Mois : décembre 2010
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L’histoire secrète de l’Eglise de Scientologie au Maroc
Alors que le Maroc était déstabilisé par deux tentatives de coup d’Etat, la secte de Ron Hubbard projetait d’infiltrer le Palais…«Un des pays majeurs que nous avons perdus fut le Maroc». Cette déclaration énigmatique est celle d’Elena Lorrell, une des innombrables disciples de l’Eglise de Scientologie, qui avait au début des années 70 jeté son dévolu sur le royaume. Des documents officiels émanant de services de renseignements étrangers, aujourd’hui déclassifiés, et des témoignages sidérants d’anciens scientologues lèvent un pan de l’incroyable épopée de la secte du gourou L. Ron Hubbard au Maroc.L’histoire commence en 1967, lorsque l’Eglise de Scientologie décide de créer sa marine privée (la Sea Org) et entame une véritable odyssée le long de la côte atlantique marocaine et en Méditerranée. A l’époque, l’Eglise de Scientologie est sous le coup de nombreuses enquêtes aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Hubbard imagine son «projet maritime» et monte une petite armada de vaisseaux. Il y embarque près de 400 de ses fidèles et prend la mer pour «échapper aux forces du mal» en leur promettant la «vie cosmique éternelle».Destination : le MarocFin 1968, les scientologues, qui ont adopté des uniformes et des grades rappelant ceux des marines militaires, mouillent leur flotte à Corfou. Hubbard, qui s’est autoproclamé Commodore de sa flottille, cherche alors un port d’attache et semble attiré par le régime de la junte militaire grecque de l’époque. Il en sera rapidement expulsé, les autorités d’Athènes n’ayant pas apprécié ses tentatives de rapprochement avec des politiques du pays. C’est alors que la secte navigante fera cap vers Gibraltar et les ports marocains lors d’un périple que les initiés de l’histoire de la secte appellent «l’Odyssée déconnectée». Et elle l’était dans tous les sens du terme.L’ambiance à bord des bâtiments de la «Sea Org», qui était tantôt grave tantôt loufoque, finira par attirer l’attention des services secrets inquiets de voir cet étrange équipage voguant sans destination précise. De l’Apollo, son navire-amiral, le Commodore lançait à ses disciples des communiqués dans lesquels il agitait le spectre de «forces hostiles dressées contre la Scientologie» et développait son thème favori d’une conspiration internationale ourdie par les communistes. Son obsession se fixa peu après sur un mystérieux organisme baptisé le Mémorial Tenyaka, auquel il consacra le 2 Novembre 1969 trente et une pages de divagations. «Il n’est pas impossible que le Commodore Hubbard et sa femme Mary Sue soient des philanthropes ou des excentriques, sinon leur opération cache quelque chose de louche. Nous ignorons quoi au juste, mais diverses hypothèses courent à Casablanca allant de la contrebande au trafic de drogue et à une secte de fanatiques», câblera William J. Galbraith, le vice- consul des États-Unis à Casablanca au Département d’État à Washington le 26 septembre 1969.Les bateaux de l’Eglise de Scientologie faisaient depuis des mois des escales techniques dans les principaux ports marocains, cabotant au gré des humeurs de leur gourou le long de la façade atlantique du Maroc, de Tanger à Agadir. Dans un compte-rendu de visite à bord de l’Apollo, Galbraith déplora «l’imprécision volontaire des réponses» à ses questions les plus simples. Une brochure expliquant que des étudiants s’exerçaient à «l’art de la navigation» ne l’éclaira pas davantage. L’Apollo battant pavillon panaméen, le consul de Panama tenta sa chance de son côté, sans plus de succès. Il nota que le navire «en mauvais état et mal entretenu mettait la vie de l’équipage en danger quand il naviguait», mais ses demandes réitérées de rencontrer Hubbard, un temps installé dans une suite de l’Hôtel El Mansour (rebaptisé depuis Royal Mansour) à Casablanca restèrent vaines. La flotte continua ainsi pendant de longs mois ses étranges pérégrinations au large des côtes chérifiennes.Un «suicide» à SafiUne jeune femme allait causer au Commodore ses premiers sérieux ennuis au Maroc. Agée de vingt-trois ans, originaire du Colorado, Susan Meister avait embarqué sur l’Apollo en février 1971. Avec l’enthousiasme des néophytes, elle écrivait souvent à ses parents pour les inciter à se convertir à la Scientologie. «Je sors d’une séance d’auditing», écrivait-elle le 5 mai, «je ne me suis jamais sentie aussi bien… C’est à la Scientologie que je le dois. Vite, vite, faites comme moi. C’est un trésor plus précieux que l’or».Le 15 juin, en revanche, l’obsession du Commodore semblait avoir déteint sur elle: «Je ne peux pas vous dire où nous sommes. Nos ennemis… veulent nous empêcher de restaurer la liberté des habitants de cette planète. S’ils savaient où nous sommes, ils nous détruiraient». Dix jours plus tard, alors que l’Apollo faisait escale dans le port de Safi, Susan Meister s’enferma dans une cabine munie d’un pistolet de calibre 22 et se tira une balle dans la tempe. Elle fut retrouvée vêtue de la robe que sa mère lui avait envoyée pour son anniversaire, une lettre annonçant son suicide par terre, à ses pieds.La police locale et le Pacha de la ville, qui s’étaient liés d’amitié avec des membres de l’équipage de l’Apollo, bâcleront l’enquête au moment où le pays était sous le choc de la tentative de coup d’Etat de Skhirat en juillet 1971. Mais la mort d’une citoyenne des États-Unis ne pouvait manquer d’attirer encore une fois, sur l’Apollo, l’attention des autorités consulaires américaines, ce que Hubbard s’efforçait d’éviter à tout prix. Fidèle aux principes maintes fois édictés par Hubbard, la «Sea Org» essayera d’étouffer l’affaire. Douce et réservée selon ses camarades, Susan Meister fut dépeinte comme une droguée et une déséquilibrée, ayant déjà plusieurs tentatives de suicide à son actif.On insinua aussi que des photographies compromettantes avaient été retrouvées dans ses affaires. Encore une fois, le vice-consul William J.Galbraith, venu à Safi enquêter sur l’affaire, allait croiser les scientologues. Le 13 juillet, deux membres influents de la «Sea Org», Peter Warren et Jone Chiarisi, l’invitèrent à déjeuner dans un restaurant de Sidi Bouzid avant de l’emmener à bord. Warren et Chiarisi signèrent ensuite des dépositions sous serment accusant Galbraith de menaces et de chantage: «Il nous a dit que si le navire devenait gênant pour les États-Unis, Nixon ordonnerait à la CIA de le saboter ou de le couler à Safi en balançant quelques bouteilles de Coca-Cola dans ses turbines». Galbraith était également censé avoir déclaré que l’Église de Scientologie était «un ramassis de cinglés», et que l’Apollo servait de «bordel, de tripot clandestin et de repaire de trafiquants de drogue».Le lendemain, Norman Starkey, capitaine de l’Apollo, envoya des copies légalisées de ces déclarations à la Commission sénatoriale des Affaires étrangères, avec une lettre affirmant que «Galbraith avait menacé d’assassiner les 380 personnes à bord, y compris les femmes et les enfants». Des copies complètes furent envoyées à l’Attorney General John Mitchell, à la CIA et au président Nixon lui-même, sur qui n’ avait pas encore déferlé le raz-de-marée du Watergate. Un article du Los Angeles Times, daté du 29 août 1978, fera état de cette correspondance officielle jusque-là classée «confidentiel» par le FBI.Arrivé quelques jours plus tard à Safi, le père de Susan Meister n’aboutit à rien avec les autorités locales. En désespoir de cause, ne parvenant même pas à savoir où se trouvait le corps de sa fille, Meister en appela à Hubbard. Après que Warren lui eut fait visiter l’Apollo au pas de course, il s’entendit répondre que le Commodore refusait de le recevoir. Meister n’était pas au bout de ses peines. A son retour aux États-Unis, il apprit avec stupeur que Susan avait été enterrée au Maroc avant qu’il n’y soit lui-même arrivé. Et lorsqu’il voulut faire rapatrier le corps de sa fille et la faire autopsier, les services d’hygiène du Colorado refusèrent, informés par une lettre anonyme qu’une épidémie de choléra au Maroc avait déjà fait plusieurs centaines de victimes !. «La fille d’un certain George Meister est décédée au Maroc», précisait le corbeau. «On parle d’un accident, mais il s’agit plus vraisemblablement du choléra».La mort de la jeune Meister restera une des grandes énigmes de la Scientologie au Maroc. Selon une enquête détaillée de Bent Corydon («Le Messie ou le fou») publiée en 1998, Meister aurait pu avoir eu vent des projets d’infiltration des dirigeants de la secte auprès des officiels marocains.Une «base à terre» à TangerQuelque temps plus tard, l’Apollo était à Tanger. Mary Sue, la femme de Hubbard, y surveillait l’aménagement d’une confortable maison, la villa Laure située sur les hauteurs de la ville, où les Hubbard comptaient résider tandis que le navire subirait à Lisbonne un indispensable passage en cale sèche. Selon Russell Miller, spécialiste réputé de la Scientologie et auteur du livre à succès «le gourou démasqué», «Hubbard rêvait toujours d’un pays amical où implanter la Scientologie et le Maroc, où il faisait régulièrement escale depuis son départ de la Méditerranée, lui inspirait une convoitise croissante. Hassan II traversait à ce moment-là une crise grave; si la Scientologie l’aidait à démasquer les traîtres de son entourage, le roi ne pourrait manquer de lui exprimer concrètement sa gratitude». Dans cet objectif, la «Sea Org» installa une «base à terre» près de Tanger, dans un immeuble de bureaux sur la route de l’aéroport. L’enseigne, annonçant en anglais, en français et en arabe la présence de l’«Operation and Transport Corporation, Ltd» (OTC), attira l’attention de Howard D. Jones, consul général des États-Unis à Tanger, dont l’intérêt redoubla avec la rencontre d’une jeune Américaine qui lui avoua non sans réticence, travailler pour l’OTC: «Notre société est panaméenne, c’est tout ce que je puis vous en dire».Sa curiosité piquée au vif, le consul ne tarda pas à faire le rapprochement entre l’OTC, le mystérieux Apollo et L. Ron Hubbard, fondateur de la Scientologie. Il n’alla cependant guère plus loin, comme en témoigne son câble du 26 Avril 1972 à Washington: «On ne sait presque rien de l’OTC et ses dirigeants sont peu bavards sur ses activités. Les scientologues à bord de l’Apollo font sans doute ce que leurs collègues font ailleurs… Les rumeurs qui courent en ville sur un trafic de drogue ou la traite des blanches nous laissent toutefois sceptiques». Le consul avait raison, car il ne se passait pas grand-chose à bord du navire qui pût inquiéter Washington. C’est à terre, en revanche, que survenaient les choses intéressantes…«Avez-vous fait allégeance à Oufkir ?»L’OTC s’efforçait en effet d’infiltrer l’administration marocaine. L’idée serait venue de Richard Wrigley, un des proches conseillers de Hubbard, qui s’était déjà lié d’amitié avec le Pacha de Safi. Wrigley annonca à Hubbard qu’il «avait les moyens d’obtenir une audience du roi» et qu’il pourrait ainsi assurer à l’Eglise «un sanctuaire». Wrigley fut chargé de la mission avec Liz Gablehouse, une confidente de Hubbard, riche héritière d’une famille de notables de Tallahassee en Floride. Les deux «missionnaires» reçurent par écrit des instructions de Hubbard leur annonçant qu’ils avaient «carte blanche et un budget illimité». Le binôme enregistra un premier succès en décrochant un contrat pour la formation d’agents administratifs des Postes, mais le projet tourna court: déconcertés par les techniques de la Scientologie, les élèves des PTT marocaines «à qui l’on apprenait le dépassement de soi» désertèrent le stage au bout d’un mois.Selon Jon Atack, qui a enquêté sur la question dans les années 90, «les postiers marocains auraient été effrayés par le code d’éthique de Hubbard qui les menaçait de haute trahison s’ils n’appliquaient pas à la lettre ses directives. Pour eux, cela signifiait qu’ils pouvaient être tout bonnement… exécutés !».Liz Gablehouse rencontra une certaine Badiaâ qu’elle présenta à Hubbard comme «proche de la famille royale». Cette dernière l’introduisit auprès du Colonel Abdelkader Allam. Amos Jessup, le seul scientologue de l’Apollo qui parlait français, conduisit l’assaut suivant sur l’officier supérieur des Forces armées royales, «vivement impressionné par les performances de l’électromètre», l’instrument fétiche des scientologues censé analyser la psychologie des personnes. L’idée de Hubbard était de faire auditer les cadres de l’armée et «mesurer leur loyalisme au roi». Allam leur promit d’en parler au Général Oufkir. Il organisa une soirée à laquelle furent conviés Liz Gablehouse et Amos Jessup. Oufkir s’y présenta accompagné d’une jeune femme blonde qui était en poste au consulat du Maroc à New York.Oufkir revenait tout juste d’un voyage aux Etats-Unis d’où il rapporta un poulain comme présent au prince héritier Sidi Mohammed de la part du gouvernement américain. Les scientologues apprirent de l’escorte d’Oufkir, quelque peu eméchée, «qu’il s’était secrètement rendu au centre d’entraînement de la CIA à Port Holibert pour y rencontrer des pontes de l’agence à l’insu de Hassan II». Plus tard, Liz Gablehouse et d’autres membres de la «Sea Org» furent invités par Oufkir pour assister à un show aérien à la base américaine de Kénitra où ils purent s’entretenir avec «d’autres généraux, ceux-là mêmes qui conspirèrent contre le roi en juillet 1971», témoignera Elena Lorrell dans l’ouvrage de Corydon. Le coup d’Etat de Skhirat changera la donne. Les contacts avec Oufkir reprirent pourtant assez rapidement.Pour les scientologues, Oufkir et Hassan II pourraient être intéréssés par leur «projet de checking sécuritaire» pour démasquer les comploteurs à l’aide de leur outil-miracle. Oufkir leur répondit assez froidement: «très intéressant, je reviendrai vers vous sous peu». Les manoeuvres auprès de la police secrète semblaient plus prometteuses, l’OTC ayant réussi à organiser des cours pour apprendre aux policiers et aux agents de renseignements du Cab-1 à détecter les «individus politiquement subversifs». Mais le programme de formation des policiers marocains tournait à la débandade, «sous l’effet des luttes intestines entre les fidèles du roi et leurs opposants, aussi effrayés les uns que les autres par les révélations éventuelles de l’électromètre», rapportera plus tard un ex-scientologue.Dans de nombreux témoignages devant la justice américaine lors des grands procès des années 80 et 90 intentés en Californie contre la secte par des scientologues repentis, l’opération marocaine a souvent été évoquée. Garry Armstrong, un des logisticiens de l’Apollo dira à la Cour: «l’idée était brillante, mais aventureuse alors que la situation au Maroc était plus que tendue. J’ai personnellement livré des douzaines d’électromètres aux Marocains et participé à établir les questionnaires pour les interrogatoires. Les questions étaient simples, elles nécessitaient pourtant qu’on les traduise en français». Ces questions, il les répétera à un jury médusé: «Avez-vous failli à dénoncer un traître?», «Avez-vous fait allégeance à Oufkir?»