo qui dure depuis 20 ans dans le territoire.

    Pour la première fois, il met en exergue l’importance d’une solution basée sur la volonté des habitants du Sahara Occidental. « Ce qui est clair, c’est que si l’on aboutit à un statut final au sujet duquel la population n’a pas exprimé ses vues clairement et de manière convaincante, on risque de créer de nouvelles tensions au Sahara occidental et dans la région », a bien précisé M. Ki-moon.

    Aussi, suggère-t-il au Conseil de sécurité de recommander d’approfondir encore l’examen des propositions des deux parties « et, en particulier, chercher un terrain d’entente sur le principal point de convergence de leurs deux propositions : la nécessité d’obtenir pour tout accord l’approbation de la population ».
    Ban Ki-moon demande aussi moins d’autorité marocaine sur le territoire sahraoui en demandant au CS de « consacrer des efforts supplémentaires à l’identification et à l’examen d’une vaste gamme de questions de gouvernance en vue de répondre aux besoins de la population du Sahara occidental ».
    Selon le Secrétaire général, la prise en compte des questions relatives aux droits de l’homme est également importante pour le règlement du conflit dans son ensemble. Dans ce contexte, faute de pouvoir charger la MINURSO de cette question à cause du veto français, Ban Ki-moon essaie de faire pression sur le Maroc à travers le Haut Commissariat des NU pour les Réfugiés. « J’attends maintenant que les mécanismes du Haut commissariat pour les réfugiés s’engagent de leur côté à examiner de façon indépendante, impartiale et soutenue les allégations faisant état de violations des droits universels du peuple du Sahara occidental dans le territoire et dans les camps avant la présentation de mon prochain rapport », écrit-il.
    La résolution 1979(2011) a clairement réactivé la solution référendaire et les pressions contre le Maroc continuent pour le contraindre à respecter les droits du peuple sahraoui. La nouvelle configuration du monde arabe ne permet pas au Maroc de demander le soutien de Washington et Paris. L’adminstration d’Obama soutient clairement la légalité internationale. La France de Sarkozy, avec son intervention en Lybie et en Côte d’Ivoire ne peut plus continuer à alimenter son discours double sur le Sahara Occidental. Le consensus prétendu par le Maroc autour de l’occupation du Sahara Occidental n’est plus à « vendre »  comme moyen pour museler le peuple marocain.
    Toutes ces nouvelles données font que Rabat se trouve dans une position peu enviable dans le conflit du Sahara Occidental. D’où son cri de secours lancé à son « oncle » Juan Carlos, le roi d’Espagne qui arrive en une visite tantôt décrite officielle, tantôt privée.

  • Les monarchies arabes se serrent les coudes face au vent du changement

    Le CCG se transforme en syndicat


    Les monarchies du Golfe envisagent d’intégrer le Maroc et la Jordanie au rang de pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), ce qui transformera ce regroupement en conglomérat monarchique.

    Réunis avant-hier à Riyad, la capitale saoudienne siège permanent du CCG, les chefs d’Etat des six pays membres ont décidé de compter parmi eux les deux autres monarchies arabes restantes. Les deux royaumes ayant fait la demande d’adhésion récemment. Le CCG regroupe l’Arabie saoudite, Oman, le Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar.
    Le secrétaire général de l’organisation régionale Abdoullatif al Zaïani a fait savoir que les dossiers d’accession des royaumes alaouite et hachémite ont obtenu l’aval des rois et émirs. Selon al Zaïni, il reste au CCG d’entamer les consultations avec leurs homologues marocain et jordanien pour «achever les procédures requises» pour l’adhésion bien que les deux candidats n’appartiennent pas à la région du Golfe. La Jordanie est un pays frontalier avec l’Arabie saoudite, tandis que le Maroc, un pays d’Afrique du Nord, est situé géographiquement loin des membres du CCG. Tout comme la Jordanie, le Maroc a toujours constitué un allié stratégique de l’Arabie saoudite. Le Roi Abdullah et son frère le Prince Soltan Ibn Abdelaziz, successeur au trône, ont tous deux effectué leurs convalescences au Maroc suite aux interventions chirurgicales qu’ils ont subies l’an dernier. D’autant que de nombreux princes et hommes d’affaires saoudiens possèdent des biens au Maroc. Les investissements saoudiens au Maroc, notamment dans le tourisme et l’immobilier, ont atteint 180 millions de Riyals (60 millions d’euros) en 2010. 


    Cette décision intervient alors que le monde arabe est au cœur de bouleversement profonds marqués essentiellement par les risques que font subir les révoltes arabes au devenir des huit monarchies. Le royaume de Bahreïn avait failli succomber à la plus grande révolte, principalement chiite, n’était l’intervention musclée de forces saoudiennes et émiraties pour venir en aide à la famille régnante d’Al Khalifa. Les émeutes à Bahreïn ont fait craindre aux autorités saoudiennes un soulèvement des populations chiites dans la province orientale, notamment dans les régions d’Al Qatif. L’ile de Bahreïn est reliée à l’Arabie saoudite par un pont érigé en 1985 et long de 25 Km. Ce pont a favorisé l’intervention rapide des forces saoudiennes en mars dernier pour assister les autorités bahreinies submergées par les émeutes dans la capitale Manama et la ville d’El Moharaq. L’adhésion du Maroc et de la Jordanie, sous quelque forme que ce soit, constituera une remise en cause de l’article 5 des statuts du CCG qui stipule que la qualité de membre n’est reconnue qu’aux six Etats fondateurs de ce regroupement fondé le 4 février 1981. L’adhésion de ces deux pays devrait peser lourdement dans les relations inter-arabes et risque de torpiller la Ligue arabe compte tenu du fait que le CCG est tenu de définir et d’adopter sa propre politique extérieure, selon les statuts de l’organisation. Cela d’autant que chaque membre du CCG bénéficie des mécanismes de la politique de défense, notamment de l’aide militaire en cas d’agression externe ou de troubles internes. Les pays membres bénéficient aussi des aides financières et de la libre circulation des biens et des personnes. La main-d’œuvre marocaine et jordanienne devra cependant bénéficier de mesures avantageuses, notamment à Bahreïn, un pays à majorité chiite favorisant le recrutement de la main-d’œuvre sunnite. Les deux royaumes qui font face à des crises internes aiguës se voient offrir des bouées de sauvetage qui pourraient, à l’avenir, affecter les relations entre le Golfe et le Maghreb.
    K. M.
    Le Jeune Indépendant, 12/05/2011
  • Comprenne qui pourra !

    Dimanche dernier , le Front Polisario a lancé un appel plutôt drôle à la France, pays profondément engagé actuellement au triomphe des putschistes en Libye. Son Secrétariat national demandait à Paris d’ »œuvrer pour la protection des civils sahraouis et à respecter les droits humains au Sahara occidental sans discrimination, sélectivité ou le principe de deux poids deux mesures ». Demander aux Français d’être un peu justes et de contrarier Mohamed VI, commandeur des croyants en lui demandant d’user moins de la zerouata avec les populations sahraouies sous occupation, c’est autant demander à Liebermann de protéger les droits des gens qui votent mal à Gaza. 
     
    Paris doit penser que le Sahara occidental n’est pas comme la Libye et que si l’on est prêt à couper la poire jamahiryenne en deux, on ne peut que scotcher l’ancienne colonie espagnole au Maroc pays de la Mamounia et du mouvement du 20 février. 
     