…Toujours selon Armstrong, tout le personnel de la Villa Laure, y compris les «nombreuses Fatima de service» et ceux de la flotte, étaient en effervescence pour faire aboutir cette opération. «C’était complètement dingue», se souvient Amos Jessup: «on ne savait même plus qui était de quel bord». La «Sea Org» aurait peut-être pris le temps de démêler cet écheveau si, au même moment, de fort mauvaises nouvelles n’étaient arrivées de Paris: la branche française de l’Église de Scientologie allait être inculpée de diverses activités frauduleuses et le Parquet envisageait de demander au Maroc l’extradition de Hubbard ! Pis, la seconde tentative de coup d’Etat menée par les aviateurs contre le Boeing de Hassan II en août 1972 et la fin tragique d’Oufkir a fait capoter toute l’entreprise.Le Commodore décida qu’il était temps de prendre le large. Le ferry pour Lisbonne devant quitter Tanger «dans les douze heures sur ordre du Palais», Hubbard commanda au personnel de l’OTC d’y embarquer avec tout le matériel récupérable et tous les documents qui n’auraient pu être détruits à temps. Durant deux jours, une noria de camions, de voitures et même de motocyclettes fit donc la navette entre la «base à terre» de l’OTC et le port de Tanger. «Je n’ai pas pu savoir ce qui s’était vraiment passé et dans quelles conditions la mission avait échoué, ni les dessous de notre évacuation de Tanger», dira Armstrong. «Tout ce dont je suis certain c’est qu’il y a eu, à un moment donné, un contact direct avec Hassan II. Je sais aussi par ailleurs qu’un jeune berbère du nom de Laïdi Lyoussi qui assurait la liaison avec les militaires, a été sauvagement torturé et peut-être aussi assassiné suite au fiasco», ajoutera Armstrong dans sa déposition.Au total, confirmera aussi Armstrong sous serment, pas moins de «13 Marocains furent exécutés à cause du programme fou de Hubbard». On n’en saura pas plus sinon «qu’un bateau aurait été coulé en haute mer avec à bord des personnes affidées à Oufkir et qui étaient au parfum de ses liens avec la Sea Org»… Quand le ferry-boat de Lisbonne leva l’ancre le 3 Décembre 1972, l’Église de Scientologie ne laissait derrière elle au Maroc qu’une montagne de cendres, des nuages de rumeurs et une poignée d’agents consulaires américains en proie à une profonde perplexité.Un double complot de la CIA ?Les rumeurs sur l’épopée funeste au Maroc de l’Eglise de Scientologie alimenteront beaucoup l’univers interlope de la secte. De nombreux enquêteurs ont tenté durant des décennies d’en reconstituer le fil des évènements. On retrouvera ainsi la trace d’un appartement mis à la disposition de la mystérieuse Badiaâ par «des gradés Marocains» à Rabat pour y installer leur matériel servant aux interrogatoires ainsi qu’une maisonnette à Témara où Oufkir, dit-on, aurait fait un ultime saut au matin du 16 août 1972, quelques heures à peine avant l’attaque des F-5 contre l’avion de Hassan II.Auparavant, entre le 5 et le 10 Août, Oufkir se déplaça à Tétouan «pour voir sa famille à Cabo Negro», mais aussi pour «rendre visite à des membres d’équipage de l’Apollo au nord du Maroc», supposera un blogger féru de Scientologie. La mort du Colonel Allam durant la Guerre du Kippour, proche de Dlimi en raison de leur origine commune (Sidi Kacem), alimentera aussi toutes les conjectures. Elena Lorrel avancera «qu’il a été victime de sa proximité avec les scientologues»…Le plus saisissant sera la déclassification en 1996 d’un document de la CIA faisant état d’un contrat établi par l’agence en octobre 1972 en faveur de trois scientologues (Ingo Swann, Hal Puthoff et Pat Price) pour conduire des recherches sur «la perception à distance». La lutte acharnée contre l’URSS durant la guerre froide avait poussé l’administration Nixon à explorer toutes les voies possibles qu’offraient les «néo- sciences» y compris les plus fantaisistes.D’aucuns prétendront que cela n’était qu’une couverture à des agents qui avaient eu, comme double mission, durant 1971 et 1972, d’entretenir des contacts secrets avec les putschistes marocains à partir de la «Sea Org» en relâche à Tanger et d’organiser enfin la neutralisation du gourou Hubbard, après son évacuation expéditive du Maroc vers New York où il passa près d’une année au secret. L’entourage de Hubbard aurait été infiltré par des agents de la CIA pour suivre et peut-être jouer un rôle effectif dans les coups d’Etat.C’est en tout cas la thèse véhiculée par certains connaisseurs de l’histoire brumeuse de la Scientologie qui auraient identifié nombre d’agents de la CIA à bord des vaisseaux de Hubbard. Parmi eux, on compterait son assistant Ken Urquhart, son garde du corps et ancien béret vert Paul Preston ou son accompagnateur Jim Dincalci. Tous auraient eu au Maroc des relations répétées avec des militaires et des agents de renseignement marocains. Ils auraient même assuré le transfert de près de deux millions de dollars d’une banque suisse vers le Maroc pour aider les révolutionnaires.Après leur échec, l’argent aurait été réexpédié à la hâte aux Etats-Unis en liquide et, en partie, en coupures de dirhams marocains! Un mémorandum daté du 13 juillet 2003 adressé à la Maison-Blanche par une obscure organisation réputée proche de l’Eglise de Scientologie reprend cette assertion accusant la CIA d’avoir appuyé Oufkir dans son putsch et manipulé Hubbard.Les commissions d’enquête (Rockfeller et Church) du Congrès US sur le rôle de la CIA dans les renversements de nombreux régimes dans les années 70 n’ont pas pu statuer sur ce qui se serait passé au Maroc. Le 16 janvier 1975, le président Gerald Ford l’aurait pourtant évoqué sous le sceau de la confidence lors d’un déjeuner offert à la Maison-Blanche en l’honneur d’Arthur Ochs Sulzberger, le puissant patron du New York Times, qui lui a reproché la crédibilité des commissions d’enquête jugées trop proches des militaires du Pentagone et de la CIA elle-même.Ford lui répondit que la révélation du rôle de la CIA dans certaines affaires sensibles était impensable. «Quelles sortes d’affaires?» le questionna Sulzberger. «Des tentatives d’assassinats d’alliés devenus encombrants!», lui répliqua Ford avant de se ressaisir en ajoutant «C’est off, bien entendu!». Selon un convive attablé avec Ford et Sulzberger, le Président faisait probablement allusion au cas marocain…Ali AmarVox Maroc, 24/12/2010 -
Les dessous de l’affaire Talsint
Mohamed VI, dans son rêve de puissance énergétique nd le royaume se rêvait en pétromonarchie ou l’histoire de l’énorme coup de bluff d’aventuriers texans qui ont berné les apprentis businessmen du Palais.Des années se sont écoulées depuis que Mohammed VI a annoncé dans un discours radiotélévisé mémorable que le sous-sol de Talsint recelait du pétrole «en quantité abondante». Le rêve de Talsint s’est depuis longtemps évaporé des consciences et la bourgade qui était devenue synonyme d’Eldorado prometteur pour beaucoup de Marocains a vite, très vite, replongé dans l’anonymat et la misère de cette lointaine province de l’Oriental que les gouvernants de Rabat, depuis Lyautey, ont toujours appelé le «Maroc inutile». Du lieu de forage, là où ont roulé les rutilantes limousines gouvernementales sous le soleil de plomb de ce 23 août 2000, jour de l’inauguration en grande pompe du premier derrick du puits Sidi Belkacem-1, il ne subsiste qu’un amas difforme de ferraille rongé par la rouille, dernier vestige du plus grand mirage qu’a connu le Maroc depuis son indépendance.De la rocaille jaillit le rêveLe rêve de voir le Maroc se transformer en monarchie pétrolière s’est rapidement évanoui. Que s’est-il réellement passé? A-t-on réellement touché une nappe de pétrole que l’on ne peut exploiter pour des raisons aussi obscures qu’improbables? Etait-ce tout simplement un coup de bluff de quelques aventuriers texans qui ont berné une poignée d’apprentis businessmen qui gravitent autour du Pouvoir? L’histoire pathétique du pétrole de Talsint ressemble en réalité davantage à un mauvais polar politico-financier aux acteurs interlopes, une histoire qui a pu se tramer dans le contexte particulier de l’accession sur le trône alaouite d’un jeune monarque porteur de tous les espoirs d’un peuple après près de quarante ans de règne absolu de Hassan II.Eté 1999, alors que le Maroc est sous le choc de la disparition de Hassan II, le gouvernement d’alternance mené par le socialiste Youssoufi peaufine un nouveau code des hydrocarbures. Le texte de loi est révolutionnaire puisque censé, grâce à des abattements fiscaux et des mesures incitatives alléchantes, attirer les grands majors du pétrole qui, jusque-là, ont boudé le royaume chérifien, toute prospection y étant découragée par des royalties élevées à verser à l’Etat et des impôts stratosphériques à débourser sur chaque baril extrait de son sous-sol. Les détails de la loi, qui n’est pourtant pas encore passée par les fourches caudines du Parlement, sont jalousement gardés au secret dans les crédences du ministère de l’Energie. Mais sous les lambris du Pouvoir, quelques initiés, qui ont flairé le jackpot, se chuchotent déjà le contenu et décident de prendre les devants. Ces affairistes, habitués des arcanes du Palais, iront à la pêche d’un JR en Amérique pour se lancer les premiers dans ce nouveau business prometteur. De l’autre côté de l’Atlantique, les aventuriers de la prospection pétrolière pullulent. Ils savent peu ou prou que le Maroc, oublié des radars depuis la fin du Protectorat français pourrait, compte tenu de sa géologie, regorger de pétrole à condition de piocher là ou il faut et dans la mesure du possible à moindre coût. Depuis la fin des années quatre-vingt, l’un d’eux, Michael H.Gustin, la cinquantaine entamée, qui a grandi au milieu des pompes à bascule du Texas un peu comme le James Dean de «Géant», lorgne sur le Maroc. Il dirige une petite firme du nom de Skidmore Energy qui joue à la roulette en sondant les profondeurs du Golfe du Mexique avec un succès mitigé. Il est approché par Abdou Saoud, consul honoraire du Maroc en Californie et tête de pont des affairistes arabes à Los Angeles. Saoud lui fait miroiter les beaux atours du nouveau code des hydrocarbures et le met en contact avec Othman Skiredj, fils du général de l’armée de l’air marocaine et ancien aide de camp de Hassan II. Le jeune Skiredj, un des rares Marocains à avoir étudié au prestigieux Massachussets Institute of Technology de Boston (MIT) est actionnaire de Medi Holding, un petit véhicule d’investissement touche à tout, de la bourse à la téléphonie mobile. Son atout, en plus d’être aguerri à l’environnement anglo-saxon est d’être associé à deux trentenaires bien nés: Mohamed Benslimane, l’époux de la sœur du prince Moulay Hicham et surtout Moulay Abdallah Alaoui, géologue de formation et cousin germain de Mohammed VI. Les entrées dans les méandres de l’Administration marocaine des promoteurs de Medi Holding et leur proximité avec celui qui prendra bientôt les rennes du royaume n’échapperont pas au cow-boy Gustin…Des Marocains aux petits soins…Le sudiste Gustin n’a pas été choisi au hasard par le missi dominici Abdou Saoud. S’il connaît en effet toutes les ficelles du métier, étant lui-même issu d’une famille de pétroliers, ce baroudeur n’est pas le seul partenaire convoité par les Marocains. Sa société, il la doit à John Paul DeJoria, un habile homme d’affaires qui figure régulièrement en bonne place dans les classements des toutes premières fortunes des Etats-Unis. La soixantaine athlétique, le «shampooineur de Beverly Hills», comme le décrivent les gazettes people de Californie, est un richissime self-made man, patron de John Paul Mitchell Systems, une multinationale de produits de soins capillaires au chiffre d’affaires qui frise le milliard de dollars et aussi célèbre outre Atlantique que L’Oréal. DeJoria possède un florilège d’entreprises dont Skidmore Energy, fondée avec Gustin en 1995. Skidmore est ce que l’on appelle dans le jargon des pétroliers, une société de «wild catting», une sorte de «découvreur de gisements» à revendre aux majors comme Shell, Chevron ou Total, seules capables d’investir sur le long terme. Le business est risqué, les fonds étant souvent investis en pure perte. Gustin, qui peine à faire fortune convainc DeJoria que le Maroc est la dernière frontière à explorer. Ses arguments semblent solides: le sous-sol du pays n’a pas été suffisamment sondé, il a trouvé des partenaires diligents