    Paris s’oppose à ce que l’on élargisse les prérogatives de la MINURSO à la protection des droits de l’homme dans les territoires occupés du Sahara occidental. Une attitude de plus en plus désavouée, voire condamnée, comme dernièrement par M. Francesco Bastagli, qui, lui-même, dirigea la MINURSO durant la période 2005/2006. La France préfère protéger les droits qu’elle adjuge au roi plutôt que les droits reconnus d’un peuple qu’elle poursuit de ses foudres au moins depuis Ecouvillon. Voir une mission onusienne s’occuper des droits humains n’est pas chose recommandée aux yeux de Juppé et de son patron d’autant que dans ses efforts d’adaptation, disent-ils, le roi opte pour une répression sophistiquée aux normes acceptables. Hors UE, bien sûr. 
     
    La France refuse la protection à des populations sahraouies régulièrement et sauvagement réprimées depuis leur pacifique intifada déclenchée en mai 2005. Que penser de ce refus lorsqu’on sait qu’en Libye, on est entrain de chercher comment réaliser l’opération militaire proposée par l’Union européenne pour protéger le personnel des organisations humanitaires sur place. On pense à soutirer au Conseil de sécurité une décision qui permettrait l’occupation militaire des lieux. Paris s’oppose à la protection des droits humains au Sahara occidental mais se tient prêt à débarquer militairement en Libye pour les protéger… Comprenne qui pourra !
    M. Z. mohamed_zaaf@yahoo.fr
    Le Jeune Indépendant, 12/05/2011
  • Algérie – Maroc : vers la normalisation ?

    Par Kharroubi Habib

    Le Maroc réclame avec insistance et de façon pressante ces derniers temps aux autorités algériennes la réouverture de la frontière entre les deux pays. Paris, Madrid et Washington font pression dans le même sens sur Alger. Il est vrai que tout plaide en faveur de la réouverture de la frontière entre l’Algérie et le Maroc. Les arguments se manquent pas pour dénoncer en tant qu’incongruité l’interdiction de la libre circulation des personnes et des biens entre deux pays aux rapports multiformes, forts et denses humainement et culturellement.

    Sauf que le Maroc et ceux qui relayent sa demande font comme si l’Algérie est unilatéralement responsable de l’enchaînement des faits et décisions qui ont conduit à la fermeture de la frontière algéro-marocaine. Les Algériens n’ont pas la mémoire courte et pour cette raison, même en étant favorables au principe de la réouverture de la frontière avec le Maroc, ils veulent qu’au préalable il soit établi que le Trône et le Makhzen ont agi de sorte que l’Algérie, par dignité, ne pouvait faire autrement que fermer sa frontière avec le Royaume. Ce n’est pas ce que semble vouloir Rabat, qui persiste et signe à considérer que le Maroc n’a rien à se reprocher à l’égard de l’Algérie.

    La réouverture de la frontière avec l’Algérie constituerait pour le Royaume la source d’apports financiers dont son économie a grandement besoin, confrontée qu’elle est aux impacts négatifs qu’a sur elle le climat d’incertitude engendré internationalement par le mouvement de contestation qui a atteint le Maroc dans la foulée du «printemps arabe» et par l’attentat terroriste de Marrakech.

    Elle n’est pas sans intéresser l’Algérie pour qui elle peut s’accompagner de l’opportunité de réaliser de fructueuses affaires économiques avec le pays voisin. Les deux pays ont intérêt à normaliser leurs relations. C’est incontestable, mais pas à n’importe quel prix. Et surtout pas à celui imposant qu’il ne soit tenu compte que des intérêts d’un seul. En l’occurrence, les pressions qu’exercent le Maroc et les puissances qui l’appuient visent à cela. Sinon, comment expliquer qu’ils demandent à l’Algérie de rouvrir sa frontière avec le Royaume en ignorant dans le même temps les conditions qu’elle met à cette opération.

    L’Algérie ne peut, sans gravement nuire à sa crédibilité, procéder à cette réouverture tant que le Maroc n’accepte pas d’engager avec elle un dialogue et des discussions portant sur l’ensemble des dossiers qui parasitent leurs relations et les empêchent d’être sereins et confiants.

    L’Algérie et le Maroc ont tout pour former un ensemble attractif pour le monde extérieur. Leurs peuples sont acquis à cette perspective. S’ils sont loin d’avoir jeté les bases d’une coopération gagnant-gagnant, ce n’est pas la faute des peuples mais de dirigeants dans les deux pays dépourvus de la capacité d’aller à l’essentiel, de voir, au-delà de leurs divergences et inimitiés, ce qui est profitable pour leurs nations et la région dans son ensemble.

    Peut-être que l’ébullition citoyenne qui est en cours dans les sociétés algérienne et marocaine va basculer la vision et les décisions de ces dirigeants. Qu’enfin le Maghreb des peuples prenne le relais de celui des Etats, dont on a eu à connaître le stérile résultat.
    Le Quotidien d’Oran, 12/05/2011

  • Le CCG passe au Maghreb

    Le Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui regroupe six monarchies de cette région (Arabie Saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar), s’apprête à accueillir de nouveaux membres : le Maroc et la Jordanie.

    Deux pays qui ont la double particularité d’être des monarchies, mais aussi éloignées géographiquement du Golfe, le premier se situant au Maghreb tandis que l’autre appartient à la sphère moyen-orientale. Est-ce que, s’interroge-t-on déjà, parce que ce sont des monarchies puisque la simple logique aurait voulu que toute extension se développe à l’échelle de la région, comme s’il s’agissait de cercles concentriques, l’opération incluant un large accord politique sans lequel rien ne sera possible ? 

     
    Le secrétaire général du CCG a lu devant les journalistes un bref communiqué, sans donner aucune explication à ces décisions inattendues, la Jordanie et le Maroc n’ayant pas fait acte, du moins publiquement, d’une demande d’adhésion au CCG, un club fermé depuis sa création en 1981. En revanche, le Yémen, pays pauvre de la péninsule arabique, cherche depuis de longues années à obtenir une pleine adhésion au CCG, qui ne lui a ouvert que certains de ses organismes techniques. Le CCG, rappelle-t-on, est un ensemble régional arabe, aux côtés de deux autres, l’Union du Maghreb arabe (UMA) qui ne s’est plus réunie en sommet depuis 1994, et le Conseil de coopération arabe (CCA) incluant l’Egypte, l’Irak et la Jordanie, appelé aussi «conseil de conspiration arabe» lors de la première guerre d’Irak, en 1991. Cet ensemble mort-né n’a d’ailleurs jamais fonctionné. Le plus actif, constate-t-on encore, reste le CCG, alors qu’à titre d’exemple, l’UMA vit une véritable paralysie depuis que le Maroc a demandé, en 1995, la suspension de ses activités en signe de protestation contre le soutien de l’Algérie au peuple du Sahara occidental.

    D’ailleurs, Rabat a toujours conditionné la relance de cet ensemble au règlement de cette question qui entérinerait une reconnaissance de son occupation du Sahara occidental dans le cadre de ce que les Marocains appellent leur «intégrité territoriale». Ce que les autres Etats membres (Algérie, Libye, Mauritanie et Tunisie) n’ont jamais accepté, considérant que l’intégrité en question, telle que reconnue par l’ONU lors de l’admission du Maroc en son sein, n’est nullement menacée. En outre, le Maroc, malgré ses déclarations en faveur de l’UMA, a toujours voulu privilégier ce que l’on appelle parfois la coopération verticale, tentant même de vouloir intégrer l’ensemble européen, même si l’opération est impossible. Quelles sont donc les raisons objectives d’un tel rapprochement, l’idée qu’il s’agisse d’un Conseil de monarchies paraissant irrecevable ? Quant à la coopération politique ou sécuritaire, celle-ci a occupé une place véritablement réduite, sinon nulle, comme l’ont prouvé les différentes crises et même les guerres qui ont affecté cette région. Reste donc le volet économique et, pour le Maroc, il ne devrait pas être négligeable. 