et bien introduits et qui, fait unique, proposent même d’avantager l’entreprise en la faisant bénéficier des avantages du code des hydrocarbures avant même sa promulgation officielle !Le 9 mars 2000, fort de ses entrées dans les méandres de la bureaucratie marocaine, Medi Holding paraphe avec les Américains de Skidmore un «mémorandum» qui définit la liste des avantages que les «lobbyistes» marocains se déclarent capables d’obtenir en un temps record. Les promoteurs de la société Lone Star Energy ,qui n’existe que depuis à peine huit mois, de s’assurer des exonérations fiscales et un régime des changes taillé sur mesure à faire pâlir les plus grandes multinationales installées au Maroc depuis des lustres. En contrepartie, le prince Moulay Abdallah Alaoui requiert à John Paul DeJoria et Michael H.Gustin 12% du capital de Lone Star dans des termes inimaginables pour le commun des investisseurs. Le code des hydrocarbures, pourtant encore en gestation, leur est en grande partie appliqué bien avant que les élus de la nation n’aient pris la peine de l’étudier. Il ne sera d’ailleurs adopté par le Parlement qu’en février 2000. Entre temps, les portes des ministères sont grandes ouvertes pour Lone Star, dont les réalisations sont pourtant encore méconnues. Mohammed Benslimane obtient rendez-vous sur rendez-vous à la Direction des investissements extérieurs, à l’Office des Changes et au ministère de l’Economie et des Finances. Toutes ses promesses faites à ses associés américains sont tenues. L’effort de conviction y est, l’argumentaire se tient, mais la facilité est pour le moins que l’on puisse dire inouie. Quelques jours avant la promulgation du code des hydrocarbures, Medi Holding ficèle avec l’Etat marocain une convention d’investissement. Sa trame est classique, mais elle justifie à Medi Holding son strapontin dans le tour de table de Lone Star Energy.Avions renifleursGustin joue le tout pour le tout. Il cède quelques menues affaires au Texas, sans rentabilité avérée, et se lance à corps perdu dans l’aventure marocaine. Avec le trio Alaoui, Benslimane et Skiredj, il fonde Lone Star Energy tout juste trois jours avant le décès de Hassan II. Une étoile est née, elle sera dotée d’un capital minimaliste d’un petit million de dirhams. Au final, Skidmore en détiendra 88% et Medi Holding 12% après moult largesses que les Marocains apporteront en gage: ils permettent entre autres l’accès aux données géologiques du pays. Dès le 9 décembre 1999, Gustin écrit à DeJoria: «Les plus hautes autorités du pays nous soutiennent (…), nous avons la certitude d’avoir trouvé quelque chose». Comment ont-ils pu trouver du pétrole avec une rapidité aussi déconcertante? Des géologues chevronnés font déjà la moue mais Gustin explique sans siller à coups de déclarations à la presse que sa société est dépositaire pour le Maroc d’une technologie révolutionnaire sensée réduire considérablement la marge de risque dans le choix des sites de forage, une technologie concédée par GeoScience, une obscure firme basée aussi au Texas et dont on saura plus tard qu’il en est aussi… actionnaire. Pour faire simple, ce procédé baptisé SRM utilise un rayonnement électromagnétique émis par des avions de reconnaissance qui permettrait d’identifier des bassins sédimentaires potentiellement exploitables. Ces données, croisées avec des études plus classiques (des cartes de l’ONAREP en l’occurrence) auraient ainsi permis de se focaliser sur Talsint…Octobre 1999, Medi Holding présente au souverain à Marrakech le fruit des trouvailles collectées par les «avions renifleurs» de Gustin. En juillet, les choses s’emballent, une seconde audience est même accordée par Mohammed VI dans son palais de Tanger, mais la petite Lone Star au capital ridicule ne fait plus le poids. La manne aiguise désormais d’autres appétits…Armadillo, le trouble-fêteLe 20 août 2000, soit un mois après le meeting de Tanger, Mohammed VI annonce lors de son discours marquant l’anniversaire de la «Révolution du roi et du peuple» la découverte de gisements pétrolifères importants. Le peuple médusé ne parlera que de cela pendant des semaines. Le 23, le roi et un aréopage d’officiels se déplacent en grande pompe à Talsint pour inaugurer officiellement le forage confié à Crosco, une société croate experte dans le «drilling» qui creuse les entrailles du désert marocain depuis la mi-mai. Le périmètre est quadrillé par l’armée qui a été mise à contribution pour déblayer la rocaille brûlante et ouvrir une piste sinueuse de 30 km qui mène au puits SBK-1 (Sidi Belkacem). Des tonnes de matériel et d’engins ont été acheminés du port de Nador par des convois surréalistes à travers le paysage lunaire de la province de Figuig sous la surveillance tatillonne de la Gendarmerie royale. C’est l’euphorie, les médias rivaliseront de superlatifs. Devant une forêt de micros, Youssef Tahiri, le ministre de l’Energie exposera des chiffres à donner le tournis aux plus sceptiques: pour le seul gisement de Sidi Belkacem, les réserves d’hydrocarbures sont estimées à 100 millions de barils, plus d’une quinzaine de puits sont envisagés portant l’estimation à 2 milliards de barils, de quoi satisfaire 30 ans de consommation intérieure du Maroc! Cinq permis d’exploitation sont concédés à Lone Star sur 37 000 km², avec à la clé des réserves estimées à 12 milliards de barils… Mais derrière ces annonces tonitruantes, des dissensions entre Américains et Marocains autour du contrôle de Lone Star préfigurent déjà d’une crise à venir. Financièrement à bout de souffle, Lone Star, fortement sous-capitalisée, n’arrive plus à tenir ses engagements envers les Croates de Crosco qui menacent de remballer leurs trépans et quitter le pays. La Gendarmerie calmera leurs ardeurs, le roi suivant de près le projet. Le jour même de la visite royale à Talsint, un fonds d’investissements du nom d’Armadillo entre dans la danse. Selon Gustin et DeJoria, l’arrivée de cet «investisseur» avait été effectivement convenue lors de la fameuse réunion de Tanger, mais ils ne savaient pas que les Marocains avaient fait appel en coulisses au groupe saoudien Dallah Al Baraka.Un cheikh à la rescousseArmadillo. Nom évocateur de sociétés-écran qui pullulent dans les paradis fiscaux des Etats confettis aux législations ultra-libérales, pour ne pas dire laxistes. La plupart des grands groupes transnationaux brouillent les pistes de leurs innombrables participations à travers des fonds dont les récipiendaires échappent ainsi à la fiscalité de leurs pays de résidence. Dallah Al Baraka, hydre de la finance estampillée «halal», n’est pas en reste dans ce domaine. Quand ce gigantesque groupe saoudien, un temps soupçonné par les Etats-Unis d’abriter des fonds d’Al Qaïda, vole au secours de Lone Star, (par l’entregent du Prince Bandar Ben Sultan prétendront les Américains), il utilisera un fonds, créé pour la circonstance au Liechtenstein. Ce fond dénommé Armadillo, déboursera pour renflouer Lone Star, 13,5 millions de dollars, sensés assurer un cash-flow nécessaire à l’entreprise sur la base d’un business-plan concocté par les financiers de Skidmore. Le principal bailleur d’Armadillo n’est autre que Cheikh Kamel Saleh, richissime patron de Dallah Al Baraka, à l’époque bien en cour au Maroc (le cheikh devait investir dans le tourisme balnéaire à Taghazout). Mais il ne serait pas seul à avoir accepté de mettre ses billes dans l’aventure pétrolière marocaine. D’autres investisseurs, dont l’identité demeurera impossible à percer, complèteraint le tour de table. Gustin et DeJoria sont persuadés que des intérêts marocains y sont représentés. Pour eux, il n’y a pas de doute, ces intérêts, ne peuvent être que ceux évoqués par le roi lui-même lors de leur rencontre. Ils en veulent aussi pour preuve, l’intervention du Cabinet royal dans la diligence d’Armadillo à verser les fonds requis pour contrôler in fine 44% du capital de Lone Star. Côté Medi Holding, les allégations des Américains ne sont que pures affabulations, Armadillo, comme la plupart des fonds d’investissement en portefeuille, n’a pas d’obligation spécifique de révéler la composition de ses possédants. Reste cependant que les substantiels avantages obtenus par Medi Holding à Lone Star profitent désormais à des investisseurs qui préfèrent la discrétion et qui ont, après augmentation de capital, dilué Skidmore à moins de 1% du capital, avec la bénédiction de l’auditeur KPMG, chargé de mettre de l’ordre dans ce nouveau montage financier. En octobre 2001, Armadillo changera de dénomination pour devenir Mideast Fund For Morocco (MFM).Les texans évincésLe différend qui oppose les Américains de Skidmore aux Saoudiens de Dallah Al Baraka et aux Marocains de Medi Holding est essentiellement d’ordre financier. En août 2000, quand l’accord est conclu avec le fonds d’investissement Armadillo, contrôlé par Dallah Al Baraka à travers sa filiale Samaha Holdings, les nouveaux entrants saoudiens commandent au cabinet KPMG, basé à Rabat, un audit sur les dépenses engagées jusqu’ici par la société. KPMG rend sa copie en janvier 2001. Pour Medi Holding, le cabinet KPMG soulignera des réserves sur les montants prétendument investis par Skidmore pour ses travaux de prospection avec la fameuse technologie SRM. Les factures pour ces travaux atteindraient la somme faramineuse de 17 millions de dollars que Skidmore déclare avoir payée directement à GeoScience. Dallah Al Baraka et Medi Holding contestent cette dépense. Skidmore, pour sa part, insiste pour l’intégrer dans son compte courant. Le différend est de taille. Pourtant, le 23 mars 2001, Richard Menkin le financier de Dallah Al Baraka, adressera un courrier troublant à Robert Thomas, le comptable de Skidmore. Il y écrit en substance qu’au moment où ils avaient demandé des précisions sur cet «investissement» , ils n’avaient pas pris connaissance du rapport de KPMG. Il y reconnaît aussi que les paiements engagés directement par Skidmore à GeoScience n’ont pas lieu d’être contestés. Menkin ajoute aussi qu’il comprend l’irritation de Skidmore à qui on demande des justificatifs sur des documents… “déjà audités”. De l’aveu de Menkin, les justificatifs des transferts à GeoScience sont demandés par les actionnaires de Dallah Al Baraka qui sont sollicités pour faire de nouveaux versements à Lone Star. Enfin, le financier de Dallah Al Baraka ajoute que, si les traces des paiements faits à GeoScience par Skidmore sont “lourdes” à produire, il pourrait se suffire de l’audit de KPMG comme document de confirmation.Volte-face ou formalisme rigoureux? Dallah Al Baraka et Medi Holding refuseront de prendre en considération les factures de GeoScience. Pour MediHolding, ces dépenses auraient dû se faire via Lone Star. Mohammed Benslimane sera formel à ce sujet. A son sens, Skidmore devrait au moins produire des preuves tangibles de ces paiements. Il ajoutera que KPMG n’a jamais entériné les factures de GeoScience. Qui dit vrai? Difficile à clarifier cet imbroglio, Azeddine Benmoussa, le patron de KPMG-Rabat s’étant toujours refusé à tout commentaire à ce sujet, par devoir de «réserve professionnelle», dira-t-il. KPMG enverra (des mois après la production de son audit) une lettre à Skidmore dans laquelle il précise que les dépenses en question ne seront pas certifiées tant que les preuves de leur paiement n’auront pas été produites. L’avocat de Skidmore, Gary Sullivan, prétendra que les factures de GeoScience ont été directement honorées par Skidmore, pour une raison qu’il juge évidente, Skidmore détient l’exclusivité de la technologie SRM au Maroc. Un peu court quand on sait qu’il ne les mettra jamais à la disposition des autres actionnaires. Résultat, n’ayant pas pu faire entériner ces dépenses, Skidmore a été de facto, fortement dilué dans le capital de Lone Star, suite à l’augmentation de capital réalisée en août 2001 par Dallah Al Baraka via Armadillo. C’est désormais un long bras de fer qui s’engage entre les actionnaires. Skidmore estime avoir été lésé dans l’opération. Les multiples négociations entre les parties méneront à l’impasse, chacun campant sur ses positions. Les Saoudiens de Dallah Al Baraka et les Marocains de Medi Holding s’en tiendront au formalisme des usages comptables. De leur côté les Américains contesteront avec véhémence la bonne fois de KPMG. «C’est un mini Enron marocain», commentera leur avocat, «KPMG a reconnu la créance avant de se retourner contre nous», affirmera-t-il. La guerre est déclarée et le divorce presque consommé.Silence radio au MakhzenGustin et DeJoria remueront ciel et terre pour faire entendre leur voix. Ils proposent aux Marocains de reprendre les parts de Dallah Al Baraka. Ils approchent de grandes compagnies comme Conoco ou l’espagnol Repsol, prennent langue avec la BMCE et la CDG. Sans succès. Ils tenteront en vain lors de réunion tenues à Paris et Londres notamment, de trouver une cote mal taillée avec le trio Skiredj, Benslimane et Alaoui. Deux ans durant (de 2000 à 2002), ils n’auront de cesse d’écrire à tout ce que le Maroc compte d’officiels. A André Azoulay, conseiller du roi pour les affaires économiques, Gustin écrira en août puis en octobre 2001, pour «l’implorer d’avertir Sa Majesté». Interrogé en 2002 par «Le Journal», Azoulay aura cette réplique sibylline: «J’ai effectivement reçu des lettres émanant de Skidmore, comme je reçois chaque jour des centaines de missives. Non, je n’en ai pas fait part au roi… Vous savez, tous les jours nous recevons des demandes d’audience royale». A Abdallah El Maâroufi, ambassadeur du royaume à Washington, DeJoria parlera de «désastre», relevant au passage que le «deal» conclu avec les plus hautes autorités de l’Etat insistait sur le fait que le «pétrole devait rester entre les mains des Marocains». Edward Gabriel, l’ambassadeur américain