     
    Le récent attentat de Marrakech est apparu comme un signal d’alarme. Il a permis de rappeler au royaume ses points faibles puisque cela s’est vite traduit par une baisse des réservations et, conséquemment, des revenus liés au tourisme. Cela s’ajoute au fait que la Caisse de compensation marocaine, dotée d’une enveloppe de plus d’un milliard de dollars pour soutenir les produits de base, pourrait se retrouver à sec dès le mois de juillet prochain si le pétrole et les autres matières premières poursuivaient leur ascension.Repousser en quelque sorte le cadre géographique, car il n’est pas sûr que la coopération avec l’UE soit mutuellement bénéfique. Ce qui laisse alors croire que la réouverture de la frontière terrestre avec l’Algérie demeure au stade des vœux.
    Mohammed Larbi
    El Watan, 12/05/2011
  • Youcef Jajili : «Il s’agit d’un procès politique»

    Dans sa chronique quotidienne «Chouf Tchouf», Rachid Nini adopte un ton critique et satirique pour dénoncer le milieu des affaires et les services qui gravitent autour du makhzen et même qui y occupent une bonne place. Arrêté le 28 avril, malgré le tollé provoqué par son incarcération, le journaliste est maintenu en détention.
    Le rédacteur en chef d’un des hebdomadaires appartenant au groupe El Massae Media nous livre, dans cet entretien, son sentiment que l’arrestation de Nini vise à entraver le cours des réformes politiques engagées par son pays, le Maroc.

    – Rachid Nini n’en est pas à sa première affaire avec la justice…

    Bien sûr. Il y a déjà eu des procès intentés contre notre journal. Notre ligne éditoriale a pour objectif de démasquer les corrompus et les corrupteurs et de dénoncer la dilapidation des biens publics. El Massae est un journal indépendant, critique et professionnel. Sa voix a commencé à déranger lorsque nous avons atteint des niveaux de tirage importants, les plus importants que connaît le pays. Nous avons même atteint une fois les 200 000 exemplaires, ce qui est très important compte tenu du nombre limité du lectorat au Maroc. Les intimidations sont devenues légion contre Nini.
    Il a même été poignardé une fois et on lui a subtilisé son téléphone et son micro portable, il y a deux ans. El Massae s’est imposé comme le journal le plus controversé au Maroc parce qu’il analyse la situation en usant d’un style qui lui est propre et force les portes fermées. Rachid Nini, son directeur de publication, a une chronique quotidienne très appréciée par les lecteurs pour son ton satirique et critique. Ces facteurs font qu’il y a de nombreuses parties qui veulent la chute du journal El Massa, qui représente la voix de la presse libre.

    – Quelles sont ces parties ?

    Des parties qui n’ont pas intérêt à ce que les réformes aboutissent au Maroc. Le roi, dans son discours du 9 mars, avait semé l’espoir de voir une réelle et effective entrée du Maroc dans une nouvelle ère. Ces réformes politiques et constitutionnelles doivent déterminer et définir les responsabilités et les pouvoirs de chacun et notamment avoir une justice indépendante du pouvoir exécutif. Mais il se trouve qu’il existe des parties qui ne veulent pas de cette voie de la démocratie.
    Je ne peux vous dire exactement qui sont ces parties, ce que nous savons, c’est qu’elles sont nombreuses et représentent des hommes d’affaires et des responsables au niveau du pouvoir. Il existe des lobbys qui veulent entraver le cours des réformes. Pour nous, l’arrestation de Nini dans la conjoncture actuelle, après le discours du roi, est une atteinte et un coup asséné à ce projet de réforme pour un nouveau Maroc. La liberté d’expression étant le premier garant d’une réelle ouverture, on ne peut pas emprisonner des journalistes et prétendre faire des réformes.

    – Nini a été arrêté le jour même de l’attentat de Marrakech. Peut-il y avoir un lien entre les deux affaires ? On dit que Nini avait critiqué, dans ses articles incriminés, la gestion sécuritaire…

    Je ne veux pas lier les deux événements. L’acte terroriste de Marrakech est un crime qui a endeuillé et attristé tous les Marocains. Je ne veux pas entrer dans ce genre de lecture, ce qui m’importe c’est que le procès de Rachid est un procès politique et n’est nullement une simple affaire de justice. Rachid Nini est jugé par le code pénal, alors qu’au Maroc il existe un code de la presse qui est plus à même de juger des écrits journalistiques. Quel rôle peut avoir ce code de la presse si les journalistes sont poursuivis pénalement comme tout criminel ou délinquant ? Nous considérons cela comme de l’abus de pouvoir. Nous rejetons même l’idée d’emprisonner un journaliste, alors que dire lorsqu’elle devient effective.

    – Que reproche-t-on à Nini ?

    Il y a deux accusations principales dans cette affaire. Il est accusé de «mépriser des décisions de justice» et de «dénonciation de crimes qui n’ont pas eu lieu». Des accusations qui n’ont pas de sens. Deux agents de la police judiciaire sont venus au siège arrêter Nini, c’était le jour même de l’attentat de Marrakech. Alors qu’il était en plein interrogatoire, le procureur général a lancé un communiqué annonçant l’interdiction de quitter le territoire pour Nini. Le procureur justifie cette décision par des accusations très lourdes, dont celle consistant à dire que ses idées incitent à l’atteinte à la sûreté de l’Etat et des citoyens. Ce qui est une accusation qui peut mener à un emprisonnement certain avec une peine très lourde. Pis encore, dans le même communiqué, on insinue que le journaliste fait l’apologie du terrorisme.
    C’est très grave. Nous avons toujours dénoncé tout acte de violence et de terrorisme, dire que Nini fait l’apologue au terrorisme est un non-sens. Plus encore, l’interrogatoire a été accès sur cette question d’incitation au terrorisme. Nous estimons que ce sont des questions étranges et insultantes. Il est clair qu’il y a une volonté de maintenir Nini en prison encore longtemps.

    – Comment voyez-vous la suite de cette affaire ?

    Rachid Nini est poursuivi pour avoir écrit 9 chroniques et non pour avoir volé 9 milliards. Il doit donc être jugé selon ce que prévoit le code de la presse et non pas le code pénal. Ce qui est sûr, c’est que nous allons continuer à écrire à El Massae Media, en faisant comme Nini, en dénonçant la corruption et les lobbys qui sont derrière la dilapidation des biens publics.
    L’incarcération de Nini ne nous fera pas reculer ou revoir notre ligne éditoriale. Nous espérons que les sages interviendront pour régler cette affaire, que nous considérons comme un incident de parcours sur le chemin de la réforme politique et constitutionnelle.
    Ce grand débat ouvert depuis le discours du roi, le 9 mars dernier, ne peut évoluer avec de tels incidents. Ce qui est malheureusement patent, c’est que ses détracteurs semblent déterminés à aller jusqu’au bout de leur mauvais desseins. Le refus de la liberté provisoire à deux reprises en est un signe.
    Nous demandons réellement que les sages interviennent. Nous exigeons que Nini soit jugé par le code de la presse.
    Nini n’est pas un criminel. Notre interrogation est de savoir s’il est dans l’intérêt de qui que ce soit que les réformes politiques s’arrêtent. Si nous sommes convaincus qu’il y a une réelle volonté du roi d’aller loin dans ces réformes, nous constatons aussi que cela dérange, semble-t-il, des lobbys.
    Ce qui nous conforte, c’est la grande campagne de soutien qui se manifeste quotidiennement à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Personne ne peut nous faire taire. On ne peut engager des réformes et emprisonner un journaliste. Nous constatons qu’il y a des gens qui veulent nous faire revenir en arrière. Et nous ne l’accepterons pas.
    Nadjia Bouzeghrane