en poste à Rabat sera aussi sollicité pour intervenir auprès du Palais. Rien n’y fera, pas même l’entregent de l’ancien secrétaire d’Etat à la défense, William Cohen, un intime de DeJoria et «ami» de longue date du Maroc. A l’occasion des visites royales aux Etats-Unis, d’autres missives seront expédiées à Colin Powell et même à George W.Bush. Sans résultat, sauf cette enquête diligentée par la CIA et qui est tenue à ce jour «secret défense». Il est loin le temps où Gustin et son épouse Cynthia posaient tout sourire devant le crépitement des flashs au dîner de gala offert par Bill Clinton à Mohammed VI à la Maison Blanche. A l’époque, le texan faisait encore partie de la très select liste des invités de marque du royaume aux grandes cérémonies officielles…Skidmore déboutéOctobre 2003, les promoteurs de Skidmore décident alors de passer à l’offensive. Ils déposent une plainte devant la juridiction de Dallas au Texas contre à peu près tous les intervenants de cette affaire pour «fraude, blanchiment d’argent, crime organisé et financement probable d’activités terroristes»! Skiredj, Saoud, Alaoui et Benslimane y sont désignés comme «agissant au nom du roi Mohammed VI», et la contribution des 13, 5 millions de dollars faite par Sheikh Kamal à Lone Star «un cadeau politique». La cour fédérale du Texas refusera de prendre en considération l’accusation «faute de preuves tangibles». L’affaire sera portée en appel. Le 27 juillet 2006, le justice américaine rendra son verdict : l’acte d’accusation et le montant de 3 milliards de dollars demandés par les plaignants pour dommages et intérêts sont jugés «sans fondement». Skidmore sera débouté, et pire, financièrement sanctionné. La société devra prendre en charge tous les frais de justice occasionnés pour avoir initié une procédure judiciaire sur la base «d’allégations frivoles». Ils se montent à plus d’un demi million de dollars. Depuis cette date, Skidmore a été mise en veilleuse, son site internet fermé et ses lignes téléphoniques coupées. John Paul DeJoria continue d’être la coqueluche des médias depuis qu’il a racheté l’immense demeure du styliste Gianni Versace sur Ocean Drive à Miami et Michael Gustin a finalement révisé ses ambitions à la baisse en acceptant un emploi de consultant chez Mine Development Associates, une petite firme de géologues basée à Reno aux confins du Nevada.Depuis, le Maroc a revu ses ambitions à la baisse et mise plutôt sur ses gisements de schistes bitumineux pour réduire à moyen terme ses importations de fioul. Une forte délégation de l’Office National Des Hydrocarbures et Des Mines (ONHYM) s’est discrètement invitée le 11 décembre 2010 à Pittsburgh à la conférence donnée par le Pr Kent Moors de la Duquesne University et directeur de l’Energy Policy Research Group. Objectif: s’enquérir de la Global Shale Gas Initiative (GSGI), un projet initié en avril dernier par le Département d’Etat américain pour encourager l’exploitation de schistes bitumineux dans le monde et exporter le savoir-faire des Etats-Unis en la matière (hydrofracking et forage horizontal). Des contacts qui arrivent à point nommé: L’ONHYM va autoriser de multiples forages à partir de la seconde moitié de 2011 pour tester le potentiel du sous-sol marocain en shale-gas. Haddou Jabour, directeur de la promotion et des partenariats à l’ONHYM, estime que les études de prospection entamées avec les sociétés étrangères partenaires depuis juin dernier sont « très encourageantes ». Deux gisements sont particulièrement ciblés: Celui de Tarfaya (22 millions de barils) concédé à la firme San Leon Energy, propriété de l’homme d’affaires irlandais Oisin Fanning et celui de Timahdit (15 millions de barils) de la major brésilienne Petrobras. En mai dernier, le Maroc avait signé avec le géant public estonien Eesti Energia (Enefit), n°1 mondial de l’exploitation des schistes bitumineux, un protocole d’accord visant à produire de l’électricité à partir du shale-gas.Ali AmarVox Maroc, 24/12/2010 -
La France contre les droits de l’Homme ?
La France, la patrie des droits de l’Homme serait-elle contre la défense des droits de l’Homme au Sahara Occidental. C’est la question autrement pertinente que pose Philippe Bolopion, directeur de Human Rights Watch, dans un point de vue publié par le quotidien parisien Le Monde dans son édition datée du mercredi. «Les événements qui ont embrasé El-Ayoun, la capitale du Sahara Occidental, le 8 novembre, devraient convaincre la diplomatie française de changer de cap sur un dossier peu connu, mais qui embarrasse jusqu’aux plus aguerris de ses diplomates. Depuis plusieurs années, à l’abri des portes closes du Conseil de sécurité de l’ONU, la France use du pouvoir de dissuasion que lui confère son droit de veto pour tenir les Nations unies à l’écart des questions touchant au respect des droits de l’Homme dans le territoire annexé par son allié marocain en 1975», écrit le directeur de l’influente ONG, Human Rights Watch.«Faute d’un mandat approprié, la mission de l’ONU au Sahara Occidental (Minurso) est restée aveugle tout au long des événements qui ont opposé le mois dernier les forces de l’ordre marocaines aux militants sahraouis – les troubles les plus graves depuis le cessez-le-feu de 1991. Le Conseil de sécurité de l’ONU, en charge de la paix internationale, s’est vu dans l’incapacité de faire la part des choses entre le mouvement indépendantiste du Front Polisario et (…) le Maroc qui prétendait, sans plus de crédibilité, libérer les milliers de civils sahraouis soidisant retenus en otage par des » criminels » dans un camp érigé en signe de protestation à proximité de El-Ayoun» , ajoute Philippe Bolopion, relevant que si « ces événements s’étaient déroulés en République démocratique du Congo, en Haïti ou au Soudan, des experts en droits de l’Homme de l’ONU auraient immédiatement été dépêchés sur place pour établir une version objective des événements et informer le Conseil de sécurité, contribuant ainsi à apaiser les tensions. La présence d’observateurs de l’ONU aurait aussi pu s’avérer dissuasive pour les forces de sécurité marocaines qui ont, à plusieurs reprises, selon notre enquête, passé à tabac des personnes arrêtées à la suite des troubles.»« Toutes les missions de maintien de la paix de l’ONU établies depuis 1991 disposent de ces mécanismes, qui reposent sur le constat que toute paix durable s’appuie sur le respect des droits de l’Homme. Partout ailleurs, du Darfour au Timor Oriental, en passant par le Kosovo, la France soutient pleinement l’intégration croissante des questions touchant aux droits de l’Homme dans les missions de l’ONU. Il n’y a que sur le dossier sahraoui que Paris s’arcboute, persistant à défendre une anomalie historique», ecrit-il encore, notant que «cette obstination française a un coût.L’ambassadeur de France à l’ONU, Gérard Araud, l’a appris à ses dépens, le 30 avril dernier, lorsqu’il a dû faire face aux pays du Conseil de sécurité tels que le Royaume-Uni, l’Autriche, l’Ouganda, le Nigeria ou le Mexique, qui sont favorables à un élargissement du mandat de la Minurso aux questions de droits de l’Homme. À quelques heures de l’expiration du mandat de la mission de l’ONU, selon plusieurs témoins, le ton est monté.» «Comment la France, qui se prétend le berceau des droits de l’Homme, pouvait-elle s’opposer à toute mention des droits humains dans la résolution, a demandé un ambassadeur occidental ? Son homologue chinois, un rien ironique, s’est réjoui de constater que Paris partageait désormais les réserves de Pékin sur tout débat des droits de l’Homme au Conseil de sécurité. Après une vive réponse de l’ambassadeur français, suivie d’excuses toutes diplomatiques, la France a obtenu gain de cause, non tant par la force de ses arguments que par celle de son droit de veto. (…) «Le renouvellement du mandat de la Minurso, en avril 2011, offre à la diplomatie française une chance de corriger la situation», a-t-il estimé par ailleurs, soulignant que se faisant le Conseil de sécurité pourra avancer sérieusement sur la question du Sahara Occidental.Ces derniers jours, la capitale française a vu défiler le ministre marocain des Affaires étrangères et son homologue espagnol, venant s’assurer que la nouvelle ministre française des Affaires étrangères, Michelle Alliot-Marie, ne modifiera pas le soutien inconditionnel de Paris à Rabat.Mokhtar BendibLe Courrier d’Algérie, 24/12/2010 -
Ould Salek : «Le Polisario n’est pas impliqué dans les réseaux criminels»
Le ministre des Affaires étrangères de la République arabe sahraouie démocratique a démenti hier l’implication de membres du Front Polisario dans un quelconque réseau de trafic, de criminalité ou de terrorisme dans la région sahélo-saharienne. M. Mohamed
Salem Ould Salek récuse l’information distillée par l’AFP et reprise par plusieurs médias faisant état de l’arrestation de sept personnes présentées comme membres importants du Polisario mêlés à l’un des plus importants réseaux de trafiquants de drogue dans le Sahara occidental. «C’est l’un des principaux réseaux de trafiquants dans la zone du Sahara occidental, surnommé ‘‘Polisario’’ parce qu’il était composé à plus de 90% d’éléments issus des camps du Polisario», avait écrit l’AFP. «Ils ne sont pas du Polisario», insiste Ould Salek, en dénonçant les campagnes de dénigrement du mouvement de libération orchestrées par le Maroc.«Depuis plus de trois ans, le Maroc s’active dans la région sahélo-saharienne avec des lobbies installés aux Etats-Unis et en Europe pour dénaturer la lutte du peuple sahraoui en créant des instituts fictifs et autres pseudo-centres d’analyses constitués d’une ou de deux personnes uniquement, travaillant avec les services marocains, qui essaient par tous les moyens de dévoyer la cause en s’évertuant à lui trouver des liens avec les réseaux criminels et terroristes», dénonce le ministre des Affaires étrangères (MAE). Il citera nommément le Centre européen d’études stratégiques et de sécurité (ESISC) et son directeur Claude Moniquet, l’AFP et la MAP (agence officielle de presse marocaine) impliqués dans cette campagne. «L’on se rappelle l’épisode de Omar le Saharoui qui aurait kidnappé des touristes espagnols. Les autorités qui l’ont arrêté, jugé et condamné ont prouvé qu’il était de nationalité malienne. Mais des médias persistaient à l’appeler Omar le Sahraoui. On fait l’amalgame entre le peuple du Sahara occidental et les autres habitants du Sahara», explique-t-il. S’agissant des réseaux de trafiquants de drogue et de criminalité dans la région, Ould Salek poursuit : «Si les forces du Front Polisario n’occupaient pas la région le long du mur de séparation, le trafic de drogue aurait eu des proportions plus importantes. Avec la quantité qui arrive d’Amérique latine et du Maroc, plaque tournante de la drogue, la situation aurait été autre.»Evoquant l’évolution de la situation politique au Sahara occidental, il met en garde les Nations unies contre le risque d’aggravation du conflit qui oppose le peuple sahraoui au royaume du Maroc. «Les Nations unies doivent prendre leurs responsabilités devant le blocage de la solution politique par le Maroc», tonne-t-il. Devant l’échec du dernier round de négociations informelles à Manhattan et la violence de la répression contre le peuple sahraoui dans les territoires occupés par les forces marocaines, les voix se font plus insistantes en vue d’une reprise des armes. «Il y a une forte pression de la base civile et militaire dans les zones occupées et les camps de réfugiés pour la reprise des combats. Depuis 2005, suite au blocage du processus de paix et l’incapacité de la Minurso d’accomplir sa mission – organiser un référendum pour l’autodétermination – le peuple sahraoui s’impatiente», avertit Ould Salek. Il motive la participation sans faille du Polisario aux différents rounds de négociations avec le Maroc par la volonté des Sahraouis de parvenir à une fin pacifique au conflit selon les décisions de l’ONU. «Nous ne voulons pas donner au Maroc le prétexte du refus du dialogue. Il ne sera pas dit que le Sahara occidental bloque la volonté des Nations unies. Mais nous ne pourrons pas contenir le peuple indéfiniment».Il profitera de la tribune d’El Moudjahid pour dénoncer le rôle joué par la France et l’Espagne (anciennes puissances coloniales) de faire le jeu du royaume dans sa politique expansionniste. «La présence de la France et de l’Espagne au sein du groupe des amis du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental a empêché une action positive nécessaire du Conseil de sécurité pour faire respecter les accords conclus entre les deux parties et l’accomplissement par la Minurso de son mandat», tranche Ould Salek. «L’autodétermination du peuple sahraoui est dans l’intérêt du Maroc, de la région et des deux rives de la méditerranée», poursuit-il.Par Samir AzzougLa Tribune d’Algérie, 22/12/2010 -
L’histoire secrète de l’Eglise de Scientologie au Maroc
Alors que le Maroc était déstabilisé par deux tentatives de coup d’Etat, la secte de Ron Hubbard projetait d’infiltrer le Palais…«Un des pays majeurs que nous avons perdus fut le Maroc». Cette déclaration énigmatique est celle d’Elena Lorrell, une des innombrables disciples de l’Eglise de Scientologie, qui avait au début des années 70 jeté son dévolu sur le royaume. Des documents officiels émanant de services de renseignements étrangers, aujourd’hui déclassifiés, et des témoignages sidérants d’anciens scientologues lèvent un pan de l’incroyable épopée de la secte du gourou L. Ron Hubbard au Maroc.L’histoire commence en 1967, lorsque l’Eglise de Scientologie décide de créer sa marine privée (la Sea Org) et entame une véritable odyssée le long de la côte atlantique marocaine et en Méditerranée. A l’époque, l’Eglise de Scientologie est sous le coup de nombreuses enquêtes aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Hubbard imagine son «projet maritime» et monte une petite armada de vaisseaux. Il y embarque près de 400 de ses fidèles et prend la mer pour «échapper aux forces du mal» en leur promettant la «vie cosmique éternelle».Destination : le MarocFin 1968, les scientologues, qui ont adopté des uniformes et des grades rappelant ceux des marines militaires, mouillent leur flotte à Corfou. Hubbard, qui s’est autoproclamé Commodore de sa flottille, cherche alors un port d’attache et semble attiré par le régime de la junte militaire grecque de l’époque. Il en sera rapidement expulsé, les autorités d’Athènes n’ayant pas apprécié ses tentatives de rapprochement avec des politiques du pays. C’est alors que la secte navigante fera cap vers Gibraltar et les ports marocains lors d’un périple que les initiés de l’histoire de la secte appellent «l’Odyssée déconnectée». Et elle l’était dans tous les sens du terme.L’ambiance à bord des bâtiments de la «Sea Org», qui était tantôt grave tantôt loufoque, finira par attirer l’attention des services secrets inquiets de voir cet étrange équipage voguant sans destination précise. De l’Apollo, son navire-amiral, le Commodore lançait à ses disciples des communiqués dans lesquels il agitait le spectre de «forces hostiles dressées contre la Scientologie» et développait son thème favori d’une conspiration internationale ourdie par les communistes. Son obsession se fixa peu après sur un mystérieux organisme baptisé le Mémorial Tenyaka, auquel il consacra le 2 Novembre 1969 trente et une pages de divagations. «Il n’est pas impossible que le Commodore Hubbard et sa femme Mary Sue soient des philanthropes ou des excentriques, sinon leur opération cache quelque chose de louche. Nous ignorons quoi au juste, mais diverses hypothèses courent à Casablanca allant de la contrebande au trafic de drogue et à une secte de fanatiques», câblera William J. Galbraith, le vice- consul des États-Unis à Casablanca au Département d’État à Washington le 26 septembre 1969.Les bateaux de l’Eglise de Scientologie faisaient depuis des mois des escales techniques dans les principaux ports marocains, cabotant au gré des humeurs de leur gourou le long de la façade atlantique du Maroc, de Tanger à Agadir. Dans un compte-rendu de visite à bord de l’Apollo, Galbraith déplora «l’imprécision volontaire des réponses» à ses questions les plus simples. Une brochure expliquant que des étudiants s’exerçaient à «l’art de la navigation» ne l’éclaira pas davantage. L’Apollo battant pavillon panaméen, le consul de Panama tenta sa chance de son côté, sans plus de succès. Il nota que le navire «en mauvais état et mal entretenu mettait la vie de l’équipage en danger quand il naviguait», mais ses demandes réitérées de rencontrer Hubbard, un temps installé dans une suite de l’Hôtel El Mansour (rebaptisé depuis Royal Mansour) à Casablanca restèrent vaines. La flotte continua ainsi pendant de longs mois ses étranges pérégrinations au large des côtes chérifiennes.Un «suicide» à SafiUne jeune femme allait causer au Commodore ses premiers sérieux ennuis au Maroc. Agée de vingt-trois ans, originaire du Colorado, Susan Meister avait embarqué sur l’Apollo en février 1971. Avec l’enthousiasme des néophytes, elle écrivait souvent à ses parents pour les inciter à se convertir à la Scientologie. «Je sors d’une séance d’auditing», écrivait-elle le 5 mai, «je ne me suis jamais sentie aussi bien… C’est à la Scientologie que je le dois. Vite, vite, faites comme moi. C’est un trésor plus précieux que l’or».Le 15 juin, en revanche, l’obsession du Commodore semblait avoir déteint sur elle: «Je ne peux pas vous dire où nous sommes. Nos ennemis… veulent nous empêcher de restaurer la liberté des habitants de cette planète. S’ils savaient où nous sommes, ils nous détruiraient». Dix jours plus tard, alors que l’Apollo faisait escale dans le port de Safi, Susan Meister s’enferma dans une cabine munie d’un pistolet de calibre 22 et se tira une balle dans la tempe. Elle fut retrouvée vêtue de la robe que sa mère lui avait envoyée pour son anniversaire, une lettre annonçant son suicide par terre, à ses pieds.La police locale et le Pacha de la ville, qui s’étaient liés d’amitié avec des membres de l’équipage de l’Apollo, bâcleront l’enquête au moment où le pays était sous le choc de la tentative de coup d’Etat de Skhirat en juillet 1971. Mais la mort d’une citoyenne des États-Unis ne pouvait manquer d’attirer encore une fois, sur l’Apollo, l’attention des autorités consulaires américaines, ce que Hubbard s’efforçait d’éviter à tout prix. Fidèle aux principes maintes fois édictés par Hubbard, la «Sea Org» essayera d’étouffer l’affaire. Douce et réservée selon ses camarades, Susan Meister fut dépeinte comme une droguée et une déséquilibrée, ayant déjà plusieurs tentatives de suicide à son actif.On insinua aussi que des photographies compromettantes avaient été retrouvées dans ses affaires. Encore une fois, le vice-consul William J.Galbraith, venu à Safi enquêter sur l’affaire, allait croiser les scientologues. Le 13 juillet, deux membres influents de la «Sea Org», Peter Warren et Jone Chiarisi, l’invitèrent à déjeuner dans un restaurant de Sidi Bouzid avant de l’emmener à bord. Warren et Chiarisi signèrent ensuite des dépositions sous serment accusant Galbraith de menaces et de chantage: «Il nous a dit que si le navire devenait gênant pour les États-Unis, Nixon ordonnerait à la CIA de le saboter ou de le couler à Safi en balançant quelques bouteilles de Coca-Cola dans ses turbines». Galbraith était également censé avoir déclaré que l’Église de Scientologie était «un ramassis de cinglés», et que l’Apollo servait de «bordel, de tripot clandestin et de repaire de trafiquants de drogue».Le lendemain, Norman Starkey, capitaine de l’Apollo, envoya des copies légalisées de ces déclarations à la Commission sénatoriale des Affaires étrangères, avec une lettre affirmant que «Galbraith avait menacé d’assassiner les 380 personnes à bord, y compris les femmes et les enfants». Des copies complètes furent envoyées à l’Attorney General John Mitchell, à la CIA et au président Nixon lui-même, sur qui n’ avait pas encore déferlé le raz-de-marée du Watergate. Un article du Los Angeles Times, daté du 29 août 1978, fera état de cette correspondance officielle jusque-là classée «confidentiel» par le FBI.Arrivé quelques jours plus tard à Safi, le père de Susan Meister n’aboutit à rien avec les autorités locales. En désespoir de cause, ne parvenant même pas à savoir où se trouvait le corps de sa fille, Meister en appela à Hubbard. Après que Warren lui eut fait visiter l’Apollo au pas de course, il s’entendit répondre que le Commodore refusait de le recevoir. Meister n’était pas au bout de ses peines. A son retour aux États-Unis, il apprit avec stupeur que Susan avait été enterrée au Maroc avant qu’il n’y soit lui-même arrivé. Et lorsqu’il voulut faire rapatrier le corps de sa fille et la faire autopsier, les services d’hygiène du Colorado refusèrent, informés par une lettre anonyme qu’une épidémie de choléra au Maroc avait déjà fait plusieurs centaines de victimes !. «La fille d’un certain George Meister est décédée au Maroc», précisait le corbeau. «On parle d’un accident, mais il s’agit plus vraisemblablement du choléra».La mort de la jeune Meister restera une des grandes énigmes de la Scientologie au Maroc. Selon une enquête détaillée de Bent Corydon («Le Messie ou le fou») publiée en 1998, Meister aurait pu avoir eu vent des projets d’infiltration des dirigeants de la secte auprès des officiels marocains.Une «base à terre» à TangerQuelque temps plus tard, l’Apollo était à Tanger. Mary Sue, la femme de Hubbard, y surveillait l’aménagement d’une confortable maison, la villa Laure située sur les hauteurs de la ville, où les Hubbard comptaient résider tandis que le navire subirait à Lisbonne un indispensable passage en cale sèche. Selon Russell Miller, spécialiste réputé de la Scientologie et auteur du livre à succès «le gourou démasqué», «Hubbard rêvait toujours d’un pays amical où implanter la Scientologie et le Maroc, où il faisait régulièrement escale depuis son départ de la Méditerranée, lui inspirait une convoitise croissante. Hassan II traversait à ce moment-là une crise grave; si la Scientologie l’aidait à démasquer les traîtres de son entourage, le roi ne pourrait manquer de lui exprimer concrètement sa gratitude». Dans cet objectif, la «Sea Org» installa une «base à terre» près de Tanger, dans un immeuble de bureaux sur la route de l’aéroport. L’enseigne, annonçant en anglais, en français et en arabe la présence de l’«Operation and Transport Corporation, Ltd» (OTC), attira l’attention de Howard D. Jones, consul général des États-Unis à Tanger, dont l’intérêt redoubla avec la rencontre d’une jeune Américaine qui lui avoua non sans réticence, travailler pour l’OTC: «Notre société est panaméenne, c’est tout ce que je puis vous en dire».Sa curiosité piquée au vif, le consul ne tarda pas à faire le rapprochement entre l’OTC, le mystérieux Apollo et L. Ron Hubbard, fondateur de la Scientologie. Il n’alla cependant guère plus loin, comme en témoigne son câble du 26 Avril 1972 à Washington: «On ne sait presque rien de l’OTC et ses dirigeants sont peu bavards sur ses activités. Les scientologues à bord de l’Apollo font sans doute ce que leurs collègues font ailleurs… Les rumeurs qui courent en ville sur un trafic de drogue ou la traite des blanches nous laissent toutefois sceptiques». Le consul avait raison, car il ne se passait pas grand-chose à bord du navire qui pût inquiéter Washington. C’est à terre, en revanche, que survenaient les choses intéressantes…«Avez-vous fait allégeance à Oufkir ?»L’OTC s’efforçait en effet d’infiltrer l’administration marocaine. L’idée serait venue de Richard Wrigley, un des proches conseillers de Hubbard, qui s’était déjà lié d’amitié avec le Pacha de Safi. Wrigley annonca à Hubbard qu’il «avait les moyens d’obtenir une audience du roi» et qu’il pourrait ainsi assurer à l’Eglise «un sanctuaire». Wrigley fut chargé de la mission avec Liz Gablehouse, une confidente de Hubbard, riche héritière d’une famille de notables de Tallahassee en Floride. Les deux «missionnaires» reçurent par écrit des instructions de Hubbard leur annonçant qu’ils avaient «carte blanche et un budget illimité». Le binôme enregistra un premier succès en décrochant un contrat pour la formation d’agents administratifs des Postes, mais le projet tourna court: déconcertés par les techniques de la Scientologie, les élèves des PTT marocaines «à qui l’on apprenait le dépassement de soi» désertèrent le stage au bout d’un mois.Selon Jon Atack, qui a enquêté sur la question dans les années 90, «les postiers marocains auraient été effrayés par le code d’éthique de Hubbard qui les menaçait de haute trahison s’ils n’appliquaient pas à la lettre ses directives. Pour eux, cela signifiait qu’ils pouvaient être tout bonnement… exécutés !».Liz Gablehouse rencontra une certaine Badiaâ qu’elle présenta à Hubbard comme «proche de la famille royale». Cette dernière l’introduisit auprès du Colonel Abdelkader Allam. Amos Jessup, le seul scientologue de l’Apollo qui parlait français, conduisit l’assaut suivant sur l’officier supérieur des Forces armées royales, «vivement impressionné par les performances de l’électromètre», l’instrument fétiche des scientologues censé analyser la psychologie des personnes. L’idée de Hubbard était de faire auditer les cadres de l’armée et «mesurer leur loyalisme au roi». Allam leur promit d’en parler au Général Oufkir. Il organisa une soirée à laquelle furent conviés Liz Gablehouse et Amos Jessup. Oufkir s’y présenta accompagné d’une jeune femme blonde qui était en poste au consulat du Maroc à New York.Oufkir revenait tout juste d’un voyage aux Etats-Unis d’où il rapporta un poulain comme présent au prince héritier Sidi Mohammed de la part du gouvernement américain. Les scientologues apprirent de l’escorte d’Oufkir, quelque peu eméchée, «qu’il s’était secrètement rendu au centre d’entraînement de la CIA à Port Holibert pour y rencontrer des pontes de l’agence à l’insu de Hassan II». Plus tard, Liz Gablehouse et d’autres membres de la «Sea Org» furent invités par Oufkir pour assister à un show aérien à la base américaine de Kénitra où ils purent s’entretenir avec «d’autres généraux, ceux-là mêmes qui conspirèrent contre le roi en juillet 1971», témoignera Elena Lorrell dans l’ouvrage de Corydon. Le coup d’Etat de Skhirat changera la donne. Les contacts avec Oufkir reprirent pourtant assez rapidement.Pour les scientologues, Oufkir et Hassan II pourraient être intéréssés par leur «projet de checking sécuritaire» pour démasquer les comploteurs à l’aide de leur outil-miracle. Oufkir leur répondit assez froidement: «très intéressant, je reviendrai vers vous sous peu». Les manoeuvres auprès de la police secrète semblaient plus prometteuses, l’OTC ayant réussi à organiser des cours pour apprendre aux policiers et aux agents de renseignements du Cab-1 à détecter les «individus politiquement subversifs». Mais le programme de formation des policiers marocains tournait à la débandade, «sous l’effet des luttes intestines entre les fidèles du roi et leurs opposants, aussi effrayés les uns que les autres par les révélations éventuelles de l’électromètre», rapportera plus tard un ex-scientologue.Dans de nombreux témoignages devant la justice américaine lors des grands procès des années 80 et 90 intentés en Californie contre la secte par des scientologues repentis, l’opération marocaine a souvent été évoquée. Garry Armstrong, un des logisticiens de l’Apollo dira à la Cour: «l’idée était brillante, mais aventureuse alors que la situation au Maroc était plus que tendue. J’ai personnellement livré des douzaines d’électromètres aux Marocains et participé à établir les questionnaires pour les interrogatoires. Les questions étaient simples, elles nécessitaient pourtant qu’on les traduise en français». Ces questions, il les répétera à un jury médusé: «Avez-vous failli à dénoncer un traître?», «Avez-vous fait allégeance à Oufkir?»