    El Watan, 12/05/2011
  • CCG : L’étrange adhésion du Maroc

    Le Sommet des monarchies du Golfe qui vient de se tenir à Riyad a accueilli favorablement la demande d’adhésion de la Jordanie et du Maroc à leur groupement régional, le Conseil de coopération des pays du Golfe. Les dirigeants du CCG ont chargé leurs ministres des Affaires étrangères d’entamer des négociations avec leurs homologues de Jordanie et du Maroc, pour parachever les dispositions nécessaires à une telle adhésion. Le secrétaire général du CCG a lu devant les journalistes un bref communiqué, sans donner aucune explication à ces décisions inattendues, la Jordanie et le Maroc n’ayant pas fait acte, du moins publiquement, d’une demande d’adhésion au CCG, un club fermé depuis sa création en 1981.
    En revanche, le Yémen, pays pauvre de la Péninsule arabique, cherche depuis de longues années à obtenir une pleine adhésion au CCG, qui ne lui a ouvert que certains de ses organismes techniques. Essentiellement consacrées à la situation dans les pays arabes secoués par des révoltes, ces demandes d’adhésion, surtout celle du Maroc, a crée la surprise lors de ce sommet réunissant les six États membres du Conseil des pays du Golfe. Sans vouloir rentrer dans les formalités, ou autres procédures, l’adhésion de ces deux pays est quasiment effective. Si la Jordanie, Royaume hachémite est un pays voisin du Golfe, le Maroc, Royaume chérifien, est en revanche plus éloigné. Du côté de certains observateurs à Riyad, on est certes dubitatif, mais on comprend que tous ces pays sont avant tout des monarchies qui veulent jouer la carte de la solidarité sur un plan économique et sécuritaire dans le Golfe. Une région qui n’a pas été épargnée par le vent des révoltes qui a soufflé ces derniers mois. 
    Le 25 mai prochain, le Conseil de coopération des pays du Golfe fêtera ses 30 ans. Un Conseil, doit-on le rappeler, crée sous la pression des États-Unis et dont le but est d’assurer la stabilité économique, financière et politique de toute la région. Mais en acceptant l’adhésion du Maroc et de la Jordanie, le CCG veut de toute évidence, changer de cap et de stratégie. Certains pays membres du Conseil tel le Qatar, font dans un activisme diplomatique débordant et se sont fortement impliqués dans la crise libyenne. Le petit Émirat ambitionne même de diriger la Ligue arabe et a déjà un candidat pour remplacer l’Égyptien Amr Moussa. Mais l’adhésion du Maroc, si elle se concrétise pose un certain nombre de questions dans la mesure où elle torpillerait l’Union du Maghreb Arabe, quasi-moribonde, même si Rabat s’est empressée de déclarer qu’elle restait attachée à l’Union maghrébine et continuera à oeuvrer à la consolidation de l’UMA. Certes chacun des pays maghrébins est libre et souverain de ses décisions politiques et de la conduite de sa politique étrangère. 
    Faut-il rappeler que le Maroc, du temps du défunt Hassan II, avait demandé le plus sérieusement du monde son adhésion à l’Union européenne. Il bénéficie aujourd’hui du statut avancé avec l’UE et de beaucoup de complaisances, notamment de la part de la France pour son occupation militaire illégale du Sahara Occidental. En définitive, son adhésion au CCG , ne vise-t-elle pas en réalité à isoler le grand voisin algérien, au moment où Rabat ameute le banc et l’arrière-banc de ses pays amis afin qu’ils fassent pression sur l’Algérie pour qu’elle ouvre ses frontières terrestres avec un pays qui vise notamment la manne des millions de touristes algériens qui ne sont pas très chauds pour se rendre cet été en Tunisie. Duplicité d’un pays, qui tout en clamant son amitié retrouvée avec l’Algérie, a manoeuvré habilement pour bloquer la candidature de l’ambassadeur Djazairi au Groupe des 77.
    Mokhtar Bendib
    Le Courrier d’Algérie, 12/05/2011