…Toujours selon Armstrong, tout le personnel de la Villa Laure, y compris les «nombreuses Fatima de service» et ceux de la flotte, étaient en effervescence pour faire aboutir cette opération. «C’était complètement dingue», se souvient Amos Jessup: «on ne savait même plus qui était de quel bord». La «Sea Org» aurait peut-être pris le temps de démêler cet écheveau si, au même moment, de fort mauvaises nouvelles n’étaient arrivées de Paris: la branche française de l’Église de Scientologie allait être inculpée de diverses activités frauduleuses et le Parquet envisageait de demander au Maroc l’extradition de Hubbard ! Pis, la seconde tentative de coup d’Etat menée par les aviateurs contre le Boeing de Hassan II en août 1972 et la fin tragique d’Oufkir a fait capoter toute l’entreprise.Le Commodore décida qu’il était temps de prendre le large. Le ferry pour Lisbonne devant quitter Tanger «dans les douze heures sur ordre du Palais», Hubbard commanda au personnel de l’OTC d’y embarquer avec tout le matériel récupérable et tous les documents qui n’auraient pu être détruits à temps. Durant deux jours, une noria de camions, de voitures et même de motocyclettes fit donc la navette entre la «base à terre» de l’OTC et le port de Tanger. «Je n’ai pas pu savoir ce qui s’était vraiment passé et dans quelles conditions la mission avait échoué, ni les dessous de notre évacuation de Tanger», dira Armstrong. «Tout ce dont je suis certain c’est qu’il y a eu, à un moment donné, un contact direct avec Hassan II. Je sais aussi par ailleurs qu’un jeune berbère du nom de Laïdi Lyoussi qui assurait la liaison avec les militaires, a été sauvagement torturé et peut-être aussi assassiné suite au fiasco», ajoutera Armstrong dans sa déposition.Au total, confirmera aussi Armstrong sous serment, pas moins de «13 Marocains furent exécutés à cause du programme fou de Hubbard». On n’en saura pas plus sinon «qu’un bateau aurait été coulé en haute mer avec à bord des personnes affidées à Oufkir et qui étaient au parfum de ses liens avec la Sea Org»… Quand le ferry-boat de Lisbonne leva l’ancre le 3 Décembre 1972, l’Église de Scientologie ne laissait derrière elle au Maroc qu’une montagne de cendres, des nuages de rumeurs et une poignée d’agents consulaires américains en proie à une profonde perplexité.Un double complot de la CIA ?Les rumeurs sur l’épopée funeste au Maroc de l’Eglise de Scientologie alimenteront beaucoup l’univers interlope de la secte. De nombreux enquêteurs ont tenté durant des décennies d’en reconstituer le fil des évènements. On retrouvera ainsi la trace d’un appartement mis à la disposition de la mystérieuse Badiaâ par «des gradés Marocains» à Rabat pour y installer leur matériel servant aux interrogatoires ainsi qu’une maisonnette à Témara où Oufkir, dit-on, aurait fait un ultime saut au matin du 16 août 1972, quelques heures à peine avant l’attaque des F-5 contre l’avion de Hassan II.Auparavant, entre le 5 et le 10 Août, Oufkir se déplaça à Tétouan «pour voir sa famille à Cabo Negro», mais aussi pour «rendre visite à des membres d’équipage de l’Apollo au nord du Maroc», supposera un blogger féru de Scientologie. La mort du Colonel Allam durant la Guerre du Kippour, proche de Dlimi en raison de leur origine commune (Sidi Kacem), alimentera aussi toutes les conjectures. Elena Lorrel avancera «qu’il a été victime de sa proximité avec les scientologues»…Le plus saisissant sera la déclassification en 1996 d’un document de la CIA faisant état d’un contrat établi par l’agence en octobre 1972 en faveur de trois scientologues (Ingo Swann, Hal Puthoff et Pat Price) pour conduire des recherches sur «la perception à distance». La lutte acharnée contre l’URSS durant la guerre froide avait poussé l’administration Nixon à explorer toutes les voies possibles qu’offraient les «néo- sciences» y compris les plus fantaisistes.D’aucuns prétendront que cela n’était qu’une couverture à des agents qui avaient eu, comme double mission, durant 1971 et 1972, d’entretenir des contacts secrets avec les putschistes marocains à partir de la «Sea Org» en relâche à Tanger et d’organiser enfin la neutralisation du gourou Hubbard, après son évacuation expéditive du Maroc vers New York où il passa près d’une année au secret. L’entourage de Hubbard aurait été infiltré par des agents de la CIA pour suivre et peut-être jouer un rôle effectif dans les coups d’Etat.C’est en tout cas la thèse véhiculée par certains connaisseurs de l’histoire brumeuse de la Scientologie qui auraient identifié nombre d’agents de la CIA à bord des vaisseaux de Hubbard. Parmi eux, on compterait son assistant Ken Urquhart, son garde du corps et ancien béret vert Paul Preston ou son accompagnateur Jim Dincalci. Tous auraient eu au Maroc des relations répétées avec des militaires et des agents de renseignement marocains. Ils auraient même assuré le transfert de près de deux millions de dollars d’une banque suisse vers le Maroc pour aider les révolutionnaires.Après leur échec, l’argent aurait été réexpédié à la hâte aux Etats-Unis en liquide et, en partie, en coupures de dirhams marocains! Un mémorandum daté du 13 juillet 2003 adressé à la Maison-Blanche par une obscure organisation réputée proche de l’Eglise de Scientologie reprend cette assertion accusant la CIA d’avoir appuyé Oufkir dans son putsch et manipulé Hubbard.Les commissions d’enquête (Rockfeller et Church) du Congrès US sur le rôle de la CIA dans les renversements de nombreux régimes dans les années 70 n’ont pas pu statuer sur ce qui se serait passé au Maroc. Le 16 janvier 1975, le président Gerald Ford l’aurait pourtant évoqué sous le sceau de la confidence lors d’un déjeuner offert à la Maison-Blanche en l’honneur d’Arthur Ochs Sulzberger, le puissant patron du New York Times, qui lui a reproché la crédibilité des commissions d’enquête jugées trop proches des militaires du Pentagone et de la CIA elle-même.Ford lui répondit que la révélation du rôle de la CIA dans certaines affaires sensibles était impensable. «Quelles sortes d’affaires?» le questionna Sulzberger. «Des tentatives d’assassinats d’alliés devenus encombrants!», lui répliqua Ford avant de se ressaisir en ajoutant «C’est off, bien entendu!». Selon un convive attablé avec Ford et Sulzberger, le Président faisait probablement allusion au cas marocain…Ali AmarVox Maroc, 24/12/2010 -
Minurso : Les Américains veulent élargir ses missions
L’organisation américaine des droits de l’homme Robert F. Kennedy Center for Justice and Human Rights et la fondation Open Society Foundation ont appelé le Conseil de sécurité de l’Onu à introduire un mécanisme de surveillance des droits de l’homme au sein de la Minurso (Mission des NU pour le référendum au Sahara Occidental, ancienne colonie espagnole envahie par le Maroc en 1975, ndds). Les deux organisations de défense des droits de l’Homme ont, dans une lettre adressée à Susan Rice, la présidente en exercice du Conseil de sécurité, et à Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat, appelé au soutien de la mise en place d’un mécanisme pour surveiller et établir des rapports sur les droits de l’homme dans les territoires sahraouis, lors de la réunion du Conseil de sécurité en avril prochain. Elles ont aussi mis l’accent sur la nécessité «de protéger la stabilité et les droits des Sahraouis» et regretté l’absence de mise en œuvre de mesures supplémentaires pour faire face à la montée de la violence et de l’instabilité.«Nous vous demandons instamment de reconsidérer cette décision et d’appeler les Nations unies à conduire une enquête sur les récents incidents au Sahara occidental», ont-elles noté, soutenant que les incidents auraient pu être minimes si le mandat de la Minurso avait été élargi aux questions relatives aux droits de l’homme. Les deux organisations qui réclament une enquête internationale pour clarifier les choses et demander des comptes pour les violations commises, notent que le récent conflit et l’absence d’informations fiables mettent en évidence l’urgence d’un système de surveillance des droits de l’homme à inclure dans le mandat de la Minurso. Pour ce faire, ont-elles précisé, «le leadership du Conseil de sécurité est indispensable pour assurer le respect du peuple sahraoui.En outre, les deux ONG qui ont rappelé que lors de sa création en 1991 la Minurso avait pour objectif la surveillance du cessez-le-feu et l’organisation d’un référendum d’autodétermination, constatent que près de deux décennies plus tard, le référendum n’a pas eu lieu et dans l’intervalle, le peuple sahraoui souffre de graves violations de ses droits individuels et collectifs.Horizons, 21/12/2010 -
Les dessous de l’affaire Talsint
Mohamed VI, dans son rêve de puissance énergétique nd le royaume se rêvait en pétromonarchie ou l’histoire de l’énorme coup de bluff d’aventuriers texans qui ont berné les apprentis businessmen du Palais.Des années se sont écoulées depuis que Mohammed VI a annoncé dans un discours radiotélévisé mémorable que le sous-sol de Talsint recelait du pétrole «en quantité abondante». Le rêve de Talsint s’est depuis longtemps évaporé des consciences et la bourgade qui était devenue synonyme d’Eldorado prometteur pour beaucoup de Marocains a vite, très vite, replongé dans l’anonymat et la misère de cette lointaine province de l’Oriental que les gouvernants de Rabat, depuis Lyautey, ont toujours appelé le «Maroc inutile». Du lieu de forage, là où ont roulé les rutilantes limousines gouvernementales sous le soleil de plomb de ce 23 août 2000, jour de l’inauguration en grande pompe du premier derrick du puits Sidi Belkacem-1, il ne subsiste qu’un amas difforme de ferraille rongé par la rouille, dernier vestige du plus grand mirage qu’a connu le Maroc depuis son indépendance.De la rocaille jaillit le rêveLe rêve de voir le Maroc se transformer en monarchie pétrolière s’est rapidement évanoui. Que s’est-il réellement passé? A-t-on réellement touché une nappe de pétrole que l’on ne peut exploiter pour des raisons aussi obscures qu’improbables? Etait-ce tout simplement un coup de bluff de quelques aventuriers texans qui ont berné une poignée d’apprentis businessmen qui gravitent autour du Pouvoir? L’histoire pathétique du pétrole de Talsint ressemble en réalité davantage à un mauvais polar politico-financier aux acteurs interlopes, une histoire qui a pu se tramer dans le contexte particulier de l’accession sur le trône alaouite d’un jeune monarque porteur de tous les espoirs d’un peuple après près de quarante ans de règne absolu de Hassan II.Eté 1999, alors que le Maroc est sous le choc de la disparition de Hassan II, le gouvernement d’alternance mené par le socialiste Youssoufi peaufine un nouveau code des hydrocarbures. Le texte de loi est révolutionnaire puisque censé, grâce à des abattements fiscaux et des mesures incitatives alléchantes, attirer les grands majors du pétrole qui, jusque-là, ont boudé le royaume chérifien, toute prospection y étant découragée par des royalties élevées à verser à l’Etat et des impôts stratosphériques à débourser sur chaque baril extrait de son sous-sol. Les détails de la loi, qui n’est pourtant pas encore passée par les fourches caudines du Parlement, sont jalousement gardés au secret dans les crédences du ministère de l’Energie. Mais sous les lambris du Pouvoir, quelques initiés, qui ont flairé le jackpot, se chuchotent déjà le contenu et décident de prendre les devants. Ces affairistes, habitués des arcanes du Palais, iront à la pêche d’un JR en Amérique pour se lancer les premiers dans ce nouveau business prometteur. De l’autre côté de l’Atlantique, les aventuriers de la prospection pétrolière pullulent. Ils savent peu ou prou que le Maroc, oublié des radars depuis la fin du Protectorat français pourrait, compte tenu de sa géologie, regorger de pétrole à condition de piocher là ou il faut et dans la mesure du possible à moindre coût. Depuis la fin des années quatre-vingt, l’un d’eux, Michael H.Gustin, la cinquantaine entamée, qui a grandi au milieu des pompes à bascule du Texas un peu comme le James Dean de «Géant», lorgne sur le Maroc. Il dirige une petite firme du nom de Skidmore Energy qui joue à la roulette en sondant les profondeurs du Golfe du Mexique avec un succès mitigé. Il est approché par Abdou Saoud, consul honoraire du Maroc en Californie et tête de pont des affairistes arabes à Los Angeles. Saoud lui fait miroiter les beaux atours du nouveau code des hydrocarbures et le met en contact avec Othman Skiredj, fils du général de l’armée de l’air marocaine et ancien aide de camp de Hassan II. Le jeune Skiredj, un des rares Marocains à avoir étudié au prestigieux Massachussets Institute of Technology de Boston (MIT) est actionnaire de Medi Holding, un petit véhicule d’investissement touche à tout, de la bourse à la téléphonie mobile. Son atout, en plus d’être aguerri à l’environnement anglo-saxon est d’être associé à deux trentenaires bien nés: Mohamed Benslimane, l’époux de la sœur du prince Moulay Hicham et surtout Moulay Abdallah Alaoui, géologue de formation et cousin germain de Mohammed VI. Les entrées dans les méandres de l’Administration marocaine des promoteurs de Medi Holding et leur proximité avec celui qui prendra bientôt les rennes du royaume n’échapperont pas au cow-boy Gustin…Des Marocains aux petits soins…Le sudiste Gustin n’a pas été choisi au hasard par le missi dominici Abdou Saoud. S’il connaît en effet toutes les ficelles du métier, étant lui-même issu d’une famille de pétroliers, ce baroudeur n’est pas le seul partenaire convoité par les Marocains. Sa société, il la doit à John Paul DeJoria, un habile homme d’affaires qui figure régulièrement en bonne place dans les classements des toutes premières fortunes des Etats-Unis. La soixantaine athlétique, le «shampooineur de Beverly Hills», comme le décrivent les gazettes people de Californie, est un richissime self-made man, patron de John Paul Mitchell Systems, une multinationale de produits de soins capillaires au chiffre d’affaires qui frise le milliard de dollars et aussi célèbre outre Atlantique que L’Oréal. DeJoria possède un florilège d’entreprises dont Skidmore Energy, fondée avec Gustin en 1995. Skidmore est ce que l’on appelle dans le jargon des pétroliers, une société de «wild catting», une sorte de «découvreur de gisements» à revendre aux majors comme Shell, Chevron ou Total, seules capables d’investir sur le long terme. Le business est risqué, les fonds étant souvent investis en pure perte. Gustin, qui peine à faire fortune convainc DeJoria que le Maroc est la dernière frontière à explorer. Ses arguments semblent solides: le sous-sol du pays n’a pas été suffisamment sondé, il a trouvé des partenaires diligents et bien introduits et qui, fait unique, proposent même d’avantager l’entreprise en la faisant bénéficier des avantages du code des hydrocarbures avant même sa promulgation officielle !Le 9 mars 2000, fort de ses entrées dans les méandres de la bureaucratie marocaine, Medi Holding paraphe avec les Américains de Skidmore un «mémorandum» qui définit la liste des avantages que les «lobbyistes» marocains se déclarent capables d’obtenir en un temps record. Les promoteurs de la société Lone Star Energy ,qui n’existe que depuis à peine huit mois, de s’assurer des exonérations fiscales et un régime des changes taillé sur mesure à faire pâlir les plus grandes multinationales installées au Maroc depuis des lustres. En contrepartie, le prince Moulay Abdallah Alaoui requiert à John Paul DeJoria et Michael H.Gustin 12% du capital de Lone Star dans des termes inimaginables pour le commun des investisseurs. Le code des hydrocarbures, pourtant encore en gestation, leur est en grande partie appliqué bien avant que les élus de la nation n’aient pris la peine de l’étudier. Il ne sera d’ailleurs adopté par le Parlement qu’en février 2000. Entre temps, les portes des ministères sont grandes ouvertes pour Lone Star, dont les réalisations sont pourtant encore méconnues. Mohammed Benslimane obtient rendez-vous sur rendez-vous à la Direction des investissements extérieurs, à l’Office des Changes et au ministère de l’Economie et des Finances. Toutes ses promesses faites à ses associés américains sont tenues. L’effort de conviction y est, l’argumentaire se tient, mais la facilité est pour le moins que l’on puisse dire inouie. Quelques jours avant la promulgation du code des hydrocarbures, Medi Holding ficèle avec l’Etat marocain une convention d’investissement. Sa trame est classique, mais elle justifie à Medi Holding son strapontin dans le tour de table de Lone Star Energy.Avions renifleursGustin joue le tout pour le tout. Il cède quelques menues affaires au Texas, sans rentabilité avérée, et se lance à corps perdu dans l’aventure marocaine. Avec le trio Alaoui, Benslimane et Skiredj, il fonde Lone Star Energy tout juste trois jours avant le décès de Hassan II. Une étoile est née, elle sera dotée d’un capital minimaliste d’un petit million de dirhams. Au final, Skidmore en détiendra 88% et Medi Holding 12% après moult largesses que les Marocains apporteront en gage: ils permettent entre autres l’accès aux données géologiques du pays. Dès le 9 décembre 1999, Gustin écrit à DeJoria: «Les plus hautes autorités du pays nous soutiennent (…), nous avons la certitude d’avoir trouvé quelque chose». Comment ont-ils pu trouver du pétrole avec une rapidité aussi déconcertante? Des géologues chevronnés font déjà la moue mais Gustin explique sans siller à coups de déclarations à la presse que sa société est dépositaire pour le Maroc d’une technologie révolutionnaire sensée réduire considérablement la marge de risque dans le choix des sites de forage, une technologie concédée par GeoScience, une obscure firme basée aussi au Texas et dont on saura plus tard qu’il en est aussi… actionnaire. Pour faire simple, ce procédé baptisé SRM utilise un rayonnement électromagnétique émis par des avions de reconnaissance qui permettrait d’identifier des bassins sédimentaires potentiellement exploitables. Ces données, croisées avec des études plus classiques (des cartes de l’ONAREP en l’occurrence) auraient ainsi permis de se focaliser sur Talsint…Octobre 1999, Medi Holding présente au souverain à Marrakech le fruit des trouvailles collectées par les «avions renifleurs» de Gustin. En juillet, les choses s’emballent, une seconde audience est même accordée par Mohammed VI dans son palais de Tanger, mais la petite Lone Star au capital ridicule ne fait plus le poids. La manne aiguise désormais d’autres appétits…Armadillo, le trouble-fêteLe 20 août 2000, soit un mois après le meeting de Tanger, Mohammed VI annonce lors de son discours marquant l’anniversaire de la «Révolution du roi et du peuple» la découverte de gisements pétrolifères importants. Le peuple médusé ne parlera que de cela pendant des semaines. Le 23, le roi et un aréopage d’officiels se déplacent en grande pompe à Talsint pour inaugurer officiellement le forage confié à Crosco, une société croate experte dans le «drilling» qui creuse les entrailles du désert marocain depuis la mi-mai. Le périmètre est quadrillé par l’armée qui a été mise à contribution pour déblayer la rocaille brûlante et ouvrir une piste sinueuse de 30 km qui mène au puits SBK-1 (Sidi Belkacem). Des tonnes de matériel et d’engins ont été acheminés du port de Nador par des convois surréalistes à travers le paysage lunaire de la province de Figuig sous la surveillance tatillonne de la Gendarmerie royale. C’est l’euphorie, les médias rivaliseront de superlatifs. Devant une forêt de micros, Youssef Tahiri, le ministre de l’Energie exposera des chiffres à donner le tournis aux plus sceptiques: pour le seul gisement de Sidi Belkacem, les réserves d’hydrocarbures sont estimées à 100 millions de barils, plus d’une quinzaine de puits sont envisagés portant l’estimation à 2 milliards de barils, de quoi satisfaire 30 ans de consommation intérieure du Maroc! Cinq permis d’exploitation sont concédés à Lone Star sur 37 000 km², avec à la clé des réserves estimées à 12 milliards de barils… Mais derrière ces annonces tonitruantes, des dissensions entre Américains et Marocains autour du contrôle de Lone Star préfigurent déjà d’une crise à venir. Financièrement à bout de souffle, Lone Star, fortement sous-capitalisée, n’arrive plus à tenir ses engagements envers les Croates de Crosco qui menacent de remballer leurs trépans et quitter le pays. La Gendarmerie calmera leurs ardeurs, le roi suivant de près le projet. Le jour même de la visite royale à Talsint, un fonds d’investissements du nom d’Armadillo entre dans la danse. Selon Gustin et DeJoria, l’arrivée de cet «investisseur» avait été effectivement convenue lors de la fameuse réunion de Tanger, mais ils ne savaient pas que les Marocains avaient fait appel en coulisses au groupe saoudien Dallah Al Baraka.Un cheikh à la rescousseArmadillo. Nom évocateur de sociétés-écran qui pullulent dans les paradis fiscaux des Etats confettis aux législations ultra-libérales, pour ne pas dire laxistes. La plupart des grands groupes transnationaux brouillent les pistes de leurs innombrables participations à travers des fonds dont les récipiendaires échappent ainsi à la fiscalité de leurs pays de résidence. Dallah Al Baraka, hydre de la finance estampillée «halal», n’est pas en reste dans ce domaine. Quand ce gigantesque groupe saoudien, un temps soupçonné par les Etats-Unis d’abriter des fonds d’Al Qaïda, vole au secours de Lone Star, (par l’entregent du Prince Bandar Ben Sultan prétendront les Américains), il utilisera un fonds, créé pour la circonstance au Liechtenstein. Ce fond dénommé Armadillo, déboursera pour renflouer Lone Star, 13,5 millions de dollars, sensés assurer un cash-flow nécessaire à l’entreprise sur la base d’un business-plan concocté par les financiers de Skidmore. Le principal bailleur d’Armadillo n’est autre que Cheikh Kamel Saleh, richissime patron de Dallah Al Baraka, à l’époque bien en cour au Maroc (le cheikh devait investir dans le tourisme balnéaire à Taghazout). Mais il ne serait pas seul à avoir accepté de mettre ses billes dans l’aventure pétrolière marocaine. D’autres investisseurs, dont l’identité demeurera impossible à percer, complèteraint le tour de table. Gustin et DeJoria sont persuadés que des intérêts marocains y sont représentés. Pour eux, il n’y a pas de doute, ces intérêts, ne peuvent être que ceux évoqués par le roi lui-même lors de leur rencontre. Ils en veulent aussi pour preuve, l’intervention du Cabinet royal dans la diligence d’Armadillo à verser les fonds requis pour contrôler in fine 44% du capital de Lone Star. Côté Medi Holding, les allégations des Américains ne sont que pures affabulations, Armadillo, comme la plupart des fonds d’investissement en portefeuille, n’a pas d’obligation spécifique de révéler la composition de ses possédants. Reste cependant que les substantiels avantages obtenus par Medi Holding à Lone Star profitent désormais à des investisseurs qui préfèrent la discrétion et qui ont, après augmentation de capital, dilué Skidmore à moins de 1% du capital, avec la bénédiction de l’auditeur KPMG, chargé de mettre de l’ordre dans ce nouveau montage financier. En octobre 2001, Armadillo changera de dénomination pour devenir Mideast Fund For Morocco (MFM).Les texans évincésLe différend qui oppose les Américains de Skidmore aux Saoudiens de Dallah Al Baraka et aux Marocains de Medi Holding est essentiellement d’ordre financier. En août 2000, quand l’accord est conclu avec le fonds d’investissement Armadillo, contrôlé par Dallah Al Baraka à travers sa filiale Samaha Holdings, les nouveaux entrants saoudiens commandent au cabinet KPMG, basé à Rabat, un audit sur les dépenses engagées jusqu’ici par la société. KPMG rend sa copie en janvier 2001. Pour Medi Holding, le cabinet KPMG soulignera des réserves sur les montants prétendument investis par Skidmore pour ses travaux de prospection avec la fameuse technologie SRM. Les factures pour ces travaux atteindraient la somme faramineuse de 17 millions de dollars que Skidmore déclare avoir payée directement à GeoScience. Dallah Al Baraka et Medi Holding contestent cette dépense. Skidmore, pour sa part, insiste pour l’intégrer dans son compte courant. Le différend est de taille. Pourtant, le 23 mars 2001, Richard Menkin le financier de Dallah Al Baraka, adressera un courrier troublant à Robert Thomas, le comptable de Skidmore. Il y écrit en substance qu’au moment où ils avaient demandé des précisions sur cet «investissement» , ils n’avaient pas pris connaissance du rapport de KPMG. Il y reconnaît aussi que les paiements engagés directement par Skidmore à GeoScience n’ont pas lieu d’être contestés. Menkin ajoute aussi qu’il comprend l’irritation de Skidmore à qui on demande des justificatifs sur des documents… “déjà audités”. De l’aveu de Menkin, les justificatifs des transferts à GeoScience sont demandés par les actionnaires de Dallah Al Baraka qui sont sollicités pour faire de nouveaux versements à Lone Star. Enfin, le financier de Dallah Al Baraka ajoute que, si les traces des paiements faits à GeoScience par Skidmore sont “lourdes” à produire, il pourrait se suffire de l’audit de KPMG comme document de confirmation.Volte-face ou formalisme rigoureux? Dallah Al Baraka et Medi Holding refuseront de prendre en considération les factures de GeoScience. Pour MediHolding, ces dépenses auraient dû se faire via Lone Star. Mohammed Benslimane sera formel à ce sujet. A son sens, Skidmore devrait au moins produire des preuves tangibles de ces paiements. Il ajoutera que KPMG n’a jamais entériné les factures de GeoScience. Qui dit vrai? Difficile à clarifier cet imbroglio, Azeddine Benmoussa, le patron de KPMG-Rabat s’étant toujours refusé à tout commentaire à ce sujet, par devoir de «réserve professionnelle», dira-t-il. KPMG enverra (des mois après la production de son audit) une lettre à Skidmore dans laquelle il précise que les dépenses en question ne seront pas certifiées tant que les preuves de leur paiement n’auront pas été produites. L’avocat de Skidmore, Gary Sullivan, prétendra que les factures de GeoScience ont été directement honorées par Skidmore, pour une raison qu’il juge évidente, Skidmore détient l’exclusivité de la technologie SRM au Maroc. Un peu court quand on sait qu’il ne les mettra jamais à la disposition des autres actionnaires. Résultat, n’ayant pas pu faire entériner ces dépenses, Skidmore a été de facto, fortement dilué dans le capital de Lone Star, suite à l’augmentation de capital réalisée en août 2001 par Dallah Al Baraka via Armadillo. C’est désormais un long bras de fer qui s’engage entre les actionnaires. Skidmore estime avoir été lésé dans l’opération. Les multiples négociations entre les parties méneront à l’impasse, chacun campant sur ses positions. Les Saoudiens de Dallah Al Baraka et les Marocains de Medi Holding s’en tiendront au formalisme des usages comptables. De leur côté les Américains contesteront avec véhémence la bonne fois de KPMG. «C’est un mini Enron marocain», commentera leur avocat, «KPMG a reconnu la créance avant de se retourner contre nous», affirmera-t-il. La guerre est déclarée et le divorce presque consommé.Silence radio au MakhzenGustin et DeJoria remueront ciel et terre pour faire entendre leur voix. Ils proposent aux Marocains de reprendre les parts de Dallah Al Baraka. Ils approchent de grandes compagnies comme Conoco ou l’espagnol Repsol, prennent langue avec la BMCE et la CDG. Sans succès. Ils tenteront en vain lors de réunion tenues à Paris et Londres notamment, de trouver une cote mal taillée avec le trio Skiredj, Benslimane et Alaoui. Deux ans durant (de 2000 à 2002), ils n’auront de cesse d’écrire à tout ce que le Maroc compte d’officiels. A André Azoulay, conseiller du roi pour les affaires économiques, Gustin écrira en août puis en octobre 2001, pour «l’implorer d’avertir Sa Majesté». Interrogé en 2002 par «Le Journal», Azoulay aura cette réplique sibylline: «J’ai effectivement reçu des lettres émanant de Skidmore, comme je reçois chaque jour des centaines de missives. Non, je n’en ai pas fait part au roi… Vous savez, tous les jours nous recevons des demandes d’audience royale». A Abdallah El Maâroufi, ambassadeur du royaume à Washington, DeJoria parlera de «désastre», relevant au passage que le «deal» conclu avec les plus hautes autorités de l’Etat insistait sur le fait que le «pétrole devait rester entre les mains des Marocains». Edward Gabriel, l’ambassadeur américain en poste à Rabat sera aussi sollicité pour intervenir auprès du Palais. Rien n’y fera, pas même l’entregent de l’ancien secrétaire d’Etat à la défense, William Cohen, un intime de DeJoria et «ami» de longue date du Maroc. A l’occasion des visites royales aux Etats-Unis, d’autres missives seront expédiées à Colin Powell et même à George W.Bush. Sans résultat, sauf cette enquête diligentée par la CIA et qui est tenue à ce jour «secret défense». Il est loin le temps où Gustin et son épouse Cynthia posaient tout sourire devant le crépitement des flashs au dîner de gala offert par Bill Clinton à Mohammed VI à la Maison Blanche. A l’époque, le texan faisait encore partie de la très select liste des invités de marque du royaume aux grandes cérémonies officielles…Skidmore déboutéOctobre 2003, les promoteurs de Skidmore décident alors de passer à l’offensive. Ils déposent une plainte devant la juridiction de Dallas au Texas contre à peu près tous les intervenants de cette affaire pour «fraude, blanchiment d’argent, crime organisé et financement probable d’activités terroristes»! Skiredj, Saoud, Alaoui et Benslimane y sont désignés comme «agissant au nom du roi Mohammed VI», et la contribution des 13, 5 millions de dollars faite par Sheikh Kamal à Lone Star «un cadeau politique». La cour fédérale du Texas refusera de prendre en considération l’accusation «faute de preuves tangibles». L’affaire sera portée en appel. Le 27 juillet 2006, le justice américaine rendra son verdict : l’acte d’accusation et le montant de 3 milliards de dollars demandés par les plaignants pour dommages et intérêts sont jugés «sans fondement». Skidmore sera débouté, et pire, financièrement sanctionné. La société devra prendre en charge tous les frais de justice occasionnés pour avoir initié une procédure judiciaire sur la base «d’allégations frivoles». Ils se montent à plus d’un demi million de dollars. Depuis cette date, Skidmore a été mise en veilleuse, son site internet fermé et ses lignes téléphoniques coupées. John Paul DeJoria continue d’être la coqueluche des médias depuis qu’il a racheté l’immense demeure du styliste Gianni Versace sur Ocean Drive à Miami et Michael Gustin a finalement révisé ses ambitions à la baisse en acceptant un emploi de consultant chez Mine Development Associates, une petite firme de géologues basée à Reno aux confins du Nevada.Depuis, le Maroc a revu ses ambitions à la baisse et mise plutôt sur ses gisements de schistes bitumineux pour réduire à moyen terme ses importations de fioul. Une forte délégation de l’Office National Des Hydrocarbures et Des Mines (ONHYM) s’est discrètement invitée le 11 décembre 2010 à Pittsburgh à la conférence donnée par le Pr Kent Moors de la Duquesne University et directeur de l’Energy Policy Research Group. Objectif: s’enquérir de la Global Shale Gas Initiative (GSGI), un projet initié en avril dernier par le Département d’Etat américain pour encourager l’exploitation de schistes bitumineux dans le monde et exporter le savoir-faire des Etats-Unis en la matière (hydrofracking et forage horizontal). Des contacts qui arrivent à point nommé: L’ONHYM va autoriser de multiples forages à partir de la seconde moitié de 2011 pour tester le potentiel du sous-sol marocain en shale-gas. Haddou Jabour, directeur de la promotion et des partenariats à l’ONHYM, estime que les études de prospection entamées avec les sociétés étrangères partenaires depuis juin dernier sont « très encourageantes ». Deux gisements sont particulièrement ciblés: Celui de Tarfaya (22 millions de barils) concédé à la firme San Leon Energy, propriété de l’homme d’affaires irlandais Oisin Fanning et celui de Timahdit (15 millions de barils) de la major brésilienne Petrobras. En mai dernier, le Maroc avait signé avec le géant public estonien Eesti Energia (Enefit), n°1 mondial de l’exploitation des schistes bitumineux, un protocole d’accord visant à produire de l’électricité à partir du shale-gas.Ali AmarVox Maroc, 24/12/2010 -
Ould Salek, le ministre sahraoui des AE au Forum d’El Moudjahid : «Les Nations unies doivent intervenir»
Le refus du Maroc à se conformer à la légalité internationale pousse les Sahraouis à reprendre les armes. Surtout après l’attaque du camp de la Liberté qui a fait des dizaines de victimes et des centaines de disparus.Devant une telle situation, les Nations unies sous les auspices desquels les deux parties négocient doivent faire appliquer les accords de 1991 avant qu’il ne soit trop tard. C’est la quintessence de la conférence de presse qu’a animée Mohamed Salem Ould Salek, le ministre des Affaires étrangères de la République arabe sahraouie démocratique au siège d’El Moudjahid.
De prime abord, le ministre a pointé du doigt la France et l’Espagne qui sont à l’origine du blocage du processus de paix dans la région. «Ces deux pays soutiennent la politique marocaine», dit-il estimant que les vrais «amis» du Maroc, de la région et de la paix doivent songer après les derniers développements dans les territoires occupés qui ont démontré l’attachement viscéral des Sahraouis à l’autodétermination à «conseiller le roi marocain d’honorer les engagements de son père».
Comme pour souligner l’absence de volonté du côté marocain pour trouver une issue au conflit, il a indiqué que le 4e round des négociations informelles s’est achevé sans aucune avancée notable, pouvant ouvrir la voie à une solution politique qui permettra aux Sahraouis de disposer d’eux-mêmes. Le ministre a expliqué leur échec par les multiples obstacles dressés par Rabat, en conditionnant tout progrès dans les pourparlers par l’acceptation à l’avance de sa souveraineté sur les territoires occupés et ce, contrairement aux déclarations du Conseil de sécurité appelant les parties impliquées à engager des pourparlers sans condition préalable. Le Front Polisario a réaffirmé son accord sur les trois choix qu’offre l’autodétermination, à savoir l’indépendance, l’intégration ou l’autonomie.
L’intransigeance du gouvernement marocain et la complicité des Français et des Espagnols, qui ont préféré soutenir l’expansionnisme marocain, ont anéanti les efforts tendant à surmonter les embûches. Le revirement opéré par Mohamed VI depuis 2003 pour dévier le processus de décolonisation des territoires occupés de son cours normal à travers les tentatives d’enterrement du référendum d’autodétermination, a-t-il expliqué, a plongé toute la région dans l’incertitude et l’instabilité. Le ministre qui a rappelé que des Organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme ont confirmé que l’armée marocaine a utilisé des balles réelles, torturé les détenus et transformé les hôpitaux en centres de détention et de torture, a affirmé qu’un état de siège est observé dans les territoires occupés interdits aux observateurs et à la presse étrangère. L’occupant marocain qui reconnaît l’emprisonnement de plus de 150 Sahraouis tente d’accréditer sa version des faits en refusant une enquête indépendante.
Par ailleurs, le ministre sahraoui a démenti les informations sur la présence d’éléments du Polisario parmi des trafiquants de drogue arrêtés début du mois en cours et durant le week-end dans le nord du Mali et en Mauritanie. « Le Front Polisario qui n’a aucun lien ni de près ni de loin avec le terrorisme ou le crime organisé dément catégoriquement ce genre de pratique immorale», a-t-il insisté, condamnant ceux qui tentent d’associer par tous les moyens la lutte sahraouie à la drogue et au terrorisme. M. Salek a rappelé que depuis trois ans, les services de sécurité marocains ont créé des institutions fictives en France, Belgique et aux Etats-Unis pour associer la cause des Sahraouis au terrorisme. Pour étayer ses propos, il a cité la fameuse affaire d’un certain Omar, un Malien qui avait été jugé dans et par son pays pour kidnapping d’Espagnols. Même après s’être avéré Malien, «le Maroc parle toujours de lui comme étant Sahraoui», a-t-il dit. Comme quoi tout ce qui est mauvais est Sahraoui.Horizons, 21/12/2010 -
Sahara occidental: l’échec des négociations est à mettre sur le compte du Conseil de sécurité et du Maroc
ALGER – L’entière responsabilité de l’échec des rounds de négociations entre les deux parties sahraouie et marocaine est à mettre sur le compte du Conseil de sécurité et les Nations unies, d’une part et de l’intransigeance du Maroc (qui occupe illégalement le Sahara Occidental depuis 35 ans, ndds), d’autre part, a souligné, jeudi à Alger, l’ambassadeur de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) à Alger, Brahim Ghali. Intervenant lors d’une conférence de presse organisée au siège du Comité national algérien de solidarité avec le peuple sahraoui (CNASPS) par une délégation de juristes sahraouis revenus d’Afrique du Sud, l’ambassadeur sahraoui a fait savoir que les négociations entre les délégations sahraouie et marocaine « tournent toujours en rond ».
Pour M. Ghali, l’échec de ces négociations est dû à « l’intransigeance du Maroc qui fait fi, dans l’impunité, de la légalité internationale », à cela s’ajoute « le non respect par le Conseil de sécurité et les Nations unies de leurs responsabilités à l’égard de cette partie obstinée qui se doit de se conformer à la légalité internationale ».L’ambassadeur sahraoui a appelé les Nations unies « à faire pression sur la partie marocaine qui entrave toute progression des négociations afin de l’amener à se conformer à la légalité internationale et à coopérer avec la partie sahraouie ». Dans ce contexte, M. Ghali a précisé que 160 Sahraouis étaient détenus dans les prisons marocaines depuis le 8 novembre, date de l’attaque marocaine contre le camp de Gdeim Izik, près d’El-Ayoun occupée. Ces détenus n’ont pas été présentés devant la justice et croupissent dans les prisons marocaines dans des conditions précaires, a ajouté M. Ghali, rappelant qu’une campagne internationale était menée afin de faire la lumière sur ces détenus et d’appeler à leur libération.De son coté, le vice-président du CNASPS, Sadek Bouguettaya, a indiqué que l’Algérie « ne cessera d’apporter son soutien au peuple sahraoui et ne fait pas cas des pressions, pour l’indépendance de ce peuple ». Le secrétaire général de l’Organisation nationale des enfants de chouhada (ONEC), Tayeb Houari, a encouragé le peuple sahraoui à poursuivre son combat et à ne pas céder aux pratiques de l’occupant marocain. Pour sa part, Essahel Lamine, militant sahraoui et membre de la délégation sahraouie participant aux festivités du 17e festival de la jeunesse à Pretoria (Afrique du Sud) a salué les efforts consentis par l’Algérie pour le soutien à la cause sahraouie et les facilités accordées au peuple sahraoui dans sa lutte pour la liberté et l’indépendance.APS, 24/12/2010 -
Sahara Occidental : Un jeune de 26 ans tué à El Aaiun
Said Ould Sidahmed, 26 ans, connu par le nom de Dambar, employé à la maison communale d’El Aaiun, discutait avec un policier de la question du Sahara Occidental. Le policier sort son pistolet et lui incruste une balle entre les yeux, à bout portant. Said tombe par terre. Il a été transporté à l’hôpital Moulay Ben Mehdi, en vain. Il restera en état de mort cérébral jusqu’au lendemain. Son décès est inévitable à cause de la gravité de la blessure.Le défunt est la troisième victime mortelle reconnue par les mandataires marocains. Avant lui, les forces d’occupation avaient tiré aussi sur Najem El Gareh, un jeune d’à peine 14 ans qui amenait de la nourriture à sa famille qui avait campé à Gdeym Izik pour protester contre les conditions de vie d’une grande partie des sahraouis sur le sol de leur propre terre, alors que l’occupant et ses colons profitent des richesses halieutiques et minières sahraouies.
La deuxième victime reconnue par Rabat était Boujemaa Gargar, un citoyen espagnol écrasé par une voiture de la police devant les yeux de ses amis et en plein quartier résidentiel. La ville s’était embrassée à cause de l’agression marocaine contre le camp sahraoui.
Ni Najem ni Boujemaa avaient été enterrés légalement. Leurs familles n’ont pas eu l’occasion d’accompagner les leurs dans les dernières demeures. Le Makhzen a enterré ces citoyens dans le secret total. Fera-t-il de même avec Said? Très probable. La vie des sahraouis ne vaut rien au Maroc. Ce qui a de la valeur, c’est l’argent récolté et offert à la France, les USA, l’UE, etc. Ceux-ci ne bougeront pas un doigt pour condamner ce nouvel assassinat perpétré par les forces de répression marocaines contre un civil sahraoui innocent.